« Tout au cours de l’histoire, l’Église a tout fait pour que la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ se maintienne, se confirme, se consolide. Lorsque des peuples entiers se convertissaient, elle suppliait les princes de bien vouloir l’aider à organiser dans ces pays des universités catholiques, d’aider à l’implantation de monastères, d’institutions religieuses, d’institutions chrétiennes, d’écoles catholiques ».
Les principes de la Révolution ont pénétré toutes les institutions
Mais les forces du mal sont puissantes et le Bon Dieu a permis que ces forces sataniques finissent par pénétrer à l’intérieur même des États chrétiens, à l’intérieur de ces grandes familles que constituaient les États catholiques, ces grandes familles chrétiennes, et que, par le protestantisme, se répande la zizanie. Les forces du mal ont fini par détruire ces États chrétiens en décapitant les rois, en ruinant les États catholiques
Ainsi les principes de la Révolution de 1789 ayant maintenant pénétré dans toutes les institutions, ils minent partout la foi catholique, dans toutes les familles, jusque dans les séminaires, jusque dans l’Église, jusque dans le clergé ! C’est ce qu’a dit saint Pie X :
« Nous voyons maintenant que l’ennemi n’est pas seulement en dehors de l’Église, mais il est à l’intérieur. Et où est-il spécialement à l’œuvre ? Il est dans les séminaires. »[1].
C’est pourquoi il demandait aux évêques de chasser tous les professeurs modernistes des séminaires, afin de ne pas laisser se répandre les idées erronées, les idées fausses à l’intérieur des séminaires. Si les idées de la Révolution, les idées contraires à la foi catholique pénètrent à l’intérieur des séminaires, il en sortira un jour des prêtres, des évêques et alors, que deviendra l’Église ?
L’esprit de l’erreur est à l’intérieur
Mes bien chers frères, nous y sommes aujourd’hui. Cette pénétration de l’ennemi, cette pénétration de l’esprit de l’erreur, de l’esprit anticatholique est maintenant partout à l’intérieur de l’Église, partout ! Et chose stupéfiante, incroyable, ceux qui ont la responsabilité dans l’Église, ont décidé désormais de ne plus agir comme l’Église et les missionnaires l’ont fait pendant vingt siècles, de ne plus défendre la foi catholique par les missions, de ne plus demander aux chefs de famille et aux chefs d’État de venir au secours de l’Église catholique pour la défendre et la protéger. Ils ont décidé désormais de faire un pacte de paix avec les ennemis de l’Église, et ce pacte de paix s’appelle l’œcuménisme, s’appelle la liberté religieuse. Désormais c’est fini : la paix, la paix…
La paix avec qui ? Avec les ennemis de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec ceux qui l’ont crucifié, avec ceux qui ont continué de le crucifier pendant vingt siècles ! Dans le Corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ, chez les fidèles, il y a eu des martyrs, et des millions de martyrs ; il y en a encore aujourd’hui, prisonniers dans les geôles russes parce qu’ils sont catholiques. La haine de Jésus-Christ, la haine de l’Église – malheureusement nous sommes bien obligés de le constater – existe encore. Ces jours-ci, vous avez pu lire dans les journaux les propos qu’ont tenus les protestants de Genève, il y a trois ou quatre jours, contre la venue d’un évêque catholique dans leur ville [2], une opposition radicale, absolue :
« Nous ne voulons pas d’une hégémonie catholique à Genève ».
C’est l’ennemi. Dès que l’on parle de Notre Seigneur Jésus-Christ, dès que l’on manifeste Notre Seigneur Jésus-Christ, il y a des oppositions, et ce sera comme cela jusqu’à la fin des temps.
Un pacte avec les ennemis
Mais que l’Église, ou du moins que les hommes d’Église, que ceux qui ont des responsabilités dans l’Église fassent maintenant un pacte avec ceux qui ont toujours été les ennemis de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est d’une gravité exceptionnelle ! On dit aux ennemis :
« Vous pouvez venir chez nous maintenant librement, nous n’allons pas vous empêcher de venir dans nos familles catholiques, dans nos institutions catholiques, dans nos États catholiques. Nous ne vous empêchons plus de venir. Venez, musulmans, bouddhistes, venez, vous serez bien accueillis. Et même éventuellement, nous vous construirons des mosquées, nous vous donnerons des écoles. Nous vous recevrons dans nos écoles catholiques où on ne fera plus le signe de la croix pour ne pas vous blesser, on ne parlera même plus de Notre Seigneur Jésus-Christ de telle sorte que tous, juifs, protestants, musulmans, bouddhistes, vous pourrez venir dans nos écoles où vous serez largement accueillis ».
Pourquoi cela ? Soi-disant parce qu’on demandera la même chose aux musulmans, aux communistes et à tous les États totalitaires. On leur dira :
« Maintenant, puisque nous avons accepté, nous, toutes les idéologies, toutes les fausses idéologies, et même tous les ennemis de l’Église (nous les acceptons autour de nous, nous les appelons maintenant des frères), eh bien faites-en autant avec nous. Ouvrez vos portes. Musulmans, ouvrez vos pays. Communistes, ouvrez votre pays pour que nous puissions proclamer notre foi ».
