Le Bref examen critique du nouvel Ordo Missae

Les cardinaux Ottaviani et Bacci

Le 3 sep­tembre 1969, deux car­di­naux de pre­mier plan, Alfredo Ottaviani et Antonio Bacci, adres­saient au pape Paul VI ce bref exa­men cri­tique comme une pres­sante et grave alerte au sujet des dévia­tions du nou­veau rite de la messe pro­mul­gué par la Consitution Missale Romanum le 3 avril 1969, aus­si appe­lée « Messe de Paul VI ». Ce nou­veau rite, alertent-​t-​ils en termes forts, « s’é­loigne de façon impres­sion­nante, dans l’en­semble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la Sainte Messe ».

Avant-​propos

L’essai-critique, objet de ce fas­ci­cule, est une ana­lyse minu­tieuse du « Novus Ordo Missa » par un groupe de théo­lo­giens et litur­gistes hau­te­ment qua­li­fiés de diverses natio­na­li­tés qui ont esti­mé, en conscience, ne pou­voir res­ter indif­fé­rents devant une ré­forme litur­gique non seule­ment pré­ci­pi­tée mais qui, de plus, s’inspire de cri­tères dan­ge­reu­se­ment oppo­sés à la Tradition.

Ce tra­vail a été sui­vi et encou­ra­gé par d’éminentes autorités.

Les auteurs espèrent que les lec­teurs, convain­cus de l’objec­tivité de leur exa­men, se join­dront à eux pour expri­mer l’angoisse des catho­liques romains devant les graves dan­gers que court, par cette réforme, le dépôt sacré de la foi.

Ils les invitent, en outre, à expri­mer expli­ci­te­ment le sou­hait que le Missel de saint Pie V ne tombe pas en désué­tude et soit conser­vé avec la même véné­ra­tion dont il a été entou­ré pen­dant quatre siècles.

Que les saints Martyrs sur le sang des­quels se sont édi­fiés les fon­de­ments de l’Eglise de Rome et dont le sou­ve­nir risque de dis­paraître du Canon de la Messe, veuillent inter­cé­der auprès de la Très Sainte Trinité afin que l’Eglise reste fidèle à sa mis­sion de conser­ver et trans­mettre toutes les richesses de rayon­ne­ment et de ver­tu de la Tradition.

Préface. Lettre à Paul VI des cardinaux Ottaviani et Bacci

Le 3 sep­tembre 1969, en la fête de saint Pie X, le Cardinal Alfredo Ottaviani, Préfet Émérite du Saint-​Office, en son nom et au nom du Cardinal Antonio Bacci, adres­sait au Souverain Pontife une lettre rela­tive à la nou­velle forme de la Messe préfa­çant, en quelque sorte, l’étude cri­tique du Nouvel Ordo faite par un groupe de théo­lo­giens et litur­gistes.

Très Saint Père,

Après avoir exa­mi­né le Novus Ordo Missæ pré­pa­ré par les ex­perts du Comité pour l’ap­pli­ca­tion de la Constitution sur la litur­gie, après avoir lon­gue­ment réflé­chi et prié, nous sen­tons de notre de­voir, devant Dieu et Votre Sainteté, d’exprimer les consi­dé­ra­tions suivantes :

1. Comme le prouve suf­fi­sam­ment l’examen cri­tique ci-​joint, si bref soit-​il, œuvre d’un groupe choi­si de théo­lo­giens, de litur­gistes et de pas­teurs d’âmes, le Novus Ordo Missæ, si l’on consi­dère les élé­ments nou­veaux, sus­cep­tibles d’appréciations fort diverses, qui paraissent sous-​entendus ou impli­qués, s’éloigne de façon impres­sionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la sainte Messe, telle qu’elle a été for­mu­lée à la XXe ses­sion du Concile de Trente, lequel, en fixant défi­ni­ti­ve­ment les « canons » du rite, éle­va une bar­rière infran­chis­sable contre toute héré­sie qui pour­rait por­ter atteinte à l’intégrité du Mystère.

