La question des limbes

Dans un autre bul­le­tin nous aurons l’oc­ca­sion de vous entre­te­nir du sacre­ment de bap­tême et de son impor­tance. Pour le moment M. l’ab­bé FRAMENT a tra­vaillé la ques­tion des limbes car la der­nière étude pro­duite par le Vatican dans ce domaine, ne va pas du tout dans le sens de l’en­sei­gne­ment constant de l’Eglise : encore une nou­veau­té. A cause de ce texte de Rome et sur­tout de l’es­prit qu’il dif­fuse, les chré­tiens mal for­més (la majo­ri­té) qui ne voient bien sou­vent dans le bap­tême qu’une joyeuse occa­sion de réunir la famille et de per­pé­tuer une pieuse cou­tume sans grandes consé­quences pour leur vie, seront de toutes façons encou­ra­gés dans leurs erreurs. Lisez donc atten­ti­ve­ment l’é­tude suivante.

Les trafiquants de la Foi et les enfants morts sans Baptême

« Les enfants morts sans bap­tême sont eux aus­si des­ti­nés au para­dis – Benoît XVI sup­prime le concept des limbes » C’est ain­si que la très sérieuse agence d’in­for­ma­tion Zénit pré­sente le docu­ment Espoir de salut pour les enfants morts sans bap­tême que vient de publier la Commission Théologique Internationale.

Cette Commission Pontificale a d’a­bord approu­vé le docu­ment in for­ma spe­ci­fi­ca, puis l’a pré­sen­té au Saint Père par les mains de son pré­sident S. Em. le Cardinal Levada durant l’au­dience du 19 avril 2007, au cours de laquelle le pape Benoît XVI en a approu­vé le texte pour publication.

Pour mémoire, la Commission Théologique Internationale dépend de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dont l’ac­tuel Préfet est ce même Cardinal Levada. C’est en 1994 que la Commission Théologique Internationale, diri­gée alors par le Cardinal Joseph Ratzinger, a com­men­cé à se pen­cher sur la question.

Treize ans plus tard, deve­nu Pape, Joseph Ratzinger approu­vait le docu­ment final pour publication.

A l’heure où nous écri­vons, seules les ver­sions ita­liennes et anglaises sont dis­po­nibles sur le site Internet du Vatican. Notre étude a été faite à par­tir de la ver­sion anglaise du document.

Rappel de la doctrine catholique au sujet de la nécessité du baptême

La Foi catho­lique nous enseigne que depuis Adam, tous les hommes naissent avec le péché ori­gi­nel, pri­vés de la grâce de Dieu et inca­pables de par­ve­nir au ciel. Aussi, Dieu lui-​même s’est-​il incar­né pour nous les hommes et pour notre salut. Il a payé le prix de notre salut par sa pas­sion et sa mort sur la croix et nous pro­pose désor­mais le salut par son Eglise. Hors de cette Eglise, nul ne peut être sauvé.

Nous devons donc appar­te­nir à l’Eglise pour béné­fi­cier des grâces de Rédemption qu’Il nous a acquises. Cette entrée dans l’Eglise se fait par le Baptême. C’est pour ces rai­sons que la Foi catho­lique nous enseigne que le Baptême, après la pro­mul­ga­tion de l’Evangile, est abso­lu­ment néces­saire (de néces­si­té de moyen disent les théo­lo­giens) à tous, tant pour les adultes que pour les enfants, pour le salut, selon cette parole de Notre- Seigneur Jésus-​Christ lui-même

« Nul s’il ne renaît de l’eau et du Saint-​Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » ( Jn III, 5).

Cette véri­té est une véri­té défi­nie de foi divine et catho­lique. Celui qui nie­rait cette doc­trine per­drait la Foi catho­lique et devien­drait héré­tique. L’Eglise nous pré­cise, dans son ensei­gne­ment, que

« le défaut du sacre­ment de Baptême peut être sup­pléé par le mar­tyre qu’on appelle Baptême de sang, ou par un acte de par­fait amour de Dieu joint au désir au moins impli­cite du Baptême, et ceci s’ap­pelle Baptême de désir » (Catéchisme de saint Pie X).