Illusion totale ! Ce sont des ennemis jurés de Notre Seigneur Jésus-Christ. Voyez ce qui se passe au Liban : les catholiques finiront vraisemblablement par être jetés à la mer par les musulmans, par esprit anti-chrétien ! Ce principe, qui a désormais été adopté par l’Église – principe que ces hommes d’Église estiment fondé sur une raison naturelle, sur ce qu’ils appellent la dignité humaine, sur les droits de l’homme – met l’erreur et la vérité au même niveau. C’est donc la destruction totale de l’Église, et nous assistons peu à peu à cette infiltration des erreurs. Aux erreurs correspond l’amoralité et par conséquent, l’immoralité, et ce à l’intérieur même de nos familles.
Mes chers frères, vous pourriez vous-mêmes donner des exemples concrets, peut-être dans vos propres familles, peut-être chez vos parents. Tous, dans nos familles, nous faisons la constatation d’une infiltration de l’immoralité ou de l’athéisme ; nous voyons même des enfants qui partent dans les sectes, nous voyons l’avortement, le divorce, la contraception qui se multiplient partout, dans tous nos villages qui étaient autrefois des villages catholiques ! Il n’y a pas si longtemps, lorsque j’étais supérieur du séminaire de Mortain, en 1945–1947, j’allais souvent confesser pendant les fêtes, comme celles de Pâques, dans les villages de Normandie, en France. Eh bien, dans la plupart de ces villages, il y a donc bientôt quarante ans, on montrait du doigt ceux qui ne pratiquaient pas ; ils étaient connus : « Un tel ne pratique pas ». Mais tout le village pratiquait. Les villages pratiquaient entièrement. Allez voir maintenant ! Quelques personnes à l’église, quelques personnes qui se confessent…
C’est la ruine de la religion chrétienne, de la religion catholique ! Ces mauvais exemples, ces mauvaises idées qui circulent partout et qui sont colportées par tous les moyens de communication sociale, détruisent la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ, en la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le diable a réussi là une opération sensationnelle pour lui : faire la paix avec les ennemis de l’Église, leur permettre d’entrer partout, chez nous… C’est la fin de l’Église catholique ! Le but de Satan est la destruction de l’Église catholique et la destruction de l’esprit catholique, la destruction de la foi catholique. Et il a maintenant toutes les portes ouvertes.
Nous voulons continuer l’Église
Quant à nous, nous résistons. Nous voulons continuer comme l’Église a fait autrefois : défendre nos familles, défendre nos cités, défendre nos villages et, s’il le faut, constituer des chapelles pour nos familles, faire des écoles où Notre Seigneur Jésus-Christ sera le Maître, le Roi. Et si d’aventure, il y a un petit protestant ou un petit juif qui veut venir dans notre école, il apprendra le catéchisme comme les autres, et s’il ne veut pas, il n’est pas obligé de rester dans nos écoles. C’est ce que nous faisions à Dakar lorsque nous avions des musulmans dans nos écoles. Parce qu’ils étaient peu nombreux, ils acceptaient d’apprendre le catéchisme. Il y avait quelquefois un petit enfant musulman qui était le premier de sa classe en catéchisme mais qui, malheureusement, ne pouvait pas communier et pleurait le jour de la première communion parce qu’il ne pouvait pas suivre les autres qui allaient communier. Mais si nous avions eu seulement la pensée de donner la communion à cet enfant, et par conséquent de le baptiser, les musulmans auraient mis le feu à notre école. Pas question de baptiser un enfant musulman !
Ainsi devons-nous maintenir cette foi catholique, protéger nos familles et, pour cela, reconstituer un tissu d’institutions chrétiennes : des monastères, des communautés contemplatives de religieux, de religieuses, pour redonner cette atmosphère catholique dans laquelle nous respirions, alors que dans le monde moderne, avec la disparition de toutes les institutions catholiques, nous sommes asphyxiés. Même les institutions dites catholiques ne le sont plus, et peu à peu nous pouvons dire, en vérité, que les prêtres et les évêques ne sont plus catholiques parce qu’ils ne veulent plus défendre la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils ne croient plus en la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ce n’est pas possible autrement. S’ils croyaient, comme l’Église l’a chanté tous ces jours-ci, que Notre Seigneur Jésus-Christ est ressuscité, qu’il est le Sauveur, qu’il est notre Dieu, que dans quelques années nous nous retrouverons tous là-haut devant lui, dans sa splendeur (comme les Apôtres sur le Thabor nous le verrons dans sa magnificence, dans son règne éternel), ils auraient automatiquement le désir de répandre cette foi autour d’eux et de faire en sorte que le plus de personnes possible puissent suivre Notre Seigneur Jésus-Christ dans sa Résurrection, dans son Ascension vers le Ciel. Voilà l’esprit de l’Église !
† Marcel Lefebvre
Sources : Homélie à Ecône, Pâques, 19 avril 1987, texte paru dans Le Rocher c’est le Christ n°105 – février – mars 2017 /La PorteLatine du 9 février 2017