« D’où me connais-tu ? » lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit : « Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » [1]
La vocation de Nathanaël conclut le premier chapitre de l’évangile de saint Jean. Le récit des noces de Cana commencera le second. Il y a un peu plus de quarante jours, un 6 janvier, Notre Seigneur avait été baptisé par Saint Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain, non loin du confluent du fleuve dans la Mer Morte. Les cieux ouverts, l’Esprit de Dieu était descendu en forme semblable à une colombe, et une voix du Ciel s’était fait entendre : « Tu es mon Fils bien aimé, c’est en toi que j’ai mis mes complaisances [2]». Dans cette manifestation Trinitaire, le Christ commençait sa vie publique.
Alors que les évangiles synoptiques se recoupent sur ces évènements, saint Jean n’en dit rien. On peut supposer qu’il savait que ces faits étaient connus et qu’il était inutile de les rappeler. Cela faisait longtemps en effet que les autres évangiles étaient diffusés dans la chrétienté, aussi loin que les apôtres et les disciples étaient allés.
Le quatrième évangile est l’œuvre de l’extrême vieillesse de l’apôtre Jean. Peut-être qu’il se décida à écrire après avoir goûté au calice du martyre. Il était selon la tradition presque centenaire, lorsqu’il l’écrivit. Dernier des apôtres, il complète définitivement la Révélation et nous transmet les derniers secrets de la vie divine qu’il pense indispensables. Il nous donne aussi cette manière différente de connaître Jésus qu’il a apprise durant toutes ces années passées auprès la Très Sainte Vierge Marie. Quand il écrit, cela fait près d’un demi-siècle que la Mère de Dieu a quitté cette terre. Certains pensent même que le Prologue que nous lisons à la fin de nos messes est en fait la retranscription de la contemplation de Notre Dame sur le mystère de l’Incarnation. Elle était sa Mère. Il l’avait prise chez lui.
Il serait enfantin de croire que cet évangile soit né dans l’esprit de Jean, subitement, sans avoir préexisté en lui au moment même où il allait commencer de le rédiger. Lorsque saint Jean écrit son évangile, après soixante ans de silence, il écrit soixante années de contemplation et de prédication : s’il était resté si longtemps sans rien dire de ce qu’il savait de Jésus, que devrions nous penser de sa fidélité au souvenir du Maître ? A l’école de Notre Dame, lui, le Fils du tonnerre avait appris à conserver tout cela, le repassant dans son cœur, comme elle. (A suivre…)