L’Église conciliaire tend à évacuer la foi pour ne plus parler que de l’amour du prochain.
Étant donné la perversion de la foi qui s’est produite à partir du concile Vatican II et qui, depuis lors, n’a plus cessé de ravager l’Église, le combat de la Fraternité, notre grand combat, a été et demeure avant tout le combat pour la défense, pour la transmission, pour la préservation et pour la propagation de la foi. Cette insistance à parler de la foi surprend d’autant plus nos contemporains que cette vertu se trouve spécialement méconnue et mal aimée de « l’Église conciliaire » qui tend à l’évacuer avec toutes les autres vertus pour ne plus vouloir parler que de la charité, de l’amour de Dieu et de celui du prochain. Il n’est donc pas rare d’entendre dire que le discours de la Fraternité est trop enclin à porter sur la foi et pas suffisamment sur la charité et que c’est aussi un manque à la charité de contester, comme le font ses membres, les erreurs ou les hérésies enseignées par la hiérarchie ecclésiastique.
En réalité, notre insistance au sujet de la vertu de foi ne provient nullement d’un dédain pour la plus excellente de toutes les vertus qui est bien la charité, seule de toutes les vertus sur laquelle nous serons jugés. Nous savons bien qu’elle est la reine des vertus et qu’il n’est même aucune vertu véritable sans elle. Seule, elle réalise l’union à Dieu, tandis que la foi et l’espérance nous laissent encore à distance de lui. Elle est la plus aimable de toutes et nous comprenons finalement bien l’impatience des modernes à vouloir y accéder comme vers ce qui est le meilleur.
Mais c’est précisément parce que nous voulons, pour nous-mêmes et pour le plus grand nombre d’âmes autour de nous, découvrir et être habités de cette belle charité que nous devons prêcher les vérités de la foi. Elle est en effet la vertu par laquelle nous allons pouvoir commencer à connaître Dieu. C’est en elle que nous croyons « à toutes les vérités que Dieu nous a révélées parce qu’Il ne peut ni se tromper ni nous tromper ». Elle précède logiquement la charité, comme la connaissance précède toujours l’amour, car il est impossible d’aimer ce que l’on ne connaît pas.
La charité s’allume en nous au spectacle des mystères, des bontés et des miséricordes de Dieu.
La foi n’est pas la charité et elle peut même être présente dans une âme, à l’état informe, sans que la charité soit là pour l’accompagner. Mais, si la foi peut exister dans une âme sans la charité, l’inverse n’est jamais possible. La charité, amour surnaturel de Dieu et de notre prochain, ne peut s’allumer en nous qu’au spectacle des mystères, des bontés et des miséricordes de Dieu qu’il n’a cessé de nous prodiguer au cours de sa vie sur la terre et dont Il ne cesse pas de combler chaque âme pendant ce temps d’épreuve. Chaque lecture ou méditation de l’Évangile, chaque sacrement reçu nous fait davantage découvrir comme le bon Dieu est infiniment aimable : c’est donc bien cette connaissance de la bonté de Dieu qui nous porte à l’aimer et qui permet, par la grâce de Dieu, l’éclosion des fruits de charité.
Ainsi donc, sur l’arbre des bontés et des miséricordes de l’ordre surnaturel, la foi peut être comparée à l’humus en lequel les racines viennent puiser, l’espérance à la sève qui monte jusqu’au sommet de l’arbre et la charité aux fruits que l’on vient y cueillir. Mais tous les regards s’orientent instinctivement vers ces derniers que l’on souhaite les plus nombreux et les plus savoureux : l’on a d’ailleurs bien raison de juger d’un arbre à ses fruits et l’on ne s’étonnera pas de la condamnation des figuiers stériles ! Cependant, nous ne devons pas oublier, lorsque nous admirons ou que nous dégustons les fruits des arbres, de cet obscur travail qui a été nécessaire pour les produire : sans la sève, sans les racines et sans l’humus, point de fruits !
Alors, de même que l’écolier qui veut savoir lire doit apprendre d’abord ses lettres, de même que l’enfant qui rêve d’être un grand musicien ne doit pas négliger ses gammes, comprenons la place nécessaire de la vertu de foi, de cette connaissance encore imparfaite mais certaine de Dieu, pour la production de ces magnifiques fruits de la charité dont on trouvera de bien belles illustrations en ce dossier.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 191