Ce que Dieu a uni.
Editorial
Par le docteur Philippe de Geofroy
Qu’entend-t-on exactement par méthodes naturelles ? On utilise en général ce terme pour désigner les méthodes d’espacement des naissances qui ne déconnectent pas l’acte conjugal de la procréation car elles reposent sur une période d’abstinence périodique et non sur un obstacle posé aux conséquences de cet acte. C’est ce point-là qui nous intéresse et que nous voulons traiter dans ce numéro des Cahiers Saint-Raphaël. En effet, c’est du point de vue catholique que nous voulons traiter du délicat problème de la régulation des naissances. Ce n’est pas l’écologie qui nous guide, ni un combat particulier contre l’industrie du médicament ou celle du caoutchouc. Notre objectif est d’aborder cette question à la lumière de la morale catholique qui n’est pas là pour nous gâcher la vie mais pour nous aider à correspondre au plan divin. Comme souvent ses exigences paraissent plus difficiles qu’elles ne le sont en réalité car elles sont là pour notre bien véritable dès ici bas et le concile de Trente nous rappelle que « Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant Il t’invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas, et Il t’aide pour que tu le puisses ». Comme il est des moyens artificiels et naturels pour espacer les naissances, il en est aussi pour faciliter la procréation et il y a eu beaucoup d’évolution dans ce domaine ces dernières années. Là encore, des méthodes font intervenir des médecins et des techniciens de laboratoire qui dénaturent et remplacent l’acte conjugal avec, pour objectif probable lointain, l’ectogenèse, c’est à dire la fécondation et le développement total de l’embryon et du fœtus » totalement la femme de sa condition biologique. Les méthodes naturelles d’aide à la procréation ont simplement pour objet de faciliter la fécondité de l’union conjugale et ses conséquences.
Pourquoi évoquer et faire la promotion des méthodes naturelles ? Pourquoi et comment faut-il les préférer aux méthodes « artificielles » ? Une des inclinaisons naturelles de l’homme est, comme chez l’animal d’ailleurs, de perpétuer son espèce. Mais, chez ce dernier, cette fonction est exclusivement sous la dépendance de l’instinct. Chez l’être humain elle est aussi sous la dépendance de la volonté et de la raison, lui permettant d’éviter de s’accoupler à tout va, au gré des odeurs et des saisons. Pour donner goût à ce devoir, le Créateur lui a attaché un certain plaisir sensible qui n’est qu’un moyen et non pas un but comme beaucoup semblent le croire aujourd’hui. Ce qui n’était qu’un moyen est devenu aujourd’hui un but et le vrai but a été supprimé ou en tous cas largement mis de côté. Cette tentation est ancienne, elle est évoquée dans la Bible, mais la large diffusion actuelle de la contraception a permis sa généralisation. Dans notre société des loisirs, la sexualité est considérée par le plus grand nombre comme une activité récréative parmi d’autres. La grossesse non désirée devient donc une incongruité comparable à celle de la fracture de jambe chez le skieur : accident à éviter à tout prix ! Et cette mentalité explique d’ailleurs le recours si facile à l’avortement. Les méthodes naturelles, si elles sont utilisées pour des motifs sérieux et non pas avec une mentalité contraceptive, permettent de ne pas déconnecter l’acte de sa finalité. L’institution du mariage est à l’origine de la stabilité de la famille qui rend possible l’éducation du petit d’homme qui ne se fait pas en une saison comme dans les autres espèces. La simple observation montre aisément que c’est une solution préférable, tant pour les parents que pour les enfants, à celle du vagabondage sexuel et à ses conséquences. Dieu ayant uni dans le même acte les moyens de procréer et d’exprimer l’amour mutuel des époux, porter atteinte à la fécondité de l’acte conjugal dans le mariage c’est amputer le don total réciproque et exclusif entre les époux. Dissocier le moyen et le but, c’est aussi séparer les fins du mariage que sont le soutien mutuel des époux et la transmission de la vie.
Même si ces considérations sont les plus importantes et permettent d’expliquer tous les effets négatifs de la mentalité contraceptive, l’énumération de ses conséquences sera plus convaincante pour certains. Elles permettent de toucher du doigt le résultat concret de la dissociation des composantes unitive et procréative de l’acte conjugal par la contraception artificielle. Il est facile de juger de la qualité de l’arbre à la qualité des fruits. Et quels sont les fruits de la contraception ?
