2011 : l’année du » pèlerinage interdit »…
Avertissement : le style parlé de ce sermon a été conservé
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Cher Monsieur le Doyen,
Chers Messieurs les abbés,
Ma révérende Mère,
Mes bien chers frères,
Bien chers pèlerins,
Ce soir, que nos âmes soient et demeurent dans la paix, la vraie paix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cette paix ne peut jamais être le fruit d’une sorte de naïveté, d’irénisme, de sentimentalisme ou d’illusion que l’on cultiverait pour se cacher l’âpreté des réalités de la vie présente. De même, la Très Sainte Vierge Marie et saint Joseph, son illustre époux, savaient bien au fur et à mesure qu’ils essuyaient les refus des habitants de Bethléem de les loger lorsqu’ils leur demandaient l’hospitalité, que ces gens faisaient mal parce qu’il est particulièrement indigne et honteux de laisser dehors et dans le froid une femme qui est sur le point de mettre un enfant au monde. Cependant, en face de cet égoïsme particulièrement odieux, saint Joseph et la Très Sainte Vierge Marie ont conservé la paix et la sérénité dans leur cœur et ils ont prié pour la conversion de ces pauvres âmes pour lesquelles l’Enfant allait naître et pour lesquelles Il allait précisément verser Son Sang afin de les sauver. Ils n’ont pas eu de discours acrimonieux à leur égard et ils ont passé leur chemin en priant pour eux.
Je vous invite donc à la même sérénité. Ne nous laissons pas submerger par les passions de colère, d’amertume, d’indignation. Ce soir, lors de cette Messe de la fête de Saint Joseph, que la vraie paix de Notre-Seigneur Jésus-Christ descende en nos cœurs afin que nous ne déplaisions pas à Dieu par des pensées ou par des paroles inconsidérées. Que l’exemple de la Très Sainte Vierge Marie et de saint Joseph nous guide.
Cela étant dit, je suis bien obligé de vous parler de la situation de ce soir et de devoir dire certaines choses qui ont trait au refus de l’évêque de Carcassonne de nous laisser entrer dans la basilique cette année. Il est impossible de ne pas se choquer de certains actes ou de certaines paroles qu’il a tenus à notre égard. Cependant, au moment même où nous le disons, nous gardons dans nos âmes le respect qui lui est dû et nous n’oublions pas de prier Dieu à ses intentions.
I) N’avons-nous pas que ce que nous méritons ?
Parmi les arguments qui ont été soulevés pour justifier le refus qui nous a été fait, de la basilique, il a été dit que nous ne devions pas nous offusquer de ce refus, de cette mise à disposition puisque nous-mêmes, nous n’accepterions pas que des prêtres célébrant la nouvelle messe viennent la célébrer dans nos chapelles. Mgr Planet a écrit à l’abbé Le Noach, le 20 janvier 2011, :
« Jusqu’à l’aboutissement des conversations romaines en cours, je n’entends pas accueillir la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie‑X dans les églises du diocèse ; elle n’a d’ailleurs pas l’intention de m’accueillir dans les siennes. »
Vous comprenez son raisonnement : « puisqu’elle n’a pas l’intention de m’accueillir dans les siennes, je ne l’accueillerai pas dans les miennes ». Et autant qu’il puisse être nécessaire de le confirmer parmi vous, je le confirme, cela est vrai. Et nous n’acceptons pas que des prêtres viennent célébrer la nouvelle messe dans nos chapelles. De fait, on peut donc superficiellement estimer que nous n’avons à nous en prendre qu’à nous-mêmes du refus de la basilique. C’est notre propre ostracisme et notre propre intransigeance qui en seraient alors à l’origine.
J’aimerais ce soir, sans être trop long, montrer en quoi cet argument qui paraît si fort en apparence, est faux dans la réalité, et ensuite, je m’interrogerai sur l’hypothèse où l’évêque de Carcassonne qui semble le vouloir, nous demanderait de bien vouloir célébrer la Messe dans une de nos chapelles s’il nous certifiait qu’il y viendrait célébrer la Messe de Saint Pie‑V.
