Messieurs les membres du Gouvernement,
Messieurs les députés,
Messieurs les magistrats,
Mes bien chers frères,
Permettez-moi qu’avant de vous adresser quelques mots en votre nom, au nom de toute l’assemblée, je présente mes respectueuses et cordiales condoléances à sa digne épouse Madame Lovey, à ses enfants et à toute sa famille.
S’il est vrai que dans ces circonstances, notre cœur est étreint de douleur et de tristesse, combien plus doit être grande la douleur de la famille, de ceux qui l’ont aimé, qui l’ont connu de si près.
Et c’est pour cela que nous sommes aujourd’hui réunis ici, autour de la dépouille mortelle du cher Maître Lovey. Réunis dans la prière de l’Église. Et l’Église sait trouver des accents, des prières, qui nous consolent, qui nous rassurent, qui mettent la paix dans nos âmes.
Il n’y a peut-être pas de plus belle liturgie dans les fêtes de l’Église, que la liturgie des défunts. Il semble que l’Église nous transporte dans le Ciel. À tout instant, la liturgie fait appel aux anges. Subvenite angeli Dei : Venez anges de Dieu. In Paradisium deducant te angeli : Que les anges vous conduisent dans le Paradis. Et ainsi de suite…
Il semble que vraiment dans ces circonstances, l’Église relie d’une manière plus émouvante encore que jamais, la terre au Ciel. Oui la liturgie de l’Église catholique est une liturgie d’espérance. Et c’est cette espérance qui nous soutient ; Spes non confundit : Notre espoir ne sera pas confondu.
Et Dieu sait si le cher Maître Lovey a manifesté cette espérance. Quel exemple il nous a donné, au cours de sa maladie, avec une sérénité parfaite, comme il était toujours. Avec une présence d’esprit complète, il a vu la mort venir. Et sans hésiter, il a préparé tous les détails de son enterrement. Il a indiqué ses dernières volontés. Quel exemple pour nous.
Dans le journal qui publie les différents articles des amis de Maître Lovey, nous avons pu admirer combien cette personnalité de Maître Lovey était attachante, était exceptionnelle. Avec beaucoup d’émotion et de justesse, ils ont rappelé les dons exceptionnels que Dieu avait départis à Maître Lovey : don d’intelligence, don de mémoire, doublés de vertus sociales particulières. Il suffisait de le voir, de le rencontrer pour être attiré par cette personnalité. Pour être à la fois plein de respect et en même temps rempli de cette simplicité qu’il dégageait de sa personne. Cette bonté naturelle qui ravissait les cœurs.
Mais je n’insisterai pas là-dessus puisque ces auteurs l’ont fait d’une façon magnifique. Nous n’avons qu’à nous reporter à ces articles, pour comprendre quelle fut vraiment la personnalité exceptionnelle de Maître Lovey dans ses relations, dans son action aussi bien familiale que professionnelle.
J’insisterai simplement sur ce que d’ailleurs les auteurs de ces articles ont déjà évoqué : toutes ces vertus, tous ces dons qui émanaient de la personne de Maître Lovey ne pouvaient bien se comprendre que par sa foi.
Maître Lovey a été un catholique et un catholique valaisan. Il semble que sa foi venait de ce terroir, de sa petite patrie du Valais qu’il aimait tant, qu’il aimait chanter. Il a trouvé là, dans sa famille et dans le terroir du Valais, cette foi profonde qui faisait l’admiration de tous ceux qui l’approchaient.
Et c’est cela, je pense aussi, qui éclairait tous ses jugements et qui donnait une lumière particulière à toute sa conversation. Jamais il ne se départissait des principes de la foi. Je dirai même plus, il était non seulement un catholique, il était même un théologien. Et ce mot n’est pas trop fort. Il avait la science de Dieu. Une science profonde, une science que l’on pourrait comparer à celle de nos meilleurs théologiens. Il lisait saint Thomas dans le texte. Il se nourrissait de cette théologie de saint Thomas. Combien de fois il me l’a dit. Et c’est cela qui donnait à toute sa personnalité, cette grandeur que l’on remarquait en lui et cette sûreté dans le jugement. Jamais il ne s’est départi de voir, de juger et d’agir, en catholique. C’est cela je pense qui était la plus belle marque de sa personnalité.
Et il me semble que je ne puisse séparer de son nom, mes bien chers frères, le nom de ceux qui l’ont entouré et que nous avons connus particulièrement. Bien sûr on pourrait en citer de très nombreux, mais je ne citerai que ceux que j’ai particulièrement moi-même bien connus et que vous avez connus également : Monsieur Alphonse Pedroni qui faisait partie aussi de cette association qui nous a permis d’acquérir cette propriété d’Écône, M. Alphonse Pedroni, M. Guy Genoux, qui entretenait des relations de profonde amitié avec Maître Lovey et que la profession aussi et les charges importantes que M. Guy Genoux a remplies dans le Valais, le mettait nécessairement en contact très souvent avec ce cher ami qu’était pour lui Roger Lovey. Et je ne pourrai pas non plus ne pas ajouter celui qui vient de nous quitter récemment et qui était pour nous un catholique modèle Victor Salamin. Trois personnalités du terroir valaisan : venant de ces belles vallées, vallée d’Orsières, Val Novillé ; vous les aimez ces vallées et vous avez raison. Restez‑y attachés. Ce sont elles qui vous ont donné ces vertus profondes et qui vous ont attachés à Dieu. Ces belles montagnes ne peuvent pas ne pas élever vers Dieu.
