Sermon historique du 29 août 1976 à Lille

«Nous voulons seulement qu'on nous laisse professer notre foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et à cause de cela on nous chasse de nos églises, on chasse ces pauvres prêtres qui disent la messe traditionnelle»

Le 29 août 1976, alors qu’il est sup­po­sé­ment « sus­pens a divi­nis » [1], lors de la messe dans un han­gar du palais des sports de Lille en pré­sence d’une foule d’environ 7000 per­sonnes et de la presse du monde entier, Mgr Lefebvre pro­nonce un ser­mon reten­tis­sant pour la défense de la foi catho­lique contre les erre­ments de l’après-​Concile Vatican II. Cet évè­ne­ment a eu une réper­cus­sion mon­diale contri­buant gran­de­ment à faire connaitre le com­bat de la Tradition catholique.

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Mes bien chers amis, mes bien chers confrères, mes bien chers frères,

Avant de vous adres­ser quelques mots d’ex­hor­ta­tion, je vou­drais dis­si­per des mal­en­ten­dus, et d’a­bord au sujet de cette réunion elle-même.

Vous pou­vez voir, par la sim­pli­ci­té de cette céré­mo­nie, que nous n’a­vions point pré­pa­ré une céré­mo­nie qui aurait réuni une foule comme celle qui se trouve dans cette salle. Nous avions pen­sé que nous aurions célé­bré la sainte messe le 29 août, comme il était conve­nu, au milieu de quelques cen­taines de fidèles de la région de Lille, ain­si que je le fais fré­quem­ment en France, en Europe et même en Amérique, sans his­toire. Et voi­ci que tout à coup, cette date du 29 août est deve­nue, par la presse, par la radio, par la télé­vi­sion, comme une espèce de mani­fes­ta­tion qui res­sem­ble­rait, dit-​on, à un défi. Et bien, non ! cette mani­fes­ta­tion n’est pas un défi. Cette mani­fes­ta­tion c’est vous qui l’a­vez dési­rée, chers fidèles, chers frères, qui êtes venus ici de loin. Pourquoi ? Pour mani­fes­ter votre foi catho­lique. Pour mani­fes­ter votre désir de prier et de vous sanc­ti­fier comme l’ont fait nos pères dans la foi, comme l’ont fait des géné­ra­tions et des géné­ra­tions avant nous.

Voilà quel est l’ob­jet véri­table de cette céré­mo­nie, pen­dant laquelle nous dési­rons prier, prier de tout notre cœur, ado­rer Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qui des­cen­dra dans quelques ins­tants sur cet autel, et qui renou­vel­le­ra le Sacrifice de la Croix dont nous avons tant besoin.

Je vou­drais éga­le­ment dis­si­per un autre mal­en­ten­du, et là je suis déso­lé, mais je suis obli­gé de le dire, ce n’est pas moi qui me suis appe­lé le chef des tra­di­tio­na­listes. Vous savez qui l’a fait il y a peu de temps, dans des cir­cons­tances tout à fait solen­nelles et mémo­rables à Rome. On a dit que Monseigneur Lefebvre était le chef des tra­di­tio­na­listes. Je ne veux point être le chef des tra­di­tio­na­listes, et je ne le suis point. Pourquoi ? Parce que je suis moi aus­si, un simple catho­lique, certes prêtre, certes évêque, mais qui suis dans les mêmes condi­tions dans les­quelles vous vous trou­vez et qui ai les mêmes réac­tions devant la des­truc­tion de l’Eglise, devant la des­truc­tion de notre Foi, devant les ruines qui s’ac­cu­mulent sous nos yeux. Ayant eu les mêmes réac­tions, j’ai pen­sé qu’il était de mon devoir de for­mer des prêtres, de for­mer de vrais prêtres dont l’Eglise a besoin. Ces prêtres, je les ai for­més dans une Société Saint-​Pie X qui a été recon­nue par l’Eglise, et je ne fai­sais que ce que tous les évêques ont fait pen­dant des siècles et des siècles. Je n’ai pas fait autre chose que ce que j’ai fait pen­dant trente années de ma vie sacer­do­tale, et qui m’a valu d’être évêque, Délégué apos­to­lique en Afrique, membre de la Commission cen­trale pré­con­ci­laire, Assistant au Trône pon­ti­fi­cal. Que pouvais-​je dési­rer de plus comme preuve que Rome esti­mait que mon tra­vail était pro­fi­table à l’Eglise et au bien des âmes ? Et voi­ci que, alors que je fais une œuvre tout à fait sem­blable à celle que j’ai accom­plie pen­dant trente années, tout à coup je suis sus­pens a divi­nis peut-​être bien­tôt excom­mu­nié, sépa­ré de l’Eglise, rené­gat, que sais-​je ? Est-​ce pos­sible ? Est-​ce donc que ce que j’ai fait pen­dant trente ans était sus­cep­tible aus­si d’une sus­pens a divi­nis ? Je pense au contraire que si, à ce moment-​là, j’a­vais for­mé les sémi­na­ristes comme on les forme main­te­nant dans les nou­veaux sémi­naires, j’au­rais été excom­mu­nié ; si j’a­vais à ce moment-​là ensei­gné le caté­chisme que l’on enseigne aujourd’­hui, on m’au­rait dit héré­tique. Et si j’a­vais dit la sainte messe comme on la dit main­te­nant, on m’au­rait dit sus­pect d’hé­ré­sie, on m’au­rait dit aus­si hors de l’Eglise. Alors je ne com­prends plus. Quelque chose pré­ci­sé­ment a chan­gé dans l’Eglise et c’est à cela que je veux en venir.