Pour bien répondre à ces questions importantes, il faut que nous recourions aux lumières que nous donne la foi car ce sont les lumières les plus pénétrantes qui soient pour bien juger des choses et ce sont elles qui nous permettent de répondre à cette apparente contradiction. De même la vie de saint Joseph est une vie entièrement conduite par la foi. Jugée avec une vue seulement humaine, on ne comprend rien. Saint Joseph doit prendre des décisions mystérieuses et insolites qui ont dû le faire passer par ceux qui le côtoyaient pour un homme bizarre, imprévisible, déconcertant. En réalité, il agissait bien selon une sagesse supérieure et divine.
Si les deux messes, l’ancienne et la nouvelle, étaient équivalentes, si elles exprimaient aussi bien l’une que l’autre, le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ renouvelé sur nos autels, si elles permettaient pareillement l’élévation et la sanctification des âmes, si elles rendaient toutes les deux un culte égal à Dieu, alors l’objection que l’on nous ferait serait valable. Mais si, de la même manière que le sacrifice d’Abel fut agréé par Dieu tandis que celui de Caïn fut refusé, de même nous croyons que ces deux messes ne sont pas équivalentes, mais que la nouvelle ne peut pas plaire à Dieu. Elle ne peut pas plaire à Dieu, quelles que soient la qualité humaine et même la sincérité des prêtres qui la célèbrent. La question ne se trouve pas dans les intentions des personnes. Elle se trouve dans le rite lui-même. Votre boulanger peut être le meilleur des hommes. Si cependant il vous vend du pain avarié, vous ne lui achetez pas, même pour lui faire plaisir parce que vous l’aimez bien. Il en est ainsi de la nouvelle messe, elle est une messe avariée. En disant qu’elle est avariée, nous ne voulons pas dire que la nouvelle messe n’est plus une messe, mais nous voulons dire que cette messe est aussi dangereuse pour l’âme qu’un aliment avarié peut l’être pour le corps.
Ce ne sont pas les prêtres de la FSSPX qui l’ont dit en premier. Mais avant même que la Fraternité n’existe, deux illustres cardinaux, les cardinaux Ottaviani et Bacci, ont écrit que cette messe s’éloignait dans l’ensemble comme dans le détail et d’une façon impressionnante de la théologie catholique. Nous renvoyons à leur étude le Bref Examen Critique pour une analyse détaillée de cette véritable révolution liturgique que constitue cette nouvelle messe. Le célèbre pasteur protestant, par exemple, Max Thurian de Taizé, a écrit après la parution de la nouvelle messe qu’il pouvait désormais célébrer la cène protestante avec les textes de la nouvelle messe. Les études de l’écrivain britannique, Mickael Davis, ont montré la ressemblance incroyable qui existait entre la nouvelle messe et la réforme anglicane. C’est stupéfiant de découvrir les similitudes qui existent entre les deux. Voici encore ce qu’a écrit le célèbre écrivain Julien Green, converti de l’anglicanisme au catholicisme, lorsqu’il assista pour la première fois à la nouvelle messe devant son écran de télévision, je le cite :
« Ce que j’ai reconnu était une imitation assez grossière du service anglican qui nous était familier dans mon enfance. Le vieux protestant qui sommeillait en moi dans sa foi catholique se réveilla tout-à-coup devant l’évidente et absurde imposture que nous offrait l’écran et lorsque cette étrange cérémonie prit fin, je demandai simplement à ma sœur : pourquoi nous sommes-nous convertis ? »
Il ne faut donc pas s’étonner de voir les églises comme les séminaires vides, fermés, les prêtres n’étant plus remplacés dans les diocèses, car cette nouvelle messe a vraiment empoisonné pour de bon.
La foi s’est massivement éteinte dans les âmes. Le catholicisme disparaît en France et cette liturgie empoisonnée en est fortement responsable. Il est bien possible que la résolution de la crise de l’Église se fasse d’ailleurs ainsi : par la disparition progressivement complète du clergé qui célèbre et des fidèles qui assistent à cette messe conciliaire dont il est insuffisant de dire qu’elle ne nourrit pas les âmes. En réalité, elle les empoisonne, elle les a fait mourir et elle continue à les faire mourir jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi il nous serait impossible en conscience d’accepter que la nouvelle messe soit célébrée dans nos chapelles. Nous ne pouvons pas accepter cette célébration chez nous d’une messe protestantisante.