2. Les rai­sons pas­to­rales avan­cées pour jus­ti­fier une si grave rup­ture, même si elles avaient le droit de sub­sis­ter en face des rai­sons doc­tri­nales, ne semblent pas suf­fi­santes. Tant de nou­veau­tés appa­raissent dans le Novus Ordo Missa, et, en revanche, tant de cho­ses de tou­jours s’y trouvent relé­guées à une place mineure ou à une autre place – si même elles y trouvent encore une place –, que pour­rait se trou­ver ren­for­cé et chan­gé en cer­ti­tude le doute – qui mal­heu­reu­se­ment s’insinue dans de nom­breux milieux – selon le­quel des véri­tés tou­jours crues par le monde chré­tien pour­raient chan­ger ou être pas­sées sous silence sans qu’il y ait infi­dé­li­té au dépôt sacré de la doc­trine auquel la foi catho­lique est liée pour l’éternité. Les récentes réformes ont suf­fi­sam­ment démon­tré que de nou­veaux chan­ge­ments dans la litur­gie ne pour­ront pas se faire sans conduire au désac­cord le plus total des fidèles qui déjà mani­festent qu’ils leur sont insup­por­tables et dimi­nuent incontesta­blement leur foi. Dans la meilleure part du cler­gé cela se marque par une crise de conscience tor­tu­rante dont nous avons des témoi­gnages innom­brables et quotidiens.

3. Nous sommes cer­tains que ces consi­dé­ra­tions, direc­te­ment ins­pi­rées par ce que nous enten­dons par la voix vibrante des pas­teurs et du trou­peau, ne pour­ront pas ne pas trou­ver un écho dans le cœur pater­nel de Votre Sainteté, tou­jours si pro­fon­dé­ment sou­cieux des besoins spi­ri­tuels des fils de l’Église. Toujours les sujets, pour le bien des­quels est por­tée une loi, ont eu le droit et plus que le droit, le devoir, si la loi se révèle tout au contraire nocive, de deman­der au légis­la­teur, avec une confiance filiale, son abrogation.

C’est pour­quoi nous sup­plions ins­tam­ment Votre Sainteté de ne pas vou­loir que nous soit enle­vée – dans un moment où la pure­té de la foi et l’unité de l’Eglise souffrent de si cruelles lacé­rations et des périls tou­jours plus grands – la pos­si­bi­li­té de conti­nuer à recou­rir à l’intègre et fécond Missale roma­num de saint Pie V, si hau­te­ment loué par Votre Sainteté et si pro­fon­dé­ment véné­ré et aimé du monde catho­lique tout entier.

Daigne, Votre Sainteté, etc.

A. Ottaviani † 

A. Bacci †

Les lettres (a), (b), ©,… (aa), (ab), (ac),… pla­cées entre paren­thèses ren­voient à la fin du fas­ci­cule où le lec­teur trou­ve­ra la ver­sion des textes en latin. Nous res­pec­tons la pré­sen­ta­tion des textes latins et notam­ment les pas­sages qui y figu­rent en ita­liques. Lorsque, dans le texte cité, nous enten­dons mettre en évi­dence un mot ou un pas­sage par­ti­cu­liè­re­ment impor­tants pour notre objet, nous écri­vons ce mot ou ce pas­sage en carac­tères gras.

Bref examen critique

I

Le Synode épis­co­pal convo­qué à Rome en octobre 1967 fut pres­sé d’é­mettre un juge­ment dont l’objet était la célé­bra­tion, exé­cutée ad expe­ri­men­tum de la Messe dite « Messe nor­ma­tive » ; Messe éla­bo­rée par le Comité pour l’application de la Constitution sur la litur­gie. Une telle « Messe » sus­ci­ta par­mi les membres du Synode une pro­fonde per­plexi­té et une vive oppo­si­tion : sur 187 suf­frages, il y eut 43 « non pla­cet » *, 62 « pla­cet jux­ta modum » (a) et 4 absten­tions. La presse inter­na­tio­nale d’information dif­fu­sa la nou­velle de ce résul­tat en affir­mant que la « Messe nor­ma­tive » avait été refu­sée par le Synode. Par contre, la presse géné­ra­le­ment favo­rable à l’inno­vation pas­sa l’événement sous silence. Un pério­dique bien connu, des­ti­né aux évêques et expri­mant d’ailleurs leur ensei­gne­ment, ca­ractérisa le nou­veau rite comme « visant à faire table rase de toute la théo­lo­gie de la Messe, et comme se subor­don­nant à la théo­lo­gie pro­tes­tante, laquelle a détruit le sacri­fice de la Messe ».

