Virgo Dolorosa

Notre-Dame des sept douleurs, par Simon Bening

La fête de Notre-​Dame des Sept Douleurs nous invite à contem­pler la par­ti­ci­pa­tion de Marie à la Passion. Extraits de l’en­cy­clique Ad Diem Illum de Saint Pie X. 

Aussi, entre Marie et Jésus, per­pé­tuelle socié­té de vie et de souf­france, qui fait qu’on peut leur appli­quer à égal titre cette parole du Prophète : Ma vie s’est consu­mée dans la dou­leur et mes années dans les gémis­se­ments [1]. Et quand vint pour Jésus l’heure suprême, on vit la Vierge debout auprès de la croix, sai­sie sans doute par l’horreur du spec­tacle, heu­reuse pour­tant de ce que son Fils s’immolait pour le salut du genre humain, et, d’ailleurs, par­ti­ci­pant tel­le­ment à ses dou­leurs que de prendre sur elle les tour­ments qu’il endu­rait lui eût paru, si la chose eût été pos­sible, infi­ni­ment pré­fé­rable [2].

La consé­quence de cette com­mu­nau­té de sen­ti­ments et de souf­frances entre Marie et Jésus, c’est que Marie méri­ta très légi­ti­me­ment de deve­nir la répa­ra­trice de l’humanité déchue [3], et, par­tant, la dis­pen­sa­trice de tous les tré­sors que Jésus nous a acquis par sa mort et par son sang.

Certes, l’on ne peut dire que la dis­pen­sa­tion de ces tré­sors ne soit un droit propre et par­ti­cu­lier de Jésus-​Christ, car ils sont le fruit exclu­sif de sa mort, et lui-​même est, de par sa nature, le média­teur de Dieu et des hommes.

Toutefois, en rai­son de cette socié­té de dou­leurs et d’angoisses, déjà men­tion­née, entre la Mère et le Fils a été don­né à cette auguste Vierge d’être auprès de son Fils unique la très puis­sante média­trice et avo­cate du monde entier [4].

Elle est le ministre suprême de la dis­pen­sa­tion des grâces.

La source est donc Jésus Christ : de la plé­ni­tude de qui nous avons tout reçu [5] ; par qui tout le corps, lié et ren­du com­pact moyen­nant les join­tures de com­mu­ni­ca­tion, prend les accrois­se­ments propres au corps et s’édifie dans la cha­ri­té [6]. Mais Marie, comme le remarque jus­te­ment saint Bernard, est l’aque­duc [7] ; ou, si l’on veut, cette par­tie médiane qui a pour propre de rat­ta­cher le corps à la tête et de trans­mettre au corps les influences et effi­ca­ci­tés de la tête, Nous vou­lons dire le cou. Oui, dit saint Bernardin de Sienne, elle est le cou de notre chef, moyen­nant lequel celui-​ci com­mu­nique à son corps mys­tique tous les dons spi­ri­tuels [8]. Il s’en faut donc gran­de­ment, on le voit, que Nous attri­buions à la Mère de Dieu une ver­tu pro­duc­trice de la grâce, ver­tu qui est de Dieu seul. Néanmoins, parce que Marie l’emporte sur tous en sain­te­té et en union avec Jésus-​Christ et qu’elle a été asso­ciée par Jésus-​Christ à l’œuvre de la rédemp­tion, elle nous mérite de congruo, comme disent les théo­lo­giens, ce que Jésus-​Christ nous a méri­té de condi­gno, et elle est le ministre suprême de la dis­pen­sa­tion des grâces. Lui, Jésus, siège à la droite de la majes­té divine dans la subli­mi­té des cieux [9]. Elle, Marie, se tient à la droite de son Fils ; refuge si assu­ré et secours si fidèle contre tous les dan­gers, que l’on n’a rien à craindre, à déses­pé­rer de rien sous sa conduite, sous ses aus­pices, sous son patro­nage, sous sa pro­tec­tion [10].

Ces prin­cipes posés, et pour reve­nir à notre des­sein, qui ne recon­naî­tra que c’est à juste titre que Nous avons affir­mé de Marie que, com­pagne assi­due de Jésus, de la mai­son de Nazareth au pla­teau du Calvaire, ini­tiée plus que toute autre aux secrets de son cœur, dis­pen­sa­trice, comme de droit mater­nel, des tré­sors de ses mérites, elle est, pour toutes ces causes, d’un secours très cer­tain et très effi­cace pour arri­ver à la connais­sance et à l’amour de Jésus-​Christ ? Ces hommes, hélas ! nous en four­nissent dans leur conduite une preuve trop péremp­toire qui, séduits par les arti­fices du démon ou trom­pés par de fausses doc­trines, croient pou­voir se pas­ser du secours de la Vierge. Infortunés, qui négligent Marie sous pré­texte d’honneur à rendre à Jésus-​Christ ! Comme si l’on pou­vait trou­ver l’Enfant autre­ment qu’avec la Mère !

Saint Pie X, Encyclique Ad Diem Illum pour l’an­ni­ver­saire de la défi­ni­tion de l’Immaculée Conception, 2 février 1904. 

Notes de bas de page
  1. Psaume XXX, 11[]
  2. S. Bonaventure, I Sent., d. 48, ad Litt., dub. 4[]
  3. Eadmer, De Excellentia Virg. Mariæ, c. IX[]
  4. Pie IX, in Bull. Ineffabilis[]
  5. 1ère Épitre de St Jean, 16[]
  6. Épître aux Éphésiens, IV, 16[]
  7. Serm. de temp., in Nativ. B. V., » De Aquæductu « , n. 4[]
  8. S. Bernardin de Sienne, Quadrag. de Evangelio æter­no, Serm. X, a. III, c.3[]
  9. Épître aux Hébreux I, 3[]
  10. Pie IX, in Bull. Ineffabilis[]

257ᵉ pape ; de 1903 à 1914