Nous devons jus­te­ment reve­nir aux rai­sons qui nous font prendre cette atti­tude. Oh ! atti­tude extrê­me­ment grave, je le recon­nais. S’opposer aux auto­ri­tés les plus hautes dans l’Eglise, être sus­pens a divi­nis, pour un évêque, c’est une chose grave, une chose très pénible. Comment peut-​on sup­por­ter une chose comme celle-​là, sinon pour des rai­sons exces­si­ve­ment graves. Eh oui ! les rai­sons de notre atti­tude et de votre atti­tude, sont des rai­sons graves, il s’a­git de la défense de notre foi. La défense de notre foi ! mais alors est-​ce que les auto­ri­tés qui se trouvent à Rome met­traient en péril notre foi ? Je ne juge pas ces auto­ri­tés, je ne veux pas les juger per­son­nel­le­ment. Je vou­drais, si je puis dire, les juger comme le Saint-​Office autre­fois jugeait un livre, et le met­tait à l’Index. Rome étu­diait le livre, et n’a­vait pas besoin de connaître la per­sonne qui l’a­vait écrit. Il lui suf­fi­sait d’é­tu­dier ce qu’il y avait dans les pro­pos qui étaient écrits. Et si ces pro­pos étaient contraires à la doc­trine de l’Eglise, ce livre était condam­né et mis à l’Index, sans qu’il soit néces­saire d’in­ter­pel­ler la per­sonne. Certes, au concile, cer­tains évêques se sont éle­vés contre cette pro­cé­dure en disant : « Il est inad­mis­sible qu’on mette un livre à l’Index alors qu’on n’a même pas enten­du celui qui l’a écrit ». Mais on n’a pas besoin de voir celui qui a écrit un livre, si on a dans les mains un texte abso­lu­ment contraire à la doc­trine de l’Eglise. C’est le livre qui est condam­né, parce que ces paroles sont contraires à la doc­trine catho­lique et non la per­sonne qui l’a écrit. C’est donc de cette manière que nous devons juger les choses, nous devons les juger par les faits. Comme l’a dit très bien Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans l’Evangile que nous lisions il y a peu de temps encore et à pro­pos pré­ci­sé­ment, de ces loups qui sont cou­verts de peaux de bre­bis : « Vous recon­naî­trez l’arbre à ses fruits ». Eh bien ! les fruits sont devant nous, ils sont évi­dents, ils sont clairs. Ces fruits qui viennent du deuxième concile de Vatican et des réformes post-​conciliaires, ce sont des fruits amers, des fruits qui détruisent l’Eglise. Et lors­qu’on me dit : « Ne tou­chez pas au concile, par­lez des réformes post-​concilaires », je réponds que ceux qui ont fait les réformes – ce n’est pas moi qui ai fait ces réformes – disent eux-​mêmes : « Nous les fai­sons au nom du concile, nous avons fait la réforme du caté­chisme au nom du concile. » Ce sont eux les auto­ri­tés de l’Eglise. Ce sont eux par consé­quent qui inter­prètent légi­ti­me­ment le concile.

Or, que s’est-​il pas­sé dans ce concile ? Nous pou­vons le savoir faci­le­ment en lisant les livres de ceux qui ont été pré­ci­sé­ment les ins­tru­ments de ce chan­ge­ment dans l’Eglise qui s’est opé­ré sous nos yeux. Lisez par exemple : L’oecuménisme vu par un franc-​maçon de Marsaudon. Lisez le livre du séna­teur du Doubs, Monsieur Prélot, Le Catholicisme libé­ral, écrit en 1969. Il vous dira que c’est le concile qui est à l’o­ri­gine de ce chan­ge­ment, lui catho­lique libé­ral, il le dit dans les pre­mières pages de son livre : « Nous avons lut­té pen­dant un siècle et demi pour faire pré­va­loir nos opi­nions à l’in­té­rieur de l’Eglise, et nous n’y avons pas réus­si. Enfin est venu Vatican II et nous avons triom­phé. Désormais les thèses et les prin­cipes du catho­li­cisme libé­ral sont défi­ni­ti­ve­ment et offi­ciel­le­ment accep­tés par la Sainte Eglise ». Vous croyez que ce n’est pas là un témoi­gnage ? Ce n’est pas moi qui le dis, cela. Mais lui le dit en triom­phant, nous, nous le disons en pleurant.

Qu’est-​ce qu’ont vou­lu en effet les catho­liques libé­raux pen­dant un siècle et demi ? Marier l’Eglise et la Révolution, marier l’Eglise et la sub­ver­sion, marier l’Eglise et les forces des­truc­trices de la socié­té et de toutes socié­tés, la socié­té fami­liale, civile, reli­gieuse. Ce mariage de l’Eglise, il est ins­crit dans le concile. Prenez le sché­ma Gaudium et Spes, et vous y trou­ve­rez : « Il faut marier les prin­cipes de l’Eglise avec les concep­tions de l’homme moderne ». Qu’est-​ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’il faut marier l’Eglise, l’Eglise catho­lique, l’Eglise de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, avec des prin­cipes qui sont contraires à cette Eglise, qui la minent, qui ont tou­jours été contre l’Eglise.

