Mères d’évêques

Curés de cam­pagnes, reli­gieux, mis­sion­naires, évêques, leurs mères ont les mêmes sen­ti­ments, tiennent le même lan­gage de foi lorsqu’elles s’adressent à leur fils ou qu’elles parlent de lui. Écoutons quelques mères d’évêque :

Madame Raess

La mère de Mgr Raess, évêque de Strasbourg, empê­chée par son grand âge, n’avait pas assis­té au sacre de son fils. Quand le nou­vel évêque lui ren­dit visite, elle lui dit debout, d’une voix forte : « C’est ici, mon fils, ta chambre où tu es né. C’est ici que Dieu m’a don­né sur toi l’autorité d’une mère. Ne l’oublie pas ; tout évêque que tu sois, je garde mes droits sur mon enfant. Si j’apprenais que tu ne rem­plis pas tous tes devoirs, comme l’on attend de toi, j’aurais encore la force d’aller te trou­ver à Stras-​bourg et de te rap­pe­ler tes obli­ga­tions. »Puis, la noble chré­tienne s’arrêta. Elle fit un pénible effort sur ses jambes vacillantes, et, s’agenouillant : « Et main­te­nant, Monseigneur, ajouta-​t-​elle, don-​nez-​moi votre bénédiction. »

Madame Mermillod

La mère du futur car­di­nal Mermillod, ayant su que, en pleine crise de per­sé­cu­tion contre le catho­li­cisme, des bandes furieuses avaient entou­ré le palais épis­co­pal de Genève aux cris de : « À mort l’évêque ! À mort ! » accou­rut et dit :« Monseigneur, on as-​sure, à Carouge, qu’il est ques­tion de vous assas­si­ner. Je suis venue, en grande hâte, vous sup­plier de ne pas vous enfuir. Votre devoir est de res­ter ici. » Puis, elle ajou­ta : « Si vous mou-​riez pour la foi, quel hon­neur pour votre famille ! »

Madame Pie

La mère du car­di­nal Pie, de condi­tion très humble – c’était la femme d’un cor­don­nier – veuve de bonne heure, goû­ta une inex­pri­mable conso­la­tion à voir son fils aspi­rer au sacer­doce. « Mais, Anne, que veux-​tu faire de ton enfant ? lui deman­daient ses voi­sines. – J’en ferai un pape », ré-​pondit-​elle, par allu­sion à son nom de Pie, por­té par le pape régnant Pie VII. Elle fit, avec sa col­la­bo­ra­tion avec la Providence, non pas un pape, mais un évêque et un car­di­nal, un des plus grands du XIXe siècle. Sur la tombe de sa mère, le car­di­nal Pie dira : « Jamais, non, jamais, ô ma mère, ma voix ne pour­ra expri­mer ce que mon cœur vous a voué d’admiration, ce qu’il vous doit de gra­ti­tude. »Elle vécut auprès de lui jeune vicaire, puis jeune vicaire géné­ral de Chartres, et enfin, pen­dant 27 ans, quand il fut évêque de Poitiers, auprès de lui jusqu’au bout, admi­rable de tact, de sens chré­tien, d’esprit de foi. Quand elle mou­rut, octo­gé­naire, en 1877, le car­di­nal Pie avait 62 ans. Il se sen­tit bles­sé à mort : « Voici qu’il se fait tard pour moi, écrivait-​il, et que le jour est à son déclin. Tout fils se croit jeune aus­si long­temps qu’il voit sa mère à ses côtés ; du moment où il l’a per­due, la vieillesse com­mence et se précipite. »