Dans le Nouvel Ordo Missa, dont le texte a été pro­mul­gué par la Constitution apos­to­lique Missale roma­num, on retrouve hélas, iden­tique quant à la sub­stance, la « Messe nor­ma­tive » elle-​même. Et il ne semble pas que, dans l’intervalle, les confé­rences épiscopa­les, au moins en tant que telles, aient été consul­tées à ce sujet.

La Constitution apos­to­lique sti­pule expres­sé­ment que l’an­cien Missel, pro­mul­gué par saint Pie V (Bulle Quo pri­mum, 19 juil­let 1570, et non 14 juillet comme l’indique le « Livre rouge », page 7, note 1) remon­tant en grande par­tie à saint Grégoire le Grand, et même à une plus haute anti­qui­té [1], fut la norme de la célé­bra­tion du sacri­fice pour les prêtres de rite latin, et que, dif­fu­sé universel­lement, « d’innombrables saints ont abon­dam­ment nour­ri leur pié­té envers Dieu, en pui­sant dans le Missale roma­num de saint Pie V et les textes de l’Ecriture et les for­mules de prières dont la majeure par­tie a été dis­po­sée par saint Grégoire le Grand selon l’ordre [demeu­ré per­ma­nent] » (b).

En dépit de quoi la réforme qui met ce Missel définitive­ment hors d’usage serait ren­due néces­saire « mais le moment vint – [Pie XII semble l’avoir sou­li­gné] – où la litur­gie sacrée fit l’objet, de la part du peuple de Dieu, d’une [curio­si­té] stu­dieuse et d’un [inté­rêt] vital dont il conve­nait de sou­te­nir la fer­veur… » (Ordo Missa, Constitutio apos­to­li­ca, p. 7) (b).

Cette der­nière affir­ma­tion ren­ferme, de toute évi­dence, une grave équi­voque. Si en effet le peuple chré­tien expri­ma son désir, ce fut en pre­nant un vif inté­rêt à décou­vrir, sous l’impulsion du grand saint Pie X, l’immortel tré­sor de l’authentique litur­gie. Ja­mais, abso­lu­ment jamais, le peuple n’a deman­dé qu’en vue de la faire mieux com­prendre, on modi­fiât ou on muti­lât la litur­gie. Ce que le peuple demande à mieux com­prendre, c’est cette litur­gie dont il n’a jamais sou­hai­té qu’elle chan­geât parce qu’il la recon­naît comme immuable.

Le Missel romain de saint Pie V était cher au cœur des catho­liques qui, prêtres ou laïcs, le véné­raient reli­gieu­se­ment. On ne voit pas en quoi l’usage de ce Missel, accom­pa­gné d’une caté­chèse ap­propriée, pour­rait faire obs­tacle à une par­ti­ci­pa­tion mieux ache­vée et à une connais­sance plus appro­fon­die de la sacrée litur­gie. Et on voit encore moins com­ment ce Missel peut n’être plus jugé digne de conti­nuer à nour­rir par la litur­gie la pié­té du peuple chré­tien, alors que de si hauts mérites lui sont expli­ci­te­ment recon­nus par la Constitution elle-même.

Ainsi donc, cette même « Messe nor­ma­tive » qui se trouve aujourd’hui impo­sée sous la forme du Nouvel Ordo Missa, cette même Messe a été quant à sa sub­stance refu­sée par le Synode épis­copal ; et ce Nouvel Ordo Missæ n’a jamais été sou­mis au juge­ment col­lé­gial des Conférences ; et jamais une quel­conque réforme de la sainte Messe n’a été vou­lue ni dési­rée par le peuple chré­tien, dans les mis­sions moins que par­tout ailleurs ; com­ment dès lors réussi­rait-​on à dis­cer­ner les rai­sons de la nou­velle légis­la­tion, laquelle rompt avec une tra­di­tion que la Constitution elle-​même recon­naît être inchan­gée depuis le IVe ou le Ve siècle ? Les motifs sur les­quels pou­vait paraître s’appuyer la réforme impo­sée s’avèrent donc sans consis­tance. Il s’ensuit que cette réforme se trouve pri­vée du fon­dement qu’on a invo­qué en vue de la faire pas­ser pour ration­nellement jus­ti­fiable. Qu’en pour­ront pen­ser les fidèles catho­liques de toute la chré­tien­té, si, comme on l’a tant pro­cla­mé, ils sont main­te­nant adultes en vérité ?