L’argument qui nous est opposé est donc faux parce qu’il fait tout simplement abstraction de la question de la vérité. Il donne les mêmes droits à ce qui est vrai et juste et à ce qui ne l’est pas. En réalité, lorsque nous demandons cette église, nous la demandons parce que c’est notre droit de la célébrer dedans, que c’est une injustice de ne pas nous y autoriser et que c’est encore une injustice de célébrer dans la basilique cette nouvelle messe tronquée. Et lorsque nous refusons aux prêtres célébrant la nouvelle messe de la célébrer chez nous, c’est parce que c’est notre devoir de la refuser, de refuser cette liturgie falsifiée et que c’est une injustice de faire passer pour catholique une messe qui est équivoque et qui est dangereuse pour la foi.
II) La messe, mais pas sans la doctrine :
Mais alors, si l’évêque de Carcassonne demandait à pouvoir célébrer la Messe de Saint Pie V à Saint-Joseph des Carmes, le lui refuseriez-vous encore ? Nous vérifierions sa doctrine parce que nous avons des raisons graves de la vérifier. Non point par quelque esprit de revanche que ce soit, non point parce que nous ne le reconnaissons pas comme évêque de Carcassonne, mais parce que jusqu’à aujourd’hui nous ne pouvons pas avoir confiance dans l’enseignement qu’il dispense. Il faut non seulement que la Messe de Saint Pie V soit là mais il faut également que la doctrine dispensée du haut de la chaire soit vraie. Or, trop de choses manifestent que son esprit qui n’est autre que celui du concile de Vatican II, esprit qui continue à régner aujourd’hui dans l’Église, est éloigné de la vérité catholique. Il ne prêche pas la vérité catholique comme il doit le faire comme évêque. Saint Hilaire s’exprimait ainsi : « Ministres de la vérité, il nous appartient de déclarer ce qui est vrai. »
On ne peut donc pas prêcher dans des temples protestants sauf si le droit nous était donné par les protestants de dire, hors de toute cérémonie œcuménique, la vérité catholique dans toute son intégralité et sans l’ombre d’une équivoque. On ne dialogue pas avec la franc-maçonnerie. Au lieu de dire que les idéaux de l’Église et de la maçonnerie ne sont pas, je cite : « exactement les mêmes », on doit dire qu’ils sont absolument opposés et que l’on doit combattre la franc-maçonnerie comme les papes l’ont fait, c’est-à-dire comme on combat une secte – c’est le terme employé par les papes – qui s’oppose de plein fouet à l’Église catholique. Le pape Léon XIII dans son encyclique « Humanum Genus » du 20 avril 1884, ne dit pas que l’idéal de l’Église n’est pas exactement le même que celui de la franc-maçonnerie. Il dit, et je le cite, que : « La franc-maçonnerie se propose de réduire à rien, au sein de la société civile, le magistère et l’autorité de l’Église ».
Lorsqu’une église est caillassée par des musulmans, on ne doit pas alors déplorer la montée de l’islamophobie mais celle de la christianophobie. De même qu’une génération d’évêques français porte une part de la responsabilité de la loi sur l’avortement à cause du silence qu’ils ont gardé – et ce constat a été fait par Simone Veil elle-même – de même les évêques français de cette génération seront largement responsables devant l’Histoire de l’islamisation de notre pays et de la disparition massive de notre religion, parce qu’au lieu de désigner cette religion comme fausse, ils vont inaugurer des mosquées. Savez-vous, Monseigneur, ce que disait Bossuet de l’Islam ? Je le cite : « c’est une religion qui se dément elle-même, qui a pour toute raison son ignorance, pour toute persuasion sa violence et sa tyrannie et pour tout miracle ses armes ». Il le dit dans son beau panégyrique de saint Pierre Nolasque, qui est un saint de votre diocèse.