C’est pré­ci­sé­ment ce mariage qui a été ten­té dans le concile par des hommes d’Eglise, et non par l’Eglise, car jamais l’Eglise ne peut admettre une chose comme celle-​là. Pendant un siècle et demi pré­ci­sé­ment, tous les Souverains Pontifes ont condam­né ce catho­li­cisme libé­ral, ont refu­sé ce mariage avec les idées de la Révolution, de ceux qui ont ado­ré la Déesse-​Raison. Les papes n’ont jamais pu accep­ter des choses sem­blables. Et pen­dant cette révo­lu­tion, des prêtres sont mon­tés à l’é­cha­faud, des reli­gieuses ont été per­sé­cu­tées et éga­le­ment assas­si­nées. Souvenez-​vous des pon­tons de Nantes où étaient amas­sés tous les prêtres fidèles et que l’on cou­lait au large. Voilà ce qu’a fait la Révolution ! Eh bien ! je vous le dis, mes biens chers frères, ce qu’a fait la Révolution n’est rien à côté de ce qu’a fait le concile Vatican II, rien ! Il eut mieux valu que les 30, les 40, les 50 000 prêtres qui ont aban­don­né leur sou­tane, qui ont aban­don­né leur ser­ment fait devant Dieu soient mar­ty­ri­sés, aillent à l’é­cha­faud, ils auraient au moins gagné leur âme. Maintenant, ils risquent de la perdre.

On nous dit que par­mi ces pauvres prêtres mariés, beau­coup déjà sont divor­cés, beau­coup ont fait des demandes en nul­li­té de mariage à Rome. Qu’est ce que cela signi­fie, ces choses-​là ? Combien de reli­gieuses – 20 000 aux Etats-​Unis – qui ont aban­don­né leur congré­ga­tion reli­gieuse et leurs ser­ments, qu’elles avaient faits d’une manière per­pé­tuelle, rom­pu ce lien qu’elles avaient avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, pour cou­rir aus­si au mariage ? Il aurait mieux valu éga­le­ment qu’elles montent à écha­faud, au moins elles auraient témoi­gné de leur foi !

En défi­ni­tive, la Révolution fran­çaise lors­qu’elle fai­sait des mar­tyrs accom­plis­sait l’a­dage des pre­miers siècles : « Sanguis mar­ty­rum, semen chris­tia­no­rum », le sang des mar­tyrs est une semence de chré­tiens. Et ils le savent bien ceux qui per­sé­cutent les chré­tiens, ils ont peur d’en faire des mar­tyrs. Et on ne veut plus faire de mar­tyrs ! Cela a été le sum­mum de la vic­toire du démon : détruire l’Eglise par obéis­sance. Détruire l’Eglise par obéis­sance. Nous la voyons détruite tous les jours sous nos yeux : les sémi­naires vides, ce beau sémi­naire de Lille qui était rem­pli de sémi­na­ristes, où sont-​ils ces sémi­na­ristes ? Qui sont-​ils encore ces sémi­na­ristes ? savent-​ils qu’ils vont être prêtres ? Savent-​ils ce qu’ils vont faire quand ils vont être prêtres ? Ah ! Et cela pré­ci­sé­ment parce que cette union vou­lue par les catho­liques libé­raux entre l’Eglise et la Révolution est une union adul­tère ! De cette union adul­tère ne peut venir que des bâtards. Et qui sont ces bâtards ? Ce sont nos rites. Le rite de la nou­velle messe est un rite bâtard. Les sacre­ments sont des sacre­ments bâtards. Nous ne savons plus si ce sont des sacre­ments qui donnent la grâce ou qui ne la donnent pas. Nous ne savons plus si cette messe nous donne le Corps et le Sang de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ou si elle ne les donne pas. Les prêtres qui sortent des sémi­naires ne savent plus eux-​mêmes ce qu’ils sont. C’est le car­di­nal de Cincinnati qui, à Rome, disait pour­quoi il n’y a plus de voca­tions, parce que l’Eglise ne sait plus ce qu’est un prêtre. Alors, com­ment peut-​elle encore for­mer des prêtres si elle ne sait plus ce qu’est un prêtre ? Les prêtres qui sortent des sémi­naires sont des prêtres bâtards. Ils ne savent pas ce qu’ils sont. Ils ne savent pas qu’ils sont faits pour mon­ter à l’Autel, pour offrir le Sacrifice de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, et pour don­ner Jésus-​Christ aux âmes, et appe­ler les âmes à Jésus-​Christ. Voilà ce que c’est qu’un prêtre, et nos jeunes qui sont ici le com­prennent bien. Toute leur vie va être consa­crée à cela, à aimer, à ado­rer, à ser­vir Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie, parce qu’ils y croient, à la pré­sence de Notre-​Seigneur dans la Sainte Eucharistie !

Cette union adul­tère de l’Eglise et de la Révolution se concré­tise par le dia­logue. L’Eglise, si elle a à dia­lo­guer, c’est pour conver­tir. Notre-​Seigneur a dit : « Allez, ensei­gnez toutes les nations, convertissez-​les ». Mais il n’a pas dit : « Dialoguez avec elles pour ne pas les conver­tir, pour essayer de vous mettre sur le même pied qu’elles ». L’erreur et la véri­té ne sont pas com­pa­tibles. Si on a de la cha­ri­té pour les autres, – et, comme vient de le rap­pe­ler l’Evangile, celui qui a la cha­ri­té, c’est celui qui sert les autres – si on a de la cha­ri­té pour les autres, on doit leur don­ner Notre-​Seigneur, leur don­ner la richesse que l’on a et non pas conver­ser avec eux, dia­lo­guer avec eux sur un pied d’é­ga­li­té. La véri­té et l’er­reur ne sont pas sur un pied d’é­ga­li­té. Ce serait mettre Dieu et le diable sur le même pied, puisque le diable est le père du men­songe, le père de l’erreur.