Le Concile avait expri­mé, dans le § 50 de sa Constitution Sacrosanctum conci­lium, le désir que les dif­fé­rentes par­ties de la Messe fussent réor­don­nées : « en sorte que l’économie propre de cha­cune des par­ties d’une part, la mutuelle connexion entre ces par­ties d’autre part, appa­raissent avec plus de clar­té » ©. Nous ver­rons incon­ti­nent com­ment l’Ordo récem­ment pro­mul­gué réa­lise ces sou­haits dont, nous pou­vons le dire, la nou­velle légis­la­tion ne retient pas même le souvenir.

L’examen pré­cis, par­tie par par­tie, du Nouvel Ordo, y fait dé­couvrir des chan­ge­ments d’une telle por­tée que force est d’englober dans le même juge­ment et la « Messe nor­ma­tive » et l’Ordo lui-​même. Celui-​ci, comme celle-​là, est sus­cep­tible de don­ner toute satis­fac­tion sur nombre de points aux plus moder­nistes des protestants.

II

Commençons par la défi­ni­tion de la Messe, défi­ni­tion don­née au n. 7 par lequel débute le second cha­pitre de l’Institutio gene­ralis inti­tu­lé : « La struc­ture de la Messe ».

Voici cette défi­ni­tion : « La Cène du Seigneur ou Messe est la synaxe sacrée ou réunion du peuple de Dieu en un [même] trou­peau – congre­ga­tio < grex – sous la pré­si­dence du prêtre, pour célé­brer le mémo­rial du Seigneur [2] (d). Aussi la pro­messe du Christ : “Là où vous êtes deux ou trois réunis en mon nom, Je suis au milieu de vous” (Mt. XVIII, 20), cette pro­messe vaut d’une manière émi­nente pour [toute] assem­blée locale de la sainte Eglise » (e).

La défi­ni­tion de la Messe est donc réduite à celle de la Cène, et ce point est sans cesse repris (nn. 8, 48, 55 d, 56 de l’Institutio gene­ra­lis). En outre, cette « cène » est carac­té­ri­sée comme étant celle de l’assemblée, pré­si­dée par le prêtre, et réunie afin de réa­li­ser « le mémo­rial du Seigneur » en se réfé­rant à ce qu’il fit le Jeudi Saint. Or tout cela n’implique ni la Présence réelle, ni la réa­li­té du sacri­fice, ni la réfé­rence à l’ordre sacra­men­tel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrin­sèque du sacri­fice eucha­ris­tique, l’assemblée étant pré­sente ou non [3]. En un mot, cette défi­ni­tion nou­velle ne contient aucune des don­nées dog­ma­tiques qui sont essen­tielles à la Messe et qui en consti­tuent par le fait même la défi­ni­tion véri­table. Ces don­nées sont d’ailleurs trop connues pour que l’omission puis­se en être invo­lon­taire. La nou­velle défi­ni­tion étant pré­sen­tée com­me adé­quate, elle consi­gni­fie que ces don­nées sont « dépas­sées », ce qui équi­vaut pra­ti­que­ment à les reje­ter [4].

Dans la seconde par­tie du même para­graphe, l’équivoque déjà si grave est encore aggra­vée. Il est en effet affir­mé que l’assemblée en laquelle consiste sub­stan­tiel­le­ment la Messe réa­lise « emi­nen­ter » en sa propre faveur la pro­messe du Christ : « Là où vous êtes deux ou trois réunis en mon nom, Je suis au milieu de vous » (Mt. XVIII, 20) (f). Or cette pro­messe concerne for­mel­le­ment la pré­sence spi­ri­tuelle du Christ en ver­tu de la grâce. En sorte que l’enchaînement même de ce n. 7 induit le lec­teur à pen­ser que cette pré­sence spi­ri­tuelle du Christ est, à l’intensité près, qua­li­ta­ti­ve­ment homo­gène à la pré­sence substan­tielle propre au sacre­ment de l’eucharistie.

Suit immé­dia­te­ment la divi­sion de la Messe en litur­gie de la parole et litur­gie eucha­ris­tique (n. 8). Et il est affir­mé que la Messe com­porte la pré­pa­ra­tion de la « table de la parole de Dieu » tout comme la pré­pa­ra­tion de la « table du Corps du Christ », en sorte que les fidèles « sont for­més et se res­taurent » (g). Or cette assi­mi­la­tion des deux par­ties de la litur­gie, par iso­to­pie, comme s’il s’agissait de deux signes d’égale valeur sym­bo­lique, est de tout point illé­gi­time. Nous y revien­drons ultérieurement.

