Histoire
L’Éthiopie est un pays montagneux qui descend en pente jusqu’à la mer. C’est un pays complexe puisqu’on y compte à peu près dix peuples différents et cinq religions. Les musulmans y sont à 34 millions, majoritairement sur le long de la côte ; tandis que la partie ouest est majoritairement païenne (ou animiste). Mais le cœur de l’Éthiopie est formé d’un peuple sémite qui a donné son nom à tout le pays. Il y a ainsi 63 millions de chrétiens, dont 43 orthodoxes, 19 protestants, et seulement un petit million de catholiques.
L’Église Éthiopienne remonte à Alexandrie, mais nous n’en avons de mentions certaines qu’à partir du IVème siècle. Saint Athanase consacra Frumence évêque d’Axoum, la capitale de l’Éthiopie à l’époque. La métropole d’Axoum avait six diocèses suffragants, mais ces sièges épiscopaux disparurent assez vite, parce que les patriarches d’Alexandrie de l’époque ne voulaient pas que s’implantât une hiérarchie éthiopienne autonome et avaient pour règle de ne consacrer pour Axoum qu’un seul évêque. De cette façon, l’Église éthiopienne demeurait sous la dépendance de celle d’Alexandrie, et gardait avec elle les plus étroites relations. Quand, au milieu du Vème siècle, l’Église d’Alexandrie opta en majorité pour le monophysisme (doctrine hérétique ne reconnaissant que la nature divine dans le Christ, supposant que la nature humaine a été absorbée) et se mua en Église copte, l’Église éthiopienne embrassa à sa suite la même erreur. C’est à cette époque que ces deux Églises tombent dans le schisme.
Après l’invasion arabe, l’Éthiopie fut coupée du reste du monde et vécut sur elle-même ; pas la moindre information à son sujet du VIIème au XIIIème siècle.
Dans les temps modernes, Alexandrie a accordé à l’Église éthiopienne plusieurs évêques qui assistent l’évêque d’Axoum. Mais le véritable chef de l’Église nationale est le Négus (souverain d’Éthiopie), à qui revient la décision suprême dans toutes les questions importantes (de droit, le Négus est diacre).
De nos jours, l’Église éthiopienne orthodoxe s’est libérée de la tutelle copte. C’est en 1951 qu’elle est devenue officiellement autonome.
L’évêque principale de l’Église éthiopienne orthodoxe se fait appeler l’Abouna, qui est équivalent à un patriarche. Son siège n’est plus à Axoum, mais à Addis Abeba. Aujourd’hui le patriarche qui règne est Abouna Mathias.
Le retour à l’Église catholique
Au XVIIème siècle, quand les portugais colonisèrent les régions côtières, ils cherchèrent à gagner de l’influence dans les affaires ecclésiastiques de l’Éthiopie. Le Négus de l’époque s’était converti au catholicisme, le pape leur donna même un patriarche. Mais les missionnaires catholiques commirent l’erreur de vouloir latiniser le rite éthiopien et s’attirèrent la haine des monophysites, tandis que le zèle imprudent du Négus provoqua une révolte qui ne dura pas moins de cinq ans. Le fils de ce Négus expulsa du royaume tous les prêtres catholiques, rompit tout lien avec Rome et, pendant plus de deux cents ans, aucun missionnaire catholique ne put pénétrer en territoire éthiopien.
Ce n’est qu’au XIXème siècle que lazaristes, capucins et cisterciens purent reprendre, dans les régions païennes, le travail missionnaire, mais selon le rite latin. L’invasion italienne seconda l’œuvre entreprise, mais après la seconde guerre mondiale, les missions catholiques eurent malheureusement à subir de sérieux revers et les missionnaires, les non-italiens puis les italiens eux-mêmes furent expulsés. Toutefois, avec sagesse, le Négus a réfréné l’expulsion des italiens et aplani les difficultés qu’ils éprouvaient dans le libre exercice de leur religion. La difficulté principale résidait en ce que les éthiopiens ne voulaient pas changer de rite.
Depuis, Rome a érigé l’église catholique éthiopienne en 1951. Cela leur permit ainsi d’être dans l’Église catholique tout en pratiquant leur rite propre, qui est le rite guèze. C’est une église métropolitaine qui compte actuellement 4 éparchies (~diocèses). Le siège du primat est à Addis-Abeba, capitale du pays.
L’Érythrée
Depuis quelques décennies se pose la question de l’Érythrée. Ce pays, reconnu officiellement par les Nations Unies en 1993, semble n’avoir aucune origine différente de l’Éthiopie. En effet, tous deux ont un même patrimoine historique, culturel et linguistique, puisque depuis plusieurs siècles, ils faisaient parti du même empire. L’Érythrée n’était alors qu’une région parmi d’autres.
Ce qui commença à la distinguer beaucoup plus nettement de l’Éthiopie fut l’invasion musulmane de Soliman le Magnifique en 1552. La religion islamique s’y étant implantée au niveau de la côte, elle provoqua un début de changement culturel. La langue évolua et l’administration de la région fut quelque peu différente. Par la suite, dans une période plus récente (au XIXème siècle), plusieurs états (l’Angleterre, l’empire ottoman et l’Égypte en particulier) se disputaient cette côte africaine en raison du commerce et de l’économie qu’elle impliquait. L’Italie finit par coloniser l’Éthiopie ; et c’est elle qui, en 1885, délimita la région érythréenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Depuis cette date, l’Érythrée connut plusieurs étapes qui l’amenèrent successivement à son indépendance, mais, malheureusement, aussi à plusieurs guerres.