Nous devons par consé­quent être mis­sion­naires. Nous devons prê­cher l’Evangile, conver­tir les âmes à Jésus-​Christ, et non pas dia­lo­guer avec elles en essayant de prendre leurs prin­cipes. C’est cette volon­té de dia­logue avec les pro­tes­tants qui nous a valu cette messe bâtarde, et ces rites bâtards. Les pro­tes­tants nous ont dit : « Nous ne vou­lons pas de votre messe parce qu’elle com­porte des choses incom­pa­tibles avec notre foi pro­tes­tante, alors chan­gez cette messe et nous pour­rons prier avec vous, nous pour­rons faire des inter­com­mu­nions, nous pour­rons rece­voir vos sacre­ments, vous pour­rez venir dans nos églises, nous, nous irons dans les vôtres, et tout sera fini, et nous aurons l’u­ni­té ». Oui, nous aurons l’u­ni­té, mais dans la confu­sion, dans la bâtar­dise. Nous ne vou­lons pas de cela. Jamais l’Eglise ne l’a vou­lu. Nous aimons les pro­tes­tants, nous vou­drions les conver­tir, mais ce n’est pas les aimer que de leur faire croire qu’ils ont la même reli­gion que la reli­gion catholique.

Il en est de même avec les francs-​maçons. On veut main­te­nant dia­lo­guer avec les francs-​maçons, non seule­ment dia­lo­guer avec eux, mais per­mettre aux catho­liques de faire par­tie de la Franc-​Maçonnerie. C’est encore un dia­logue abo­mi­nable. Nous savons par­fai­te­ment que les per­sonnes qui dirigent la Franc-​Maçonnerie, au moins les res­pon­sables, sont fon­ciè­re­ment contre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et ces messes noires qu’ils font, ces messes abo­mi­nables, sacri­lèges, hor­ribles qu’ils font. Ce sont des paro­dies de la messe de Notre-​Seigneur ! Et ils veulent des hos­ties consa­crées, eux, pour faire ces messes noires ! Ils savent que Notre-​Seigneur est dans l’Eucharistie, car le diable le sait que Notre-​Seigneur est dans l’Eucharistie ! Ils ne veulent pas des hos­ties qui viennent de messes dont ils ne savent pas si le Corps de Notre-​Seigneur est là ou pas. Alors, dia­lo­guer avec des gens qui veulent la mort de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ une seconde fois, dans la per­sonne de leurs membres, dans la per­sonne de l’Eglise ? Nous ne pou­vons pas admettre ce dia­logue ! Nous savons ce qu’a valu le dia­logue avec le diable, le pre­mier dia­logue d’Eve avec le diable. Elle nous a per­dus, elle nous a mis tous dans l’é­tat de péché, parce qu’elle a dia­lo­gué avec le diable. On ne dia­logue pas avec le diable. On prêche à tous ceux qui sont sous l’in­fluence du diable, afin qu’ils se conver­tissent, qu’ils viennent à Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

On ne dia­logue pas avec les com­mu­nistes. On dia­logue avec les per­sonnes. Mais on ne dia­logue pas avec l’er­reur. Nous ver­rons ce qui arri­ve­rait si les armées grou­pées der­rière le rideau de fer le pas­saient, si un jour, après les nom­breuses séance du Soviet Suprême, si jamais il y avait une voix de majo­ri­té, pour que ces armées déferlent sur nos pays, en cinq jours…

Mes bien chers frères, ne soyez pas émus. Laissons ceux qui ne com­prennent pas les choses comme nous, mais deman­dons au bon Dieu de nous don­ner la lumière.

Mais pré­ci­sé­ment, pour­quoi sommes-​nous fer­me­ment réso­lus de ne pas accep­ter cette union adul­tère de l’Eglise avec la Révolution ? Parce que nous affir­mons la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Pourquoi Pierre a‑t-​il été fait Pierre ? Rappelez-​vous l’Evangile. Pierre est deve­nu Pierre parce qu’il a pro­fes­sé la divi­ni­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et tous les apôtres ont pro­fes­sé aus­si cette foi publi­que­ment après la Pentecôte et on les a pour­sui­vis immé­dia­te­ment. Les Princes des Prêtres leur ont dit : « Ne par­lez plus de ce nom, nous ne vou­lons plus entendre ce nom de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ». Et les apôtres ont dit : « Non pos­su­mus, nous ne pou­vons pas ne pas par­ler de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, de notre Roi ». Mais vous me direz : est-​ce pos­sible ? Vous sem­blez accu­ser Rome de ne pas croire à la divi­ni­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ! Le libé­ra­lisme a tou­jours deux faces : il affirme la véri­té qu’il pré­tend être la thèse, et ensuite dans la réa­li­té, dans la pra­tique, dans l’hy­po­thèse, comme il dit, il agit comme les enne­mis et avec les prin­cipes des enne­mis de l’Eglise. De telle manière qu’on est tou­jours dans l’incohérence.

Mais que veut dire la divi­ni­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? C’est que Notre-​Seigneur est la seule per­sonne au monde, le seul être humain au monde qui a pu dire : « Je suis Dieu ». Et par le fait même qu’Il a pu dire : « Je suis Dieu », Il était le seul Sauveur de l’hu­ma­ni­té, Il était le seul Prêtre de l’hu­ma­ni­té, et Il était le seul Roi de l’hu­ma­ni­té. Par sa nature, et non par pri­vi­lège, ni par titre, par sa propre nature, parce qu’il était Fils de Dieu !

Or main­te­nant, que dit-​on ? Il n’y a pas seule­ment de salut en Jésus-​Christ. Il y a du salut en dehors de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Il n’y a pas seule­ment de sacer­doce en Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Tous les fidèles sont des prêtres, tout le monde est prêtre, alors qu’il faut par­ti­ci­per sacra­men­tel­le­ment au sacer­doce de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ pour pou­voir offrir le Saint Sacrifice de la messe.