Les auteurs de l’Institutio gene­ra­lis qui consti­tue l’introduc­tion à l’Ordo emploient, pour dési­gner la Messe, de nom­breuses expres­sions. Toutes seraient accep­tables, rela­ti­ve­ment. En fait, aucu­ne ne l’est, cha­cune acqué­rant une por­tée abso­lue du fait qu’elle in­tervient sépa­ré­ment. Voici quelques-​unes de ces expres­sions : « ac­tion du Christ et du peuple de Dieu » ; « cène du Seigneur ou Messe » ; « ban­quet pas­cal » ; « par­ti­ci­pa­tion com­mune à la table du Seigneur » ; « mémo­rial du Seigneur » ; « prière eucha­ris­tique » ; « litur­gie de la parole et litur­gie eucha­ris­tique », etc… ℗.

Il est donc mani­feste que les auteurs de l’Ordo ont qua­si cédé à une obses­sion en met­tant l’accent sur la cène et sur la mémoire qui en est faite, et non pas sur le renou­vel­le­ment non san­glant du sacri­fice de la Croix. On doit même obser­ver que la for­mule « Memoriale Passionis et Resurrectionis Domini » est inexacte étant don­né que la Messe se réfère for­mel­le­ment au sacri­fice, et que, ce­lui-​ci accom­plis­sant par lui-​même la rédemp­tion, la résur­rec­tion en est le fruit et en un sens la consé­quence [5]. Nous décou­vri­rons ci-​après la cohé­rence avec laquelle l’équivoque due à ces impré­ci­sions s’étend jusqu’à la for­mule de la consé­cra­tion et conta­mine en géné­ral tout le Novus Ordo.

III

Venons-​en à la fina­li­té de la Messe.

1. Finalité ultime

La fin ultime de la Messe consiste en ce qu’elle est un sacrifi­ce de louange pour la Très Sainte Trinité, confor­mé­ment à ce que le Christ déclare lui-​même de sa propre Incarnation : « Voilà pour­quoi, en entrant dans le monde, [le Christ] dit : Tu n’as vou­lu ni vic­time ni sacri­fice, mais tu m’as for­mé un corps » (Heb. X, 5) (q).

Or cette fina­li­té ultime et essen­tielle, le Novus Ordo la fait dis­pa­raître : pre­miè­re­ment de l’Offertoire où ne figure plus la priè­re Suscipe Sancta Trinitas (ou Suscipe Sancte Pater) ; deuxiè­me­ment de la conclu­sion de la Messe, laquelle ne com­porte plus le Placeat tibi, Sancta Trinitas ; troi­siè­me­ment de la Préface puisque la Préface de la Très Sainte Trinité ne sera plus pro­non­cée qu’une fois l’année et ne vien­dra plus rap­pe­ler, chaque dimanche, que le sacri­fice au­quel le peuple chré­tien est spé­cia­le­ment convié le « jour du Sei­gneur » est pri­mor­dia­le­ment ordon­né à la gloire du Seigneur.

2. Finalité prochaine

La fin pro­chaine de la Messe consiste en ce qu’elle est un sa­crifice propitiatoire.

Or, cette fina­li­té est éga­le­ment com­pro­mise, parce qu’elle est alté­rée par une dévia­tion. Alors qu’en effet la Messe opère la rémis­sion des péchés, tant pour les vivants que pour les morts, le Nouvel Ordo met l’accent sur le nour­ris­se­ment et sur la sanc­ti­fi­ca­tion des pré­sents (n. 54). Cependant, le Christ, lors de la der­nière Cène, ins­ti­tua le Sacrement, et déjà s’offrit et se consti­tua en état de victi­me, en vue de nous unir à son propre état. Cela pré­cède la mandu­cation, et cela contient plé­niè­re­ment la valeur rédemp­trice qui dé­rive du sacri­fice san­glant : la preuve en est que qui­conque assiste à la Messe n’est pas tenu de com­mu­nier sacra­men­tel­le­ment [6].

