Cher Monsieur l’abbé Wéry,
Nous rendons aujourd’hui grâces à Dieu qui vous a fait parvenir à cet anniversaire de cinquante années de sacerdoce et nous Le remercions de vous avoir conduit à Écône pour fêter cet anniversaire avec nous.
Nous en sommes d’autant plus reconnaissant à Dieu que vous avez été l’un des prêtres, n’étant pas membre de la Fraternité, qui est venu à Fribourg même, dans les débuts de ce qui n’était pas encore la Fraternité, venu nous encourager.
Et depuis ces dix-huit années vous avez connu et fréquenté la Fraternité, nous avons pu apprécier votre fidélité, votre fidélité sans faille, à travers toutes les épreuves que nous avons connues, vous êtes resté un fidèle ami de cette œuvre de formation sacerdotale à laquelle parfois vous avez vous-même voulu contribuer, continuant ainsi la grâce que le Bon Dieu vous avez faite d’enseigner tout au cours de votre vie. Pendant de nombreuses années ce fut votre rôle, votre fonction, de former les intelligences et les caractères à la vérité et à la soumission à la foi.
Samedi dernier, vous avez fêté votre cinquantième anniversaire, votre jubilé chez vous, au milieu précisément des prêtres qui vous devaient la vocation. Au milieu aussi de personnalités qui vous devaient également leur formation.
Ainsi la grâce du Bon Dieu, a voulu que vous voyiez vous-même les fruits du travail apostolique qu’il vous a confié et, avec vous, nous remercions Dieu aujourd’hui en cet anniversaire en cette belle fête de l’Ascension de Notre Seigneur.
Nous savons que vous avez un attachement spécial aux vertus qui font la bonne harmonie de la société. Vous avez souvent demandé aux séminaristes, lorsque vous en aviez l’occasion, vous avez fait souvent cette réflexion, qu’il faut savoir pratiquer les vertus sociales. Des vertus qui nous font vivre dans une société agréable, honnête, chrétienne. Et alors, je pense que en rappelant ce que sont ces vertus sociales, ce sera un peu la prédication que vous auriez faite vous-même à nos séminaristes, que je vais essayer d’interpréter.
Je me suis donc penché, hier, sur le petit livre de saint Thomas d’Aquin qui nous apprend ce que sont les vertus sociales et il les divise en deux groupes :
Les vertus de vénération et les vertus de civilité.
Les vertus de vénération sont celles que nous devons pratiquer vis-à-vis de ceux auxquels nous devons avoir de la vénération, que nous devons vénérer et en particulier Celui que nous devons non seulement vénérer, mais adorer, c’est Dieu Lui-même. Par conséquent la première vertu de vénération, c’est la vertu de religion, qui s’adresse à Dieu et qui ne s’adresse qu’à Dieu.
Dans ce groupe des vertus de vénération se situe également la patrie et les parents, la famille. Saint Thomas appelle cette vertu, la piété filiale. Piété filiale que nous devons à nos Pères et à notre Patrie.
Troisième vertu qui s’adresse à tous ceux qui ont une certaine grandeur, dit saint Thomas d’Aquin. C’est-à-dire tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, participent à l’autorité de Dieu dans la société. Évidemment lorsqu’il s’agit de sociétés comme l’Église, tous ceux qui participent au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ et aux fonctions que Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu leur confier, de même dans la Société, de même dans la famille.
La Société est composée de multiples autorités, voulues par le Bon Dieu. Et la famille également, lorsque la famille, par exemple, confie les enfants à des maîtres dans les écoles, elle leur confère une autorité sur les enfants et les enfants ont le devoir d’obéir à leurs maîtres. Et cela, cette vertu spéciale, saint Thomas l’appelle le respect.
