Éditorial du N° 59 Novembre 2020 – Aux Sources du Carmel

La Douceur

Cher frère, Chère sœur,

Jésus-​Christ Notre-​Seigneur, après avoir révé­lé, en appe­lant tous les hommes à son Cœur, que l’a­mour en est la nature intime, déclare quelles en sont les ver­tus carac­té­ris­tiques : la dou­ceur et l’hu­mi­li­té : « Mitis sum et humi­lis Corde. »

Le Sauveur a vou­lu que la dou­ceur et l’hu­mi­li­té marquent le carac­tère et les incli­na­tions domi­nantes de son Cœur. On peut dire qu’elles résument toute sa sain­te­té ; elles sont les qua­li­tés maî­tresses et les ver­tus de fond ; elles sortent immé­dia­te­ment de l’a­mour et le mani­festent mieux que toutes les autres. Elles sont en même temps les plus capables de gagner au Cœur misé­ri­cor­dieux les hommes fati­gués et bles­sés qu’Il appelle à Lui.

La dou­ceur est une ver­tu com­plexe. Il est plus facile de la pres­sen­tir que de la défi­nir. Dans son type divin, la dou­ceur est le rayon­ne­ment de l’a­mour du Père et du Fils, le souffle tran­quille et immuable qui les porte l’un vers l’autre, la ten­dresse de leur éter­nel embras­se­ment : elle est le Saint-​Esprit en per­sonne. Elle tient à la fois de la bon­té, de la misé­ri­corde, de la patience et de la clé­mence divines.[1]

Vertu morale, elle est dépo­sée par Dieu dans la rai­son de l’homme pour l’ai­der à modé­rer ses pas­sions et ses actions. Son objet direct est la colère à domp­ter, l’im­pa­tience à rete­nir, le désir de ven­geance à com­pri­mer.[2]

Le champ d’ac­tion de la dou­ceur est aus­si vaste que varié. C’est tout l’in­té­rieur de l’homme à garan­tir contre le tumulte, le désordre et les ravages de la colère, qui, dans le cœur humain, se sou­lève en souffles d’in­di­gna­tion, en sur­sauts d’im­pa­tience, en troubles vio­lents, en dési­rs de ven­geance, en pro­jets de repré­sailles. C’est aus­si toute sa vie exté­rieure à conte­nir pour empê­cher que ne se répandent au dehors les débor­de­ments de l’ou­ra­gan inté­rieur. C’est à l’é­gard de Dieu, de ses lois, de ses volon­tés et de ses per­mis­sions, c’est aus­si à l’é­gard des choses et des évé­ne­ments qui servent à les mani­fes­ter et qui contra­rient notre amour natu­rel de l’in­dé­pen­dance ou du plai­sir, que la dou­ceur doit répri­mer notre impa­tience. C’est à l’é­gard de nous-​mêmes, qu’exas­pèrent les obs­tacles ren­con­trés. Mais c’est enfin à l’é­gard du pro­chain, en quelque posi­tion que nous soyons vis-​à-​vis de lui, supé­rieur, infé­rieur ou égal, que nous doit modé­rer la sainte dou­ceur : amé­ni­té, affa­bi­li­té, sup­port, par­don, oubli sont de ses effets et des devoirs qu’elle impose : com­bien sou­vent et de com­bien de manières ! Aussi la dou­ceur, au dire de saint Thomas, nous oblige-​t-​elle envers tous. [Ibid.].

Réprimer la colère est bien, agir est mieux. C’est alors que la dou­ceur se doit répandre dans tout l’être, l’en­ve­lop­per, sem­blable à l’huile qui sort du pres­soir. C’est à ce prix que le chré­tien est digne de Jésus, dont le nom est « une huile répan­due », parce que son Cœur est la dou­ceur en sa plénitude.

