La Famille, premier terreau des vocations

Lettre sur les voca­tions n°33 d’a­vril 2025. 

Le mot du supérieur du District

Comme son nom l’indique, la voca­tion, qu’elle soit sacer­do­tale ou reli­gieuse, est un appel spé­ci­fique de Dieu adres­sé à une âme. Elle est donc un mys­tère, un triple mys­tère : mys­tère du choix divin ; mys­tère de l’écoute de l’appel de Dieu par l’homme ; mys­tère de la réponse de l’homme à Dieu, sous l’impulsion de la grâce.

A ce titre, que pourrions-​nous faire posi­ti­ve­ment, humai­ne­ment, pour les voca­tions sinon prier Dieu pour qu’Il envoie des ouvriers à sa vigne ? N’est-ce pas d’ailleurs la seule consigne que Notre-​Seigneur nous ait don­née à ce propos ?

Ce « sur­na­tu­ra­lisme » exces­sif qui vou­drait tout remettre entre les mains de Dieu, consti­tue cepen­dant une erreur. En effet, lorsque Notre-​Seigneur nous enjoint de faire confiance au Père céleste pour notre nour­ri­ture et notre vête­ment, Il ne nous dis­pense pas du devoir de pour­voir, par notre tra­vail, à ces besoins de la vie humaine. Il serait donc étrange que pour cette néces­si­té bien plus pres­sante qu’est la voca­tion des prêtres qui bap­tisent, caté­chisent, remettent nos péchés, nour­rissent nos âmes du Pain céleste et les pré­parent à la vie éter­nelle, et que pour cette autre néces­si­té si impor­tante dans la vie de l’Église qu’est la voca­tion des reli­gieux et reli­gieuses, nous n’ayons nous-​mêmes rien à faire. Cela ne cor­res­pond pas à l’ordre ordi­naire de la Providence.

Certes, saint Paul fut appe­lé sur le che­min de Damas de façon extra­or­di­naire, mira­cu­leuse. Mais, aupa­ra­vant, Jésus avait choi­si douze apôtres, les avait appe­lés par des paroles humaines et les avait for­més pen­dant près de trois ans afin de les pré­pa­rer à leur mis­sion future. Notre-​Seigneur n’a ain­si pas négli­gé les média­tions humaines, tout en conser­vant, avec saint Paul, la liber­té de recou­rir à des moyens extra­or­di­naires. De la même façon, tout en priant avec ardeur, tout en atten­dant avec confiance les miracles que Dieu est tou­jours capable de réa­li­ser, nous devons tra­vailler, cha­cun à notre place, à encou­ra­ger les voca­tions nécessaires !

Au cœur de ce tra­vail, il est une struc­ture qui accueille, puis forme et sou­tient l’âme de celui ou celle que Dieu choi­sit d’appeler de toute éternité.

Nous par­lons ici de la cel­lule fon­da­men­tale de la socié­té humaine, à savoir la famille.

Certes, d’autres struc­tures doivent ou devraient tra­vailler à l’éclosion des voca­tions par­mi les­quelles cer­taines sont aujourd’hui gra­ve­ment défaillantes comme la socié­té civile, ouver­te­ment anti­chré­tienne, et donc davan­tage apte à détruire les voca­tions qu’à favo­ri­ser leur éclo­sion. Quant à l’école catho­lique, sans dimi­nuer son impor­tance, elle res­te­ra tou­jours insuf­fi­sante en ce qu’elle ne consti­tue qu’un com­plé­ment à l’éducation fami­liale. Enfin, n’omettons pas le rôle impor­tant mais éga­le­ment insuf­fi­sant des mou­ve­ments de jeu­nesse, qui n’apportent eux aus­si qu’une contri­bu­tion à l’éducation, et ne sont, d’ailleurs, pas tou­jours acces­sibles aux familles selon les cha­pelles et prieurés… 

En d’autres termes, même si la socié­té civile doit favo­ri­ser l’éclosion des voca­tions, même si l’école catho­lique et les mou­ve­ments de jeu­nesse s’efforcent d’y concou­rir cha­cun à sa place, toutes ces ins­ti­tu­tions ne consti­tuent que des pro­lon­ga­tions de la famille chré­tienne. Et si la famille défaille, si elle ne pré­pare pas en pre­mier lieu la bonne terre favo­rable à l’épanouissement de la voca­tion, alors ces ins­ti­tu­tions ne seront jamais que des rus­tines, des pis-aller.

Car en véri­té, c’est bien pre­miè­re­ment, et peut-​être aujourd’hui presque exclu­si­ve­ment, la famille chré­tienne qui est ou devrait être le lieu pri­vi­lé­gié où l’appel de Dieu sera enten­du et suivi.

A cette fin, la famille chré­tienne doit accueillir chaque enfant comme un futur élu de Dieu, des­ti­né à chan­ter un jour, au Ciel, la gloire de la Trinité sainte.

C’est pour­quoi elle doit pro­cu­rer au plus tôt la nais­sance spi­ri­tuelle, veillant à ce que le bap­tême soit confé­ré dans les meilleurs délais. C’est pour­quoi elle doit édu­quer ce nou­veau chré­tien en lui trans­met­tant, au fur et à mesure de l’évolution de ses capa­ci­tés, la connais­sance des Vérités de Foi et le goût de la prière. C’est pour­quoi elle doit sur­veiller toute son édu­ca­tion favo­ri­sant les saines fré­quen­ta­tions, si pos­sible au sein d’un mou­ve­ment de jeu­nesse catho­lique, tout en écar­tant les mau­vaises, et per­mettre à l’enfant de mener une vie chré­tienne la plus com­plète pos­sible en lui assu­rant une sco­la­ri­té dans une école catho­lique, la récep­tion fré­quente des sacre­ments et la
réci­ta­tion quo­ti­dienne des prières et du chapelet.

