Histoire et liturgie de l’Église maronite

Saint Maron, patron des Maronites

Histoire

Les pre­miers chré­tiens de l’ancienne Syrie ont subi, dans leur his­toire, deux grandes divi­sions dues aux hérésies.

La pre­mière est celle qui a été expo­sée dans un article pré­cé­dent, lorsqu’il a été trai­té de l’histoire de l’Église syrienne. Pour rap­pel, au VIème siècle, des syriens avaient adop­té l’hérésie « mono­phy­site », qui consiste à nier l’existence d’une nature humaine en Notre-​Seigneur, celle-​ci étant, soi-​disant, absor­bée par la nature divine. Ainsi, selon leur doc­trine erro­née, le Christ aurait seule­ment eu une appa­rence humaine ; mais, en réa­li­té, cela n’aurait été qu’une illu­sion. C’est le moine Jacques Baraddaï qui contri­bua à l’expansion du mono­phy­sisme en Syrie. D’où le nom de « jaco­bite » aux syriens adeptes de cette hérésie.

La seconde grande divi­sion fut cau­sée par une erreur poli­tique de l’empereur Héraclius au VIIème siècle. Celui-​ci vou­lant mettre un terme à la divi­sion des syriens en « jaco­bite » ou non, vou­lant donc rame­ner la paix dans son royaume, encou­ra­gea l’hérésie « mono­thé­lite ». Cette doc­trine erro­née se veut être un com­pro­mis entre la foi catho­lique et le « mono­phy­sisme », car elle affirme qu’en Notre-​Seigneur il y a deux natures (comme les catho­liques) mais une seule volon­té, la volon­té divine (comme les jacobites).

Pour résu­mer les diverses doc­trines en Syrie au VIIème siècle :

  1. La foi catho­lique (telle qu’enseignée par les apôtres)
    En Notre-​Seigneur, il y a :
    une seule per­sonne (la Personne divine du Fils),
    deux natures (divine et humaine),
    et donc for­cé­ment deux volon­tés (divine et humaine).
  2. L’hérésie mono­phy­site (condam­née en 451 au concile de Chalcédoine)
    En Notre-​Seigneur, il y aurait :
    une seule per­sonne (la Personne divine du Fils),
    une seule nature (divine qui a absor­bé la nature humaine),
    et donc une seule volon­té (divine, puisque la nature humaine n’existe plus).
  3. L’hérésie mono­thé­lite (condam­née en 681 au concile de Constantinople)
    En Notre-​Seigneur, il y aurait :
    une seule per­sonne (la Personne divine du Fils),
    deux natures (divine et humaine),
    mais une seule volon­té (divine, mal­gré l’existence de la nature humaine).

Loin d’apporter la paix dans l’Empire romain d’Orient, cette tac­tique de l’empereur ne fit qu’augmenter la divi­sion. Ce n’est pas en favo­ri­sant l’erreur que le bien peut en sur­gir. Un nou­veau groupe reli­gieux se for­ma alors par­mi les syriens : les « maronites ».

Ces syriens choi­sirent ce nom en l’honneur de saint Maron, un moine qui vécut au com­men­ce­ment du Vème siècle. Les moines, dis­ciples de ce saint, avaient com­bat­tu vigou­reu­se­ment le « mono­phy­sisme » au VIème siècle : voi­là la rai­son pour laquelle cette nou­velle com­mu­nau­té de syriens vou­lut se faire appe­ler « maronite ».

Ces der­niers conser­vèrent dans leur litur­gie des for­mules mono­thé­lites, même après la condam­na­tion de cette héré­sie par le concile de Constantinople en 681.

Au VIIIème siècle, les riva­li­tés entre les catho­liques (qu’on appe­lait « mel­kites »), les jaco­bites (majo­ri­taires) et les maro­nites aug­men­taient en Syrie. Si bien qu’au IXème siècle, une per­sé­cu­tion reli­gieuse obli­gea les maro­nites à s’enfuir. Ils se réfu­gièrent au Liban. C’est alors qu’ils fon­dèrent un patriar­cat, conser­vé jusque main­te­nant encore, et ayant son siège à Bkerké.

L’union à Rome se réa­li­sa en 1181. La com­mu­nau­té maro­nite entière reje­ta le mono­thé­lisme, recon­nut la pri­mau­té du pape et se sou­mit donc à Rome. Il n’existe pas de maro­nite ortho­doxe, Dieu merci.

On compte aujourd’hui plus de 3 mil­lions maro­nites dans le monde.

