Un théologien écrit au pape : « C’est le chaos dans l’Église et vous en êtes une des causes »


Un des exemples du chaos dans l’Eglise : une « messe » œcu­mé­nique
avec une « pas­teure » por­tes­tante ! Paris, le 31 octobre 2017

Thomas G. Weinandy est l’un des théo­lo­giens les plus célèbres, il vit à Washington au Collèges des Capucins, l’ordre fran­cis­cain auquel il appar­tient. Il est membre de la Commission Théologique Internationale – cette même com­mis­sion que Paul VI avait acco­lée à la Congrégation pour la doc­trine de la foi pour qu’elle béné­fi­cie de l’é­lite des théo­lo­giens du monde entier – depuis que le Pape François l’y a nom­mé en 2014.

En mai der­nier, alors qu’il se trou­vait à Rome pour une ses­sion de la com­mis­sion, l’i­dée com­men­ça à ger­mer en lui d’é­crire à François une lettre ouverte pour lui faire part non seule­ment de sa propre inquié­tude mais éga­le­ment de celle de nom­breuses per­sonnes face au chaos crois­sant au sein de l’Eglise, chaos qu’il attri­bue en bonne par­tie au Pape lui-même.

Il pria alors lon­gue­ment, jusque sur la tombe de Pierre, avant de deman­der à Jésus de l’ai­der à déci­der s’il devait écrire cette lettre ou pas et de lui envoyer un signe…

Et le signe en ques­tion arri­va le len­de­main, iden­tique à celui qu’il avait lui-​même deman­dé dans la prière, comme il le raconte lui-​même : « Il n’y avait plus aucun doute que Jésus vou­lait que j’é­crive …« 1

Rassuré par le Ciel, le Père Weinandy rédi­gea donc la lettre. Au milieu de l’été, il la fit par­ve­nir au Pape François. Et aujourd’hui 31 octobre 2017, fête de Tous les Saints, il la rend publique d’abord sur le por­tail amé­ri­cain d’informations reli­gieuses Crux et immé­dia­te­ment ensuite à Rome, en quatre langues, sur Settimo Cielo.

A 71 ans, le Père Weinandy a ensei­gné dans de nom­breuses uni­ver­si­tés aux Etats-​Unis, pen­dant douze ans à Oxford ain­si qu’à Rome, à l’Université pon­ti­fi­cale gré­go­rienne. Il a été pen­dant neuf ans le direc­teur exé­cu­tif du Secrétariat pour la doc­trine de la Conférence épis­co­pale des Etats-Unis.

Suite à la publi­ca­tion de sa lettre au pape, life​si​te​news​.com nous apprend que la Conférence des évêques catho­liques amé­ri­cains (USCCB) a deman­dé au père Thomas Weinandy, qui était jusque-​là consul­teur des évêques amé­ri­cains en matière de doc­trine, de démis­sion­ner de son poste. L’intéressé a immé­dia­te­ment obtem­pé­ré. Exit donc celui qui dénonce le scan­dale…((« U.S. bishops ask theo­lo­gian to resi­gn after let­ter cri­ti­ci­zing Pope » - Lifesitenews))

Lettre ouverte au Saint Père, écrite le 31 juillet 2017 Jour de la fête de Saint Ignace de Loyola

Votre Sainteté,

C’est avec amour pour l’Eglise et res­pect sin­cère pour votre fonc­tion que je vous écris cette lettre. Vous êtes le Vicaire du Christ sur la terre, le ber­ger de son trou­peau, le suc­ces­seur de Saint Pierre et donc le rocher sur lequel le Christ bâtit son Eglise. C’est avec une loyau­té filiale et une obéis­sance enra­ci­née dans la véri­té que tout catho­lique, qu’il soit clerc ou laïc, doit s’adresser à vous. L’Eglise se tourne vers vous dans un esprit de foi, avec l’espoir que vous la gui­de­rez dans l’amour.

Cependant, Votre Sainteté, une confu­sion2 chro­nique semble mar­quer votre pon­ti­fi­cat. La lumière de la foi, de l’espoir et de l’amour n’est pas absente mais elle est trop sou­vent obs­cur­cie par l’ambigüité de vos mots et de vos actions. Ce qui nour­rit un malaise crois­sant chez les fidèles. Il com­pro­met leur capa­ci­té d’amour, de joie et de paix.