La liste serait longue mais elle suffit amplement pour dire que cet évêque n’agit pas comme le bon pasteur. Par sa parole et par son exemple, il jette les âmes vers le désarroi et l’apostasie. Cependant il ne faut pas trop s’en étonner car son amitié ou ses indulgences avec toutes ces forces opposées à l’Église proviennent de l’abaissement de la foi catholique et de la relativisation de la vérité. Il y a opposition entre le catholicisme, je dirai vrai, et les forces ennemies que nous avons citées. Il y a également opposition entre le catholicisme et la religion fondée sur le concile Vatican II, de telle manière que plus la pensée se trouve entée sur le concile, plus elle s’oppose à la Tradition. En revanche, il n’y a guère plus de véritable opposition entre la religion de Vatican II et ces forces autrefois ennemies de l’Église, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas nous étonner complètement des propos de l’évêque.
Monseigneur, personne d’entre nous ne vous a insulté, ni n’a insulté vos prédécesseurs. Nous sommes simplement désolés de devoir faire le constat de la rupture de vos principes avec les principes catholiques. Et dire cela, ce n’est pas vous insulter. Nous n’apprenons pas à nos enfants à vous insulter.
Mes bien chers fidèles, mes bien chers frères, ne nous laissons pas distraire par les circonstances de cette Messe, mais aimons à glorifier saint Joseph d’une prière qui sera aujourd’hui bien profonde et bien aimante pour qu’une pluie de grâces descende sur notre diocèse, sur vos écoles, sur vos familles.
Certes, nous aimerions de tout notre cœur que les évêques se rendent compte aujourd’hui de leur posture. Si le rappel de la foi catholique aujourd’hui ne les touche plus, les faits de votre présence si nombreuse par exemple ne peuvent-ils pas les rappeler à la réalité ? Que sont en train de devenir leurs diocèses ? Prêtres vieillissants, églises et séminaires fermés, population ayant tourné le dos à la pratique religieuse, confessionnaux désertés, liturgie profanée… Tous les feux ne sont-ils pas allumés au rouge depuis longtemps ? Face à ce désastre, n’y a‑t-il pas un retour à faire sur soi-même ? Or force est de constater que pour l’instant, la vue de ce désastre semble simplement renforcer l’hostilité face à la Tradition. C’est dommage car il semble approcher ce moment où celui qui se trouvera sur le siège de Carcassonne n’aura plus guère de fidèles catholiques que ces bannis de l’Église, de Fanjeaux, de Montréal ou de Narbonne.
Non, Monseigneur, nous n’avons aucune intention de ne plus nous déclarer catholiques. En cette foi, nous voulons vivre et mourir et nous prions qu’il en soit de même pour vous.
Prions ce soir saint-Joseph et Notre-Dame de Marceille pour que l’évidence de ces contradictions qui existent entre les idées et les actions de la hiérarchie actuelle de l’Église avec la foi catholique de toujours devienne visible à nos évêques et qu’ils reviennent à la sainte et vraie doctrine traditionnelle.
Et pour conclure, je voudrais rappeler cette fioretti de 1975, la seule année où l’accès de l’église nous avait été interdit. Par une admirable délicatesse de la Providence, cette année-là, la Vierge de Marceille que nous n’avions pu voir parce que les portes étaient fermées, était venue à l’école sans que nous n’ayons rien eu à faire. C’était l’année où les vierges pèlerines furent lancées sur toutes les routes de France et sans que nous le sachions, sans que nous soyons au courant de cette caravane des vierges pèlerines, on nous téléphona à l’école pour nous demander si nous voulions bien accueillir cette vierge pèlerine de Notre-Dame de Marceille, de passage dans le diocèse. Cette coïncidence providentielle toucha alors grandement tous ceux qui étaient à l’école.
Eh bien, nous ne doutons pas que cette année encore, la Très Sainte Vierge Marie et saint Joseph ont doublement et bien plus encore, leurs regards qui sont posés sur nous pour nous combler de leur bénédiction. Et je voudrais tout spécialement m’adresser à vous tous, élèves de Fanjeaux et de Montréal qui vous trouvez ici, pour que vous compreniez cette grande désolation qui se trouve en France faute de prêtres, faute de religieux, de religieuses et ces populations qui n’entendent plus parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de ces enfants qui ne sont plus baptisés et il faut que le Bon Dieu allume dans les cœurs cette grande soif et cette grande générosité pour pouvoir venir à la rescousse de vos aînés, sur ces voies de la prédication de l’Évangile en France et partout.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Abbé Régis de Cacqueray