Notre-​Dame de France

Le Puy-en-Velay. La statue de Notre-Dame de France y surplombe la ville. On aperçoit la cathédrale et le Rocher Saint Michel.

Survol historique de la dévotion mariale en France

Les béné­dic­tions que le bon Dieu a octroyées à notre pays sont dues en grande par­tie au culte voué par nos ancêtres à Notre-​Dame. C’est par elle qu’ils ont entre­vu avant l’ère chré­tienne le Messie à venir puisqu’à Chartres, dans les forêts drui­diques des Carnutes, nos aïeux les Gaulois véné­raient la « Vierge sur le point d’enfanter », la Virgo pari­tu­ra, c’est-à-dire la Vierge Mère.

La France fut le pre­mier pays à rendre hon­neur à la sainte Vierge. Sainte Clotilde et saint Rémy implorent Notre- Dame et obtiennent la conver­sion de Clovis. Clovis s’empresse de bâtir sur les ruines d’un temple drui­dique la pre­mière église dédiée à Notre-​Dame de Paris : elle est ache­vée par son fils Childebert. Étant à l’origine de notre foi, il était dans l’ordre de la Providence que la sainte Vierge en fût la gar­dienne souveraine.

Plusieurs sanc­tuaires sont éle­vés par Charlemagne, en l’honneur de Notre-​Dame, et les ducs de Normandie la pro­clament « Reine de la nation [1]. »

Vers l’an 1100 ou 1120, écri­vant l’histoire de la 1re croi­sade, Guibert, noble de la région de Beauvais, abbé de Nogent-​sous-​Coucy, inti­tule son livre Gesta Dei per Francos, « Les Gestes de Dieu par les Francs. » Nos ancêtres ont accom­pli ces « gestes », ces actions, sur les champs de bataille, avec une force et une bra­voure indomp­tables. Les che­va­liers rendent avec enthou­siasme le culte le plus tendre, à la Femme « bénie entre toutes les femmes » qu’ils servent sous le nom de « Notre- Dame ». Le cri de « Notre-​Dame » est pour eux, plus qu’un cri de bataille, c’est un idéal de vie.

Avec saint Bernard, le XIIe siècle devient le « siècle de Notre-​Dame [2] ». Des foules immenses se ren­daient déjà depuis long­temps auprès de la Vierge du Puy-​en-​Velay. Les grands par­dons, dans les rares années où le Vendredi saint tom­bait au jour de l’Annonciation, avaient depuis 992, ren­du célèbre, dans toute la chré­tien­té, la « Vierge du Mont Anis ». Et voi­là que main­te­nant, l’évêque du Puy, Adhémar de Monteil, bénit les 100 000 croi­sés réunis sous la ban­nière du comte de Toulouse au chant du Salve Regina qu’il vient de com­po­ser, pour être le chant de guerre des pre­miers croi­sés. « Par la sainte Vierge qui un jour, à Lépante, bri­se­ra l’empire Ottoman au temps du pape saint Pie V, la France, qui déjà à Poitiers avait vain­cu le Croissant sous Charles Martel, allait une nou­velle fois empê­cher la chré­tien­té de deve­nir musul­mane [3]. »

Au XIIIe siècle, saint Dominique s’arrête d’abord, au pla­teau sacré de Notre- Dame de Rocamadour, et c’est le rosaire en mains qu’il triomphe de l’hérésie albi­geoise. Il conver­tit et enrôle sous la ban­nière de Notre-​Dame plus de 100 000 âmes, qu’il arrache par le cha­pe­let aux ténèbres de l’hérésie. Par la sainte Vierge, la France ne devint pas cathare.

Qui donc pour­rait être sur­pris de voir le culte de Notre-​Dame se pla­cer au rang des dévo­tions pré­fé­rées d’un saint Louis ? Chaque jour, il récite l’office de la sainte Vierge, et chaque soir, il ponc­tue le dérou­le­ment des cin­quante Ave du cha­pe­let par cin­quante génuflexions.