Cette introduction historique démontre assez bien la difficulté qui existe entre les deux pays, mais aussi à l’intérieur de chacun. Et cela ne va pas sans répercussion sur les catholiques. Ainsi, ceux d’Érythrée, bien que peu nombreux, sont considérés comme des traîtres par le reste de la population. Une autre difficulté a été de maintenir un lien entre les catholiques des deux pays. Car étant de même rite (le rite guèze), il semble assez absurde de les séparer. Mais les conflits et problèmes politiques qui ont durés plusieurs années, n’aidaient pas à la bonne entente.
Rappelons que c’est en 1951 que l’Église éthiopienne catholique fut fondée. Puis, dix ans plus tard, elle fut érigée par le pape Pie XII comme église métropolitaine, ayant son siège à Addis- Abeba en Éthiopie. C’était donc une même église pour les deux pays. Si cette érection peut être critiquée sur certains points, cependant elle manifestait l’universalité de l’Église du Christ, l’Église catholique, qui dépasse les conflits politiques et territoriaux. Mais, en 2015, le pape François érigea l’Église érythréenne en Église métropolitaine, ce qui la sépara de l’Église éthiopienne. La question d’une bonne entente entre ces pays, qui bien qu’elle se soit apaisée ces derniers temps, reste toujours en suspens …
Liturgie
La majorité des anciennes églises éthiopiennes étaient creusés dans le roc (rappelant ainsi que l’Église est fondée et consolidée par le « vrai rocher » qui est le Christ). Elles étaient parfois entièrement dans des grottes, parfois un peu détachées, et parfois complètement excavées. Du moins, elles sont toutes orientées vers l’Orient (figure mystique du Christ qui apporte la lumière et le salut au monde).
Le baptême dans ce rite est une longue cérémonie, dans laquelle le prêtre prépare l’eau baptismal. Puis, l’enfant, complètement dénudé, est approché et placé au-dessus du baptistère par le parrain. Le prêtre, aidé d’un grand récipient, verse par trois fois une bonne quantité d’eau sur la tête de l’enfant en prononçant les paroles sacrées. Parfois, une croix est placée entre l’eau et l’enfant. Ainsi, avant que l’eau ne coule sur la tête, elle passe par la croix.
Pour ce qui est de la messe éthiopienne, voici quelques singularités :
- La langue se célèbre dans une ancienne langue arabe, appelé le guèze.
- Les vêtements liturgiques éthiopiens sont comme ceux des coptes, puisque ce rite en découle : amict, aube, ceinture plate du même tissu de l’ornement, deux manipules (en forme de manchettes), une étole d’un seul pan et une chape.
- Comme pour les coptes, les éthiopiens ont un petit voile qui recouvre ou enveloppe l’hostie.
- L’hostie est identique à celle des latins.
- La messe commence par une profonde vénération du prêtre et des prières au bas de l’autel.
- Aussitôt après, il y a un premier offertoire dans lequel le prêtre enveloppe l’hostie avec le petit voile et l’élève vers la croix.
- Avant de lire l’évangile, le prêtre récite des prières préparatoires, au cours desquelles il donne sa bénédiction au monde entier, puisque l’Évangile est à prêcher à tout le monde.
À la fin, il baise le livre et le touche du front, en signe de reconnaissance et de vénération. - Après avoir consacré et adoré le précieux Corps, le prêtre s’incline vers le calice pour prononcer les paroles sacrées. Ceci étant dit, il incline le calice quatre fois de suite pour signifier le sang qui est versé pour le monde entier, dans ses quatre points cardinaux.
- La consécration étant achevée, une grande adoration se fait dans laquelle le prêtre abaisse son front jusqu’à l’autel, rappelle les principaux faits et bienfaits du Christ (anamnèse), et fait enfin appel au Saint-Esprit (épiclèse).
- L’élévation se fait après la fraction de la sainte hostie, signifiant ainsi que c’est le précieux Corps livré pour nous en sacrifice qui nous est offert gracieusement par Dieu.
- Puis il humecte le précieux Corps avec son doigt trempé dans le précieux Sang. Enfin, il dépose une parcelle dans le calice.
- La sainte hostie est élevée deux fois successivement.
Dans la première élévation, il y a l’injonction : « Le Saint est pour les saints », rappelant aux fidèles l’état de grâce pour communier.
Dans la deuxième, il y a 41 fois l’invocation : « Christ, ayez pitié de nous » alternée par le prêtre et le ministre. - La communion se donne sous les deux espèces : le prêtre trempe la sainte hostie dans le précieux Sang, avant de la donner au communiant qui la reçoit debout.
- Les jours de grande fête, la liturgie prévoit une hostie d’environ 20 cm de large et un doigt d’épaisseur (la patène est aussi plus grande pour l’occasion). L’hostie est divisée en treize parts : douze rappelant les apôtres, et une centrale qui est nommée la part du « Seigneur ». Celle-ci est délicatement plongée dans le calice, puis sert à humecter les parts des apôtres.
Ces jours de fêtes, la cérémonie dure près de quatre heures.
La liturgie pour ces jours prévoit aussi une procession (notamment autour de l’autel), dans laquelle il y a des battements rythmés d’instruments indigènes et de tambours, qui accompagnent le chœur. Coutume qui nous paraît étrange, mais qui s’adapte tout à fait à la cérémonie. - Pour faire leur signe de croix, que ce soit dans la messe ou en dehors, les éthiopiens joignent le pouce à l’index pour donner une forme de croix ; puis ils ferment le reste de la main. Étant ainsi formée, ils se signent avec le dos du pouce.
Quand, dans la messe, le prêtre mentionne les saintes offrandes, les fidèles tendent leurs deux mains ainsi formées vers la patène et le calice : geste qui, pour eux, est la plus solennelle expression de respect et de foi en la présence réelle du Christ.
Abbé Daniel Sabur, FSSPX