Dans l’âme, la dou­ceur est la bien­veillance des pen­sées, l’in­dul­gence des juge­ments, la créance facile au bien, l’es­pé­rance sou­te­nue, l’en­cou­ra­ge­ment don­né à tout effort, l’applaudissement à tout suc­cès, la conso­la­tion empres­sée auprès de toute peine ; c’est la condes­cen­dance, la patience et la lon­ga­ni­mi­té ; c’est, d’un mot, le plus doux des mots : la bon­té. Puis, épan­chée au dehors, la dou­ceur brille dans le regard simple, lim­pide et bien­veillant ; dans la parole affable, modeste et dis­crète ; dans le sou­rire aimable ; dans l’ac­cueil ouvert et pré­ve­nant ; dans la modé­ra­tion du ton, de l’at­ti­tude et de la démarche ; dans la condes­cen­dance à se faire tout à tous, à écou­ter, à s’in­té­res­ser et à se dévouer… Aucune rai­deur, aucun dédain, même à l’é­gard de ceux qui ont eu des torts, com­mis des offenses : pas de res­sen­ti­ment, de dépit, voire de froideur.

Voilà bien les traits d’une ver­tu peu ordi­naire, toute sur­na­tu­relle, le chef d’œuvre de l’Esprit de sua­vi­té ! Être doux, c’est être par­fai­te­ment bon et par­fai­te­ment patient ; c’est tout entier se don­ner à tous et tout sup­por­ter de tous. C’est donc une très haute et très grande ver­tu et par­mi les plus saintes, les plus méri­toires et les plus impor­tantes des ver­tus sur­na­tu­relles, sans être abso­lu­ment la pre­mière. Elle confine de si près à la cha­ri­té, qui est la plus excel­lente des ver­tus.[3] Elle rend l’homme si maître de lui-​même, que, conte­nant d’a­bord le mou­ve­ment de la colère, le plus prompt et le plus impé­tueux de tous, elle tem­père tous les autres mou­ve­ments désor­don­nés, comme ceux de la convoi­tise char­nelle ![4] Elle a le pri­vi­lège de révé­ler à l’âme, qu’elle pos­sède et paci­fie, Dieu, ses mys­tères et ses secrets.[5] Elle gagne invin­ci­ble­ment les com­plai­sances de Dieu ; elle L’attire à prendre en l’âme son séjour et incline à exau­cer tous nos dési­rs.[6] Et quant aux hommes, elle est le moyen assu­ré de les conqué­rir et de les rete­nir sous un sceptre dont les charmes les empêchent de sen­tir le poids. « Bienheureux les doux, car ils pos­sé­de­ront la terre ».[7]

Dans l’Ave Maris Stella, l’Église nous fait deman­der à Marie la dou­ceur et la chas­te­té : « Nos culpis solu­tos, Mites fac et cas­tos ». Que la Vierge imma­cu­lée nous obtienne de l’Enfant-​Dieu, en ce saint temps de l’Avent, de pra­ti­quer, tou­jours plus par­fai­te­ment, avec l’hu­mi­li­té, la belle ver­tu du Sacré-​Cœur de Jésus.

† Je vous bénis.

Retraites carmélitaines

Retraites mixtes (hommes et dames), ouvertes prin­ci­pa­le­ment aux ter­tiaires du Carmel mais aus­si aux per­sonnes inté­res­sées par la spi­ri­tua­li­té du Carmel.

Inscriptions et ren­sei­gne­ments auprès de M. l’ab­bé Dubroeucq,
direc­teur du Tiers-​Ordre du Carmel.

M. l’ab­bé Dubroeucq
Séminaire Saint-​Curé-​d’Ars
rue Saint Dominique
21150 Flavigny-​sur-​Ozerain
tél : 03 80 96 20 74

Notes de bas de page
  1. [Lessius, de Div. Perf., L. XII, C.XX].[]
  2. [Cf. St Thomas, 2a2ae, q. 157, a.1.][]
  3. [Saint Thomas d’Aquin, a. 4°][]
  4. [Cornelius a Lapide, in Jer, XI, 19][]
  5. [Saint Thomas d’Aquin, 2a2ae, q. 4, vid. 1][]
  6. [ibid., vid. 2.][]
  7. [Mt, 5, 5.][]