La Douceur

Cher frère, Chère sœur,
Jésus-Christ Notre-Seigneur, après avoir révélé, en appelant tous les hommes à son Cœur, que l’amour en est la nature intime, déclare quelles en sont les vertus caractéristiques : la douceur et l’humilité : « Mitis sum et humilis Corde. »
Le Sauveur a voulu que la douceur et l’humilité marquent le caractère et les inclinations dominantes de son Cœur. On peut dire qu’elles résument toute sa sainteté ; elles sont les qualités maîtresses et les vertus de fond ; elles sortent immédiatement de l’amour et le manifestent mieux que toutes les autres. Elles sont en même temps les plus capables de gagner au Cœur miséricordieux les hommes fatigués et blessés qu’Il appelle à Lui.
La douceur est une vertu complexe. Il est plus facile de la pressentir que de la définir. Dans son type divin, la douceur est le rayonnement de l’amour du Père et du Fils, le souffle tranquille et immuable qui les porte l’un vers l’autre, la tendresse de leur éternel embrassement : elle est le Saint-Esprit en personne. Elle tient à la fois de la bonté, de la miséricorde, de la patience et de la clémence divines.[1]
Vertu morale, elle est déposée par Dieu dans la raison de l’homme pour l’aider à modérer ses passions et ses actions. Son objet direct est la colère à dompter, l’impatience à retenir, le désir de vengeance à comprimer.[2]
Le champ d’action de la douceur est aussi vaste que varié. C’est tout l’intérieur de l’homme à garantir contre le tumulte, le désordre et les ravages de la colère, qui, dans le cœur humain, se soulève en souffles d’indignation, en sursauts d’impatience, en troubles violents, en désirs de vengeance, en projets de représailles. C’est aussi toute sa vie extérieure à contenir pour empêcher que ne se répandent au dehors les débordements de l’ouragan intérieur. C’est à l’égard de Dieu, de ses lois, de ses volontés et de ses permissions, c’est aussi à l’égard des choses et des événements qui servent à les manifester et qui contrarient notre amour naturel de l’indépendance ou du plaisir, que la douceur doit réprimer notre impatience. C’est à l’égard de nous-mêmes, qu’exaspèrent les obstacles rencontrés. Mais c’est enfin à l’égard du prochain, en quelque position que nous soyons vis-à-vis de lui, supérieur, inférieur ou égal, que nous doit modérer la sainte douceur : aménité, affabilité, support, pardon, oubli sont de ses effets et des devoirs qu’elle impose : combien souvent et de combien de manières ! Aussi la douceur, au dire de saint Thomas, nous oblige-t-elle envers tous. [Ibid.].
Réprimer la colère est bien, agir est mieux. C’est alors que la douceur se doit répandre dans tout l’être, l’envelopper, semblable à l’huile qui sort du pressoir. C’est à ce prix que le chrétien est digne de Jésus, dont le nom est « une huile répandue », parce que son Cœur est la douceur en sa plénitude.
Dans l’âme, la douceur est la bienveillance des pensées, l’indulgence des jugements, la créance facile au bien, l’espérance soutenue, l’encouragement donné à tout effort, l’applaudissement à tout succès, la consolation empressée auprès de toute peine ; c’est la condescendance, la patience et la longanimité ; c’est, d’un mot, le plus doux des mots : la bonté. Puis, épanchée au dehors, la douceur brille dans le regard simple, limpide et bienveillant ; dans la parole affable, modeste et discrète ; dans le sourire aimable ; dans l’accueil ouvert et prévenant ; dans la modération du ton, de l’attitude et de la démarche ; dans la condescendance à se faire tout à tous, à écouter, à s’intéresser et à se dévouer… Aucune raideur, aucun dédain, même à l’égard de ceux qui ont eu des torts, commis des offenses : pas de ressentiment, de dépit, voire de froideur.
Voilà bien les traits d’une vertu peu ordinaire, toute surnaturelle, le chef d’œuvre de l’Esprit de suavité ! Être doux, c’est être parfaitement bon et parfaitement patient ; c’est tout entier se donner à tous et tout supporter de tous. C’est donc une très haute et très grande vertu et parmi les plus saintes, les plus méritoires et les plus importantes des vertus surnaturelles, sans être absolument la première. Elle confine de si près à la charité, qui est la plus excellente des vertus.[3] Elle rend l’homme si maître de lui-même, que, contenant d’abord le mouvement de la colère, le plus prompt et le plus impétueux de tous, elle tempère tous les autres mouvements désordonnés, comme ceux de la convoitise charnelle ![4] Elle a le privilège de révéler à l’âme, qu’elle possède et pacifie, Dieu, ses mystères et ses secrets.[5] Elle gagne invinciblement les complaisances de Dieu ; elle L’attire à prendre en l’âme son séjour et incline à exaucer tous nos désirs.[6] Et quant aux hommes, elle est le moyen assuré de les conquérir et de les retenir sous un sceptre dont les charmes les empêchent de sentir le poids. « Bienheureux les doux, car ils posséderont la terre ».[7]
Dans l’Ave Maris Stella, l’Église nous fait demander à Marie la douceur et la chasteté : « Nos culpis solutos, Mites fac et castos ». Que la Vierge immaculée nous obtienne de l’Enfant-Dieu, en ce saint temps de l’Avent, de pratiquer, toujours plus parfaitement, avec l’humilité, la belle vertu du Sacré-Cœur de Jésus.
† Je vous bénis.
Retraites carmélitaines
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Retraites mixtes (hommes et dames), ouvertes principalement aux tertiaires du Carmel mais aussi aux personnes intéressées par la spiritualité du Carmel. Inscriptions et renseignements auprès de M. l’abbé Dubroeucq, M. l’abbé Dubroeucq |
