Résistance

Plateau des Glières où s'illustra le lieutenant Tom Morel

Il y a quatre-​vingt ans, la Seconde Guerre mon­diale se ter­mi­nait. Aujourd’hui, un nou­vel enva­his­seur cherche à sou­mettre les masses. Ses armes sont vir­tuelles, mais non moins puis­santes. Où vais-​je me situer ?

Zone occu­pée

a) état des lieux

  1. Connexion Internet sans fil dans toute la mai­son ; cha­cun a accès à l’Internet où il veut et quand il veut ; les anciens appa­reils sont conser­vés au cas où.
  2. Les parents sup­posent leurs enfants /​ado­les­cents /​étu­diants ver­tueux et cette idée leur tient lieu de contrôle.
  3. Les parents biaisent avec le règle­ment des écoles où ils ont ins­crit leurs enfants, et qui inter­dit l’usage des écrans à l’école et des réseaux sociaux à la mai­son. Ils pensent devoir équi­per leur enfant d’un smart­phone dès la 6e. Certains vont jusqu’à four­nir un smart­phone (que l’enfant gar­de­ra sur lui à l’école) en plus du « 9 touches » (don­né hypo­cri­te­ment aux édu­ca­teurs qui demandent les télé­phones). Les parents forment des groupes Whatsapp de parents d’élèves pour le meilleur et pour le pire.
  4. Les conver­sa­tions sont régu­liè­re­ment inter­rom­pues par des son­ne­ries /​noti­fi­ca­tions qui déclenchent le réflexe de regar­der l’appareil au mépris de son inter­lo­cu­teur. Pendant les repas, le smart­phone est posé sur la table. Il est allu­mé jour et nuit, du réveil (dif­fi­cile) au cou­cher (tar­dif). Les appa­reils élec­tro­niques sont uti­li­sés très sou­vent pour faire plu­sieurs tâches en même temps : révi­ser tout en regar­dant une vidéo et envoyer un message …
  5. Tous les membres de la famille sont expo­sés aux écrans de longues heures : « Des heures pas­sées prin­ci­pa­le­ment à consom­mer des flux audio­vi­suels (films, séries, clips, etc.), à jouer aux jeux vidéo et, pour les plus grands, à pala­brer sur les réseaux sociaux à coups de lol, like, tweet, yolo, post et sel­fies. Des heures arides, dépour­vues de fer­ti­li­té déve­lop­pe­men­tale. Des heures anéan­ties qui ne se rat­tra­pe­ront plus une fois refer­mées les grandes périodes de plas­ti­ci­té céré­brale propres à l’enfance et à l’adolescence » (Desmurget, La fabrique du cré­tin digi­tal). S’il y a res­tric­tions durant l’année sco­laire, elles sont levées pen­dant les vacances, on n’ose impo­ser aucune consigne aux grands-​parents qui gardent leurs petits-enfants.
  6. On raconte sa vie sur Facebook, et y expose aus­si les membres de la famille. De quand date le der­nier livre lu jusqu’au bout ? Dieu le sait.

Zone libre

a) état des lieux

  1. Ni smart­phone ni ordi­na­teur ne sont uti­li­sés dans des pièces iso­lées ; il n’y a pas de pos­si­bi­li­té de connexion sans fil à la mai­son ; chaque appa­reil sus­cep­tible de se connec­ter est identifié.
  2. Les parents contrôlent effec­ti­ve­ment les accès à Internet de leurs enfants /​ado­les­cents /​étu­diants, même quand ils réa­lisent un tra­vail sco­laire deman­dé par les meilleures écoles catho­liques de France. L’accès des parents à l’historique des navi­ga­tions est une condi­tion sine qua non de l’usage de l’Internet.
  3. Les parents agissent en har­mo­nie avec le règle­ment de l’école qui inter­dit l’usage des écrans. Ils sont convain­cus qu’un élève, au moins jusqu’à la Terminale, n’a pas besoin de smart­phone et s’organisent en consé­quence. Ils ne se per­mettent pas d’utiliser un groupe Whatsapp pour com­mu­ni­quer avec tous les parents de l’école comme s’ils fai­saient par­tie du per­son­nel ensei­gnant ou administratif.
  4. Les télé­phones sont habi­tuel­le­ment en mode silen­cieux. Les plages horaires où l’on consulte ses divers mes­sa­ge­ries et médias sociaux sont défi­nies et pas infi­nies. On se résout à ne pas répondre immé­dia­te­ment sauf néces­si­té. Le smart­phone ou suc­cé­da­né n’apparaît pas durant les repas (ni sur le par­vis !). Il est éteint au moins la nuit (un vrai réveil me réveille). Il a sa place à la mai­son … dans une pièce com­mune. Il sert en son temps, il n’est pas uti­li­sé pas en « multitâches ».
  5. L’usage de l’écran est non seule­ment sur­veillé, mais aus­si limi­té dans le temps, pour tous les membres de la famille.
  6. La vie fami­liale n’est pas expo­sée sur Facebook, aux yeux de tous. La famille est un cocon, pas une scène de théâtre, a stage where eve­ry­man must play a part … La lec­ture régu­lière de livres est entre­te­nue par les visites fré­quentes à la bibliothèque.
enfant devant un écran portable