Comme on le voit, les petits enfants, n’ayant pas l’u­sage de la rai­son, ne sont pas capables du Baptême de sang1 ni du Baptême de désir2 et n’ont que le sacre­ment du Baptême comme moyen pour être sau­vés. C’est ce que nous rap­pelle l’Eglise, tant dans le (Catéchisme de saint Pie X) que dans celui du Concile de Trente :

- « On doit mettre tant d’empressement [ le plus tôt pos­sible ] à faire bap­ti­ser les enfants parce que, à cause de la fra­gi­li­té de leur âge, ils sont expo­sés à bien des dan­gers de mou­rir et qu’ils ne peuvent se sau­ver sans le Baptême » (Catéchisme de saint Pie X).

- « Notre-​Seigneur a fait à tous les hommes une loi de se faire bap­ti­ser, loi si rigou­reuse que ceux qui ne seraient pas régé­né­rés en Dieu par la grâce de ce Sacrement, ne vien­draient au monde que pour leur mal­heur et leur perte éter­nelle, que leurs parents d’ailleurs fussent chré­tiens ou païens. C’est pour­quoi les Pasteurs ne sau­raient expli­quer trop sou­vent ces paroles de l’Evangile : Si quel­qu’un n’est pas régé­né­ré par l’eau et par l’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume des cieux.

Et cette loi ne regarde pas seule­ment les adultes, l’au­to­ri­té et les témoi­gnages des Pères éta­blissent qu’elle atteint même les petits enfants, et que l’Eglise l’a reçue de la tra­di­tion apos­to­lique. (.) Il faut donc enga­ger for­te­ment les fidèles à por­ter leurs enfants à l’Église, et à les faire bap­ti­ser avec les céré­mo­nies consa­crées, dès qu’ils pour­ront le faire sans dan­ger. Les enfants n’ont pas d’autre moyen de salut que le Baptême. Ce serait une faute, et une faute grave, de les lais­ser dans la pri­va­tion de la grâce de ce Sacrement plus long­temps que la néces­si­té ne l’exige. Et il ne faut pas oublier que la fai­blesse de leur âge les expose à une infi­ni­té de périls mor­tels. » (Cat. du Concile de Trente).

Il est donc clair que les enfants qui meurent sans bap­tême sont pri­vés de leur seul moyen de salut. Bien sûr, Dieu de par sa puis­sance abso­lue pour­rait sau­ver les petits enfants – ou même les adultes – même sans le Baptême. Mais telle n’est pas la loi géné­rale qu’Il a posée dans sa sou­ve­raine Sagesse. S’il peut déro­ger donc à cette loi, ce ne serait que pour quelques cas bien par­ti­cu­liers, dépen­dants de sa seule liber­té, mais ce ne pour­rait être une règle géné­rale : Dieu ne se contre­dit pas.

Rappel de la doctrine catholique au sujet de ces enfants et des limbes

Quel est donc le sort des enfants qui, morts sans Baptême, ont l’âme souillée par le péché ori­gi­nel mais qui n’ont pas com­mis de péchés per­son­nels ? La réponse de l’Eglise est simple et logique : Les enfants morts sans Baptême ont la tache du péché ori­gi­nel : ils sont donc pri­vés de la vision béa­ti­fique et ne peuvent voir Dieu face à face.

C’est la peine du dam. Cette véri­té est de foi divine et catho­lique défi­nie par le 16e Concile de Carthage en 418 à l’oc­ca­sion de la condam­na­tion de l’hé­ré­sie pélagienne.

Cette doc­trine a ensuite été réaf­fir­mée avec force de nom­breuses fois par des conciles ou des papes : St Innocent Ier en 417, Innocent III en 1201, le 2ème Concile de Lyon en 1274, Jean XXII en 1321, le Concile de Florence en 1439, le Concile de Trente en 1546.

