Sermon de Mgr Lefebvre – Profession des frères – 29 septembre 1987

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Voici arri­vée cette fête de saint Michel en laquelle nos chers confrères qui ont pas­sé cette année de novi­ciat en vue de deve­nir frères, vont pro­non­cer leurs vœux de religion.

La Fraternité s’en réjouit et elle rend grâces à Dieu et rend grâces à ceux qui vont pro­non­cer dans quelques ins­tants leur pro­fes­sion reli­gieuse, pour le sou­tien spi­ri­tuel et l’exemple de la vie reli­gieuse qu’ils apportent à la Fraternité. Il man­que­rait quelque chose d’essentiel à la Fraternité si nous n’avions pas nos chers frères.

Mes bien chers frères, nous aurions vou­lu que vous soyez dix fois plus nom­breux, mais nous espé­rons que la qua­li­té rem­place le nombre et que le Bon Dieu vous don­ne­ra des grâces par­ti­cu­lières pour être par­mi nous l’exemple de la vie reli­gieuse. Et vous l’avez déjà heu­reu­se­ment mani­fes­té au cours de cette année, vous avez édi­fié vos confrères les sémi­na­ristes par votre esprit de pié­té, par votre esprit de régu­la­ri­té, par votre esprit de ser­vice. Eh bien je sou­haite vive­ment que vous conti­nuiez d’une manière encore plus par­faite à être cet exemple après votre pro­fes­sion religieuse.

Soyez donc, avant tout, mes bien chers frères, des hommes de prière, mani­fes­tant ain­si votre amour du Bon Dieu, votre atta­che­ment à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Hommes de prière en accom­plis­sant les exer­cices de pié­té qui font par­tie de votre règle et aus­si par un esprit d’oraison, un esprit d’union à Dieu, un esprit de contem­pla­tion, que toute votre vie soit embau­mée en quelque sorte par cet esprit de prière, par ce désir de demeu­rer inti­me­ment, pro­fon­dé­ment, dans le plus pro­fond de vos âmes, unis à Dieu, unis à Notre Seigneur.

Sans la vie de prière, la vie reli­gieuse ne peut pas se comprendre.

Soyez aus­si des hommes de devoir. Si vous mani­fes­tez votre amour de Dieu par­ti­cu­liè­re­ment dans la prière, vous mani­fes­te­rez par­ti­cu­liè­re­ment votre amour du pro­chain, par votre esprit de devoir. Aimez à rem­plir votre devoir par­ti­cu­liè­re­ment sous le regard du Bon Dieu, selon les pres­crip­tions de vos supé­rieurs. Et c’est ain­si que vous accom­pli­rez votre amour du pro­chain, que vous le mani­fes­te­rez. C’est ain­si aus­si que vous accom­pli­rez votre tâche mis­sion­naire. Car nous devons tous être mis­sion­naires. Nous ne pou­vons pas être chré­tiens, ni catho­liques, sans être essen­tiel­le­ment missionnaires.

Et quelle que soit votre charge, quelle que soit votre fonc­tion, ou votre occu­pa­tion, le seul fait de rem­plir ponc­tuel­le­ment votre devoir sera déjà à la fois un exemple pour ceux qui vous entourent, pour ceux qui vous fré­quentent, mais aus­si, si ce devoir est accom­pli dans l’esprit de sacri­fice, dans l’esprit d’union à Notre Seigneur, il atti­re­ra des grâces sur la mai­son dans laquelle vous vous trou­ve­rez, sur votre pro­chain, et aus­si sur tous ceux qui viennent fré­quen­ter soit le prieu­ré, soit le sémi­naire, soit les mai­sons dans les­quelles vous vous trou­vez afin de les atti­rer au Bon Dieu, car c’est cela la cha­ri­té. La cha­ri­té fra­ter­nelle est avant tout pour atti­rer les âmes à Dieu. Soyez donc hommes de prière, hommes de devoir.

Et c’est pré­ci­sé­ment pour être des hommes de prière et pour être des hommes de devoir que vous allez pro­non­cer dans quelques ins­tants ces vœux de reli­gion, qui au pre­mier abord pour­raient sem­bler un peu néga­tifs : obéis­sance, pau­vre­té, chas­te­té. Pourquoi ?

Mais pré­ci­sé­ment pour vous unir à Dieu. Pour rece­voir d’une manière plus abon­dante, plus par­faite l’Esprit Saint, pour être rem­plis de cet esprit d’amour qui vous fera accom­plir vos prières, qui vous fera accom­plir votre devoir d’état dans cette cha­ri­té. Vous vou­lez par vos vœux vous éloi­gner de tous les obs­tacles à une vie d’amour, à une vie qui est rem­plie de l’Esprit Saint.

On pour­rait d’ailleurs sub­sti­tuer d’une cer­taine manière à ces vœux d’autres expressions.

Le vœu de pau­vre­té peut dans une cer­taine mesure, signi­fier aus­si la doci­li­té. La pau­vre­té qui est le renon­ce­ment en quelque sorte aux choses de ce monde, au juge­ment de ce monde, donne la sagesse, la sagesse dans votre esprit, la sagesse dans la pru­dence. Et dans votre esprit, cette doci­li­té à la véri­té, lais­sant vos esprits libres, pauvres de telle manière, déta­chés de toute idée per­son­nelle, de toute idée pré­con­çue, pour être rem­plis de la Vérité du Bon Dieu, pour être rem­plis de la foi que l’Église nous enseigne. C’est une manière d’être pauvre, pro­fon­dé­ment, inti­me­ment et de rece­voir ain­si la grâce du Bon Dieu par son ensei­gne­ment, par cette doci­li­té de l’esprit.

