Le Figuier de Nathanaël

Saint Jean à Patmos, Allemagne, ca 1460-70

« D’où me connais-​tu ? » lui dit Nathanaël. Jésus lui répon­dit : « Avant que Philippe t’ap­pe­lât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » [1]

La voca­tion de Nathanaël conclut le pre­mier cha­pitre de l’évangile de saint Jean. Le récit des noces de Cana com­men­ce­ra le second. Il y a un peu plus de qua­rante jours, un 6 jan­vier, Notre Seigneur avait été bap­ti­sé par Saint Jean-​Baptiste dans les eaux du Jourdain, non loin du confluent du fleuve dans la Mer Morte. Les cieux ouverts, l’Esprit de Dieu était des­cen­du en forme sem­blable à une colombe, et une voix du Ciel s’était fait entendre : « Tu es mon Fils bien aimé, c’est en toi que j’ai mis mes com­plai­sances [2]». Dans cette mani­fes­ta­tion Trinitaire, le Christ com­men­çait sa vie publique.

Alors que les évan­giles synop­tiques se recoupent sur ces évè­ne­ments, saint Jean n’en dit rien. On peut sup­po­ser qu’il savait que ces faits étaient connus et qu’il était inutile de les rap­pe­ler. Cela fai­sait long­temps en effet que les autres évan­giles étaient dif­fu­sés dans la chré­tien­té, aus­si loin que les apôtres et les dis­ciples étaient allés.

Le qua­trième évan­gile est l’œuvre de l’extrême vieillesse de l’apôtre Jean. Peut-​être qu’il se déci­da à écrire après avoir goû­té au calice du mar­tyre. Il était selon la tra­di­tion presque cen­te­naire, lorsqu’il l’écrivit. Dernier des apôtres, il com­plète défi­ni­ti­ve­ment la Révélation et nous trans­met les der­niers secrets de la vie divine qu’il pense indis­pen­sables. Il nous donne aus­si cette manière dif­fé­rente de connaître Jésus qu’il a apprise durant toutes ces années pas­sées auprès la Très Sainte Vierge Marie. Quand il écrit, cela fait près d’un demi-​siècle que la Mère de Dieu a quit­té cette terre. Certains pensent même que le Prologue que nous lisons à la fin de nos messes est en fait la retrans­crip­tion de la contem­pla­tion de Notre Dame sur le mys­tère de l’Incarnation. Elle était sa Mère. Il l’avait prise chez lui. 

Il serait enfan­tin de croire que cet évan­gile soit né dans l’esprit de Jean, subi­te­ment, sans avoir pré­exis­té en lui au moment même où il allait com­men­cer de le rédi­ger. Lorsque saint Jean écrit son évan­gile, après soixante ans de silence, il écrit soixante années de contem­pla­tion et de pré­di­ca­tion : s’il était res­té si long­temps sans rien dire de ce qu’il savait de Jésus, que devrions nous pen­ser de sa fidé­li­té au sou­ve­nir du Maître ? A l’école de Notre Dame, lui, le Fils du ton­nerre avait appris à conser­ver tout cela, le repas­sant dans son cœur, comme elle. (A suivre…)

Notes de bas de page
  1. Jean 1, 43–51.[]
  2. Marc 1, 9–11[]