Le bienfait des retraites selon Mgr Lefebvre

« Avec la vie litur­gique, la médi­ta­tion quo­ti­dienne et la lec­ture spi­ri­tuelle, les retraites sont un moyen d’alimenter sa vie spi­ri­tuelle et de don­ner à son âme une plus grande ferveur. » 

Mgr Lefebvre

Je sou­haite que vous mesu­riez le bien­fait des exer­cices spi­ri­tuels et les grâces qui en découlent, d’abord parce que les papes l’ont dit eux-​mêmes maintes et maintes fois. C’est un fait cer­tain que ceux qui ont sui­vi ces exer­cices en demeurent mar­qués pour de longues années, par­fois pour toute leur vie, en par­ti­cu­lier ceux qui y ont décou­vert leur voca­tion. Il est non seule­ment sou­hai­table, mais indis­pen­sable de se recueillir vrai­ment dans une retraite et de retrou­ver Dieu dans son âme, dans son esprit, par la grâce qui est en nous. Notre-​Seigneur lui-​même nous a mon­tré l’exemple. Alors que lui n’avait abso­lu­ment pas besoin de se reti­rer, il a pas­sé qua­rante jours et qua­rante nuits au désert.

Pour nous sanc­ti­fier, nous devons nous reti­rer dans le silence. Rappelons-​nous que notre vie spi­ri­tuelle est beau­coup plus impor­tante que notre vie tem­po­relle, que notre vie cor­po­relle. Or notre intel­li­gence, notre cœur, notre ima­gi­na­tion sont embar­ras­sés par les choses de ce monde, par les affaires, par notre famille, etc. Certes il ne faut pas négli­ger tout cela, mais nous devons mettre chaque chose à sa place. Et la pre­mière place doit être pour Dieu. Dieu doit être notre pre­mier amour. Et ceci est valable même pour les gens mariés, même pour les gens du monde. Ils doivent eux aus­si faire des retraites [pour remettre chaque chose à sa place].

Le Psalmiste nous y invite : je me suis éloi­gné, je suis par­ti dans la soli­tude afin de trou­ver Dieu [1]. Notre-​Seigneur lui-​même dit à la Samaritaine : « Dieu est esprit, et c’est en esprit et en véri­té qu’il faut l’adorer. » [2] Notre-​Seigneur le dit à la Samaritaine avant de lui décou­vrir sa qua­li­té de messie.

La méditation des grandes vérités

Pourquoi [est-​il néces­saire que vous pre­niez du temps pour] vous éloi­gner du monde ? Pour réflé­chir sur le grand don que le bon Dieu vous a fait en vous don­nant une âme, et sur­tout pour rece­voir la lumière de la grâce. Vous réflé­chi­rez à ce qu’est l’éternité par rap­port au temps, à ce qu’est l’esprit par rap­port à la matière, à ce qu’est Dieu par rap­port à vous-​mêmes, pauvres créa­tures. Vous réflé­chi­rez à celui qui est tout, comme disait si bien [Notre-​Seigneur à] sainte Catherine de Sienne, et à celle qui n’est rien [3]. Donc vous réflé­chi­rez à celui qui est votre tout, et à ce que vous êtes, c’est-à-dire rien. Vous n’êtes rien parce que vous n’êtes qu’une créa­ture, et une créa­ture péche­resse. Alors vous réflé­chi­rez au grand amour de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ pour vous, à cet amour immense qui vous a été don­né par le bap­tême, par tous les sacre­ments que vous avez reçus, grâce à sa Croix, grâce à son sang qui vous a rache­tés. Vous réflé­chi­rez à ces choses, et la lumière des­cen­dra en vous. Et cette lumière, qu’est-elle sinon Notre-​Seigneur Jésus-​Christ lui-même ?

Les retraites de saint Ignace

Nous avons tous besoin d’être bien mis de temps en temps devant nos fins der­nières, devant la gra­vi­té du péché, devant les dan­gers de l’enfer, et nous devons y réflé­chir sérieu­se­ment. La contem­pla­tion des fins der­nières peut pro­vo­quer en nous la crainte ser­vile, c’est-à-dire la crainte de l’esclave, de celui qui est effrayé à la pen­sée de l’enfer, et qui s’éloigne donc de l’enfer pour essayer de suivre les com­man­de­ments. Mais ce n’est pas seule­ment la crainte ser­vile que nous devons sus­ci­ter en nous, c’est aus­si la crainte filiale.

Et il est vrai que, dans la retraite de saint Ignace, cette autre forme de crainte est aus­si sus­ci­tée dans l’âme. Car il ne faut pas réduire les exer­cices de saint Ignace aux médi­ta­tions du pre­mier jour, sur les fins der­nières. Il faut voir aus­si tout ce qui suit. On s’aperçoit alors qu’après la consi­dé­ra­tion des fins der­nières de la pre­mière semaine, on a la contem­pla­tion de tous les mys­tères de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, qui sont admi­rables et qui [tous incitent à aimer Notre-​Seigneur, à avoir un atta­che­ment indé­fec­tible envers Dieu qui est venu nous sau­ver en la per­sonne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Ces trois der­nières semaines des exer­cices sont magnifiques.