Sans aucun doute, tous les époux chré­tiens et tous nos jeunes fian­cés ont bien à l’esprit ces impé­ra­tifs évi­dents de l’éducation catho­lique. Cependant, pro­cé­der ain­si, aus­si bon et même néces­saire que cela soit, n’est aucu­ne­ment suf­fi­sant pour édu­quer vrai­ment un enfant, et encore moins per­mettre à une voca­tion d’éclore.

En effet, l’éducation est essen­tiel­le­ment la for­ma­tion de la liber­té qui n’est rien d’autre que le choix des moyens pour faire le bien. Il faut donc la doter des bons sen­ti­ments et des dis­po­si­tions psy­cho­lo­giques qui l’aideront à s’attacher au bien mais, sur­tout, à lui incul­quer les déter­mi­na­tions inté­rieures vers le bien pro­pre­ment humain tout autant que sur­na­tu­rel, ces orien­ta­tions qui portent la volon­té au choix juste et que l’on nomme les ver­tus morales.

C’est donc à la ver­tu que la famille doit édu­quer : là est sa priorité !

Cela com­mence avec la pre­mière phase d’apprentissage du tout-​petit, en lui fai­sant faire les actes cor­po­rels qui sont l’expression nor­male de la ver­tu, de manière à ce qu’il soit déjà pré­dis­po­sé au bien, lorsque sa rai­son com­men­ce­ra à s’éveiller. Cela se pour­suit à tra­vers les diverses cir­cons­tances de la vie, en veillant à ce que l’enfant prenne l’habitude de bien agir tant dans l’ordre natu­rel que sur­na­tu­rel car il s’agit de lui incul­quer autant les ver­tus natu­relles que surnaturelles.

Et parce que les ver­tus natu­relles se forment par la répé­ti­tion des actes bons (comme le vice s’établit par la répé­ti­tion des actes mau­vais), les parents s’assureront que l’enfant pose les actes bons lorsque l’occasion s’en pré­sente, et ceci de façon répé­tée. Par exemple, pour l’acquisition de la ver­tu de poli­tesse, il s’agit de veiller à ce que l’enfant dise bon­jour, se tienne bien à table, remer­cie quand il reçoit un bien­fait, soit atten­tif à ceux qui l’entourent.

Quant aux ver­tus sur­na­tu­relles, qui viennent de Dieu direc­te­ment, ce ne sera jamais par la répé­ti­tion des actes qu’elles gran­di­ront en l’enfant mais uni­que­ment par l’augmentation de la grâce sanc­ti­fiante. A cet endroit, les parents veille­ront donc à ce que l’enfant ait une vraie vie spi­ri­tuelle, une vie de prière, de fré­quen­ta­tion des sacre­ments, de bonnes lec­tures, de par­ti­ci­pa­tion à la litur­gie, etc.

Ainsi, et pour résu­mer la dis­po­si­tion fon­da­men­tale qui per­met­tra à un enfant de deve­nir un homme et un chré­tien au sens vrai, et consé­quem­ment répondre à une voca­tion, nous dirons qu’il s’agit pour les parents de for­mer leurs enfants à l’abnégation d’eux-mêmes, à la géné­ro­si­té, à l’esprit de sacri­fice, à la fidé­li­té à leurs enga­ge­ments, enfin à la per­sé­vé­rance dans le bien mal­gré les obs­tacles et difficultés.

Il s’agit en défi­ni­tive de trans­mettre l’esprit de la Croix et de Notre Seigneur Jésus-​Christ, tout simplement :

Il n’y a pas de plus grand amour que de don­ner sa vie pour ceux que l’on aime.

Jean XV, 13

Les parents chré­tiens ont donc la tâche exal­tante, autant que cette res­pon­sa­bi­li­té exi­geante, de for­mer leurs enfants à la com­pré­hen­sion juste du rôle cen­tral du Sacrifice de la Croix dans la vie d’un chré­tien et, par­tant, du Sacrifice de la Messe qui le renouvelle.

De là découle cette lutte constante contre la renais­sance obs­ti­née des défauts de l’enfant (et des défauts de l’éducateur, soit dit en passant).

C’est sans cesse qu’il leur faut sar­cler, cou­per, émon­der, pour per­mettre à la grâce de plei­ne­ment s’épanouir dans l’âme de leurs enfants, condi­tion néces­saire pour que celui que Dieu appel­le­ra réponde géné­reu­se­ment à cette sol­li­ci­ta­tion divine.

Charles Péguy a eu ce mot prémonitoire : 

Les pères de famille sont les grands aven­tu­riers du monde moderne.

On peut dire plus géné­ra­le­ment que le père et la mère, mais aus­si toute la famille chré­tienne, sont lan­cés dans la plus grande des aven­tures, celle qui mène­ra ses membres au Ciel, et qui, si Dieu le pro­pose, per­met­tra que tel ou tel enfant devienne prêtre, reli­gieux, reli­gieuse, pour le salut de son âme, pour le bien de l’Église, sans oublier la sanc­ti­fi­ca­tion de sa propre famille.

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