Le chrétien qui aime Dieu ne peut pas se contenter de lui adresser des demandes. Par la louange qui jaillit de son cœur, il Lui exprime son amour.
Qui d’entre vous n’a jamais vu un prêtre récitant son bréviaire ? Ce prêtre est agenouillé dans l’église, ou bien assis, ou bien il marche recueilli, dans un lieu silencieux, et il tient entre ses mains un livre écrit tout en latin, couvert d’une custode en cuir noir. Il prie. Son corps est sur la terre, mais son esprit est dans les cieux.
Un jour, un enfant demande à sa mère : maman, qu’est-ce qu’il fait, Monsieur l’abbé, il lit un livre ? – Ce prêtre récite son bréviaire, répond la mère. – C’est quoi, maman, un bréviaire ? – C’est un livre de prière. – Maman, qu’est-ce que Monsieur l’abbé demande à Dieu dans sa prière du bréviaire ?
La dame n’a pas su répondre à cette question difficile. La réponse est la suivante : dans son bréviaire, le prêtre ne demande pas grand-chose à Dieu. L’essentiel de la prière du bréviaire n’est pas une prière de demande. – Mais alors, pourrait reprendre l’enfant, qu’est-ce que c’est qu’une prière, si ce n’est pas une prière de demande ? Quand on prie, est-ce qu’on ne demande pas des grâces à Dieu ? – Pas nécessairement. Certaines prières ne demandent rien à Dieu. Mon enfant, la prière du bréviaire est surtout une prière de louange. Quand le prêtre prie son bréviaire, il loue le bon Dieu.
Que signifie louer le bon Dieu ?
Mon enfant, lorsque tu adresses des prières à ton père, elles peuvent prendre la forme d’une demande : « Papa, j’ai faim, donne-moi du pain s’il te plaît. Papa, j’ai soif, donne-moi de l’eau s’il te plaît. Papa, j’ai froid, donne-moi un manteau et des gants ». Mais il est aussi possible de s’adresser à son père, non pour lui demander quelque chose, mais pour lui adresser des louanges. « Papa, qu’est-ce que tu es fort, qu’est-ce que tu es intelligent ! Papa, tu es vraiment le meilleur papa du monde ! Papa, tu es courageux, tu es beau, tu es sage, tu es prévoyant, tu es juste, tu es charitable, tu es patient, tu es miséricordieux, etc. ». Voilà une belle louange que l’enfant adresse à son père. On imagine aisément la joie du père en entendant son fils lui adresser de telles paroles d’admiration, de tels compliments.
Nous sommes les enfants du bon Dieu. Nous devons donc, évidemment, lui adresser des prières de demandes, parce que nous avons besoin de son aide. Mais il faut aussi le louer, exalter ses qualités, admirer ses perfections. Voilà ce que fait le prêtre tous les jours en récitant son bréviaire.
Peut-être l’un d’entre vous serait-il tenté de demander : ça sert à quoi de louer Dieu ?
Ah, il faut absolument sortir de cette mentalité utilitariste intéressée ! Louer Dieu, ça ne sert à rien ! Ce qui est beau dans la louange divine, c’est précisément qu’elle est désintéressée. Elle jaillit spontanément du cœur qui aime Dieu. L’enfant qui aime et qui admire son père laisse parler son cœur et ne peut pas garder le silence. Il laisse s’exprimer son amour. Le chrétien qui aime Dieu ne peut pas se contenter de lui adresser des demandes. C’est une nécessité pour lui de se réjouir de la joie de Dieu et d’exalter ses perfections.
L’âme chrétienne, à l’égard de son Créateur et de son Sauveur, est remplie d’admiration, de complaisance, de jouissance, d’amour de bienveillance, d’amour repentant, d’amour reconnaissant. Elle est donc heureuse de s’unir au psalmiste de l’Ancien testament qui ne cessait de louer Dieu nuit et jour.
De même, nous sommes heureux de louer la Bienheureuse Vierge Marie. Un jour, un chrétien peu éclairé fit cette réflexion : moi, quand je prie le Je vous salue Marie, je ne récite que la 2e moitié, à partir de « sainte Marie, mère de Dieu, etc. », parce que c’est une prière utile, nous avons besoin en effet que la sainte Vierge prie pour nous. Alors que la 1re partie de cette prière est totalement inutile : on ne demande rien à Marie, donc ça ne sert à rien.
Ce chrétien n’a rien compris. Il se trompe lourdement en omettant de réciter le début de la salutation angélique. C’est une admirable prière de louange qui remplit de joie notre mère du ciel. C’est une joie pour un fils de féliciter sa mère et d’exalter ses privilèges. C’est une joie pour un chrétien de réjouir Marie en lui rappelant qu’elle est pleine de grâce, que le Seigneur est avec elle, qu’elle est bénie entre toutes les femmes. C’est une prière désintéressée dans laquelle on ne trouve pas la moindre trace d’égoïsme. Le début du Je vous salue Marie est une magnifique louange de Notre-Dame.