À noter que l’une des plus grandes gloires des maro­nites, outre le fait d’avoir par­ti­ci­pé aux croi­sades, est le grand Charbel Makhlouf, mort en 1898. Celui-​ci accom­plit encore aujourd’hui de nom­breux miracles.

Liturgie

Le lien mul­ti­sé­cu­laire qui existe entre le Liban – pays dans lequel résident prin­ci­pa­le­ment les maro­nites – et l’occident – notam­ment la France – a lar­ge­ment contri­bué à une lati­ni­sa­tion du rite maro­nite. L’exemple le plus frap­pant est la façon de s’habiller du prêtre à la messe : ce sont les mêmes orne­ments sacer­do­taux que ceux du rite latin, à l’exception du mani­pule, puisque le prêtre maro­nite en met deux qui sont plus courts. Fait sur­pre­nant chez les orien­taux qui portent plu­tôt une chape pour la messe.

Pourtant, leur rite est bien d’origine antio­chienne, ou syro-​occidental. La langue employée dans la litur­gie est le syriaque ou l’arabe, ce der­nier étant plus sou­vent uti­li­sé puisque c’est la langue du pays. Mais la consé­cra­tion est tou­jours dite en syriaque.

Leur litur­gie dis­pose d’une tren­taine d’anaphores (textes du Canon). Le choix est lais­sé au célé­brant. La plus com­mu­né­ment employée est l’« ana­phore de la sainte Église catho­lique Romaine, Mère de toutes les Église ».

Voici quelques points notables de leur messe :

  1. Dès son arri­vée à l’autel, après y avoir dépo­sé le calice et la patène, le prêtre s’incline trois fois pour for­mer une croix, et récite la prière sui­vante : « J’irai à l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeu­nesse. J’ai péné­tré dans votre mai­son, et me suis pros­ter­né devant votre trône ; ô Roi céleste, pardonnez-​moi tous les péchés, toutes les fautes com­mises envers Vous ».
  2. Il y a cinq encen­se­ments, qui se font même aux messes basses.
    1. Dans l’un d’entre eux, avant l’offrande du pain et du vin, le prêtre encense les vases sacrés (calice et patène). Pour ce faire, le ministre pré­sente l’encensoir ouvert ; le prêtre fait l’imposition de l’encens ; et aus­si­tôt, il prend le calice et la patène qu’il ren­verse et place au-​dessus des fumées de l’encens.
    1. Dans un autre, il encense les saintes offrandes et récite le psaume 50 Miserere, qui convient par­fai­te­ment à expri­mer l’esprit de péni­tence et l’offrande de sacrifice.
  3. Les for­mules de béné­dic­tions s’entourent par­fois d’une solen­ni­té : pre­nant une croix de laquelle pendent des rubans, le prêtre se tourne vers le peuple et le bénit à trois reprises, éten­dant les bras entre cha­cune de ces bénédictions.
  4. La paix du Seigneur est, comme dans tous les rites orien­taux, don­née par le prêtre qui embrasse le voile du calice, pose sa main sur l’autel, sur le calice et sur l’hostie ; puis la met dans celle d’un ser­vant qui s’est mis aupa­ra­vant à genoux à droite du prêtre et ten­dant sa main comme un geste de sup­pli­ca­tion. Ce ser­vant va ensuite don­ner cette paix reçue de l’autel à tous les autres fidèles.
  5. La fin de la messe maro­nite est par­ti­cu­liè­re­ment tou­chante ; elle se fait en trois temps :
    1. Le prêtre congé­die le peuple en for­mant ce sou­hait :
      « Allez en paix, frères bien-​aimés. Nous nous confions à la grâce de Dieu, à la très sainte Trinité ».
    1. Puis il donne la béné­dic­tion :
      « Que la béné­dic­tion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ des­cende du ciel sur vous et sur moi ».
    1. Enfin, il prend congé de l’autel en disant :
      « Demeurez en paix, ô saint autel. Puissé-​je en paix reve­nir vers vous… et, acquit­té de mes dettes, ne pas être confon­du quand je com­pa­raî­trai devant le trône du Christ, au jour du juge­ment.
      « Demeurez en paix. Je ne sais si je pour­rai encore reve­nir à vous pour célé­brer les saints Mystères ».

Cette prière finale doit nous faire rap­pe­ler qu’il faut assis­ter à la messe et l’aimer comme si elle est la der­nière à laquelle Dieu nous fait la grâce de participer.