Saint-​Père, évêques, entendez donc les angoisses des fidèles !

7 mai 1962

Sermon inédit de Mgr Lefebvre pro­non­cé le 15 mai 1978 à Genève.[1]

Dans ce ser­mon, Mgr Lefebvre met en avant le fait que les fidèles ne demandent qu’une chose au Pape et à leurs évêques : celle de pou­voir demeu­rer catholiques.

Résumé

Pourquoi ne pourrions-​nous pas continuer ce que l’Eglise a toujours fait ?

Mgr Lefebvre sup­plie les évêques de dai­gner enfin écou­ter leurs fidèles qui souffrent devant la situa­tion de l’Eglise. Les fidèles leur demandent uni­que­ment, chose inouïe, la per­mis­sion de pou­voir conti­nuer à vivre leur foi comme tous leurs ancêtres, l’au­to­ri­sa­tion de pou­voir être catholiques ! 

Les fidèles ont conscience de mettre leur foi en dan­ger s’ils suivent les nou­veau­tés créées depuis le concile Vatican II, ces nou­veau­tés qui s’o­rientent vers une confu­sion des reli­gions. Le prêtre dit au moment du bap­tême : « la foi nous pro­cure la vie éter­nelle », c’est donc le tré­sor qui nous est le plus cher ici-​bas, on ne peut pas le mini­mi­ser. Nous sup­plions le Saint-​Père et les évêques de nous lais­ser conti­nuer vivre notre vie catholique. 

Pourquoi avoir chan­gé cette orien­ta­tion si pro­fonde de l’Eglise que nous rap­pellent les Apôtres qui, après avoir reçu l’Esprit-​Saint, se mirent à prê­cher la divi­ni­té de Jésus-​Christ ? Ils ont bap­ti­sé afin de faire ren­trer les âmes dans l’Eglise, pour qu’elles reçoivent la grâce, ils ont prê­ché jus­qu’aux extré­mi­tés du monde connu alors. Ils ont conver­ti les âmes et ils les ont conju­ré de demeu­rer fidèles à la foi qu’ils leur avaient ensei­gné : « Gardez le dépôt de la foi ! »

Nous avons le droit et le devoir de conser­ver notre foi, c’est ce que nous vou­lons faire. Nous vou­lons conti­nuer. Pourquoi nous avoir fait un caté­chisme, une bible, une messe et des sacre­ments œcu­mé­niques, que les pro­tes­tants peuvent aus­si uti­li­ser ? Nous vou­lons pas que l’on confonde les reli­gions ! L’Eglise catho­lique a tou­jours affir­mé qu’elle était la seule vraie reli­gion, c’est un dogme de notre foi parce c’est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, Dieu lui-​même, qui l’a fon­dée. Il s’est don­né la peine de venir s’incarner au milieu de nous, de mou­rir sur la Croix pour fon­der notre sainte reli­gion. Avons-​nous le droit d’hé­si­ter ? De dire que c’est l’une des reli­gions par­mi les autres ?

Méprisés, réprimandés par ceux qui devraient être nos pères dans la foi

Le rite de la messe n’est pas une chose que l’on peut expé­ri­men­ter en le modi­fiant selon sa pen­sée au fil des époques, sinon il n’y a plus rien de fixe. Nous avons déjà un rite de la messe qui a été décla­ré saint par le concile de Trente, qui est célé­bré dans ses par­ties essen­tielles depuis les débuts de l’Eglise, dont le canon est pro­ba­ble­ment com­po­sé par les Apôtres eux-​mêmes. Le pape saint Pie V n’a pas fait autre chose que de défi­nir cette messe en disant qu’elle était sainte et que l’on ne pour­rait jamais empê­cher jus­qu’à la fin des temps un prêtre de la célé­brer, parce que jus­te­ment elle a été dite avant lui pen­dant quinze siècles.

C’est cela que nous récla­mons de l’Eglise, nous ne vou­lons pas autre chose. Nous ne vou­lons pas nous sépa­rer de l’Eglise, au contraire, nous vou­lons que l’Eglise conti­nue. Les fidèles sont l’Eglise catho­lique quand ils conti­nuent ce que l’Eglise a tou­jours fait. 

On nous dit : « Mais vous devez prendre les orien­ta­tions qui sont don­nées par Rome et par vos évêques ». Nous sommes d’ac­cord, nous pou­vons prendre des orien­ta­tions nou­velles pour­vu qu’elles cor­res­pondent à la foi de tou­jours, à la Tradition. Mais pas quand elles s’en écartent, comme c’est le cas par l’œcuménisme, par l’in­ter­pré­ta­tion désor­mais offi­cielle par cer­tains épis­co­pat du Décalogue, de la loi morale. Ce sont des choses tel­le­ment incroyables que si nous ne les avions pas sous nos yeux, par des docu­ments, nous ne les croi­rions pas. Nous ne pou­vons pas être d’ac­cord avec ces choses-​là, et nous sommes cer­tains qu’un jour la véri­té revien­dra, ce n’est pas pos­sible, le bon Dieu n’a­ban­donne pas son Eglise.

Cette réac­tion très saine, très juste, très légi­time des fidèles contre ce qui détruit leur foi, ce qui divise leurs familles, existe dans le monde entier. Très nom­breux sont ceux qui ne veulent pas accep­ter ces nou­veau­tés qui sont appa­rues depuis le concile Vatican II. Beaucoup ont peur que leurs enfants perdent la foi, ils sentent le besoin d’a­voir une parole qui les sou­tienne, qui les encou­rage. Le monde ne sera sau­vé que par la Croix de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, nous avons besoin de la sainte messe, nous avons besoin des vrais sacre­ments, nous avons besoin du vrai caté­chisme. Tous les pro­blèmes du monde entier ne se résou­dront pas sans Notre-Seigneur.

Voilà des choses qui sont dou­lou­reuses. Même si nous devons souf­frir, souf­frons pour notre foi. Nous ne sommes pas les pre­miers, que de mar­tyrs avant nous pour gar­der la foi ! Si nous devons souf­frir le mar­tyr moral d’être en quelque sorte mépri­sés, répri­man­dés par ceux qui devraient être nos pères dans la foi, souf­frons mais gar­dons la foi, c’est que le bon Dieu veut. C’est ce que la Très Sainte Vierge Marie veut éga­le­ment, elle qui est notre Mère. C’est parce que nous sommes de la famille de la Vierge Marie que nous vou­lons gar­der la foi qu’elle a tou­jours pro­fes­sé. Y a‑t-​il dans le cœur de la Vierge Marie autre chose que le nom de Notre-​Seigneur Jésus-Christ ?

Le sermon

Image : Le Pape Jean XXIII avec Mgr Marcel Lefebvre, le 7 mai 1962 (Vatican).

Notes de bas de page
  1. À l’oc­ca­sion du pre­mier anni­ver­saire du prieu­ré de Genève.[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.