Et enfin, troi­sième erreur, on ne veut plus du Règne social de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, sous pré­texte qu’il n’est plus pos­sible. Et cela, je l’ai enten­du de la bouche du Nonce de Berne, je l’ai enten­du de la bouche de l’en­voyé du Vatican, le Père Dhanis, ancien rec­teur de l’Université gré­go­rienne, qui est venu me deman­der au nom du Saint-​Siège de ne pas faire les ordi­na­tions du 29 juin. Il était à Flavigny, le 27 juin, lorsque je prê­chais la retraite aux sémi­na­ristes. Il m’a dit : « Pourquoi êtes-​vous contre le concile ? » Je lui ai répon­du : « Est-​il pos­sible d’ac­cep­ter le concile, alors qu’au nom du concile vous dites qu’il faut détruire tous les Etats catho­liques, qu’il ne faut plus d’Etats catho­liques, donc plus d’Etats sur les­quels règne Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? – Ce n’est plus pos­sible ! » Mais autre chose est que cela ne soit plus pos­sible, autre chose est que nous pre­nions cela comme prin­cipe et que par consé­quent nous ne recher­chions plus ce règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Que disons-​nous alors tous les jours dans le Notre Père : « Que votre règne arrive, que votre volon­té soit faite sur la terre comme au ciel » ? Qu’est-​ce que c’est que ce règne ? Tout à l’heure vous avez chan­té dans le « Gloria » : « Tu solus Dominus, tu solus Altissimus, Jesu Christe – Vous êtes le seul Seigneur, Vous êtes le seul Très-​Haut, Jésus-​Christ ». Nous le chan­te­rions, et dès que nous serions sor­tis nous dirions : « Non, il ne faut plus que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ règne sur nous ? » Alors, vivons-​nous dans l’illo­gisme, sommes-​nous catho­liques ou non, sommes-​nous chré­tiens ou non ?

Il n’y aura de paix sur cette terre que dans le Règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Les Etats se débattent tous les jours ; dans les jour­naux vous avez des pages et des pages, à la télé­vi­sion, à la radio, et encore main­te­nant avec le chan­ge­ment du Premier Ministre. Qu’allons-​nous faire pour que la situa­tion éco­no­mique se redresse ? Qu’allons-​nous faire pour que l’argent revienne ? Qu’allons-​nous faire pour que les indus­tries pros­pèrent ? Tous les jour­naux en sont pleins dans le monde entier.

Eh bien ! même du point de vue éco­no­mique, il faut que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ règne. Parce que le Règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, c’est jus­te­ment le règne de ces prin­cipes d’a­mour que sont les com­man­de­ments de Dieu et qui mettent de l’é­qui­libre dans la socié­té, qui font régner la jus­tice et la paix dans la socié­té. Ce n’est que dans l’ordre, la jus­tice, la paix dans la socié­té que l’é­co­no­mie peut régner, que l’é­co­no­mie peut refleu­rir. On le voit bien. Prenez l’i­mage de la République argen­tine. Dans quel état était-​elle il y a seule­ment deux, trois mois ? Une anar­chie com­plète, les bri­gands tuant à droite, à gauche, les indus­tries com­plè­te­ment rui­nées, les patrons des usines enfer­més et pris en otage, une révo­lu­tion invrai­sem­blable. Dans un pays pour­tant aus­si beau, aus­si équi­li­bré, aus­si sym­pa­thique que la République argen­tine, une République qui pour­rait être d’une pros­pé­ri­té incroyable, avec des richesses extra­or­di­naires. Vient un gou­ver­ne­ment d’ordre, qui a des prin­cipes, qui a une auto­ri­té, qui met un peu d’ordre dans les affaires, qui empêche les bri­gands de tuer les autres, et voi­là que l’é­co­no­mie revient, et que les ouvriers ont du tra­vail et qu’ils peuvent ren­trer chez eux en sachant qu’ils ne vont pas être assom­més par quel­qu’un qui vou­drait leur faire faire grève alors qu’ils ne le dési­rent pas.

C’est le Règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ que nous vou­lons, et nous pro­fes­sons notre foi en disant que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ est Dieu. Et c’est pour­quoi, nous vou­lons aus­si la messe dite de Saint-​Pie V. Parce que cette messe est la pro­cla­ma­tion de la royau­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. La nou­velle messe est une espèce de messe hybride qui n’est plus hié­rar­chique, qui est démo­cra­tique, où l’as­sem­blée prend plus de place que le prêtre, et donc ce n’est plus une messe véri­table qui affirme la royau­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Car com­ment Notre-​Seigneur Jésus-​Christ est-​il deve­nu roi ? Il a affir­mé sa royau­té par la Croix. « Regnavit a ligno Deus ». Jésus-​Christ a régné par le bois de la Croix. Car il a vain­cu le péché, il a vain­cu le démon, il a vain­cu la mort par sa Croix ! Ce sont donc trois vic­toires magni­fiques de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. On dira que c’est du triom­pha­lisme. Et bien ! oui, d’ac­cord, nous vou­lons bien le triom­pha­lisme de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et c’est pour­quoi nos ancêtres ont construit ces magni­fiques cathé­drales. Pourquoi ont-​ils épui­sé tant d’argent, ces gens qui étaient beau­coup plus pauvres que nous ? Pourquoi ont-​ils dépen­sé tant de temps pour faire ces cathé­drales magni­fiques que nous admi­rons encore main­te­nant, même ceux qui ne croient pas ? Pourquoi ? A cause de l’Autel. A cause de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Pour mar­quer le triomphe de la Croix de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Eh bien ! oui, nous vou­lons pro­fes­ser le triomphe de la Croix de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans notre messe. Et c’est pour­quoi, nous nous age­nouillons, nous aimons nous age­nouiller devant la Sainte Eucharistie. Si nous avions le temps, si nous ne vou­lions pas vous rete­nir trop, nous aurions cir­cu­lé dans vos rangs avec le Saint-​Sacrement pour que vous mani­fes­tiez à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, à son Eucharistie sainte que vous l’a­do­rez : « Seigneur, Vous êtes notre Dieu ! Oh ! Jésus-​Christ, nous Vous ado­rons ! Nous savons que c’est par Vous que nous sommes nés, c’est par Vous que nous avons été chré­tiens, c’est par Vous que nous avons été rache­tés, c’est Vous qui nous juge­rez à l’heure de notre mort. C’est Vous qui nous don­ne­rez la gloire du ciel si nous l’a­vons méritée ».

