Des évêques Traditionnels : Pourquoi ?
Il y a 20 ans Mgr Marcel Lefebvre a voulu réaliser l’opération survie de l” Eglise en conférant l’épiscopat à quatre prêtres non infectés par les doctrines révolutionnaires et modernistes.
C’est sur ce dernier membre de phrase qu’il faut insister et attirer votre attention. En effet, des évêques il s’en fait et s’en défait régulièrement dans le monde. Il y a ceux qui meurent et ceux qui, pour diverses raisons, démissionnent ou arrêtent d’exercer : récemment, au Paraguay, un évêque a été suspendu ses fonctions parce qu’il a été élu Président de la République ! Quoi qu’il en soit, ceux qui partent sont assez vite remplacés par d’autres. C’est une constatation que tout le monde peut faire : il y a de moins en moins de prêtres qui desservent de plus en plus de paroisses qui sont elles-mêmes de moins en moins nombreuses à cause des destructions : cependant, il n’y a pas pour autant de moins en moins d’évêques !
Mais alors ? S’il n’y a pas pénurie ou manque quantitatif, qu’est-ce qui a poussé Mgr Marcel Lefebvre à sacrer en 1988 quatre évêques ? Pourquoi l’avoir fait sans l’accord de Jean-Paul II et même avec son désaccord dûment signifié ? Que voulait-il ou que cherchait-il en sacrant ? Faire une petite Eglise indépendante dont il serait le gourou ? Ce n’est pas sérieux et il faut être passablement malveillant pour le penser. Mais plutôt demandons- nous : Qu’est-ce qu’il y a d’essentiel à la fonction épiscopale et qui fait tant défaut aux évêques issus de Vatican II ? Les évêques de la Tradition sont-ils bien différents des évêques conciliaires ? En quoi ? C’est en cherchant dans cette direction que l’on peut comprendre ce qui se joue actuellement dans l’Eglise.
Le véritable enjeu de l’Eglise.
L’enjeu de l’Eglise ce n’est pas seulement maintenir et diffuser la messe saint Pie V, conserver la soutane, du latin et du grégorien. Non. Tout cela a une importance certaine comme signe. L’absence de ces signes traditionnels indique certainement une présence moderniste notoire dans une église ou une communauté, mais la présence de ces signes n’est pas pour autant la garantie absolue de la fidélité à toute la Tradition catholique, car ce qui est essentiel dans l’Eglise c’est la doctrine, la foi.
« L’habit ne fait pas le moine » et le Christ d’ailleurs nous met en garde contre les « loups déguisés en brebis ».
S’il ne s’agissait que de conserver les signes extérieurs sans se soucier de la doctrine ne devrait-on pas se contenter désormais de l’attitude de certains prélats qui, à l’image de Benoît XVI, montrent une tolérance – presque de la bienveillance – pour ceux qui ont une pratique plus traditionnelle ? Sachons reconnaître à l’Eglise conciliaire un art de l’adaptation : elle peut supporter une certaine dose de Tradition sans pour autant renier ses grands principes modernistes. Ce sont ces principes qui sont dangereux et il faut les extirper parce qu’ils pervertissent la foi.
Récemment, dans la basilique du Latran, le Pape a voulu imposer la réception de l’eucharistie à genoux et sur la langue comme cela se fait obligatoirement dans toutes nos chapelles. C’est certes une chose très bonne. Est-ce suffisant pour conclure à une volonté de réhabilitation progressive de la doctrine ? Pas sûr.
Ce qui est sûr c’est que l’enjeu de l’Eglise c’est aujourd’hui comme hier et comme ce sera toujours : Primo, conserver, défendre et diffuser la foi catholique dans son intégralité pour que les âmes se sauvent. Avec la foi la grâce peut passer, mais sans la foi la grâce ne passera jamais. Si la foi est faible la grâce passera petitement, faiblement. La foi, on ne le dira jamais assez, est le fondement, la racine de la vie surnaturelle. Ici-bas le véritable amour de Dieu, appelé charité, s’appuie sur la foi et non l’inverse. Si quelqu’un dit aimer Dieu mais refuse ou ignore la foi catholique, son amour est faux parce qu’il n’est pas surnaturel. Au Ciel, il est vrai, la foi disparaitra pour faire place à la vision face à face de Dieu et alors la charité demeurera seule. Secundo : parallèlement cette mission de défense c’est combattre les erreurs, dénoncer et éradiquer le plus possible ce qui anéantit ou diminue la foi. L’Eglise ici-bas n’est pas dans la paix, elle est toujours en guerre, elle est militante. Notamment, de nos jours, il faut combattre tout spécialement le modernisme et le libéralisme qui pourrissent l’esprit chrétien. Ces deux erreurs font tomber les âmes dans une troisième erreur : le naturalisme. Qu’est-ce ? comme son nom l’indique, il est, essentiellement, une attitude indépendante et répulsive de la nature à l’égard de l’ordre surnaturel et révélé. Le cardinal Pie explique :
Le naturalisme est ce qu’il y a de plus opposé au christianisme. Le christianisme, dans son essence, est tout surnaturel ou plutôt, c’est le surnaturel même en substance et en acte. Dieu surnaturellement révélé et connu, Dieu surnaturellement aimé et servi, surnaturellement donné, possédé et goûté : c’est tout le dogme, toute la morale, tout le culte et tout l’ordre sacramentel chrétien. Or, le naturalisme nie, avant tout, ce surnaturel. Les plus modérés le nient comme nécessaire et obligatoire ; la plupart le nient comme existant et même possible.