3. Finalité immanente

La fin imma­nente de la Messe consiste en ce que, pri­mor­dia­le­ment elle est un sacri­fice. Or, il est essen­tiel au sacri­fice quelle qu’en soit d’ailleurs la nature, d’être agréé de Dieu c’est-à-dire d’être effec­ti­ve­ment accep­té comme sacri­fice. Le péché ori­gi­nel a eu pour consé­quence de pri­ver l’homme de tout droit, quant à l’agrément par Dieu du sacri­fice offert. Le seul sacri­fice qui puisse et doive en droit être accep­té est celui du Christ. Aussi était-​ce émi­nente conve­nance que l’Offertoire réfé­rât d’emblée le sacri­fice de la Messe au sacri­fice du Christ. Le Nouvel Ordo déna­ture l’offrande en la dégra­dant. Il la fait en effet consis­ter en une sorte d’échange entre Dieu et l’homme : l’homme apporte le pain et Dieu le change en pain de vie ; l’homme apporte le vin, et Dieu en fait une bois­son spiri­tuelle. « Bénis sois-​tu, Seigneur Dieu de l’univers, car de ta bon­té nous rece­vons le pain (ou : le vin) que nous t’offrons, fruit de la terre (ou : de la vigne) et du tra­vail de l’homme à par­tir duquel est pro­duit pour nous le pain de vie (ou : la bois­son spirituel­le) » [7] ®. Est-​il besoin de noter que les expres­sions « pain de vie » et « bois­son spi­ri­tuelle » sont étran­ge­ment impré­cises ; elles peu­vent, au gré de cha­cun, signi­fier des choses fort dif­fé­rentes. Se re­trouve ici inchan­gée l’équivoque dont la défi­ni­tion de la Messe est affec­tée pour ain­si dire dans son prin­cipe ; tout de même que la pré­sence du Christ par­mi les siens est men­tion­née seule­ment dans l’ordre spi­ri­tuel, ain­si le pain et le vin sont chan­gés non pas sub­stantiellement mais spi­ri­tuel­le­ment [8].

La même équi­voque se trouve intro­duite dans la pré­pa­ra­tion des oblats, par la sup­pres­sion de deux admi­rables prières. Le « Deus, qui humanæ sub­stan­tia digni­ta­tem mira­bi­li­ter condi­dis­ti et mira­bi­lius re­formasti » rap­pe­lait à la fois la condi­tion ori­gi­nelle de l’homme en l’état d’innocence et la condi­tion actuelle inté­grant la Rédemption. Il y avait là un rap­pel dis­cret mais pro­fond en sa briè­ve­té de toute l’économie du sacri­fice, depuis Adam jusqu’au temps pré­sent. Et d’autre part la finale de l’Offertoire, s’exprimant selon le mode pro­pi­tia­toire, et deman­dant que le calice s’élevât « cum odore suavi­tatis » en pré­sence de la Majesté divine dont la clé­mence était im­plorée, rap­pe­lait mer­veilleu­se­ment cette même éco­no­mie du sacri­fice. Supprimer la per­ma­nente réfé­rence à Dieu qu’explicitait la prière eucha­ris­tique, c’est par le fait même sup­pri­mer toute dis­tinc­tion entre le sacri­fice qui pro­cède de Dieu et celui qui vient de l’homme.

La clé de voûte étant détruite, force est de construire des écha­fau­dages : écar­ter la fina­li­té véri­table entraîne iné­luc­ta­ble­ment qu’on doit en inven­ter de fic­tives. Et voi­ci les gestes qui ont censé­ment pour but de sou­li­gner l’unité entre le prêtre et les fidèles ou bien de fidèle à fidèle ; et voi­ci, dans un but sem­blable, la superpo­sition des offrandes faites pour les pauvres et pour l’é­glise à l’of­frande de l’Hostie des­ti­née au sacrifice.

Cette col­lu­sion s’écroulera dans le ridi­cule, mais non sans avoir entraî­né une grave alté­ra­tion : la pri­mor­diale sin­gu­la­ri­té de l’Hostie des­ti­née au sacri­fice se trou­ve­ra voi­lée, en sorte que la par­ticipation à l’immolation de la Victime dégé­né­re­ra en une réunion de phi­lan­thropes, voire en un ban­quet de bienfaisance.

IV

Considérons main­te­nant l’Ordo au point de vue de l’essence du sacrifice.

Le mys­tère de la Croix n’est plus expri­mé expli­ci­te­ment dans le Nouvel Ordo. Il n’apparaît qu’obscurément, d’une manière indi­recte et non per­cep­tible pour l’ensemble des fidèles [9]. Cela résulte de mul­tiples dis­po­si­tifs conte­nus dans le Nouvel Ordo ; voi­ci les principaux.

