Histoire et liturgie de l’Église syrienne (ou syriaque)

Ordination sacerdotale d’un diacre irakien de rite syriaque catholique

Histoire

La Syrie fut l’une des pre­mières terres évan­gé­li­sées par les apôtres. Ceux-​ci envoyèrent des dis­ciples à Antioche, ville qui se trou­vait autre­fois en Syrie, mais qui fait main­te­nant par­tie de la Turquie (aujourd’hui nom­mée Antakya). C’est dans cette ville qu’a été don­né pour la pre­mière fois le nom de « chré­tien » à tous les adeptes du Christ.

Géographiquement, la par­tie ouest de l’actuelle Syrie se trou­vait dans l’empire romain ; tan­dis que sa par­tie orien­tale était dans l’empire perse. Si, à l’époque, cela ne posait pas de dif­fi­cul­té « géo­gra­phique », il n’en était pas de même pour les habi­tants. En effet, la fron­tière qui sépa­rait les deux empires perse et romain était fac­tice pour eux : la popu­la­tion syrienne était la même d’un côté ou de l’autre de la fron­tière. Ainsi, les chré­tiens de cette région, qui étaient unis entre eux par la prière et l’assistance à la messe, se sen­taient tan­tôt proche de Constantinople, capi­tale de l’empire romain d’Orient (et donc étant sous sa juri­dic­tion) ; tan­tôt ils se disaient unis aux chré­tiens de l’empire perse (et donc sous la juri­dic­tion du patriarche en Mésopotamie). Il est dif­fi­cile d’exposer davan­tage en un article les dif­fé­rentes ten­dances des chré­tiens syriens au cours des pre­miers siècles. Mais ce que l’on peut rete­nir, c’est qu’ils doivent leur struc­ture ecclé­sias­tique bien for­mée à l’Église d’Orient en Mésopotamie.

En 451, le concile de Chalcédoine condam­na l’hérésie mono­phy­site, erreur qui pré­tend que la nature humaine a été absor­bée par la nature divine, si bien qu’il n’y a plus dans le Christ que la divi­ni­té, sans trace de l’humanité. Le corps du Christ est alors, selon les par­ti­sans de cette héré­sie, une appa­rence que ses contem­po­rains ont cru être une réa­li­té. Au lieu de se sou­mettre à la foi catho­lique qui affirme deux natures dans le Christ (divine et humaine), les mono­phy­sites ont pré­fé­ré se sépa­rer de l’Église, pour fon­der la leur propre.

Le mono­phy­sisme gagna très vite la Syrie, et se pro­pa­gea sur­tout dans les cam­pagnes ; les mono­phy­sites par­vinrent même à mettre sur le siège d’Antioche un patriarche de leur obédience.

L’indécision des empe­reurs byzan­tins qui dési­raient apai­ser les syriens fit que, durant 70 ans, patriarches catho­liques et mono­phy­sites diri­gèrent alter­na­ti­ve­ment, d’Antioche, l’Église de Syrie.

L’empereur Justin Ier (518–527) jugea oppor­tun de prendre par­ti : il sup­pri­ma les mou­ve­ments sépa­ra­tistes et agit avec une sévé­ri­té toute par­ti­cu­lière contre les mono­phy­sites. Son neveu Justinien (527–555) serait par­ve­nu à vaincre défi­ni­ti­ve­ment le mono­phy­sisme si l’impératrice Théodora n’était per­fi­de­ment inter­ve­nue en faveur de cette héré­sie. Le moine Jacques Baraddaï (ou Baraddée), grâce à l’aide de l’impératrice, par­vint à se faire consa­crer évêque et, dégui­sé en men­diant, par­cou­rut alors, en se cachant, l’Asie Mineure, la Syrie et l’Égypte, y réta­blis­sant la hié­rar­chie mono­phy­site. En sou­ve­nir de lui, les mono­phy­sites syriens prirent le nom de « Jacobites ».

Il y avait donc désor­mais deux Églises en Syrie : la mino­ri­té catho­lique, appe­lée « mel­kite » ou « gréco-​melkites » à cause de leur fidé­li­té à l’empereur byzan­tin (ils se sépa­re­ront plus tard de l’Église catho­lique) ; et l’Église mono­phy­site des Jacobites, deve­nant ain­si schismatiques.

Supportant mal l’autorité de Byzance, la haïs­sant, les jaco­bites accueillirent à bras ouverts les conqué­rants arabes en 636. Mais, par la suite, ils eurent beau­coup à en souf­frir … jusqu’aujourd’hui encore. Déjà à l’époque, de nom­breux syriens aban­don­nèrent le chris­tia­nisme pour l’islam.

Au temps des croi­sades, des mis­sions domi­ni­caines et fran­cis­caines, tra­vaillant à leur retour dans l’Église, eurent peu de suc­cès. Idem au XVIème siècle. Une Église syrienne catho­lique ne fut éta­blie qu’au début du XVIIème siècle lorsque capu­cins et jésuites par­vinrent à rame­ner à la vraie foi de nom­breux jaco­bites, en majeure par­tie d’Alep, et comp­tant par­mi eux plu­sieurs évêques et un patriarche.

Durant le siècle sui­vant, les jaco­bites, avec l’aide de l’empire otto­man, per­sé­cu­tèrent cette Église syrienne catho­lique et l’auraient anéan­tie si, en 1783, quatre évêques syriens n’avaient élu patriarche l’archevêque d’Alep, Michel Garweh. Prenant le che­min de l’exil, celui-​ci s’installa à Charfet au Liban. Par la suite, le siège patriar­cal fut trans­fé­ré à Beyrouth, tou­jours au Liban. Celui des ortho­doxes est à Damas en Syrie.