Redigere omnem intel­lec­tum ad obse­quium Christi, dit saint Paul : Il faut sou­mettre nos intel­li­gences au ser­vice de Notre Seigneur Jésus-​Christ et à l’obéissance à Notre Seigneur Jésus-Christ.

On pour­rait sub­sti­tuer d’une cer­taine manière, dans une cer­taine mesure aus­si la chas­te­té, au déta­che­ment. Détachement de tous les biens de ce monde, tous les biens que le monde estime, mais vous vou­lez vous éloi­gner de ce monde, pour vous atta­cher davan­tage à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Détachement de tout ce qui peut satis­faire les cœurs qui sont atta­chés aux choses de cette terre, aux choses ter­restres, à la chair qui com­bat tou­jours contre l’esprit. Alors vous, vous êtes atta­chés par ce vœu de chas­te­té aux œuvres de l’esprit, à Dieu, aux saints Anges, aux élus du ciel et à tout ce qui peut atti­rer nos âmes vers le Bon Dieu.

Et puis à l’obéissance se rat­ta­che­rait aus­si ce terme qui pour­rait éven­tuel­le­ment se sub­sti­tuer : la dis­po­ni­bi­li­té. Que vous soyez dis­po­nibles. C’est l’abandon, l’abandon de vos âmes dans les mains du Bon Dieu. C’est cela en défi­ni­tive l’obéissance de votre volon­té à tout ce qui plai­ra à Dieu, de vous envoyer, de vous dire, de vous pres­crire. Mettre vos âmes dans cette dis­po­ni­bi­li­té habi­tuelle qui fait que vous êtes tou­jours prêts à répondre oui à Dieu, à répondre votre fiat, comme la très Sainte Vierge Marie. Qu’il soit fait selon votre sainte Volonté, pour avoir ain­si vos âmes dans la paix, dans cette paix chré­tienne, dans cette paix reli­gieuse qui vous per­met­tra de vivre d’une manière beau­coup plus pro­fonde, beau­coup plus intime avec Notre Seigneur Jésus-Christ.

Car quel sera le sou­tien pour vous de cette vie spi­ri­tuelle, de cette vie des vœux de reli­gion, de cette vie de prière, de cette vie de devoir, d’accomplissement du devoir ? Ce sera Notre Seigneur JésusChrist Lui-​même, Nous ne pou­vons rien faire dans la vie spi­ri­tuelle sans Jésus-​Christ, – sans Notre Seigneur, rien de méri­toire, rien de bon pour le ciel, sans Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors que votre vie soit vrai­ment une vie chré­tienne, pro­fon­dé­ment chré­tienne, pro­fon­dé­ment atta­chée à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et où Le trouverez-​vous réel­le­ment au cours de vos jour­nées, Notre Seigneur ? Vous Le trou­ve­rez par­ti­cu­liè­re­ment dans le Sacrifice eucha­ris­tique, dans cette Sainte Messe quo­ti­dienne. Dans cette union au Sacrifice de Notre Seigneur sur la Croix. Dans cette union, deux grandes réa­li­tés du Sacrifice de la messe : le Sacrifice et le sacrement,

Que vos âmes soient ain­si prêtes à vous sacri­fier avec Notre Seigneur Jésus-​Christ et qu’elles s’unissent à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie, C’est cela qui sera la source de votre ver­tu, la source de votre constance dans la vie reli­gieuse, dans votre fidé­li­té à tous vos enga­ge­ment, C’est la Sainte Messe. C’est l’union à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie,

La Fraternité a pour but par­ti­cu­lier de faire renaître ce fon­de­ment de l’Église, ce fon­de­ment de notre vie spi­ri­tuelle, ce fon­de­ment de notre sainte Religion qu’est la Sainte Messe, le Saint Sacrifice de la messe. Et vous y êtes asso­ciés. Vous êtes asso­ciés à la Fraternité dans cette spi­ri­tua­li­té, qui est la spi­ri­tua­li­té de l’Église tout sim­ple­ment, la spi­ri­tua­li­té que Notre Seigneur nous a léguée, en nous léguant ce qu’il avait de plus beau, de plus grand, de plus sublime, son propre Sacrifice, son propre Corps, sa propre divi­ni­té, son propre Sang.

Alors vous vivrez par le Saint Sacrifice de la messe, une vraie vie reli­gieuse. Et comme l’on ne va pas à Jésus sans pas­ser par Marie, comme le dit si bien le bien­heu­reux Grignion de Montfort, saint Grignion de Montfort, vous sui­vrez les conseils de ce saint marial qui nous apprend à aller à Jésus par Marie.

Et puis, puisque nous nous réunis­sons aujourd’hui autour de l’autel sous le patro­nage de saint Michel Archange, ayez dans vos âmes, dans vos cœurs, comme devise ce que signi­fie le nom de Michel, Michaël : Quis ut Deus, « Qui est comme Dieu ? »

Vous pour­riez ajou­ter éga­le­ment : Qui est comme Jésus-​Christ ? Qui est comme Jésus ? C’est ce que pensent tous les anges du ciel, tous les élus du ciel. C’est ce que pense en par­ti­cu­lier bien sûr la très Sainte Vierge Marie. Demandons-​leur de nous don­ner cette convic­tion, cette foi pro­fonde en la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, afin de Lui être sou­mis entiè­re­ment et un jour d’aller par­ta­ger sa Gloire.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.