Après cinq cents ans, une merveille toujours d’actualité

La grotte de Manrèse devenue un oratoire.

En 1522, se tenait la pre­mière retraite de saint Ignace.

Voici très exac­te­ment cinq cents ans, en 1522, se dérou­lait la pre­mière retraite de saint Ignace. Elle ne comp­tait qu’un seul retrai­tant, Ignace lui-​même. Retiré dans la grotte de Manrèse, près de Barcelone, l’ancien offi­cier espa­gnol aus­si gaillard que mon­dain y fut « ins­truit par Dieu lui-​même, qui fut son unique maître ». C’est là que, « sous la dic­tée de la sainte Vierge », il écri­vit les fameux Exercices spi­ri­tuels, ain­si qu’en témoigne le Père Lainez, suc­ces­seur immé­diat de saint Ignace à la tête des jésuites. De cette pre­mière retraite, un bien immense allait décou­ler pour toute l’Église : non seule­ment ces retraites si sou­vent recom­man­dées par tant de papes, mais l’ordre des jésuites lui- même, vou­lu par Dieu pour pro­pa­ger la réforme du concile de Trente qui allait débu­ter vingt ans après, en 1542.

Ignace : cette âme de feu s’était ini­tia­le­ment lais­sée consu­mer par ceux de la concu­pis­cence et de l’ambition, tan­dis qu’il ser­vait à la cour d’Aragon puis de Castille. Devenu preux offi­cier des armées de Charles Quint, un bou­let de canon fran­çais bri­sa net sa car­rière mili­taire lors du siège de Pampelune. Nous étions en 1521.

Rongeant son frein, décou­ra­gé, Ignace tue le temps en lec­tures. En l’absence de ses romans de che­va­le­rie tant aimés, il découvre la si belle Vie de Jésus-​Christ, de Ludolphe le Chartreux. Là com­mence sa conver­sion : à ce contact, il réa­lise toute la vani­té de sa vie passée.

Dans sa fougue, Inigo veut tout à la fois imi­ter la vie dépouillée du Poverello d’Assise et par­tir en terre sainte conver­tir le musul­man. A peine remis sur pied, en ce début d’année 1522, le voi­ci donc en route pour Jérusalem.

L’une de ses pre­mières haltes est pour Montserrat, en Catalogne, où il se confesse. Après trois jours de péni­tence, en une veillée d’armes digne d’un che­va­lier, il y dépose les siennes à tout jamais aux pieds de la Vierge noire. Le geste est magni­fique, trop peut-​être. S’il a effec­ti­ve­ment dépo­sé sa parure mili­taire, il n’a pas encore revê­tu celle de la très Sainte Vierge, à savoir l’humilité.

Reprenant donc son che­min, le voi­ci per­sua­dé qu’il conver­ti­ra tous les musul­mans de Jérusalem. De cette pré­somp­tion géné­reuse mais trop humaine, il faut le puri­fier. Et Dieu use de la récente bles­sure pour rap­pe­ler Ignace en ses voies : sa jambe trop courte le fait tel­le­ment souf­frir qu’après quelques lieues seule­ment, notre fou­gueux se voit obli­gé de sus­pendre son pro­jet. C’est alors que, chan­geant ses des­seins, il passe le reste de cette année 1522 dans la grotte de Manrèse, non loin de Montserrat, pour y mener une vie aus­si ascé­tique que contem­pla­tive. De cette grotte, sor­tit le livre des Exercices spi­ri­tuels dits de saint Ignace, rédi­gé « sous la dic­tée de la sainte Vierge ».

Un siècle plus tard très exac­te­ment, le 12 mars 1622, Ignace fut cano­ni­sé par le pape Grégoire XV. Ainsi célébrons-​nous cette année un double anni­ver­saire igna­cien : les cinq cents ans de sa conver­sion et les quatre cents de sa cano­ni­sa­tion. Puisse cette double cir­cons­tance être pour nous l’occasion de nous mettre à l’école de saint Ignace, et pour­quoi pas de pro­gram­mer au cours de cette nou­velle année aca­dé­mique une retraite de saint Ignace. De nom­breux parois­siens, pour l’avoir faite, vous diront com­bien on en res­sort enflam­més du divin amour.

Source : Lou Pescadou n° 224

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.