Zone occu­pée

b) Principes d’action

  1. C’est si pratique !
  2. Il est impos­sible de résis­ter à ce qui est deve­nu d’usage cou­rant, impo­sé par­tout ; il semble que de très doctes études ne sont pas si alar­mistes : cela jus­ti­fie de renon­cer à un contrôle effec­tif de l’usage des écrans chez les enfants et à une limi­ta­tion chez les adultes à un usage pure­ment uti­li­taire. Et puis, contrô­ler ain­si l’écran des enfants /​ado­les­cents /​étu­diants, c’est entrer dans leur intimité.
  3. Il est bon de res­ter infor­mé : de ce qui se dit à Davos, de la guerre en Ukraine, de la fonte des neiges au Groenland, de la sor­tie pro­chaine de la voi­ture que je n’ai pas le pro­jet d’acheter, et de la culture des champignons.
  4. La pra­tique de la messe domi­ni­cale, de la prière régu­lière dis­pense les parents de mesures pra­tiques contre l’invasion numé­rique : après tout, la grâce est si puissante !
  5. Surtout, ne pas se poser la ques­tion de savoir s’il est grave d’abdiquer face à l’esprit du monde, dans une matière grave dont Dieu deman­de­ra des comptes. Il faut accep­ter d’être un soumis.

Zone libre

b) Principes d’action

  1. « A quoi sert à l’homme de gagner le monde s’il en vient à perdre son âme ? ». Ou encore : « Bienheureux ceux qui ont un cœur de pauvre », qui usent des biens de la terre avec parcimonie.
  2. « Les parents ont le devoir d’aimer, de soi­gner et nour­rir leurs enfants, de pour­voir à leur édu­ca­tion reli­gieuse et civile, de leur don­ner le bon exemple, de les éloi­gner des occa­sions de péché, de les cor­ri­ger de leurs fautes et de les aider à embras­ser l’état auquel ils sont appe­lés de Dieu ». (Catéchisme de Saint Pie X, « Le 4e com­man­de­ment ». Ayant exa­mi­né loya­le­ment cha­cun de ces devoirs, les parents chré­tiens ont com­pris qu’il leur fal­lait se don­ner de la peine en ce domaine et lut­ter contre l’invasion numérique
  3. Tout ne regarde pas tout le monde. La curio­si­té peut être une faute, et la liber­té d’expression abso­lue a été condam­née par l’Église.
  4. La grâce ne détruit pas la nature ; la vie sur­na­tu­relle prend appui sur la vie natu­relle saine.
  5. Ce com­bat de chré­tien face à l’esprit du monde est entre­te­nu par une solide vie spi­ri­tuelle, en par­ti­cu­lier par la fré­quen­ta­tion des Exercices de saint Ignace.

Zone occu­pée

c) Résultats

  1. Les résul­tats sco­laires des enfants sont bien en-​deçà de ce qu’on aurait pu espé­rer. Les plus jeunes ont des lacunes de lan­gage. Tous ont des dif­fi­cul­tés à se concen­trer, à four­nir un tra­vail constant. Difficulté à avoir une pen­sée personnelle.
  2. Dépression, indé­ci­sion chro­nique, som­meil gra­ve­ment atteint, troubles liés à la séden­ta­ri­té, soli­tude (« seuls ensemble », dans le même lieu, mais cha­cun occu­pé der­rière un écran différent).
  3. Imprégnation des idées du monde, confron­ta­tion à la por­no­gra­phie dès le plus jeune âge, commérage …
  4. Vocations en berne, prière dif­fi­cile, âmes abîmées.

Zone libre

c) Résultats

  1. Le poten­tiel sco­laire des enfants est exploi­té au maxi­mum. Le lan­gage des plus jeunes se déve­loppe nor­ma­le­ment, il est plus facile de res­ter concen­tré. Possibilité d’une pen­sée pro­fonde et indépendante.
  2. Sommeil repo­sant, temps pour lire, faire des acti­vi­tés phy­siques, se dévouer, se par­ler, jouer ensemble.
  3. Combat plus facile contre les ten­ta­tions ; capa­ci­té pré­ser­vée de se don­ner pour un idéal élevé.
  4. Vocations nom­breuses, enga­ge­ment plus facile dans le mariage, sta­bi­li­sa­tion des familles.

Chers fidèles, pour le bien de votre âme et de celle de vos enfants ; pour de nom­breuses voca­tions sacer­do­tales et reli­gieuses et des foyers solides : ne res­tez pas pas­sifs ; entrez en résis­tance ; accep­tez de vivre en zone libre !

Bibliographie :

  • Abbé Jean-​Pierre Boubée, L’écran, drogue sournoise.
  • Michel Desmurget, La fabrique du cré­tin digi­tal, Ed. Seuil.
  • Michel Desmurget, Faites-​les lire ! Pour en finir avec le cré­tin digi­tal, Ed. Seuil.
  • Frances Booth, Comment res­ter concen­tré dans un uni­vers numé­rique, Ed. Poche Marabout.

Tous ces livres sont dis­po­nibles en for­mat papier ; les trois der­niers s’empruntent faci­le­ment et gra­tui­te­ment dans les biblio­thèques municipales.

Source : Le Carillon n°210