Éditorial du N° 55 Octobre 2019 – Aux Sources du Carmel

L’adoration

Cher frère, Chère sœur,

Des quatre prin­ci­paux devoirs envers Dieu, l’adoration est le pre­mier ; il pré­cède l’action de grâces, l’expiation et la sup­pli­ca­tion : « vous ado­re­rez le Seigneur votre Dieu et vous L’aimerez plus que tout » [1] « et vous ne ser­vi­rez que Lui seul » [2]. L’adoration est l’honneur spé­cial dû à Dieu en rai­son de son infi­nie gran­deur et de la sou­mis­sion que nous Lui devons comme créa­tures : « C’est, dit Bossuet, une recon­nais­sance en Dieu de la plus haute sou­ve­rai­ne­té et en nous de la plus pro­fonde dépen­dance. » [3]

Elle est l’acte de la ver­tu de reli­gion qui consiste à rendre à Dieu hon­neur et res­pect. Dieu seul doit être ado­ré. Cette ado­ra­tion couvre plu­sieurs aspects :

Nous ado­rons la Trinité tout entière, puisque les trois per­sonnes divines sont infi­nies et égales en toutes choses[4]. Nous ado­rons Dieu, source et prin­cipe de notre être, per­fec­tion et fin de notre être. Nous ado­rons toutes les per­fec­tions de Dieu, infi­nies comme Lui. Nous les dis­tin­guons pour mieux les connaître, mais, à pro­pre­ment par­ler, Dieu est Lui-​même sa propre per­fec­tion. Quatre contiennent la vie inté­rieure de Dieu : infi­ni­té, immen­si­té, immu­ta­bi­li­té, éter­ni­té ; quatre autres n’ont pas encore de rap­port néces­saire avec les créa­tures : toute-​puissance, sagesse, per­fec­tion, sain­te­té ; six fondent nos rap­ports avec Lui, en rai­son de la créa­tion : bon­té, sou­ve­rai­ne­té, pro­vi­dence, misé­ri­corde, jus­tice, fin.

Le Nom de Dieu est ado­rable : nous devons deman­der dans l’Oraison domi­ni­cale que ce nom soit sanc­ti­fié, c’est-à-dire qu’il soit invo­qué, béni, loué, ado­ré, dans tout l’univers, comme aucun autre nom.

Jésus-Christ, en qui le Verbe est hypo­sta­ti­que­ment uni à la nature humaine doit être ado­ré, sa nature humaine est digne des mêmes hom­mages que sa nature divine, pour­vu qu’on ne les sépare point par la pen­sée : « Dieu Verbe incar­né, doit être ado­ré par une même ado­ra­tion avec sa propre chair. » [5] Il faut donc ado­rer cette huma­ni­té du Christ dans tous les mys­tères de sa vie, dans la Sainte Eucharistie[6], son Cœur de chair, pour­vu qu’on le consi­dère uni à la divi­ni­té. [7]

Dans l’acte d’adoration, tout notre être par­ti­cipe : l’intelligence, car l’adorateur s’habitue à voir Dieu par­tout, à Le voir grand par­tout, à L’apprécier, à Le regar­der comme le pre­mier objet qu’il désire, à Le consi­dé­rer en tout comme sa fin. Pour lui, Dieu est tou­jours proche. La volon­té, car en pré­sence de la Majesté infi­nie de Dieu pré­sent, l’âme est por­tée à s’abaisser, une cer­taine crainte révé­ren­cielle la sai­sit. L’adoration n’exige pas de soi un acte exté­rieur, mais pour l’homme il doit aus­si se tra­duire au dehors : « “Nous offrons à Dieu, dit saint Jean Damascène, une double ado­ra­tion, spi­ri­tuelle et cor­po­relle”, l’une rési­dant en l’intime dévo­tion de l’esprit, l’autre en l’humiliation exté­rieure du corps. » [8] « L’âme ne sau­rait si bien ren­fer­mer sa dévo­tion en elle-​même qu’elle n’en laisse débor­der quelque chose sur ce com­pa­gnon de chair dont la des­ti­née ici-​bas est liée à la sienne. » [9] En tant que chef des créa­tures visibles, l’homme doit ado­rer Dieu, non seule­ment en son nom, mais au nom de tous les êtres qu’il doit invi­ter à louer leur auteur : Benedicite omnia ope­ra Domini Domino. Il doit en être le porte-voix.