Permettez-​moi de prendre quelques brefs exemples :

Tout d’abord, il y a le contro­ver­sé cha­pitre 8 d’Amoris lae­ti­tia. Il n’est pas utile que je par­tage mes propres pré­oc­cu­pa­tions quant à son conte­nu. D’autres que moi, non seule­ment des théo­lo­giens mais éga­le­ment des car­di­naux et des évêques, l’ont déjà fait. La prin­ci­pale source de pré­oc­cu­pa­tion concerne votre façon d’enseigner. Dans Amoris lae­ti­tia, vos orien­ta­tions semblent par­fois inten­tion­nel­le­ment ambigües, et invite ain­si à la fois à une inter­pré­ta­tion tra­di­tion­nelle de l’enseignement catho­lique sur le mariage et le divorce((Voir notre dos­sier com­plet sur les divorcés-​remariés, le pro­blème homo­sexuel et le synode sur la famille)) comme à une autre inter­pré­ta­tion qui impli­que­rait, elle, un chan­ge­ment de ce même ensei­gne­ment. Comme vous le faites sage­ment remar­quer, les pas­teurs doivent accom­pa­gner et encou­ra­ger les per­sonnes en situa­tion irré­gu­lière mais l’ambigüité demeure quant à savoir ce que signi­fie véri­ta­ble­ment cet « accom­pa­gne­ment ». Enseigner avec un tel manque de clar­té appa­rem­ment inten­tion­nel fait cou­rir le risque de pécher contre l’Esprit Saint, l’Esprit de véri­té. L’Esprit Saint est don­né à l’Eglise, et plus par­ti­cu­liè­re­ment à vous, pour dis­si­per l’erreur et non pas la favo­ri­ser. En outre, ce n’es tque là où se trouve la véri­té que peut se trou­ver l’amour authen­tique, puisque la véri­té est la lumière qui libère les femmes et les hommes de l’aveuglement du péché, qui est une obs­cu­ri­té qui étouffe la vie de l’âme. Pourtant, vous sem­blez cen­su­rer et même vous moquer de ceux qui inter­prètent le cha­pitre 8 d’Amoris lae­ti­tia en accord avec la tra­di­tion de l’Eglise en les trai­tant de pha­ri­siens jeteurs de pierres qui incar­ne­raient un rigo­risme impi­toyable. Ce genre de calom­nie est étran­ger à la nature du minis­tère pétri­nien. Certains de vos conseillers semblent se livrer de façon regret­table à des actions simi­laires. Un tel com­por­te­ment donne l’impression que vos thèses ne sont pas en mesure de résis­ter à l’examen théo­lo­gique et ne peuvent donc être sou­te­nues que par des argu­ments « ad hominem ».

Deuxièmement, votre façon de faire semble trop sou­vent déva­lo­ri­ser l’importance de la doc­trine de l’Eglise. Encore et encore, vous dépei­gnez la doc­trine comme étant pous­sié­reuse, livresque et éloi­gnée des pré­oc­cu­pa­tions pas­to­rales de la vie quo­ti­dienne. Ceux qui vous cri­tiquent ont été accu­sés, selon vos propres mots, de trans­for­mer la doc­trine en idéo­lo­gie. Alors que c’est jus­te­ment la doc­trine chré­tienne – y com­pris les dis­tinc­tions sub­tiles concer­nant des croyances cen­trales comme la nature tri­ni­taire de Dieu, la nature et la fina­li­té de l’Eglise, l’Incarnation, la Rédemption et les sacre­ments – qui libèrent les gens des idéo­lo­gies du monde et assure qu’ils prêchent et ensei­gne­ment réel­le­ment l’Evangile authen­tique, qui donne la vie. Ceux qui déva­lo­risent les doc­trines de l’Eglise se séparent eux-​mêmes de Jésus, l’auteur de la véri­té. Alors tout ce qu’ils pos­sèdent et ne pour­ront jamais pos­sé­der, ce n’est qu’une idéo­lo­gie – et qui plus est une idéo­lo­gie qui se conforme au monde du péché et de la mort.

Troisièmement, les fidèles catho­liques ne peuvent qu’être décon­te­nan­cés par votre choix de cer­tains évêques, des hommes qui semblent non seule­ment ouverts à ceux qui défendent des thèses contraires à la foi chré­tienne mais qui les sou­tiennent et même les défendent. Ce qui scan­da­lise les croyants, ce n’est pas seule­ment le fait que vous ayez nom­mé de tels hommes pas­teurs de l’Eglise mais éga­le­ment que vous res­tiez muet face à leur ensei­gne­ment et à leurs pra­tiques pas­to­rales. Cela affai­blit le zèle de beau­coup d’hommes et de femmes qui défendent l’enseignement catho­lique authen­tique depuis tant d’années, sou­vent au prix de leur propre répu­ta­tion et de leur san­té. Avec pour résul­tat que de nom­breux fidèles qui incarnent le « sen­sum fide­lium » perdent confiance en leur pas­teur suprême.