Au XIVe siècle, le bien­heu­reux Duns Scot, moine fran­cis­cain, sou­tient avec tant de vigueur et de foi le dogme de l’Immaculée Conception, qu’il va obte­nir pro­gres­si­ve­ment l’adhésion de plus en plus for­melle des conciles et des papes. Pour lui, il était pos­sible, il était conve­nable que Dieu, en créant l’âme de Marie et en l’unissant à son corps, ait fait en sorte qu’elle fût conçue sans la tache du péché ori­gi­nel. La sainte Vierge elle- même confir­me­ra le bien-​fondé du dogme pro­cla­mé en 1854, en se révé­lant à Lourdes, quatre ans plus tard, sous le vocable de l’Immaculée Conception.

Le XVe siècle, qui connaît tant de tris­tesse, qui vit au milieu de tant d’angoisses, honore dans ses drames la Passion du Christ et les sept dou­leurs de Notre-​Dame [4]. Isabelle Romée, mère de Jeanne d’Arc, va confier sa détresse poi­gnante à la Vierge Noire du Puy.

C’est bien sous l’égide de Marie que Jeanne d’Arc rem­plit sa mis­sion de sau­ver la patrie. Elle entre­prend la déli­vrance de notre pays sous le patro­nage de Notre- Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d’Orléans, et enfin de la Vierge de Reims. À l’instigation de ses voix, elle ajoute sur son éten­dard au nom de Jésus, « vrai roi de France », celui de Marie. Enfin, mon­tée sur le bûcher, elle s’envole au Ciel en pro­non­çant les deux noms de Jésus et Marie [5]. Grâce à elle, la France ne devint pas anglaise, c’est-à-dire pro­tes­tante demain.

Au XVIe siècle, les pro­tes­tants s’attaquent avec fureur aux Madones que le peuple aimait : celui-​ci les véné­rait dans les églises et sur les façades de leur mai­son. Les pro­fa­na­tions répé­tées sou­lèvent alors sa juste indignation.

La revanche catho­lique sur les hugue­nots se fait solen­nelle et com­plète sous Louis XIII. Le 10 février 1638, au cours d’une mis­sion prê­chée à Saint-​Germain par l’évêque nom­mé d’Alet, Louis XIII consacre sa per­sonne et son royaume à la Reine du Ciel et de la terre, devant une effi­gie de Notre-​Dame des Sept Douleurs. Le 15 août, fête de l’Assomption, devient alors la fête natio­nale de la France. Le sculp­teur Philippe de Champaigne a repré­sen­té en guise d’ex-voto le sou­ve­rain age­nouillé. De la main droite, il offre son sceptre et de la gauche sa cou­ronne, à la Vierge de Pitié, près du Christ, des­cen­du de la Croix et dont un ange sou­tient le corps inerte. Le tableau est aujourd’hui au musée de Caen.

Les pro­grès de la théo­lo­gie mariale consti­tuent l’un des faits les plus mar­quants du règne de Louis XIII. Tandis que les Jésuites et les Dominicains, le Carmel et Port-​Royal lui-​même avec l’abbé de Saint-​Cyran (1581–1643) ont chan­té les louanges de Notre-​Dame, saint François de Sales (+1622), le car­di­nal de Bérulle (1575–1629), M. Olier (+1657), saint Vincent de Paul (+1660) et saint Jean Eudes (+1680) lui ont créé des familles de dis­ciples admi­rables. Quant à Bossuet (1627–1704), il a su éle­ver son culte doc­tri­nal sur les ailes de son génie.

Durant les 15 der­nières années du règne de Louis XIV, les pro­vinces de l’Ouest sont le théâtre d’un renou­veau de fer­veur grâce notam­ment à saint Louis-​Marie Grignion de Montfort, à Dom Michel Le Nobletz et au Père Maunoir. Les nom­breuses appa­ri­tions de la sainte Vierge à Benoîte Rancurel, au Laus, entre Grenoble et Gap, sont aus­si à la source de mul­tiples conversions.