Saint Thomas fait jus­te­ment remar­quer que l’adoration inté­rieure ces­se­rait bien vite, si elle n’était pas entre­te­nue par quelque chose de sen­sible : « flé­chis­sant le genou, nous signi­fions notre fai­blesse devant Dieu, pros­ter­nés nous pro­tes­tons de notre néant per­son­nel. » [Ibid.]

Puisque toute socié­té a été for­mée par Dieu et dépend tou­jours de Lui, elle est tenue de Lui rendre un culte social. La socié­té civile tout entière et en corps doit l’adoration à Dieu dans ses assem­blées et ailleurs ; elle est obli­gée de recon­naître dans les lois sa sou­ve­raine auto­ri­té, elle a le devoir indi­rect de faci­li­ter aux citoyens l’accomplissement de leurs devoirs envers Dieu.

C’est sur­tout la fin spé­ciale de la socié­té reli­gieuse d’adorer Dieu d’abord. Elle le fait par le Saint Sacrifice qui n’est offert qu’à Dieu. L’office divin qui accom­pagne le Sacrifice est avant tout un sacri­fice de louange ; la part qui y est faite aux for­mules de l’adoration y est impor­tante, en par­ti­cu­lier la doxo­lo­gie qui achève chaque psaume.

En fait, toute prière se ramène à l’adoration en par­ti­cu­lier l’oraison parce que « elle sépare les sens des objets externes ; et ensuite, pour consom­mer cette mort mys­tique, elle sépare encore l’esprit d’avec les sens, pour le réunir à Dieu. » [10] Bérulle vou­drait que l’oraison ne soit pas une suc­ces­sion d’actes pas­sa­gers, mais qu’elle devienne un état per­ma­nent de l’âme, assez déta­chée d’elle-même, assez anéan­tie en face du Tout-​Puissant pour vivre dans un état de per­pé­tuelle adoration.

Bien chers ter­tiaires, gar­dons habi­tuel­le­ment cet esprit d’adoration, essen­tiel à la vie chré­tienne et entre­te­nu par la sainte litur­gie et par la spi­ri­tua­li­té du Carmel, comme vous le ver­rez dans les pages suivantes.

Que la Mère du Verbe Incarné, la par­faite ado­ra­trice de la Très Sainte Trinité nous obtienne cette grâce.

† Je vous bénis.

Retraites carmélitaines

Retraites mixtes (hommes et dames), ouvertes prin­ci­pa­le­ment aux ter­tiaires du Carmel mais aus­si aux per­sonnes inté­res­sées par la spi­ri­tua­li­té du Carmel.

Inscriptions et ren­sei­gne­ments auprès de M. l’ab­bé Dubroeucq,
direc­teur du Tiers-​Ordre du Carmel.

M. l’ab­bé Dubroeucq
Séminaire Saint-​Curé-​d’Ars
rue Saint Dominique
21150 Flavigny-​sur-​Ozerain
tél : 03 80 96 20 74

Notes de bas de page
  1. [1er com­man­de­ment][]
  2. [Mt., 4,10][]
  3. [Sermon sur le culte dû à Dieu, 1er point.][]
  4. [Symbole de saint Athanase][]
  5. [DS 221, can. 9.][]
  6. [DS 478][]
  7. [DS 1653.][]
  8. [Saint Thomas, 2a2ae, q.84, a.2,c.][]
  9. [Mgr d’Hulst, Conf. de Notre-​Dame, 1893, 1ère conf., 2ème p.][]
  10. [Bossuet, op. cit., 2ème point.][]