Car Notre-​Seigneur Jésus-​Christ est pré­sent dans la Sainte Eucharistie comme Il l’é­tait sur la Croix.

Voilà ce que nous devons faire, voi­là ce que nous devons demander.

Nous ne sommes contre per­sonne. Nous ne sommes pas des com­man­dos. Nous ne vou­lons de mal à per­sonne. Nous vou­lons seule­ment qu’on nous laisse pro­fes­ser notre foi en Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et à cause de cela on nous chasse de nos églises, on chasse ces pauvres prêtres qui disent la messe tra­di­tion­nelle par laquelle ont été sanc­ti­fiés tous nos saints et nos saintes : Sainte Jeanne d’Arc, le Saint Curé d’Ars, Sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus. Et voi­ci que des prêtres sont chas­sés, cruel­le­ment, bru­ta­le­ment de leurs paroisses parce qu’ils disent cette messe qui a sanc­ti­fié des saints pen­dant des siècles ! C’est absurde ! Je dirais presque que c’est une his­toire de fous. Nous nous deman­dons si nous rêvons ! Ce n’est pas pos­sible que cette messe soit deve­nue une espèce d’hor­reur pour nos évêques, pour ceux qui devraient conser­ver notre foi. Eh bien ! nous gar­de­rons la messe de saint Pie V ! Pourquoi ? Parce que la messe de saint Pie V, elle repré­sente notre foi, elle est un rem­part pour notre foi et nous avons besoin de ce rem­part pour notre foi.

Alors on nous dira que nous en fai­sons une ques­tion de latin et de sou­tane. Evidemment, c’est facile de dis­cré­di­ter ceux avec les­quels on n’est pas d’ac­cord de cette manière-​là. Certes, le latin a son impor­tance et quand j’é­tais en Afrique, il était magni­fique de voir toutes ces foules afri­caines qui avaient une langue dif­fé­rente. Nous avions par­fois cinq, six tri­bus dif­fé­rentes qui ne se com­pre­naient pas, assis­tant à la messe dans nos églises et chan­tant les mêmes chants en latin avec une fer­veur extra­or­di­naire. Allez main­te­nant voir : ils se dis­putent dans les églises parce qu’on dit la messe dans une langue qui n’est pas la leur et ils demandent qu’il y ait une messe dans leur langue. C’est la confu­sion totale. Alors qu’au­tre­fois, cette uni­té était par­faite. C’est un exemple. Sans doute vous avez bien vu, nous avons lu en fran­çais l’é­pître et l’é­van­gile, nous n’y voyons abso­lu­ment aucun incon­vé­nient, et même si on y ajou­tait quelques prières com­munes en fran­çais, nous n’y ver­rions aucun incon­vé­nient. Mais il nous semble tout de même que le corps de la messe, l’es­sen­tiel de la messe qui va de l’of­fer­toire à la com­mu­nion du prêtre devrait res­ter dans une langue unique, afin que tous les hommes de toutes les nations puissent assis­ter à la messe ensemble et se sen­tir unis dans cette uni­té de la foi, dans cette uni­té de la prière. Aussi nous deman­dons vrai­ment, nous adres­sons un appel aux évêques et nous adres­sons un appel à Rome : qu’ils veuillent bien prendre en consi­dé­ra­tion le désir que nous avons de prier comme nos ancêtres, le désir que nous avons de gar­der la foi catho­lique, le désir que nous avons d’a­do­rer Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et de vou­loir son Règne. C’est ce que j’ai dit au Saint-​Père dans ma der­nière lettre – et je croyais vrai­ment que c’é­tait la der­nière car je ne pen­sais pas que le Saint-​Père m’au­rait encore adres­sé d’autres lettres – je lui ai dit : « Très Saint Père, rendez-​nous le droit public de l’Eglise, c’est-​à-​dire le règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ; rendez-​nous la vraie Bible et non pas une Bible oecu­mé­nique, mais la vraie Bible qu’é­tait la Vulgate autre­fois et qui a été tant et tant de fois consa­crée par des conciles et par des papes ; rendez-​nous la vraie messe, une messe hié­rar­chique, une messe dog­ma­tique qui défend notre foi et qui a été celle de tant et tant de siècles et qui a sanc­ti­fié tant de catho­liques ; enfin, rendez-​nous notre caté­chisme sui­vant le modèle du caté­chisme du concile de Trente, car sans un caté­chisme pré­cis, que seront nos enfants demain, que seront les géné­ra­tions futures ? Elles ne connaî­trons plus la foi catho­lique, et nous le consta­tons déjà aujourd’hui. »

Hélas ! je n’ai eu aucune réponse, sinon la sus­pens a divi­nis. Et c’est pour­quoi, je ne consi­dère pas ces peines comme des peines valables, aus­si bien cano­ni­que­ment que théo­lo­gi­que­ment. Je pense en toute sin­cé­ri­té, en toute paix, en toute séré­ni­té, que je ne puis pas contri­buer par ces sus­penses, par ces peines dont je suis frap­pé, par la fer­me­ture de mes sémi­naires, par le refus de faire des ordi­na­tions, à la des­truc­tion de l’Eglise catho­lique. Je veux qu’à l’heure de ma mort, lorsque Notre-​Seigneur me deman­de­ra : « Qu’as-​tu fait de ta grâce épis­co­pale et sacer­do­tale ? » je n’aie pas à entendre de la bouche du Seigneur : « Tu as contri­bué à détruire l’Eglise avec les autres ».