Le XVIIIe siècle, connaît hélas ! une grande déca­dence due aux révoltes jan­sé­nistes cou­plées avec les résis­tances gal­li­canes et les néga­tions de Voltaire et des Encyclopédistes qui conduisent aux désordres de la Révolution. Une heure vient où Notre-​Dame de Paris est trans­for­mée en « Temple de la Raison ». En pleine cathé­drale, le 10 novembre 1793, c’est la sta­tue de la Liberté repré­sen­tée par une misé­rable créa­ture, qui reçoit, accom­pa­gnés de sima­grées blas­phé­ma­toires, les hom­mages ren­dus, pen­dant des siècles, à l’Immaculée.

Plus qu’aucun siècle, le XIXe est le « siècle de Marie ». En un siècle qui pré­tend nier le péché, réha­bi­li­ter la chair, divi­ni­ser la créa­ture, en un siècle où le natu­ra­lisme et le sen­sua­lisme enva­hissent la socié­té, la sainte Vierge mul­ti­plie ses visites pour mani­fes­ter sa mater­nelle pro­tec­tion et pour rame­ner l’homme à la rai­son et à la foi. Elle appa­raît à la rue du Bac, à La Salette, à Lourdes, à Pontmain, à Pellevoisin pour révé­ler à la fois sa tris­tesse devant les péchés des hommes et nous pres­crire les remèdes salu­taires. Ses inter­ven­tions vont pro­duire des fruits magni­fiques notam­ment grâce à la pro­pa­ga­tion de la médaille mira­cu­leuse et par les miracles de Lourdes ain­si que par l’archiconfrérie de Notre-​Dame des Victoires.

Regnum Galliae, regnum Mariae : "Royaume de France, Royaume de Marie"
« Royaume de France, Royaume de Marie »

Les honneurs rendus à Marie

Marie chantée par les écrivains et les artistes

En retour de l’amour de Notre-​Dame pour notre pays, notre lit­té­ra­ture n’a ces­sé au cours des siècles d’élever des monu­ments à Marie. Avec Villon et Péguy, avec Corneille, Racine et tant d’autres, quelles somp­tueuses guir­landes ne pourrait-​on tres­ser en l’honneur de Notre- Dame ! Verlaine avait rai­son de dire : « Je ne veux plus aimer que ma Mère Marie ! »

Les pèlerinages

La France foi­sonne de lieux de pèle­ri­nage qui portent les noms de nos détresses et de nos espé­rances. Ainsi, autre­fois, le voya­geur se recom­man­dait à Notre-​Dame de Bonne Encontre ou à Notre-​Dame de Bon Retour ; le marin dans la tem­pête se remet­tait entre les mains de Notre-​Dame de la Délivrance ou de Notre-​Dame de la Garde ; le pécheur repen­tant priait Notre-​Dame de Grâce, Notre-​Dame du Refuge ou encore Notre-​Dame de Miséricorde ; dans les moments joyeux, les fidèles se confiaient à Notre-​Dame de Liesse ou à Notre-​Dame de Toutes Joies ; et dans leur peine, ils invo­quaient Notre- Dame de Consolation, Notre-​Dame de Pitié, Notre- Dame des Sept Douleurs. Toutes les misères se tour­naient vers Notre-​Dame de Bon Secours, Notre- Dame du Bon Conseil. Pas un coin de la patrie qui n’ait ain­si son sanc­tuaire aimé ! Et aujourd’hui, dans un monde vau­tré dans la boue du péché, dans un monde désem­pa­ré, il est plus que temps de nous tour­ner vers Notre-​Dame de la Paix pour qu’elle jette sur nous un regard de bien­veillance mater­nelle. Regina pacis, ora pro nobis ! « Reine de la Paix, priez pour nous ! »

Regnum Galliae, regnum Mariae : "Royaume de France, Royaume de Marie"

La sculpture chrétienne

La dévo­tion mariale se tra­duit, natu­rel­le­ment, par l’érection d’édifices où les fidèles viennent rendre hom­mage à la très sainte Vierge, implo­rer son secours et la remer­cier des faveurs obtenues.