Mais ces enfants n’ont pas de péchés per­son­nels : ils ne sont donc pas punis par les flammes de l’en­fer qui sont le châ­ti­ment des péchés per­son­nels. Ils ne subissent pas la peine des sens. Cette doc­trine n’est pas de foi mais c’est l’en­sei­gne­ment com­mun de la théo­lo­gie catho­lique. Cette véri­té est mora­le­ment cer­taine. Celui qui la nie­rait ne serait pas héré­tique mais seule­ment téméraire.

On appelle le lieu où vont les enfants morts sans bap­tême : les limbes des petits enfants. Le mot a été uti­li­sé à par­tir du XIIIe siècle pour dési­gner les limbes des petits enfants mais la doc­trine se trouve déjà dès le Ve siècle chez les Pères de l’Eglise. Notons qu’il ne faut pas confondre ces limbes des petits enfants avec les limbes des Patriarches (ou les enfers) où les saints de l’Ancien Testament ont atten­du Notre-​Seigneur avant de pou­voir entrer au Ciel.

L’existence de ce lieu, les limbes des petits enfants, est une opi­nion théo­lo­gique presque com­mune et donc la plus sûre.

Il y a donc – au moins – deux ques­tions dis­tinctes concer­nant deux points de doc­trine dis­tincts. Nier que les enfants morts sans bap­tême soient pri­vés de la vision béa­ti­fique, c’est nier un dogme de foi. Affirmer que les enfants morts sans bap­tême sont eux aus­si des­ti­nés au para­dis serait une héré­sie. Nier l’exis­tence des limbes ce n’est « que » nier une doc­trine quasi-​commune et donc l’o­pi­nion théo­lo­gique la plus sûre. Nier l’exis­tence des limbes n’est que téméraire.

Maintenant, si l’on veut pré­ci­ser cet état des âmes des petits enfants morts sans bap­tême, il y a plu­sieurs opi­nions théo­lo­giques pos­sibles et donc per­mises. L’opinion la plus com­mune, et donc la plus sûre, est que la peine du dam ( la pri­va­tion de la vision de Dieu ) n’est pas afflic­tive. Elle reste une peine : on ne parle donc pas de béa­ti­tude pour ces enfants ; mais n’est pas res­sen­tie comme telle : on pense habi­tuel­le­ment qu’ils joui­ront seule­ment d’un cer­tain bon­heur naturel.

Une nouvelle théologie qui conduit à l’hérésie

La doc­trine pré­sen­tée dans le docu­ment Espoir de salut pour les enfants morts sans bap­tême n’est pas affir­mée comme cer­taine mais est seule­ment avan­cée comme une opi­nion théo­lo­gique conforme à l’é­vo­lu­tion de la théo­lo­gie actuelle.

Ce docu­ment recon­naît bien que la doc­trine des limbes demeure une opi­nion pos­sible (§ 41) et, quoi­qu’il en soit, insiste par­ti­cu­liè­re­ment sur le fait qu’il ne peut s’a­gir de remettre en ques­tion la néces­si­té du Baptême pour le salut (Préliminaires). Sans affir­mer avec cer­ti­tude le salut des enfants morts sans Baptême, le docu­ment pré­sente des rai­sons qui, dit-​il, per­mettent d’es­pé­rer de leur salut.

Ces rai­sons ne sont donc pas pro­bantes mais seule­ment des motifs d’es­pé­rer de leur salut. Parmi ces motifs, nous trou­vons des rai­sons théo­lo­giques, comme l’in­fi­nie misé­ri­corde de Dieu qui veut que tous les hommes soient sau­vés ou la ten­dresse de Notre-​Seigneur qui a dit « Laissez venir à moi les petits enfants », et des rai­sons litur­giques qui s’ap­puient sur le fameux adage : Lex oran­di, lex cre­den­di « La loi de la prière est la loi de la foi ».

