Guerres et paix

Guerre en Ukraine : une femme et sa fille.

Lybie, Syrie, Arménie, Ukraine : lita­nie inache­vée d’une longue série de guerres qui égrainent la der­nière décen­nie… Comment retrou­ver la paix ?

Certes, Caïn et Abel nous apprennent que la guerre est tou­jours la consé­quence du vice : elle est habi­tée par l’avidité et la jalou­sie, par la soif de pou­voir et la volon­té d’écraser. En ce sens, elle est la preuve irré­fu­table du péché ori­gi­nel. Aussi importe-​t-​il de s’interroger : la démul­ti­pli­ca­tion des confron­ta­tions vio­lentes, au sein de notre pays comme à l’international, ne serait-​elle pas une mani­fes­ta­tion du péché qui, depuis l’origine, vicie nos socié­tés modernes ? Autrement dit la guerre, la vio­lence et la des­truc­tion ne serait-​elle pas ins­crite dans l’ADN même du monde dit Occidental, ne ferait-​elle pas par­tie inté­grante de son iden­ti­té ? La chose serait des plus graves, car elle dirait com­bien notre culture est une culture de mort, et com­bien nos socié­tés, loin d’unir, dis­solvent et divisent par nature.

Il n’est un secret pour per­sonne que l’esprit de la Révolution fran­çaise a appor­té avec lui son lot de conflits, internes et externes. Le film Vaincre ou mou­rir a su le dire. Ce flot, hélas, ne s’est jamais tari. À leur toute petite échelle, les grèves d’aujourd’hui nous le rap­pellent, tout comme ces grands conflits de la der­nière décen­nie. Pouvait-​il en être autre­ment ? Il y a paix quand le désir humain se porte prio­ri­tai­re­ment sur des biens qui se mul­ti­plient lorsqu’ils sont par­ta­gés. Tels sont les biens d’ordre spi­ri­tuel : à se com­mu­ni­quer, la joie se démul­ti­plie, à com­men­cer en soi-​même. Tel est Dieu : cha­cun en a sa part, et tous l’ont en entier. Il n’y a donc de paix inté­rieure que lorsque le désir d’infini qui habite le cœur humain peut s’accomplir dans l’infini, et il n’y a de paix sociale et inter­na­tio­nale que dans la mesure où ce même Infini est pla­cé au som­met de la quête humaine. Lorsqu’à l’inverse les biens spi­ri­tuels sont reniés ou, ce qui revient au même, pla­cés dans la sphère pure­ment pri­vée, alors règne la quête des biens maté­riels, des richesses tem­po­relles qui elles, se divisent à chaque fois qu’elles sont par­ta­gées. La soif d’infini se mue alors en avi­di­té, en tou­jours plus, et l’autre devient riva­li­té. Or nos socié­tés occi­den­tales se défi­nissent elles-​mêmes comme socié­tés de consom­ma­tion, cen­trées donc sur les biens maté­riels et péris­sables ; elles avouent de même avoir pour régu­la­teur l’intérêt, et non plus le bien infi­ni. Tout est dit. Elles divisent au lieu d’unir, elles sont dans leur nature même géné­ra­trices de conflits, de guerres et de grèves.

Retrouver une culture de paix ne se fera pas à coup d’incantations droit-de‑l’hommistes ou de ras­sem­ble­ments inter­re­li­gieux. Chanter la paix à tue-​tête n’a jamais rien paci­fié, et jouer au paci­fiste en ne remon­tant pas aux sources du conflit revient à s’exposer davan­tage au dan­ger. Il n’y a d’autre issue pour retrou­ver la paix qu’une radi­cale remise en cause des prin­cipes consti­tu­tifs de nos socié­tés, puisque c’est en leurs racines qu’elles sont viciées. Elles doivent réap­prendre à vivre sous le regard de l’infini, et non plus du consom­mable. Il n’y a de paix que dans l’Absolu, qui pour nous a pris corps. Et s’il a vou­lu être appe­lé Jésus, c’est pour nous dire que là est notre seul salut, même ici-​bas. Pour nous le méri­ter, Il vou­lut mou­rir en croix. Lui seul, par sa vic­toire, arrache du vice et libère du péché. Lui seul est le véri­table bien, qui à tous veut se don­ner sans nul­le­ment diminuer.

Si les guerres font tant de ruines maté­rielles et de morts bien réels, le remède reste et res­te­ra tou­jours d’ordre spi­ri­tuel. Il n’est d’autre alter­na­tive que le règne de Dieu ou le règne de la mort. Nos socié­tés occi­den­tales ont choi­si la deuxième option ; prions pour leur conversion.

Source : Lou Pescadou n° 230

Photo : Radio-​Canada /​Yanik Dumont Baron

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.