Ces deux missions essentielles dont nous venons de parler (primo et secundo), incombent principalement aux responsables religieux : Pape, évêques, et aussi les prêtres. Les évêques doivent, certes, ordonner des prêtres mais des prêtres pour prêcher la foi ( et non pas « la liberté religieuse » ou « l’œcuménisme » qui sont des abominations conciliaires et la désolation des traditionalistes) , des prêtres pour sanctifier les ?âmes en commençant par les détourner des erreurs, du péché ( avortement, divorce, moyens de contraception etc..) et en les portant ensuite à limitation du Christ (humilité, pauvreté, charité) .
Or que voyons-nous ? Le clergé est devenu malade dans sa foi.
Voilà pourquoi en plusieurs circonstances mais plus particulièrement lors de son homélie des sacres, Mgr Marcel Lefebvre a très bien exprimé la portée de son action historique. En fait c’est une évidence il cherchait des évêques non infectés par le virus du modernisme et du libéralisme. Il voulait des guides qui ne soient pas de libres penseurs mitrés, incapables d’affirmer l’obligation pour le salut de se soumettre à tout le Credo. L’Eglise a le droit de posséder des évêques qui continuent à prêcher la Royauté sociale du Christ. Où sont-ils ? (face au laïcisme le pape Pie XI en 1925 a donné une encyclique sur le Christ-Roi, pour rappeler au monde chrétien que c’est une vérité essentielle du dogme catholique ).
La rupture de l’Eglise conciliaire avec les Souverains Pontifes.
Le concile a adopté des erreurs détestables condamnées de multiples fois par les Pontifes du 19e s. et de la première moitié du 20e s. Les documents pontificaux de cette période sont d’une importance capitale pour comprendre les fausses doctrines de l’heure présente ( rappel : M. l’abbé Frament donne une conférence chaque mois au Prieuré et à la chapelle St-Hilaire sur les grandes encycliques des papes anti-modernistes).
La révolution dans l’Eglise souhaitée par les francs-maçons, révolution en chape et en tiare – disaient-ils cyniquement dans leurs loges obscures- c’est-à-dire opérée par le clergé lui-même, a été réalisée de main de maître. Voilà pourquoi dans son sermon des sacres, Mgr Lefebvre a tenu à rappeler à s’en tenir à la série complète des Pontifes qui ont donné des enseignements antilibéraux et antimaçonniques précis :
Il me semble entendre, mes bien chers frères, les voix de tous ces papes depuis Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X, Benoît XV, Pie XI, Pie XII, nous dire :« mais de grâce, de grâce, qu’allez-vous faire de nos enseignements, de notre prédication, de la foi catholique, allez-vous l’abandonner ? Allez-vous la laisser disparaître cette terre ? de grâce, de grâce, continuez ce trésor que nous vous avons donné. N’abandonnez pas les fidèles, n’abandonnez pas l’Eglise ! Continuez l’Eglise ! Car enfin depuis le Concile Vatican II, ce que nous avons condamné, voici que les autorités romaines l’adoptent et le professent. Comment est-ce possible ? Nous avons condamné : le libéralisme, le communisme, le socialisme, le modernisme, le sillonnisme. Toutes les erreurs que nous avons condamnées, voici maintenant qu’elles sont professées, adoptées, soutenues par les autorités de l’Eglise. Est-ce possible ? Si vous ne faites pas quelque chose pour continuer cette Tradition de l’Eglise que nous vous avons donnée, tout disparaîtra. L’Eglise disparaîtra. Les âmes seront perdues.
C’est dans ce sermon que nous trouvons l’essentiel de l’argumentation qui le justifie subjectivement et objectivement. En fait Mgr Lefebvre a vu qu’il fallait des évêques au sens plein du terme : tout au service de la foi, désireux et capables de la défendre contre les erreurs du temps surtout la fausse philosophie et la fausse théologie.
Abbé Pierre BARRERE
Source : Le Sainte Anne n° 200 de juillet 2008