De fait, la litur­gie post-​conciliaire a intro­duit une prière pour les funé­railles des enfants morts sans bap­tême et l’Eglise prie pour que tous les hommes soient sau­vés. Le prin­cipe fon­da­men­tal et cen­tral de toutes ces rai­sons reste la volon­té sal­vi­fique uni­ver­selle de Dieu : Dieu veut que tous les hommes soient sau­vés (§ 43).

Comment se ferait ce salut ? Plusieurs pos­si­bi­li­tés sont envi­sa­gées (§ 84 à 87) : leur mort serait une uni­té et une confor­mi­té avec la mort du Christ pour les enfants morts de mort vio­lente, il y aurait une soli­da­ri­té avec les Saints Innocents et donc une soli­da­ri­té avec le Christ Dieu leur ferait pure­ment et sim­ple­ment don du salut comme il le fait pour les enfants qui reçoivent le Baptême.

Autrement dit : Dieu don­ne­rait la grâce du Baptême sans que le sacre­ment ne soit don­né. La conclu­sion du docu­ment est qu’il y a de solides fon­de­ments (théo­lo­giques et litur­giques) pour espé­rer que les enfants morts sans Baptême pour­rait être sau­vés et des­ti­nés au bon­heur éter­nel (Préliminaires et § 103).

En résu­mé, sans vou­loir nier la néces­si­té du bap­tême, cette doc­trine abou­tit à l’hé­ré­sie en contre­di­sant un dogme de foi défi­ni depuis le Ve siècle et rap­pe­lée par plu­sieurs conciles : les enfants morts sans Baptême sont pri­vés de la vision béatifique.

Une révolution théologique dans la suite logique de Vatican II

Cette doc­trine, déjà condam­née par l’Eglise, n’est que la suite logique de la nou­velle théo­lo­gie qui a vu le jour offi­ciel­le­ment à l’oc­ca­sion du Concile Vatican II. Elle est pré­sen­tée comme l’a­bou­tis­se­ment actuel du déve­lop­pe­ment de « la théo­lo­gie de l’es­pé­rance et de l’ec­clé­sio­lo­gie de la com­mu­nion » (§ 2) eu égard au « nou­veau contexte » (§ 70) de l’Eglise qui doit « lire les signes des temps » (§ 71). Ainsi cette nou­velle doc­trine doit être pla­cée « dans le déve­lop­pe­ment his­to­rique de la Foi » (Préliminaires).

Notons qu’il ne s’a­git en rien d’un déve­lop­pe­ment homo­gène du dogme. Non seule­ment toutes les réfé­rences qui vont dans le sens de cette nou­veau­té sont des docu­ments conci­liaires ou post-​conciliaires, mais le docu­ment lui-​même recon­naît qu’il existe « une tra­di­tion doc­tri­nale plu­tôt durable » (§ 70) qui nie le salut de ces enfants morts sans Baptême. Simplement, pour évi­ter d’a­voir à contre­dire ouver­te­ment un dogme, le docu­ment fait l’his­to­rique de ce dogme pour fina­le­ment le décla­rer . doc­trine com­mune de l’Eglise et non dogme (§ 40).

Le tour de passe-​passe est réa­li­sé en deux lignes au § 35 où la condam­na­tion du concile de Carthage (canon 3) sous l’au­to­ri­té du pape Zosime est pas­sée sous silence. Seule la « com­pré­hen­sion péla­gienne du salut des enfants non bap­ti­sés » est mise en cause.

Pour écar­ter tout de même cet argu­ment tra­di­tion­nel de poids : quinze siècles de « doc­trine com­mune », il est sim­ple­ment décla­ré que l’Eglise n’a­vait « peut-​être pas com­pris plei­ne­ment la nature doc­tri­nale de cette ques­tion et de ses impli­ca­tions » (Préliminaires) et que par­ler des Limbes sup­po­sait « une vision indû­ment res­tric­tive du salut » (§ 2).