Quelques considérations sur la contraception et la santé : dans le numéro 152 des Cahiers Saint-Raphaël nous avons rappelé l’existence d’une étude mettant en évidence une augmentation du taux des cancers du sein chez les femmes prenant la pilule, alors que pendant longtemps on nous a soutenu l’affirmation inverse. Plus surprenante, une étude récente, publiée fin août 2023 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), fait état d’une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral hémorragique dans les 12 mois qui suivent l’accouchement chez une femme ayant subi un traitement hormonal contre l’infertilité. Dans les deux cas il s’agit quand même d’un chiffre absolu assez faible. Les complications les plus connues de la contraception orale sont les thromboses artérielles ou veineuses, en particulier chez la femme de plus de 35 ans ; le risque augmente en cas de tabagisme associé. La liberté sexuelle, conséquence de la contraception, a bien évidemment été responsable d’une augmentation des maladies sexuellement transmissibles ; l’épidémie de sida en a été un exemple. On se souvient d’ailleurs des moyens considérables qui ont été mis en œuvre pour le traitement de cette maladie symptomatique de l’évolution des mœurs. D’autres pathologies graves n’ont pas bénéficié des mêmes moyens. N’oublions pas non plus les effets drastiques sur la santé de l’embryon. La pilule est un fusil à deux coups. Si elle rate l’inhibition de l’ovulation, elle peut ensuite empêcher la nidation de l’œuf fécondé, réalisant un avortement que beaucoup ne veulent pas voir.
Les considérations économiques sont loin d’être négligeables concernant la contraception. La pilule contraceptive et les préservatifs font marcher le business. C’est probablement une des raisons pour lesquelles, en dehors de leur facilité, on en fait la promotion tout en dénigrant les méthodes naturelles. C’est un peu comme pour l’écologie actuellement ; on encourage uniquement l’écologie qui fait tourner la machine industrielle. On est beaucoup plus discret sur une écologie qui risquerait d’entraîner une décroissance comme, par exemple, la lutte contre l’obsolescence programmée… Les méthodes naturelles ne rapportent qu’à ceux qui les utilisent mais il n’est pas là question d’argent.
On notera également des conséquences graves et importantes sur la structure de la société. Celle qui nous saute aux yeux en premier, c’est celle de la démographie. Son déclin a été concomitant de l’arrivée de la contraception. Warren Buffet âgé aujourd’hui de 93 ans a dépensé des milliards pour la promotion de la contraception et de l’avortement en vue de diminuer la population mondiale ; Bill Gates est sur le même chemin. Nous en subissons aujourd’hui les conséquences : les pays à forte pression démographique ont tendance à s’étaler et de préférence là où il y a peu de résistance, en l’occurrence l’Europe devenue un « continent EHPAD » ! La dissociation entre sexualité et procréation a eu aussi un effet très important sur les mentalités car il est connu que « quand on ne vit pas comme on pense on finit par penser comme on vit ! ». On accepte d’abord la contraception et ensuite, automatiquement, les autres moyens d’éviter une naissance. C’est pour cela, que contrairement à la propagande, la facilité de la contraception ne réduit pas le nombre d’avortements, bien au contraire. En France, nous avons une contraception totalement accessible et gratuite et il n’y a jamais eu autant d’avortements [1]. Les hommes d’Église ont une importante responsabilité sur ces questions, ayant eu une forte tendance à regarder ailleurs ou même fermer les yeux à propos de la contraception et de la procréation artificielle. L’adultère aujourd’hui n’est plus fautif dans le mariage et, parallèlement, on a assisté, particulièrement en ville, à une explosion du nombre de divorces beaucoup plus nombreux chez les couples utilisant la contraception artificielle que chez ceux utilisant les méthodes naturelles (50% versus 3%). On veut se rassurer en nous expliquant que le divorce se passe bien pour tout le monde et notamment pour les enfants ; nous avons dans le numéro 142 des Cahiers qu’il n’en est rien. Dans les classes sociales aisées, la femme peut gérer sa carrière en maîtrisant sa fécondité mais dans des classes moins favorisées le divorce peut la jeter rapidement dans la misère. Si l’on peut pratiquer le sexe sans enfants et faire des enfants sans sexe alors bienvenue à l’homosexualité, la PMA, la GPA, l’enfant à trois parents biologiques, le clonage humain… et toutes les conséquence juridiques qui vont avec, entraînant une dénaturation de la filiation biologique au profit d’une soi-disant filiation d’intention. Et j’allais oublier la promotion de tous les types de sexualité dans les écoles où l’on va, comme chacun sait, pour apprendre à s’amuser !
Ceux qui ont encore des yeux pour voir peuvent constater tous les dégâts qui découlent de la contraception et de la procréation artificielle. Ces dégâts sont la conséquence de la séparation artificielle de l’expression de l’amour mutuel des époux et de la faculté de transmettre la vie. Là aussi, il semble préférable que « l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».
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- L’avortement est devenu de plus en plus un moyen de contraception. Empêcher une grossesse, stopper une grossesse, quelle différence ? C’est le résultat de l’inévitable banalisation de ce qui était considéré au début comme une entorse à la règle du respect de la vie.[↩]