Pie XII rappelle que les inégalités entre les hommes non seulement constituent un ordre de choses voulu par Dieu mais contribuent aussi à unir les hommes entre eux. Ces considérations peuvent aussi s’appliquer à toute personne exerçant une autorité sur autrui en famille ou dans la société et dont « le meilleur ornement sera l’excellence de la vertu ».
(Extraits)
Les inégalités sociales et aussi celles qui sont léguées par la naissance sont inévitables. La nature bienveillante et la bénédiction de Dieu sur l’humanité éclairent et protègent les berceaux, les couvrent de baisers, mais ne les rendent pas égaux. Regardez les sociétés les plus inexorablement nivelées. Aucune habileté n’a jamais pu faire que le fils d’un grand chef, d’un grand conducteur de foules, demeure en tout dans la même situation qu’un obscur citoyen perdu au milieu du peuple. Mais si, du point de vue païen, ces inégalités inéluctables peuvent apparaître comme une conséquence rigoureuse des conflits sociaux et de la puissance acquise par les uns sur les autres par suite des lois aveugles qui, pense-t-on, dirigent l’activité humaine et aboutissent au triomphe des uns et au sacrifice des autres, par contre, les esprits instruits et formés par la foi chrétienne ne peuvent considérer ces inégalités que comme un ordre de choses voulu par Dieu qui, dans son même conseil, permet des inégalités au sein de la famille. Dès lors ces inégalités sont destinées à unir davantage les hommes entre eux durant leur voyage terrestre vers la patrie du ciel, en permettant aux uns d’aider les autres, comme le père aide la mère et les enfants.
Devoirs des classes élevées.
Si cette concession paternelle de la supériorité sociale pousse parfois les âmes, en raison du heurt des passions humaines, à sortir du droit chemin dans les relations de personnes de rang plus élevé avec celles d’une condition plus humble, l’histoire de l’humanité déchue ne s’en étonne pas. De telles déviations ne peuvent ni diminuer ni voiler cette vérité fondamentale que pour le chrétien les inégalités sociales s’établissent dans une grande famille humaine ; dès lors, les rapports entre classes et rangs sociaux inégaux doivent toujours être régis par une justice probe et impartiale et, en même temps, être empreints de respect et d’affection réciproques qui, tout en ne supprimant pas les différences, diminuent les distances, atténuent les contrastes. Dans les familles vraiment chrétiennes, ne voyons-nous pas les plus grands parmi les patriciens et les patriciennes être particulièrement attentifs et empressés à garder, à l’égard de leurs domestiques et de tous ceux qui les entourent, un comportement en rapport sans doute avec leur rang, mais exempt de tout dédain, enclin à la bienveillance et à la courtoisie dans les paroles et dans les procédés exprimant les nobles sentiments de cœurs qui voient dans les inférieurs des hommes, des frères, des chrétiens comme eux et qui leur sont unis en Jésus-Christ par les liens de la charité ? De cette charité qui, dans les palais des ancêtres, au milieu des grands et des humbles de ce monde, surtout aux heures de tristesse et de souffrance qui ne manquent jamais ici-bas, réconforte, soutient, réjouit et adoucit l’existence.
Vous, chers fils et chères filles, en tant que patriciat et noblesse romaine, dans cette Rome qui est le centre de la communauté chrétienne, dans l’Eglise qui est la Mère qui gouverne toutes les Eglises du monde catholique, autour de celui que le Christ a établi son Vicaire et Père commun de tous les fidèles, vous, vous avez été placés par la divine Providence dans un rang élevé, afin que votre dignité brille devant le monde par votre dévouement au Siège de Pierre tel un exemple de vertu civique et de grandeur chrétienne. Si toute prééminence sociale entraîne avec elle des charges et des obligations, celle qui vous est échue par la volonté divine exige de vous, spécialement en cette heure grave et agitée — heure ténébreuse à cause des discordes, des affreuses et sanglantes disputes entre les hommes, heure qui invite à la prière et à la pénitence, ces vertus qui, chez tous, transforment et corrigent la façon de vivre comme nous le prêchent très clairement les maux présents et l’incertitude des dangers futurs — cette prééminence, disions-Nous, exige de vous une plénitude de vie chrétienne, une conduite irréprochable et austère, une fidélité à tous vos devoirs de famille, à toutes vos obligations privées et publiques, qualités qui ne doivent pas se démentir, mais briller avec éclat et vigueur devant les yeux de tous ceux qui vous regardent et vous observent attentivement ; à ceux-là, vous devez, par vos actes et par votre conduite, montrer, avec le véritable chemin pour avancer dans le bien, que le meilleur ornement du patriciat et de la noblesse romaine c’est l’excellence de la vertu.
Source : Pie XII – Allocution au Patriciat et à la noblesse de Rome, 5 janvier 1942. Image : WikimediaCommons.