L’Eglise, à la suite des apôtres, se serait donc trom­pée sur ce point depuis plus de quinze siècles !!! Quel incroyable refus de la Tradition et quel incroyable mépris du pas­sé ! Le moyen ouver­te­ment annon­cé de par­ve­nir à démon­trer cette nou­veau­té doc­tri­nale a été de modi­fier l’ordre de la théo­lo­gie tra­di­tion­nelle et de pla­cer « l’ordre anthro­po­lo­gique entre l’ordre tri­ni­taire et l’ordre sacra­men­tel et ecclé­sial » (§ 42).

L’ordre tra­di­tion­nel de la théo­lo­gie a été modi­fié : l’homme est pas­sé devant l’Eglise et les sacre­ments : il n’a plus à être un fils sou­mis de l’Eglise pour se sau­ver, mais c’est l’Eglise et les sacre­ments que l’on sou­met aux caprices de l’homme pour réus­sir à le sau­ver coûte que coûte. Renverser un ordre éta­bli, c’est la défi­ni­tion même de « révo­lu­tion ».

Nous assis­tons à une révo­lu­tion théo­lo­gique : l’homme a ren­ver­sé l’Eglise et les sacre­ments !!! Pour jus­ti­fier cette révo­lu­tion, il faut trou­ver un argu­ment théo­lo­gique. C’est la volon­té de Dieu de sau­ver tous les hommes qui sera invo­quée, prise dans son inter­pré­ta­tion éten­due. Dieu veut que tous les hommes soient sau­vés, à com­men­cer par les petits enfants, bap­ti­sés ou non.

A ce compte là,. nous irons tous au para­dis . et peut-​être aus­si les dam­nés eux-​mêmes ? Mais pour reve­nir au docu­ment, celui-​ci uti­lise les pas­sages liti­gieux du Concile Vatican II pour trou­ver un moyen de salut pour tous. C’est le tris­te­ment fameux n° 22 de la consti­tu­tion Gaudium et Spes qui est en cause une fois de plus :

« par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte (quo­dam­mo­do) uni lui-​même à tout homme ».

Et notre docu­ment de s’en­gouf­frer dans cette brèche : les enfants, même non bap­ti­sés, pour­raient donc être unis en quelque sorte (quo­dam­mo­do) au Christ et en quelque sorte sau­vés par Lui ! C’est la ques­tion que pose ce docu­ment au § 88. Faut-​il en conclure que tous les hommes auraient la grâce sanc­ti­fiante en quelque sorte ? Quarante ans plus tard, le Concile n’a donc tou­jours pas fini de pro­duire ses fruits empoisonnés.

Les trafiquants de la Foi

Le plus affli­geant dans ce docu­ment est de voir com­ment les véri­tés de foi les plus belles sont trans­for­mées, retour­nées, décou­pées, réin­ter­pré­tées . pour arri­ver à contre­dire la foi elle-​même. La misé­ri­corde de Dieu, son amour pour les hommes dans l’œuvre de la Rédemption, notre union avec le Christ, l’Eglise unique arche de salut, la néces­si­té du bap­tême, la gra­tui­té de la grâce de Dieu.

L’Ecriture Sainte aus­si reçoit une nou­velle inter­pré­ta­tion pour arri­ver à cette per­ver­sion de la foi. L’exemple le plus mar­quant est celui de la parole de Notre-​Seigneur Jésus-Christ :

« Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empê­chez pas de venir à moi, parce que le Royaume des cieux est pour ceux qui leur res­semble » (Mt XIX, 14).

Le caté­chisme du Concile de Trente l’ex­plique comme un com­man­de­ment du Sauveur aux apôtres de bap­ti­ser les petits enfants afin qu’ils puissent accé­der au Royaume des cieux.

Le docu­ment actuel trans­forme le sens de cette parole en une affir­ma­tion que lui, Notre-​Seigneur, ne lais­se­ra pas se perdre les petits enfants. Si c’é­tait le cas, il n’y aurait plus vrai­ment besoin de les bap­ti­ser. Mais la phrase du Sauveur est bien à l’im­pé­ra­tif. C’est un com­man­de­ment, un ordre don­né aux apôtres.