1. La signification générale dévolue a la « Prex eucharistia »

« Le sens de la prière eucha­ris­tique consiste en ce que toute l’assemblée des fidèles doit se joindre au Christ pour confes­ser la gran­deur de Dieu et pour offrir le sacri­fice » (Inst. gen., n. 54 fin) (v). De quel sacri­fice s’agit-il ? Quel est celui qui offre ce sacri­fice ? Aucune réponse n’est don­née à ces questions.

La « Prex eucha­ris­ti­ca » est défi­nie, in limine, de la manière sui­vante : « Voici que com­mence main­te­nant ce qui consti­tue le centre et le som­met de toute la célé­bra­tion, savoir la Prière eucharis­tique elle-​même, laquelle est une prière d’action de grâces et de sanc­tification » (Ibid., n. 54) (w). Les effets sont donc sub­sti­tués à la cause, cause de laquelle il n’est abso­lu­ment rien dit. Rien donc ne rem­place la men­tion de la fina­li­té ultime que conte­nait le Suscipe. La modi­fi­ca­tion de la for­mu­la­tion mani­feste le chan­ge­ment de la doctrine.

2. L’oblitération du rôle joué par la Présence réelle dans l’économie du sacrifice

La rai­son pour laquelle le sacri­fice n’est plus men­tion­né dans la nou­velle « Prex » est que la Présence réelle n’y joue plus le rôle cen­tral que met­tait en écla­tante lumière toute la litur­gie eucha­ristique. La Présence réelle n’est men­tion­née qu’une seule fois, dans une note (note 63, p. 241) qui consti­tue l’unique cita­tion du Concile de Trente. Et il s’agit de la pré­sence en tant qu’elle est or­donnée au nour­ris­se­ment. Mais le com­men­taire offi­ciel de l’Ordo ne fait, où que ce soit, pas même la moindre allu­sion à la Présence réelle et per­ma­nente du Christ, Corps, Sang, Ame et Divinité dans les espèces trans­sub­stan­tiées. Et d’ailleurs le mot trans­sub­stan­tia­tion ne figure même pas dans l’Ordo.

On doit éga­le­ment obser­ver que toute réfé­rence, même indi­recte, à la Présence réelle est éli­mi­née. L’invocation à la per­sonne du Saint-​Esprit, afin qu’il des­cen­dît sur les oblats (Veni Sanctifica­tor) évo­quait la venue du même Esprit dans le sein de la Vierge Marie et par consé­quent cette même divine pré­sence réa­li­sée par la « consé­cra­tion ». Cette pré­sence est, dans l’Ordo, l’objet d’un pro­ces­sus de dégra­da­tion consti­tué par la conver­gence funeste de toutes ces omissions.

Enfin il est impos­sible de ne pas dénon­cer l’abolition ou l’altération des gestes et des signes par les­quels s’exprimait sponta­nément la foi en la Présence réelle.

Sont éli­mi­nés par le Nouvel Ordo :

  • les génu­flexions, dont le nombre est réduit à trois pour le prêtre célé­brant, à une seule (non sans excep­tion) pour le peuple as­sistant, au moment de la consécration ;
  • la puri­fi­ca­tion des doigts du prêtre au-​dessus du calice et dans le calice ;
  • la pré­ser­va­tion de tout contact pro­fane pour les doigts du prêtre après la consécration ;
  • la puri­fi­ca­tion des vases sacrés, laquelle peut n’être pas immé­diate et n’être pas faite sur le corporal ;
  • la pale pro­té­geant le calice ;
  • la dorure de la paroi interne des vases sacrés ;
  • la consé­cra­tion de l’autel si celui-​ci est mobile ;
  • la pierre sacrée et les reliques dis­po­sées sur et dans l’autel, lorsque celui-​ci est mobile, ou lorsqu’il se réduit à une simple table ain­si qu’il est pré­vu pour une célé­bra­tion ayant lieu hors d’un lieu sa­cré. (Cette der­nière clause ins­taure en droit la pos­si­bi­li­té, déjà ré­alisée, d’« eucha­ris­ties » dans les domi­ciles privés) ;
  • les nappes d’autel dont le nombre est réduit de trois à un ;
  • l’action de grâces à genoux rem­pla­cée par un remer­cie­ment que, pour si peu d’instants, le prêtre et les fidèles sont cepen­dant conviés à faire assis : abou­tis­se­ment quelque peu gro­tesque de la com­mu­nion faite debout ;
  • la pres­crip­tion concer­nant le cas dans lequel une Hostie consa­crée tombe à terre, pres­crip­tions réduites à un qua­si sarcasti­que : « reve­ren­ter acci­pia­tur » (n. 239).