Mes bien chers frères, je ter­mine en vous disant : « Que devez-​vous faire ? » Oh ! je le sais bien, beau­coup de groupes nous demandent : « Monseigneur, donnez-​nous des prêtres, donnez-​nous de vrais prêtres, c’est de cela que nous avons besoin. Nous avons la place pour les mettre, nous construi­rons une petite cha­pelle, ils seront là chez nous, ils ins­trui­ront nos enfants selon le vrai caté­chisme, selon la vraie foi. Nous vou­lons gar­der la vraie foi, comme ont fait les Japonais pen­dant trois siècles lors­qu’ils n’a­vaient pas de prêtres. Donnez-​nous des prêtres ! » Eh bien ! mes bien chers frères, je ferai tout mon pos­sible pour vous en pré­pa­rer et je puis dire que c’est ma grande conso­la­tion de sen­tir en ces sémi­na­ristes une foi pro­fonde, de vrais prêtres. Ils ont com­pris ce qu’est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Ils ont com­pris ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe, les sacre­ments. Ils ont une foi pro­fon­dé­ment enra­ci­née dans leur cœur. Ils sont – si je puis dire – mieux que ce que nous pou­vions être il y a cin­quante ans dans nos sémi­naires, parce qu’ils vivent, jus­te­ment, dans une situa­tion dif­fi­cile. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs ont fait des études uni­ver­si­taires. Et l’on nous jette à la figure que ces jeunes gens ne sont pas adap­tés et ne sau­ront pas par­ler aux géné­ra­tions modernes. Mais, voi­là des jeunes gens qui ont fait trois, quatre, cinq ans d’u­ni­ver­si­té, ne connaissent-​ils donc pas leur géné­ra­tion ? Pourquoi sont-​ils donc venus à Ecône, pour deve­nir prêtres ? C’est pré­ci­sé­ment pour s’a­dres­ser à leur géné­ra­tion. Ils la connaissent bien, mieux que nous, bien mieux que tous ceux qui nous cri­tiquent. Alors, ils seront bien capables de par­ler le lan­gage qu’il faut pour conver­tir les âmes. Et c’est pour­quoi – je suis très heu­reux de le dire – nous aurons encore cette année 25 nou­velles recrues au sémi­naire d’Ecône, mal­gré les dif­fi­cul­tés, nous en aurons dix nou­velles en notre sémi­naire des Etats-​Unis à Armada et quatre nou­velles dans notre sémi­naire de langue alle­mande en Suisse alé­ma­nique. Vous le voyez, mal­gré les dif­fi­cul­tés qu’on nous fait, les jeunes gens com­prennent très bien que nous for­mons de vrais prêtres catho­liques. Et c’est pour­quoi nous ne sommes pas dans le schisme, nous sommes les conti­nua­teurs de l’Eglise catho­lique. Ce sont ceux qui font les nou­veau­tés qui vont dans le schisme. Nous, nous conti­nuons la Tradition, et c’est pour­quoi nous devons avoir confiance, nous ne devons pas déses­pé­rer même devant la situa­tion actuelle, nous devons main­te­nir, main­te­nir notre foi, main­te­nir nos sacre­ments, appuyés sur vingt siècles de tra­di­tion, appuyés sur vingt siècles de sain­te­té de l’Eglise, de foi de l’Eglise. Nous n’a­vons pas à craindre. Certains jour­na­listes m’ont deman­dé quel­que­fois : « Monseigneur, vous sentez-​vous iso­lé ? ». « Pas du tout, pas du tout, je ne me sens pas iso­lé, je suis avec vingt siècles d’Eglise, et je suis avec tous les saints du ciel ! » Pourquoi ? Parce qu’ils ont prié comme nous, parce qu’ils se sont sanc­ti­fiés comme nous essayons de le faire, avec les mêmes moyens. Alors je suis per­sua­dé qu’ils se réjouissent de cette assem­blée d’au­jourd’­hui. Ils se disent : « Au moins voi­là des catho­liques qui prient, qui prient vrai­ment, qui ont vrai­ment dans leur cœur ce désir de prier, ce désir d’ho­no­rer Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. » Les saints du ciel se réjouissent. Alors ne soyons pas désem­pa­rés, mais prions, prions et sanctifions-nous.