De même, dans le bréviaire, le prêtre loue Dieu. Par exemple, il s’écrie : Je chanterai toutes vos merveilles, Seigneur ; votre miséricorde est éternelle, c’est pourquoi je vous bénirai à jamais ; qui est semblable à vous, o Dieu de force et de puissance ? Votre puissance a créé et votre sagesse a ordonné toutes choses avec une magnificence infinie. Je chanterai un cantique au Seigneur qui m’a comblé de biens. O, mon âme, bénis le Seigneur, et que tout ce qui est en moi loue son saint nom. Il t’a pardonnée tes fautes, il t’a guérie de tes blessures, il t’a ramenée de l’abîme. Il te couronne de miséricorde, il t’environne de bonté, il te comble de bienfaits au-delà de tes désirs. Peuples, exaltez le Seigneur notre Dieu, car il est saint. Anges du ciel, bénissez le Seigneur. Tous les royaumes de la terre, chantez un cantique au Seigneur, car Dieu est admirable sur toute la terre. Etc.
L’un des mots les plus fréquents dans le bréviaire est alleluia. C’est un cri d’allégresse qui signifie « Louez le Seigneur ». Le prêtre le prononce chaque jour un nombre incalculable de fois, hors du temps de la septuagésime et du carême. Ce terme hébreu contient tant d’énergie, dit dom Calmet, que l’on a cru devoir le conserver sans le traduire ni en grec ni en latin, de peur d’en diminuer le goût et la douceur. C’est donc à toute heure du jour et de la nuit que le prêtre, en récitant son bréviaire, loue le Seigneur avec joie.
Le prophète Daniel raconte un miracle qui fait mieux comprendre le rôle de la louange divine. L’histoire se déroule en l’an 605 av. J.-C., à Babylone, sous le règne de Nabuchodonosor. Ce roi fait fabriquer une statue d’une grandeur colossale représentant un faux dieu, et il donne l’ordre suivant : « Au moment où vous entendrez le son de la trompette, de la flûte et de la cithare, prosternez-vous et adorez la statue d’or. Si quelqu’un ne se prosterne pas et n’adore pas, il sera à l’instant même jeté dans une fournaise embrasée ». Or, trois pieux adolescents du peuple hébreu, en captivité à Babylone, refusent d’obéir à cet ordre. Le roi l’apprend et, fou de rage, il ordonne qu’on lui amène les trois enfants : est-il vrai que vous n’honorez pas mes dieux et que vous n’adorez pas la statue d’or que j’ai érigée ? Les jeunes gens, courageux, répondent : sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que le Dieu que nous servons peut nous délivrer d’entre tes mains. Rempli de fureur, le roi ordonne qu’on chauffe la fournaise sept fois plus que d’habitude, et qu’on y jette immédiatement les trois enfants, tout habillés. Les bourreaux obéissent, mais ils s’approchent si près de la fournaise embrasée que, en y jetant les hébreux, ils sont tués, brûlés par les flammes de 25 mètres de hauteur et asphyxiés par la fumée.
Quant aux trois enfants, au contraire, ils marchent au milieu des flammes, tout joyeux, en louant le Seigneur, sans sentir la moindre chaleur. Une fois sortis de la fournaise, le roi et ses ministres constateront, stupéfaits, que leurs cheveux n’ont pas été brûlés, que leurs vêtements sont restés intacts et qu’aucune odeur de feu ou de fumée ne se dégage d’eux.
Qu’est-ce que les trois enfants ont fait au milieu de la fournaise ardente ? Une seule chose : ils ont loué le Seigneur dans la joie. Voici un extrait de l’immense cantique de louange qu’ils ont chanté dans les flammes : « Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères. Soleil et lune, bénissez le Seigneur, louez-le et exaltez-le dans tous les siècles. Tous les oiseaux du ciel, bénissez le Seigneur, louez-le et exaltez-le dans tous les siècles ». Etc.
Et le roi Nabuchodonosor, frappé d’étonnement, s’écrie : « Béni soit le Dieu de ces trois enfants, qui a délivré ses serviteurs ! Voici donc le décret que je porte : que tout peuple qui aura proféré un blasphème contre le Dieu de ces trois enfants périsse, car il n’y a pas d’autre Dieu qui puisse sauver ainsi ».
Ces trois enfants nous donnent un modèle de prière. Leur cantique de louange est si beau, il plaît tant à Dieu, que les prêtres, tous les dimanches matins, le récitent après leur réveil. À peine sortis du lit, nous nous unissons aux trois jeunes hébreux pour louer le bon Dieu avec joie.
Certes, l’obligation de la louange divine touche d’abord ceux qui ont reçu l’ordre sacré du sous-diaconat. C’est le privilège des clercs majeurs de pouvoir offrir à Dieu, au nom de toute l’Église, l’office divin. Cependant, les laïcs aussi sont concernés. N’est-il pas écrit dans le Catéchisme : « L’homme a été créé pour louer Dieu » ?
Il est important que nos prières ne soient pas seulement des demandes adressées à Dieu, mais qu’elles soient aussi des louanges. Pendant la messe, unissons-nous au prêtre lorsqu’il loue le bon Dieu, par exemple dans le Gloria Patri, le Gloria in excelsis Deo, l’Alleluia avant l’évangile, la préface, le Sanctus, etc. Saint Paul écrivait aux Hébreux : « Par Jésus, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom ».
Nous sommes incapables de trouver les mots justes pour louer Dieu comme il veut être loué. Mais si nous nous servons des mots que le Saint Esprit nous révèle, ou que l’Église, sous l’inspiration du Saint Esprit, met sur nos lèvres et dans nos cœurs, alors nous pouvons être certains que notre prière devient infiniment agréable à Dieu. Cette prière n’est que le début de la louange perpétuelle que nous chanterons avec les anges et les saints dans la bienheureuse éternité.