le 21 février 1255 ou 1256

Bienheureux Hugues de Barjols

Le Bienheureux Hugues de Barjols est né en 1205 à Digne, d’un pieux couple de mar­chands, Bérenger et Huguette, éta­blis à Barjols. La mère décède vers 1229 tan­dis qu’Hugues vivait déjà à Hyères. Ainsi le père et la fille, la bien­heu­reuse Douceline, née vers 1214, viennent rejoindre Hugues.

Hugues et Douceline s’imprègnent de l’esprit fran­cis­cain qui com­mence à souf­fler sur Hyères où les Frères cor­de­liers ont une petite communauté.

Hugues décide de se vouer au ser­vice de l’Eglise. Pour en être digne et confor­ter son juge­ment, il quête l’enseignement des maîtres les plus res­pec­tés, en Italie, à Lyon, à Paris, se for­geant une solide culture reli­gieuse qui fait de lui, après avoir revê­tu la bure des cor­de­liers en 1236, un conseiller des âmes répu­té dans toute la Provence. Leur châ­teau fut trans­for­mé en couvent fran­cis­cain. Les jours de fête, de nom­breux laïques viennent écou­ter sa pré­di­ca­tion. Hugues devient vicaire puis gar­dien du couvent.

Dès 1240, Douceline, gui­dée par son frère, pro­nonce le vœu de vir­gi­ni­té et s’impose de plus un vœu de pau­vre­té, et d’obéissance. Revenant d’un séjour au couvent des cla­risses de Digne, conseillée par Hugues, Douceline adopte l’habit et prend le voile de « béguine ».

Le fran­cis­cain Salimbene d’Adam relate dans sa Chronique qu’Hugues prê­cha à Sienne, à Lucques et à Tarascon, et qu’il semon­ça des car­di­naux au sujet de leur ambi­tion et de leur luxe com­pa­rant ces car­di­naux (car­di­nales) à des ron­geurs (car­pi­nales), et à des ânes.

Avant 1248, il fut nom­mé à la fonc­tion de ministre pro­vin­cial des fran­cis­cains de Provence. Des juges, des notaires, des méde­cins lui confient leur désir d’entrer chez les fran­cis­cains, mais à deux d’entre eux, Raymond Athénoux, che­va­lier hyé­rois et juge à Grasse puis novice fran­cis­cain, et Bertrand d’Almanarra, il les refu­sa en ces termes : « Allez dans les bois et entraînez-​vous à man­ger des racines puisque les tri­bu­la­tions approchent » ; mais ceux-​ci le prirent au mot et fon­dèrent les Frères de la péni­tence de Jésus-​Christ, connus sous le nom de Frères Sachets, en rai­son de leur vête­ment de toile de sac. Deux anglais célèbres vinrent l’écouter : Roger Bacon et Robert Grossetête, évêque de Lincoln, lequel gar­de­ra une cor­res­pon­dance avec lui. Jean de Bernin, arche­vêque de Vienne, entre­tien­dra aus­si une rela­tion épis­to­laire avec Hugues.

Hugues réside au couvent de Marseille et invite sa sœur à venir y essai­mer une mai­son de béguines près de l’actuelle église Saint-​Théodore. Etant un jour à Marseille chez les Templiers, ceux-​ci lui demandent ce qu’il pense de leur réfec­toire : il ne craint pas de les vexer en disant : « cela fera une étable grande et com­mode ». De fait, après leur dis­grâce, le comte Robert d’Anjou en fera des écuries.

Hugues écrit le « De fini­bus pau­per­ta­tis » et, en 1253, « l’Exposition sur la Règle des Frères Mineurs » qui traitent de la règle fran­cis­caine. Pour lui, aucun supé­rieur reli­gieux n’a le droit d’af­fa­dir les exi­gences de pau­vre­té édic­tées par saint François d’Assise. Il a rete­nu du cis­ter­cien Joachim de Flore l’interprétation spi­ri­tuelle du cours de l’Histoire, sans abon­der dans les extra­va­gances de ce calabrais.

Au retour de la sep­tième croi­sade, le 17 Juillet 1254, saint Louis, au châ­teau d’Hyères, fit venir prê­cher, à la sug­ges­tion de son frère Charles d’Anjou, Hugues de Barjols. Hugues ser­mon­na d’abord les reli­gieux de la Cour : « les saintes Ecritures nous disent que le moine ne peut vivre hors de son cloître sans péché mor­tel, comme le pois­son ne peut vivre sans eau. Et si les reli­gieux qui sont avec le roi disent que c’est un cloître, alors je leur dis que c’est le plus large que je ne visse jamais, car il s’étend de ce côté de la mer jusqu’à l’autre. S’ils disent que dans ce cloître-​là on peut mener une vie âpre pour sau­ver son âme, en cela je ne les crois pas. Mais je vous dis que j’ai man­gé avec eux grande foi­son de mets de chair, et bu de bons vins forts et clairs ; de quoi je suis cer­tain que, s’ils eussent été en leur cloître, ils n’auraient pas tant d’aise comme ils en ont avec le roi ». Ensuite il expri­ma au roi n’avoir jamais lu qu’un roi, tant croyant que non, ait jamais per­du son royaume sinon par défaut de jus­tice, « Or, ajouta-​t-​il, que le roi veille, puisqu’il s’en va en France, à faire tel­le­ment et promp­te­ment bonne jus­tice qu’il en reçoive l’amour de Dieu de sorte que Dieu ne lui ôte jamais son royaume. Le roi le pria tant qu’il put de s’agréger à sa cour, ne serait-​ce qu’en Provence, mais devant l’insistance de Joinville, Hugues répon­dit avec moult irri­ta­tion : « Certainement pas ! Mais j’irai en tel lieu où Dieu m’aimera mieux qu’en la com­pa­gnie du roi ». En effet il les quit­ta le len­de­main. Joinville rap­porte que le roi vivra à l’avenir plus modestement.

Hugues décède le 21 février 1255 ou 1256. Le corps d’Hugues est dépo­sé dans l’église des Frères Mineurs (démo­lie en 1524 parce que sise hors des rem­parts de Marseille). On lui attri­bua des miracles, après sa mort, sur sa tombe. En 1275, on pla­ce­ra le corps de Douceline auprès de celui de son frère. Les osse­ments qui ont été recueillis en ce lieu, et par­mi les­quels se trou­vaient, peut-​on pen­ser, ceux de Douceline et de son frère Hugues, furent trans­fé­rés à l’église Majeure, dite aujourd’hui « Vieille Major ». Celle-​ci fut en par­tie détruite en 1857 pour la construc­tion de la nou­velle cathé­drale. Sachant que les restes des évêques qui y étaient ense­ve­lis furent ras­sem­blés et répar­tis dans les tom­beaux des autels, on peut pen­ser que s’y trouvent aus­si les reliques d’Hugues.

Par tes­ta­ment, saint Louis d’Anjou, évêque fran­cis­cain de Toulouse, décé­dé à 23 ans à Brignoles en 1297, demande à être inhu­mé auprès des deux spi­ri­tuels : Hugues et Douceline.

Bien qu’il n’ait pas été béa­ti­fié, Hugues de Barjols, ou de Digne, est men­tion­né le 21 février au Martyrologe des fran­cis­cains comme Bienheureux…

Abbé Laurent Serres-Ponthieu