C’est main­te­nant un conseil que je vou­drais vous don­ner. Il ne faut pas que l’on puisse dire de nous, de ces catho­liques que nous sommes – je n’aime pas tel­le­ment le terme de catho­liques tra­di­tio­na­listes car je ne vois pas ce que peut être un catho­lique qui n’est pas tra­di­tio­na­liste, étant don­né que l’Eglise est une Tradition, et d’ailleurs que seraient des hommes qui ne seraient pas dans la tra­di­tion ? Ils ne pour­raient pas vivre ; nous avons reçu la vie de nos parents, nous avons reçu l’é­du­ca­tion de ceux qui étaient avant nous, nous sommes une tra­di­tion. Le Bon Dieu l’a vou­lu ain­si. Le Bon Dieu a vou­lu que des tra­di­tions se passent de géné­ra­tion en géné­ra­tion, aus­si bien pour les choses humaines que pour les choses divines. Par consé­quent, ne pas être tra­di­tion­nel, ne pas être tra­di­tio­na­liste, c’est la des­truc­tion de soi-​même, c’est un sui­cide, c’est pour­quoi nous sommes catho­liques, nous conti­nuons à demeu­rer catho­liques, il ne faut pas, vous disais-​je, qu’il y ait des divi­sions entre nous. Précisément parce que nous sommes catho­liques, nous sommes dans l’u­ni­té de l’Eglise, l’u­ni­té de l’Eglise qui est dans la foi. Alors on nous dit : « Vous devez être avec le pape, le pape est le signe de foi dans l’Eglise ». Oui, dans la mesure où le pape mani­feste sont état de suc­ces­seur de Pierre, dans la mesure où il se fait l’é­cho de la foi de tou­jours, dans la mesure où il trans­met le tré­sor qu’il doit trans­mettre. Car qu’est-​ce qu’un pape, encore une fois, sinon celui qui nous donne les tré­sors de la Tradition et le tré­sor du dépôt de la foi, et la vie sur­na­tu­relle par les sacre­ments et par le sacri­fice de la messe ? L’évêque n’est pas autre chose, le prêtre n’est pas autre chose que celui qui trans­met la véri­té, qui trans­met la vie qui ne lui appar­tient pas. L’épître le disait tout à l’heure, la véri­té ne nous appar­tient pas. Elle n’ap­par­tient pas plus au pape qu’à moi. Il est le ser­vi­teur de la véri­té, comme je dois être le ser­vi­teur de la véri­té. S’il arri­vait que le pape ne fût plus le ser­vi­teur de la véri­té, il ne serait plus pape. Je ne dis pas qu’il ne le soit plus – notez-​le bien, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit – mais s’il arri­vait que ce soit vrai, nous ne pour­rions pas suivre quel­qu’un qui nous entraî­ne­rait dans l’er­reur. C’est évident.

On nous dit : « Vous jugez le pape ». Mais où est le cri­tère de la véri­té ? Monseigneur Benelli m’a jeté à la figure : « Ce n’est pas vous qui faites la véri­té ». Bien sûr, ce n’est pas moi qui fais la véri­té, mais ce n’est pas le pape non plus. La Vérité, c’est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et donc il faut nous repor­ter à ce que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a ensei­gné, à ce que les Pères de l’Eglise et toute l’Eglise nous ont ensei­gné, pour savoir où est la véri­té. Ce n’est pas moi qui juge le Saint-​Père, c’est la Tradition. Un enfant de cinq ans avec son caté­chisme peut très bien répondre à son évêque. Si son évêque venait à lui dire : « Notre-​Seigneur n’est pas pré­sent dans la Sainte Eucharistie. C’est moi qui suis le témoin de la véri­té et je te dis que Notre-​Seigneur n’est pas pré­sent dans la Sainte Eucharistie ». Eh bien ! cet enfant, mal­gré ses cinq ans a son caté­chisme. Il répond : « Mais, mon caté­chisme dit le contraire ». Qui a rai­son ? L’évêque ou le caté­chisme ? Le caté­chisme évi­dem­ment qui repré­sente la foi de tou­jours, et c’est simple, c’est enfan­tin comme rai­son­ne­ment. Mais nous en sommes là. Si on nous dit aujourd’­hui que l’on peut faire des inter-​communions avec les pro­tes­tants, qu’il n’y a plus de dif­fé­rence entre nous et les pro­tes­tants, eh bien ! ce n’est pas vrai. Il y a une dif­fé­rence immense. C’est pour­quoi, nous sommes vrai­ment stu­pé­faits quand nous pen­sons que l’on a fait bénir par l’ar­che­vêque de Cantorbery – qui n’est pas prêtre, puisque les ordi­na­tions angli­canes ne sont pas valides, le pape Léon XIII l’a décla­ré offi­ciel­le­ment et défi­ni­ti­ve­ment, et qui est héré­tique comme le sont tous les angli­cans (je le regrette on n’aime plus ce nom-​là, mais c’est quand même la réa­li­té, ce n’est pas pour don­ner une insulte que je l’emploie, je ne demande que sa conver­sion ) – quand on pense donc qu’il est héré­tique et qu’on lui demande de bénir avec le Saint-​Père la foule des car­di­naux et des évêques pré­sents dans l’é­glise de Saint-​Paul ! C’est là une chose abso­lu­ment inconcevable !

Je conclus en vous remer­ciant d’être venus nom­breux, vous remer­ciant aus­si de conti­nuer à faire de cette céré­mo­nie, une céré­mo­nie pro­fon­dé­ment pieuse, pro­fon­dé­ment catho­lique. Nous prie­rons donc ensemble, deman­dant au Bon Dieu de nous don­ner les moyens de résoudre nos dif­fi­cul­tés. Ce serait si simple si chaque évêque, dans son dio­cèse, met­tait à notre dis­po­si­tion, à la dis­po­si­tion des catho­liques fidèles, une église en leur disant : « Voilà l’é­glise qui est la vôtre ». Quand on pense que l’é­vêque de Lille a don­né une église aux musul­mans, je ne vois pas pour­quoi il n’y aurait pas une église pour les catho­liques de la Tradition. Et, en défi­ni­tive, la ques­tion serait réso­lue. Et c’est ce que je deman­de­rai au Saint-​Père s’il veut bien me rece­voir : « Laissez-​nous faire, Très Saint Père, l’ex­pé­rience de la Tradition. Au milieu de toutes les expé­riences qu’on fait actuel­le­ment qu’il y ait au moins l’ex­pé­rience de ce qui a été fait pen­dant vingt siècles ! ».

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

† Marcel Lefebvre

Notes de bas de page
  1. Peine infli­gée par l’Église qui, si elle était juste, inter­di­rait de célé­brer les sacre­ments dont la messe.[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.