Les noces de Cana (5)

Vitrail de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Miracle de Cana. Crédit : Philippe Lissac / Godong

Ils n’ont plus de vin.

(Jn, 2, 3)

Cet Évangile n’est qu’édification et nous éprou­vons une grande joie de décou­vrir notre Sauveur. Nous le voyons jus­te­ment ami de nos joies humaines les plus simples, parce que c’est lui la source de cette joie : Il prend part à une fête de famille, Il est à l’aise au milieu de ces gens, si simples qu’ils res­te­ront ano­nymes… Il se mélange à la pâte humaine comme le levain, et sa pré­sence la sanc­ti­fie, rem­plit de beau­té, de digni­té et de grâce chaque ins­tant de la vie des hommes.

Nous voyons aus­si la Très Sainte Vierge, la plus noble image de la femme et de la mère. Femme… Madame… lui dit Jésus. En effet, quelle Femme que Notre Dame ! par­tout secou­rable, par­tout pré­voyante, en tout ser­viable, en tout modeste… ; nous la voyons Mère qui, par son inter­ces­sion, nous laisse son Fils et obtient le pre­mier miracle. Elle a ravi pour tou­jours le mes­sa­ger du Père ; elle est main­te­nant mes­sa­gère de la pau­vre­té des hommes, et elle ravit son Fils… Femme, elle est la Femme du nou­vel Homme.

Voilà le royaume des Cieux… Il est sem­blable à des noces qu’un Père orga­ni­sa pour son Fils… Cette image des noces et de l’Épouse est fré­quente, aus­si bien dans l’ancien que dans le nou­veau Testament : parce que le Christ est l’Époux, parce que l’Église est l’Épouse, même si à Cana, l’Épouse, c’est Marie. En elle est toute l’Église.

Certainement, le récit de cet évè­ne­ment his­to­rique qu’est le miracle nous édi­fie… Une seule action de Notre Seigneur n’est-elle pas une révé­la­tion totale de Dieu ? Mais lorsque nous lisons dans l’Évangile le pas­sé, nous devons pen­ser le pré­sent de Dieu, parce que Dieu est vivant, Il est la Vie. La vie sur terre de Jésus était mani­fes­ta­tion de sa divi­ni­té et de son action dans son Église. Comme le Christ est à jamais vivant ; ce miracle, comme lui, est hors du temps : Jésus ne se contente pas d’avoir chan­gé, un jour, il y a si long­temps, de l’eau en vin. Et ce qu’il fait dans son aujourd’hui éter­nel est d’une réa­li­té plus éle­vée qu’un simple ban­quet ter­restre. Ne pourrions-​nous pas dire, que ce miracle que Notre Seigneur fit alors, Il le fit moins pour le miracle lui-​même qu’en consi­dé­ra­tion de l’avenir, qu’en consi­dé­ra­tion de cette éter­ni­té qu’Il veut pour nous ?

Voyez… nous décou­vrons la Vérité : le Seigneur a vrai­ment gar­dé jusqu’à main­te­nant le meilleur Vin. C’est le Vin de l’Eucharistie… la Communion est l’union incroyable des noces éter­nelles entre notre âme et l’époux, Jésus, notre Dieu. C’est l’Heure, dont fait allu­sion Notre Seigneur dans sa réponse à sa Très Sainte Mère. C’est l’instant éter­nel que nous goû­tons à chaque sacre­ment. C’est pour l’homme l’instant de l’éternité par­ta­gée dont parle si admi­ra­ble­ment la bien­heu­reuse Elisabeth de la Trinité, Ma vie n’est qu’un ins­tant, une heure pas­sa­gère… pour T’aimer sur la terre, Je n’ai rien qu’aujourd’hui !…

Avec cette élé­va­tion éter­nelle, nous com­pre­nons que la réponse du Fils à sa Très Sainte Mère, n’est pas le reproche qu’une lec­ture humaine nous ferait per­ce­voir… qu’y a‑t-​il entre Moi et Vous, Madame, mon Heure n’est pas encore venue… c’est-à-dire, de vous à moi, que nous en est-​il qu’il n’y ait plus de vin ?

Le Vin qui enivre l’âme de la Sainte Vierge n’est pas ce vin des noces qui fait défaut. C’est l’Esprit qui l’a cou­verte de son ombre le jour de l’Annonciation, c’est l’Esprit qui est l’époux de son âme depuis son imma­cu­lée Conception. C’est l’Esprit qui lais­se­ra pen­ser aux spec­ta­teurs de pas­sage à Jérusalem le jour de la Pentecôte, que les dis­ciples étaient ivres.

Faites tout ce qu’Il vous dira… comprenons-​nous qu’il y a dans cette réponse de Notre Dame toute l’intelligence de la vie reli­gieuse ? Faites tout ce qu’il vous dira, c’est concrè­te­ment l’obéissance totale, pilier incon­tour­nable de la vie chré­tienne, réa­li­sa­tion concrète du Que Votre volon­té soit faite, sur la terre comme au Ciel. Celle qui a dit Je suis la ser­vante du Seigneur, mesure-​t-​elle en cet ins­tant que sa parole anti­cipe le A chaque fois que vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi, de la pre­mière messe et de la pre­mière ordi­na­tion sacer­do­tale du Jeudi Saint ?

Tout homme sert d’a­bord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gar­dé le bon vin jus­qu’à pré­sent ! Parce que l’époux, c’est le Christ, et que le Vin, c’est son sang, mys­te­rium fidei, novi et aeter­ni tes­ta­men­ti… À Cana, la Foi nous montre le Royaume des Cieux, sem­blable à des noces qu’un Père orga­ni­sa pour son Fils… la table nup­tiale est dres­sée, c’est la Croix, c’est notre Autel, c’est bien­tôt le Ciel, c’est depuis tou­jours le Ciel. Ces noces sont pour nous un miracle ; c’est sur­tout l’acte, le désir de Dieu sur nous ; et ce miracle, nous décou­vrons avec une immense émo­tion que c’est une Messe d’ici-bas, et que cette messe c’est la Messe du Ciel.

Faites tout ce qu’Il vous dira… Regardons Notre Dame ; elle sai­sit dans la Foi tout le mys­tère de la réponse de son Fils : cette Heure, c’est la Nouvelle Alliance, la Liturgie céleste entre le Fils et le Père éter­nel. À Cana, comme à chaque Messe, nous fai­sons par­tie des invi­tés des noces éter­nelles, aux côtés du Christ et de sa Très Sainte Mère. C’est à nous de vivre ce miracle, la Messe, « notre » miracle quo­ti­dien de l’Autel, et de faire nôtre la joie de Dieu. Quand le vin fit défaut, Jésus fit rem­plir les cruches d’eau et l’eau fut chan­gée en Vin, Alleluia.