Et puis j’ajouterai encore ceux que la Providence m’a permis de connaître avant même que nous ayons (fait) l’acquisition d’Écône. Étant supérieur général des Pères du Saint-Esprit, j’avais l’occasion de visiter les familles valaisannes des pères du Saint-Esprit. Et il y avait environ quatre-vingts prêtres missionnaires du Saint-Esprit, venant du Valais, valaisans. Cela me donnait donc l’occasion de visiter parfois ces familles et je n’en citerai qu’une qui m’avait particulièrement frappé, c’est celle du colonel Giroud. Encore un homme, dites-moi, chers amis, dites-moi mes bien chers frères, dites-moi chers amis, si des hommes comme cela ne représentent pas des valeurs magnifiques ; des valeurs pour un pays comme celui-ci. Combien de fois j’ai eu l’occasion de parler et de rencontrer ce cher colonel Giroud. Quelle foi catholique, quelles convictions, quel amour de son pays, quelle loyauté, quelle franchise dans son parler !
Voilà des hommes qui sont des patriarches et qui ont fondé des familles, des foyers qui sont à leur honneur. Je me souviens avoir visité en particulier, sa sainte et vénérée mère, à Chamoson, une sainte Personne ; la sainteté rayonnait sur son visage. Voilà des exemples.
Si je les unis à la pensée et à la personne du cher Maître Lovey, c’est parce que je pense que les qualités et les vertus de ces personnalités, ne viennent pas seulement d’elles-mêmes. Elles viennent de l’ambiance, de l’entourage, de ce Valais catholique, de ce terroir. Vous qui êtes habitués à cultiver les vignobles, vous savez bien qu’il faut entretenir les terres pour que la vigne soit bonne. Eh bien, pour que la foi catholique soit si manifeste dans ces personnalités, il faut que le sol, que l’humus de leur famille, dans leur ambiance, soit vraiment catholique.
Alors recueillons, en définitive, le testament de ces hommes qui nous ont laissé un souvenir immémorial, dont nous gardons fidèlement le souvenir.
Que nous disent-ils ? Gardez la foi, gardez la foi ! Alors nous devons tout faire comme le faisait Maître Lovey. Il a tout fait ce qu’il a pu, pour que le catéchisme du diocèse de Sion demeure le catéchisme des familles chrétiennes du Valais. Il a compris que l’école catholique était une nécessité pour les enfants et pour les familles et que c’était bien de multiplier les familles chrétiennes, d’avoir de nombreux enfants, mais si c’est pour les confier à des maîtres qui leur font perdre la foi et la morale, que c’est inutile de fonder des foyers catholiques.
Alors il s’est attaché à fonder ces petites écoles primaires, trois écoles primaires, une école secondaire. Voilà l’œuvre d’un père de famille catholique.
Et c’est pourquoi le Bon Dieu lui a fait cette grâce insigne, d’être entouré au moment de sa mort d’une fille religieuse, d’un diacre qui allait devenir prêtre quelques heures plus tard, le cher Philippe qui célèbre la messe aujourd’hui ; entouré d’une religieuse, entouré d’un prêtre, entouré de ses trois filles mères chrétiennes qui lui ont donné une descendance joyeuse et nombreuse ; entouré d’une épouse profondément chrétienne, qui l’a aidé à être ce qu’il était, pendant toute sa vie. Quelle récompense pour lui et comme il le comprenait et comme il s’en réjouissait profondément.
Alors, mes bien chers frères, si vous voulez vous aussi jouir de ces bienfaits spirituels des fruits de la foi catholique, entretenez cette flamme que ces témoins de la foi, valaisans, ont entretenue dans leurs familles, dans leurs foyers, dans leurs cités. Faites en sorte que le Valais redevienne cette vallée profondément catholique qui a donné de nombreuses vocations.
Permettez un petit exemple, un jour, étant supérieur général des Pères du Saint-Esprit et ayant quelques prêtres valaisans missionnaires, fatigués, mais qui auraient pu rendre service dans une paroisse, je suis allé trouver Mgr Adam. Et je lui ai demandé s’il ne pouvait pas employer ces quelques missionnaires fatigués dans une des paroisses du Valais. Et Mgr Adam me répondait en toute simplicité : « Mais Monseigneur, c’est impossible. Je ne puis pas recevoir ces missionnaires chez moi, j’ai trop de prêtres. Je ne sais plus que faire de mes prêtres. Nous avons plus de 640 prêtres sortis du Valais, encore vivants, m’a‑t-il dit, entre ceux qui sont dans le Valais et ceux qui sont hors du Valais dans les missions. Je ne puis pas recevoir le secours de ces prêtres. » Voilà ce que me disait Mgr Adam, il y a trente ans environ.
Alors il faut revenir à ce temps bienheureux, où les vocations étaient nombreuses, où les familles étaient nombreuses, où la foi était profonde et où ainsi le Valais avait une réputation qui dépassait bien toutes ses frontières et qui rendait heureux ceux qui venaient dans ce pays privilégié.
Et c’est pourquoi nous remercions et nous rendons grâces à Dieu de nous avoir fait venir dans ce pays et nous remercions aussi le Bon Dieu de nous donner des vocations, vocations du Valais, vocations de religieux, de religieuses.
Que le cher Maître nous aide du haut du Ciel à continuer le travail qu’il a si bien accompli ici-bas.
Qu’il soit notre modèle ; qu’il soit toujours notre guide.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.