Quatrièmement, l’Eglise forme un seul corps, le Corps mys­tique du Christ et vous avez reçu du Seigneur lui-​même la mis­sion de pro­mou­voir et de ren­for­cer cette uni­té. Mais vos actions et vos décla­ra­tions semblent trop sou­vent avoir l’effet inverse. Encourager une forme de « syno­da­li­té » qui auto­rise et encou­rage dif­fé­rentes options morales et doc­tri­nales au sein de l’Eglise ne peut que mener à davan­tage de confu­sion théo­lo­gique et pas­to­rale. Une telle syno­da­li­té n’est pas judi­cieuse et, en pra­tique, va à l’encontre de l’unité col­lé­giale entre les évêques.

Saint-​Père, cela m’amène à ma der­nière pré­oc­cu­pa­tion. Vous avez sou­vent par­lé d’un besoin de trans­pa­rence au sein de l’Eglise. Vous avez sou­vent encou­ra­gé, par­ti­cu­liè­re­ment au cours des deux der­niers synodes, chaque per­sonne et en par­ti­cu­lier les évêques, à expri­mer sa pen­sée sans avoir peur de ce que le pape pour­rait pen­ser. Mais avez-​vous remar­qué que la majo­ri­té des évêques à tra­vers le monde sont éton­nam­ment silen­cieux ? Comment cela se fait-​il ? Les évêques apprennent vite et ce que beau­coup ont appris de votre pon­ti­fi­cat ce n’est pas que vous êtes ouvert à la cri­tique mais bien que vous ne l’admettez pas. De nom­breux évêques se taisent par loyau­té pour vous et ils n’expriment pas – à tout le moins en public ; en pri­vé c’est une autre his­toire – les inquié­tudes que sou­lèvent votre pon­ti­fi­cat. Ils sont nom­breux à craindre que, s’ils disent ce qu’ils pensent, ils seront mar­gi­na­li­sés ou pire.

Je me suis sou­vent deman­dé : « Pourquoi Jésus laisse-​t-​il tout cela se pro­duire ? ». La seule réponse qui me vient à l’esprit c’est que Jésus veut mon­trer com­bien la foi de tant de per­sonnes dans l’Eglise est faible, même par­mi trop de ses évêques. Paradoxalement, votre pon­ti­fi­cat a don­né à ceux qui sou­tiennent des thèses pas­to­rales et théo­lo­giques nui­sibles la per­mis­sion et le cou­rage de sor­tir au grand jour et d’exposer leur obs­cu­ri­té qu’ils dis­si­mu­laient jusqu’ici. Face à cette obs­cu­ri­té, l’Eglise devra hum­ble­ment se renou­ve­ler afin de conti­nuer de gran­dir en sainteté.

Saint Père, je prie pour vous sans relâche et je conti­nue­rai à le faire. Puisse l’Esprit Saint vous conduire à la lumière de la véri­té et à la vie de l’amour pour que vous puis­siez dis­si­per les ténèbres qui voilent à pré­sent la beau­té de l’Eglise du Christ.

Bien à vous dans le Christ,

Thomas G. Weinandy, O.F.M., Cap.

Sources :Settimocielo /​Sandro Magister /​La Porte Latine du 2 novembre 2017

  1. « There was no lon­ger any doubt that Jesus wan­ted me to write… » ‑In magis​ter​.blo​gau​tore​.espres​so​.repub​bli​ca​.it []
  2. Lire à ce sujet : Le pape de la confu­sion ?, Jeanne Smits – 20 sep­tembre 2013 ; « Amoris lae­ti­tia » : une néces­saire cla­ri­fi­ca­tion pour évi­ter une confu­sion géné­rale, par Mgr Schneider – 30 avril 2016 ; Cardinal Caffara : Une grande confu­sion dans l’Eglise que seul un aveugle peut nier – 14 jan­vier 2017 ; Cardinal Burke : « L’Eglise est en proie à la confu­sion et à l’er­reur » – 25 mai 2017. []