Il est dif­fi­cile de don­ner le nombre actuel de fidèles dans l’Église syrienne catho­lique ou ortho­doxe. Les guerres qui font rage depuis ces der­nières années ont non seule­ment mas­sa­crés les chré­tiens (catho­liques ou ortho­doxes), mais les ont aus­si pous­sés à quit­ter leur pays.

En ce qui concerne la foi des syriens ortho­doxes, un chan­ge­ment notable s’est opé­ré en 1984. Le patriarche a signé un texte com­mun avec l’Église catho­lique qui nie clai­re­ment le mono­phy­sisme, et pro­clame les deux natures dans le Christ. Ainsi, les syriens ne peuvent plus être qua­li­fiés offi­ciel­le­ment d’hérétiques puisqu’ils affirment la doc­trine chré­tienne sans erreur. Cependant, ils res­tent schis­ma­tiques puisqu’ils ne recon­naissent pas l’existence d’un vicaire unique du Christ sur terre, qu’est le pape, pour les chré­tiens du monde entier. Prions pour leur retour…

Liturgie

La litur­gie syrienne (ou syriaque) vient de Jérusalem ; on l’appelle litur­gie de saint Jacques le Mineur, du nom de l’apôtre qui a été le pre­mier évêque de Jérusalem. La langue litur­gique est le syriaque, étroi­te­ment appa­ren­té à l’araméen, la langue même du Christ. Mais en géné­ral, les lec­tures et prières à voix haute sont réci­tées ou chan­tées dans la langue du peuple (en géné­ral arabe, turc ou kurde).

Les vases sacrés uti­li­sés pen­dant la messe sont les mêmes que ceux uti­li­sés dans le rite latin, aux­quels il faut ajou­ter deux cou­vercles métal­liques pour la patène et le calice, un asté­risque (sup­port métal­lique ayant deux lames cour­bées et croi­sées, ce qui donne quatre pieds) et une cuillère pour la com­mu­nion du prêtre.

En revanche, les habits sacer­do­taux sont différents :

  1. La sou­tane a des manches très amples.
  2. L’amict a la par­tie supé­rieure fait du même tis­su que l’ornement. Ainsi, lorsqu’il rabat­tra l’amict en tout der­nier, la par­tie supé­rieure en orne­ment paraî­tra au-​dessus de la chape.
  3. Le prêtre porte deux mani­pules en forme de man­chons sur les avant-bras.
  4. L’étole se porte aus­si au cou, mais n’a qu’un seul grand pan au lieu de deux.
  5. Le prêtre porte une chape pour toute la messe.

L’hostie est un pain fer­men­té d’un demi-​centimètre d’épaisseur mar­qué de treize croix, en sou­ve­nir de Notre-​Seigneur et de ses douze apôtres lors de la Sainte Cène.

Les hos­ties des­ti­nées aux fidèles sont trem­pées dans le pré­cieux Sang durant la messe, ou pen­dant la dis­tri­bu­tion ; la com­mu­nion est ain­si don­née sous les deux Espèces.

Voici quelques rites par­ti­cu­liers de la messe :

  1. Il y a deux offer­toires qui se déroulent dès le début de la messe.
    Durant le pre­mier, nom­mé « obla­tion de Melchisédech », le prêtre, étant revê­tu uni­que­ment de la sou­tane, offre à l’autel l’hostie posée sur ses mains en disant entre autres : « Comme une bre­bis, il a été mené à l’abattoir ; et, comme un agneau muet devant celui qui tond, il n’ouvre point la bouche ».
    Pour pro­cé­der au second offer­toire, nom­mé « holo­causte d’Aaron », le prêtre récite d’abord une longue prière pré­pa­ra­toire, puis se revêt des orne­ments de la messe. C’est alors que, reve­nant à l’autel, il sai­sit la patène de la main droite et le calice de la gauche ; et croi­sant les avant-​bras, il récite la seconde prière de l’offertoire, tout en fai­sant com­mé­mo­rai­son du Christ, de la Sainte Vierge et des saints, sans oublier les défunts.
  2. Les offer­toires et les lec­tures ache­vés, la messe des fidèles com­mence alors par une solen­nelle prière d’introduction et se pour­suit par la béné­dic­tion des chaînes de l’encensoir. Celle-​ci est la glo­ri­fi­ca­tion la plus démons­tra­tive de la sou­ve­raine Trinité. Voici com­ment elle se réalise :
    1. L’encensoir, ayant quatre chaînes, est appor­té à la droite de l’autel.
    2. Le prêtre, qui s’en rap­proche, prend une chaîne et la bénit en disant : « Dieu le Père est saint. Amen ».
    3. Il y joint deux autres, sym­bo­li­sant les deux natures du Christ, et les bénit en disant : « Dieu le Fils est saint. Amen ».
    4. Joignant enfin la der­nière chaîne aux autres, il adresse la même louange au Saint-Esprit.
  3. Après la consé­cra­tion, le prêtre porte à ses lèvres ses mains qu’il vient de poser sur les Saintes Offrandes et prie pour la hié­rar­chie de l’Église et pour tous les besoins du genre humain.
  4. En invo­quant le Saint-​Esprit (épi­clèse) pour qu’il repose sur les Saintes Espèces, le prêtre fait tour­noyer légè­re­ment ses doigts et ses mains au-​dessus de la patène et du calice, pour imi­ter le vol de la colombe et sym­bo­li­ser la des­cente du Saint-Esprit.