Et vous ne me contredirez pas certainement, cher M. l’abbé Wéry, vous qui avez une affection toute particulière pour la liturgie, la liturgie de l’Église catholique, telle qu’elle a toujours été pratiquée autrefois, était une grande école de respect. Une école de vie sociale, en honorant Dieu et « en honorant tous ceux qui participent d’une certaine manière et dans une certaine mesure à l’autorité de Dieu, en leur manifestant, par des signes extérieurs le respect qu’on leur doit ». C’est une magnifique école de politesse, de respect, de vénération. Nos églises étaient des lieux où l’éducation de la Société se faisait, se pratiquait et ainsi pouvait aussi se diffuser dans la Société.
Et puis, saint Thomas d’Aquin fait donc un groupe, dans un autre ensemble des vertus, qu’il appelle les vertus de civilité.
Parmi ces vertus de civilité, il y a, dit saint Thomas, la reconnaissance. Ces vertus, pourquoi fait-il une distinction entre ces vertus de civilité et ces vertus de vénération ? Parce qu’il dit : « la vertu de justice s’applique d’une manière moins stricte, dans les vertus de civilité que dans les vertus de vénération ».
Ces vertus de vénération sont dues. Il y a un dû vraiment et donc la vertu de justice s’exerce dans ces vertus d’une manière plus concrète, plus parfaite.
Dans les vertus de civilité, elle se manifeste d’une manière moins parfaite, mais nécessaire également.
La première vertu, c’est une vertu de reconnaissance envers ceux qui nous font du bien. Nous avons toujours dans la Société, ce que nous appelons nos bienfaiteurs, pas seulement les bienfaiteurs matériels, mais les bienfaiteurs de toutes sortes qui nous aident, dans notre éducation, qui nous aident dans notre formation, qui nous aident dans notre vie spirituelle, temporelle.
Des personnes qui ne sont pas nécessairement ni nos parents, ni nos prêtres, ni ceux qui ont une autorité sur nous, tous ces bienfaiteurs qui se manifestent pour nous, nous leur devons la reconnaissance. Et il ajoute à côté de cette vertu de reconnaissance, une vertu qui peut sembler assez singulière : la vertu de vengeance… On pourrait croire que la vengeance est un défaut, que la vengeance est un mal. Eh bien, il applique la vertu de vengeance à ceux qui nous font du mal. La vindicte de la loi, la loi, doit en quelque sorte, se venger contre ceux qui font du tort dans la mondanité, où il y a également des manifestations de vie sociale, mais qui souvent sont fausses ou sont exagérées, ou ne sont pas sincères, ou sont de pures formalités. La civilisation chrétienne est inspirée par l’Esprit Saint, par le véritable esprit de charité, le véritable esprit d’humilité, d’amour du prochain et d’amour de Dieu, d’amour inspiré par Dieu.
Je pense qu’à l’occasion de vos cinquante années de sacerdoce, cher M. l’abbé Wéry, ce rappel des vertus sociales de saint Thomas d’Aquin, restera dans la mémoire de nos chers séminaristes, afin qu’ils mettent en pratique ce que vous leur avez souvent enseigné et ce que vous leur avez souvent demandé.
Car s’il est une vertu dont les prêtres ont besoin, dans leur apostolat, dans leur pastorale, ce sont précisément ces vertus qui rendent la société aimable, chrétienne, agréable. Le prêtre doit être un ferment et une source de charité, d’amour, de fraternité entre ses paroissiens, envers tous ceux vers lesquels il a été envoyé pour son évangélisation.
Que la très Sainte Vierge Marie, cher M. l’abbé Wéry, bénisse encore les années que le Bon Dieu vous donnera, nous les souhaitons les plus nombreuses possibles.
Et puis qu’il vous donne aussi un jour l’éternité. Car nous ne sommes pas ici, pour rester indéfiniment sur cette terre, nous nous dirigeons vers aussi notre ascension – si Dieu veut bien – non pas encore avec notre corps, mais avec notre âme.
Eh bien, je vous souhaite de nombreuses années encore parmi nous et une sainte et heureuse Éternité.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.