34 cathé­drales de France sont pla­cées sous le vocable de la Mère de Dieu : Amiens, Reims, Paris, Chartres, Coutances, Rouen, Le Puy, Clermont, Bayeux, Bourges, Strasbourg, Laon, comptent par­mi les plus renom­mées… La cathé­drale Saint-​Corentin de Quimper a pour titu­laire « Notre-​Dame de la Victoire ». Michelet a bien défi­ni le Moyen-​Âge au siècle de saint Louis comme « un acte de foi à la Vierge, tra­duit en pierre. » Dans l’histoire d’un dio­cèse, le cou­ron­ne­ment solen­nel d’une Madone, accom­pli au nom et par délé­ga­tion du Souverain Pontife, est un évé­ne­ment consi­dé­rable auquel aucun fidèle ne peut res­ter insensible.

Or les sta­tues de la Vierge cou­ron­née sont au nombre de quatre dans le dio­cèse de Quimper : Notre-​Dame du Folgoat, Notre-​Dame de Rumengol, Notre-​Dame de Kernitron à Lanmeur et Notre-​Dame des Portes à Chateauneuf du Faou, et il n’y a pas une église, pas une cha­pelle qui ne ren­ferme une sta­tue de la Vierge. On voit par là la pro­fonde dévo­tion de nos ancêtres à l’égard de Notre-Dame.

Ainsi, poètes, auteurs mys­tiques, théo­lo­giens, artistes de notre pays ont mon­tré que l’affirmation pro­phé­tique du Magnificat selon laquelle toutes les nations pro­cla­me­ront la sainte Vierge bien­heu­reuse n’a reçu nulle part ailleurs qu’en France sa pleine réa­li­sa­tion. Voilà pour­quoi, le 2 mars 1922, le pape Pie XI n’a pas hési­té à pro­cla­mer la sainte Vierge : « patronne prin­ci­pale de la Nation fran­çaise ». Déjà le pape Benoît XIV n’avait-il pas dit : Regnum Galliae, regnum Mariae ! Numquam per­ibit. « Le Royaume de la Gaule est le royaume de Marie ! Il ne péri­ra jamais. »

Résolutions pour l’époque actuelle

Après ce pas­sé glo­rieux, la France a mal­heu­reu­se­ment été infi­dèle aux pro­messes de son bap­tême. Elle a apos­ta­sié, elle a aban­don­né son Dieu, son unique Sauveur Jésus-​Christ et sa très sainte Mère, et à la faveur d’un concile, les hommes d’Église ont prê­té main forte à la Révolution. Ainsi, peu à peu, les lois les plus immo­rales ont été pro­mul­guées atti­rant sur notre pays les malé­dic­tions divines. Quand on entend le chef de l’État reven­di­quer le droit au blas­phème, on ne peut que gémir et crier à Dieu : miséricorde !

Heureusement dans ce contexte apo­ca­lyp­tique, des catho­liques sont demeu­rés fidèles à Dieu, à son Église et à la bien­heu­reuse Vierge Marie. Malgré leur nombre res­treint, tous les espoirs sont per­mis à condi­tion de recou­rir avec ardeur à notre bonne Mère du Ciel. Aux heures sombres que nous vivons, met­tons notre confiance en elle.

Prions-​la chaque jour, et sur­tout chaque same­di, pour la France.

Abbé Patrick Troadec

Notes de bas de page
  1. Pie XI, Lettre apos­to­lique du 2 mars 1922.[]
  2. Goyau, Histoire reli­gieuse, p. 215 et pas­sim.[]
  3. Mgr Tissier, Lettre pas­to­rale, 1937.[]
  4. Paul Lacroix, Sciences au Moyen-​Age, p. 544 et suiv.[]
  5. Cf. Pie XI, Lettre Apostolique qui éta­blit sainte Jeanne d’Arc, patronne secon­daire de la France.[]