Ce qui touche, dans une retraite de saint Ignace, c’est la syn­thèse. On réunit dans l’espace de six jours toute la phi­lo­so­phie, toute la théo­lo­gie, l’Écriture sainte, la vie de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, la chris­to­lo­gie. Alors les gens voient en résu­mé leur propre vie. On leur parle des fins der­nières, des mys­tères de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, on leur ouvre des hori­zons sur la vie divine en eux, on leur parle de la vie chré­tienne, puis des obli­ga­tions qui en découlent s’ils veulent demeu­rer chré­tiens. En l’espace de six jours, on leur met sous les yeux cette syn­thèse qu’ils n’avaient jamais eue à ce degré-​là. Ils avaient enten­du par­ler des fins der­nières. Une fois, quelqu’un leur a par­lé de l’enfer… six mois après, un autre du pur­ga­toire… trois mois après, un autre a par­lé du Ciel… et ils ont enten­du par­ler, bien sûr, de la grâce de Notre-​Seigneur… mais ils n’ont pas eu cette vision géné­rale dévoi­lée devant eux. Alors, la retraite leur a posé vrai­ment en rac­cour­ci la grave ques­tion du sens de leur exis­tence, leur a mon­tré l’enjeu capi­tal de leur deve­nir, et en consé­quence leur a com­mu­ni­qué les convic­tions qu’ils ont à avoir et indi­qué la vie qu’ils ont à mener. Veulent-​ils, oui ou non, vivre la vie chré­tienne telle que Dieu l’a vou­lue, telle que Notre-​Seigneur l’a instituée ?

Le moyen de retrouver la ferveur

Je ne suis pas du tout contre les exer­cices de saint Ignace, mais je pense que ce n’est pas l’unique méthode pour prê­cher les retraites. Par exemple, la médi­ta­tion sur Dieu, sur la Sainte Trinité fait prendre conscience de la gran­deur, de la toute-​puissance de Dieu et cela aus­si fait trem­bler un peu. Dans la mesure où nous sommes atta­chés à Dieu, nous devons en arri­ver à dire : Ce n’est pas pos­sible que je puisse déplaire au bon Dieu ; Dieu est si grand, si bon, si misé­ri­cor­dieux, si pré­sent en moi-​même que je ne puis pas lui faire de peine. Et alors nous trem­blons à la pen­sée que nous pour­rions faire quelque chose qui lui déplaise, qui ne soit pas conforme à sa volon­té, et à plus forte rai­son à la pen­sée de faire un péché grave, car il consom­me­rait la rup­ture avec Dieu. Il fau­drait que cela nous devienne incon­ce­vable, presque impos­sible, tel­le­ment nous tenons à nous confor­mer à sa volonté.

Ainsi, je pense que cette médi­ta­tion de la gran­deur, de la toute-​puissance de Dieu nous incite aus­si à nous éloi­gner du péché, de tout ce qui peut déplaire à Dieu, et que, par consé­quent, elle a pra­ti­que­ment les mêmes effets que les exer­cices de saint Ignace, qui font médi­ter davan­tage sur l’enfer et sur les fins dernières.

S’il est une chose qui compte dans ces retraites pour ceux qui viennent cher­cher la lumière et la force pour conti­nuer leur vie chré­tienne, c’est de rece­voir auprès du prêtre l’absolution de leurs péchés et la grâce qui doit leur per­mettre d’être forts devant les obs­tacles et d’accomplir tou­jours leurs devoirs de chré­tien. Que de per­sonnes ont retrou­vé la foi, la fer­veur, la dévo­tion au cours de ces retraites !

C’est bien au cours des retraites que l’on peut veiller au salut de son âme pen­dant quelques jours de réflexion et de prières. C’est là que se pra­tique vrai­ment la vigi­lance récla­mée par Notre-Seigneur.

Dans les retraites, les âmes bien sou­vent retrouvent vrai­ment l’esprit de prière, l’esprit d’oraison. Les gens remettent Notre-​Seigneur à sa juste place dans leur vie.

Mgr Marcel Lefebvre (La Vie spi­ri­tuelle, pp. 319 à 322)

Source : District du Canada – FSSPX – texte paru dans Le Rocher c’est le Christ n°102 – août – sep­tembre 2016

Notes de bas de page
  1. Ps 54, 8[]
  2. Jn 4, 24[]
  3. Bx Raymond de Capoue, Vie de sainte Catherine de Sienne, Pierre Téqui, 2000, 1ère par­tie, ch. 10, p. 93.[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.

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