En plus d’une foi vive, d’une espérance ferme et d’une charité ardente, notre bon Mgr Tissier a fait preuve d’une profonde confiance en Mgr Lefebvre et en l’œuvre qu’il a fondée.
Editorial par Monsieur l’abbé Gonzague Peignot
Les tempêtes ici-bas justifient-elles que nous nous arrimions à un homme comme à un radeau pour éviter la noyade ? Le prophète Jérémie ne nous met-il pas en garde quand il s’écrie : « Malheur à l’homme qui se confie en l’homme » ? Dieu n’est-il pas le seul à mériter que nous déposions en lui notre confiance ?
Contre vents et marées, ce fut pourtant l’attitude de notre bon Mgr Bernard Tissier de Mallerais, doyen des évêques de la Fraternité Saint-Pie X, qui s’en est allé vers son éternité il y a quelques semaines maintenant. Contre vents et marées, il a su discerner en Mgr Lefebvre l’homme suscité par la Providence pour sauver l’Église de son naufrage. Il a su le discerner et il a eu la grâce de le suivre. L’Église était secouée par une crise terrible. Près de 80 000 prêtres allaient quitter la vie sacerdotale, les séminaires commençaient de subir une révolution que nous a rapportée le docteur Jean-Pierre Dickès dans son livre poignant La Blessure. La formation sacerdotale était jetée aux orties en même temps que les soutanes.
Dans ce cataclysme, il chercha un séminaire catholique.
C’est au cœur de ces années terribles que le jeune Bernard Tissier de Mallerais, se sentant appelé au sacerdoce, se mit à chercher, au milieu de ce cataclysme, une formation qui lui permettrait de devenir un vrai prêtre catholique. Avait-il la moindre chance de la trouver, afin de mener ensuite sa vie sacerdotale dans l’esprit de la Tradition ? La Providence veillait et il rencontra Mgr Marcel Lefebvre, supérieur général des spiritains, et un peu connu en raison de ses courageuses interventions au Concile. Le jeune Bernard eut avec lui des entretiens cœur à cœur et il accepta de se mettre sous sa direction lorsque Mgr Lefebvre ouvrit en 1969 une sorte de première année de séminaire.
Il eut alors l’opportunité d’observer cet archevêque, de l’écouter, de lui parler. Et, peu à peu, il découvrit en lui l’homme de Dieu que la Providence avait formé pour apporter un grand secours aux âmes dans la crise que traversait l’Église. Mgr Tissier de Mallerais ne fut pourtant pas aveuglé par une admiration tout humaine. Dans la biographie qu’il a écrite du fondateur d’Écône, il a su rendre compte, sans rien en cacher, des limites humaines de son héros. Mais sa vision portait plus loin, elle était proprement surnaturelle. Avec son tempérament, avec ses limites, Mgr Lefebvre était l’homme choisi de Dieu. Bernard Tissier de Mallerais en eut la conviction, la certitude. Il adopta alors l’attitude qui convenait, la seule qui soit juste devant Dieu : il fit confiance à Mgr Lefebvre.
À plusieurs reprises il eut une opinion différente de la sienne. Il sut lui faire part de sa réserve en certaines circonstances, il sut argumenter et convaincre même parfois Monseigneur. Mais lorsque ce dernier avait tranché, l’abbé Bernard Tissier de Mallerais se rangeait sans hésiter sous la bannière du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X et le suivait avec zèle et courage. Il savait que la décision était mûrie sous le regard de Dieu, avec l’aide du Saint-Esprit. Il faisait confiance, d’une confiance toute surnaturelle.
En définitive et pour reprendre les paroles même de notre fondateur, « pour la gloire de la sainte Trinité, pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour la dévotion à la très sainte Vierge Marie, pour l’amour de l’Église, pour l’amour du pape, pour l’amour des évêques, des prêtres, de tous les fidèles », il fallait rester intégralement fidèle à Mgr Lefebvre et à l’œuvre qu’il avait créée, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, œuvre providentielle, œuvre bénie de Dieu, havre de salut au milieu de la tempête. Et parce qu’il faisait une confiance surnaturelle à Mgr Lefebvre, dont il pensait à juste titre que Dieu l’avait suscité pour s’opposer à la crise dans l’Église, il lui garda une fidélité sans faille, une fidélité filiale.
Il me semble que nous pouvons, à notre tour, recevoir de Mgr Bernard Tissier de Mallerais cet héritage toujours davantage nécessaire en ces temps de plus en plus troublés. En plus d’une foi vive, d’une espérance ferme et d’une charité ardente, notre bon Mgr Tissier a fait preuve d’une profonde confiance en Mgr Lefebvre et en l’œuvre qu’il a fondée, nonobstant les inévitables défauts humains que nous pouvons y déceler. Enfin, une fidélité sans faille à ladite Fraternité et à son fondateur.
Mgr Lefebvre a reçu la grâce pour sacrer des évêques. Nous avons reçu la grâce pour le suivre.
À l’occasion des dix ans des sacres de 1988, dans cette revue Fideliter, Mgr Tissier de Mallerais résumait sa ligne de conduite : « Mgr Lefebvre a reçu la grâce pour sacrer des évêques. Nous, nous avons reçu la grâce pour le suivre. » Que ce soit là, à notre tour, notre ligne de conduite !
Source : Fideliter n° 281