De plus, Notreseigneur pré­cise bien de ne pas les empê­cher de venir à lui. Cela signi­fie donc bien que, par l’ab­sence du sacre­ment entre autres, il est pos­sible d’empêcher les enfants d’al­ler au ciel. L’adage « Lex oran­di, lex cre­den­di » « La loi de la prière est la loi de la foi » a été contourné.

Nos modernes ont d’a­bord chan­gé la loi de la prière en intro­dui­sant une nou­veau­té dans la litur­gie conci­liaire : la prière pour les funé­railles des enfants morts sans bap­tême, puis ils se servent de cette prière pour chan­ger la loi de la foi en indui­sant la nou­velle doc­trine cor­res­pon­dante : la boucle est bouclée.

Mépris et refus de la Tradition, chan­ge­ment d’in­ter­pré­ta­tion de l’Ecriture Sainte, modi­fi­ca­tions dans l’ordre de la théo­lo­gie, inter­pré­ta­tion dans un sens héré­tique de pas­sages liti­gieux du Concile Vatican II, modi­fi­ca­tions litur­giques . : nous avons affaires à de véri­tables tra­fi­quants, des tra­fi­quants de la Foi (« des bri­gands » disait Mgr Lefebvre).

Ces tra­fi­quants sont d’au­tant plus dan­ge­reux qu’ils n’af­firment pas ouver­te­ment l’hé­ré­sie. Ils ne lui trouvent que « de solides fon­de­ments théo­lo­giques et litur­giques pour espé­rer » . qu’elle soit vraie !

C’est là toute la per­ver­si­té du moder­nisme : sans affir­mer l’hé­ré­sie, il y conduit tout droit. C’est dans ce sens héré­tique que Zénit, l’a­gence romaine d’in­for­ma­tion, a inter­pré­té ce docu­ment ; et n’en dou­tons pas, c’est ain­si que le plus grand nombres des fidèles l’in­ter­pré­te­ra : « Les enfants morts sans bap­tême sont eux aus­si des­ti­nés au para­dis – Benoît XVI a sup­pri­mé le concept des limbes ». C’est tel­le­ment plus ras­su­rant pour nos contem­po­rains de croire cela : l’a­vor­te­ment n’est plus si ter­rible, puisque de toutes façons ses vic­times sont déjà toutes au ciel !

Conclusion

Le Pape Benoît XVI est libre de tenir l’o­pi­nion théo­lo­gique qu’il pré­fère quant à l’exis­tence des limbes. Le Pape a même le pou­voir de tran­cher la dis­cus­sion théo­lo­gique en la matière. Il ne l’a pas fait (§ 41). Mais il ne lui est pas per­mis d’in­duire les fidèles à nier, même à titre d’o­pi­nion, un dogme de foi défi­ni comme tel. C’est pour­tant ce qu’il a fait.

Nous prions pour lui. Cette affir­ma­tion des rai­sons d’es­pé­rer du salut des enfants morts sans bap­tême mène à l’hé­ré­sie. Elle rend par consé­quent très sus­pecte la deuxième par­tie de la thèse : la néga­tion de l’exis­tence des limbes.

Nous ne pou­vons donc le suivre dans cette voie. Non pos­su­mus. Ils ont gar­dé les mots. Ils ont chan­gé le sens. Cette foi nou­velle, c’est un loup dégui­sé en agneau. Comme le remarque ce docu­ment (§ 1), plus que le seul sort des enfants morts sans bap­tême, ce sont de nom­breuses véri­tés de foi qui sont impli­quées dans cette question.

Cette conclu­sion déjà condam­née sur le sort des enfants morts sans Baptême est un révé­la­teur. C’est l’en­semble de la foi qui depuis qua­rante ans a été réin­ter­pré­tée, modi­fiée, trans­for­mée, trafiquée .

Ils ont gar­dé les mots des dogmes. Mais ils en ont chan­gé le sens. Ces faus­saires de la foi sont des loups dégui­sés en agneau.

Abbé Jean-​Baptiste Frament

Sources : Le Sainte Anne n° 189 de juin 2007 / La Porte Latine