Toutes ces sup­pres­sions mani­festent le rejet, outra­geux pour impli­cite qu’il soit, du dogme de la Présence réelle ; et elles indui­ront les fidèles à ne plus exer­cer la foi à l’égard du mys­tère qui est cepen­dant le Mysterium fidei.

3. Le rôle assigné à l’autel principal

L’autel est habi­tuel­le­ment dési­gné par le mot table [10]. « L’au­tel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la litur­gie eucharisti­que » (n. 49 ; cf. n. 262). Il est pré­ci­sé que l’autel doit être sépa­ré des parois en sorte qu’on en puisse faire le tour et que la célé­bration puisse se faire face au peuple (n. 262) ; il est éga­le­ment pré­ci­sé que l’autel doit être au centre de l’assemblée, de telle façon que l’attention des fidèles se porte spon­ta­né­ment vers lui (ibid.). Et il résulte de la com­pa­rai­son des nn. 262 et 276 que, normale­ment, le Très Saint Sacrement ne doit pas être conser­vé sur l’autel ma­jeur. D’ores et déjà d’ailleurs, dans nombre d’églises, même fort modestes, le Très Saint Sacrement a été dépla­cé – sur ordre de l’Ordinaire du lieu – et mis dans un coin, ridi­cu­le­ment, à deux mètres de l’autel. Cela entraîne une irré­pa­rable dicho­to­mie entre la pré­sence du Souverain Prêtre dans le prêtre célé­brant et cette même pré­sence réa­li­sée sacra­men­tel­le­ment. Tandis que, selon l’Ordo de saint Pie V et confor­mé­ment à la doc­trine rap­pe­lée par Pie XII [11], ces deux réa­li­sa­tions de la même pré­sence étaient, comme il se doit, signi­fiées comme étant un, comme étant la pré­sence du Christ se ren­dant lui-​même présent.

Maintenant, il est recom­man­dé de conser­ver le Saint Sacre­ment à part, dans un endroit favo­rable à la dévo­tion pri­vée des fi­dèles, tout comme s’il s’agissait d’une relique. En sorte que ce qui atti­re­ra immé­dia­te­ment qui­conque entre dans l’église, ce ne sera plus le taber­nacle mais une table nue et dépouillée. Ce dis­po­si­tif consacre l’opposition entre pié­té pri­vée et pié­té litur­gique, et dresse autel contre autel.

Il est recom­man­dé avec insis­tance de dis­tri­buer, pour la com­mu­nion, les Hosties qui ont été consa­crées au cours de la Messe, et même de consa­crer un pain [12] de dimen­sions assez gran­des pour que le prêtre puisse le par­ta­ger avec au moins une par­tie des fidèles. Ces pra­tiques auraient pu être char­gées d’un symbolis­me enri­chis­sant si le taber­nacle fût demeu­ré pré­sent. Mais le taber­nacle étant absent, puisqu’il ne doit plus être sur l’autel où se consomme le sacri­fice, ces mêmes pra­tiques ne feront que confir­mer au regard des fidèles la dicho­to­mie entre la Présence liée à la « Cœna domi­ni­ca sive Missa » et la Présence réelle ; elles rui­ne­ront la dévo­tion à l’égard du taber­nacle, non moins d’ailleurs que toute la pié­té eucha­ris­tique en dehors de la Messe ; elles accé­lé­re­ront in­directement mais iné­luc­ta­ble­ment la dégra­da­tion de la foi en la Présence réelle en tant pré­ci­sé­ment que celle-​ci est conco­mi­tante à la per­du­ra­tion des espèces consa­crées [13].

4. Les formules de la consécration

Les for­mules de la consé­cra­tion, celles dont en droit l’usage est encore actuel, res­sor­tissent en propre à l’ordre sacra­men­tel. Leur modus signi­fi­can­di est du type inti­ma­tif et non du type nar­ra­tif : cela est mani­fes­té comme étant évident, prin­ci­pa­le­ment à par­tir de trois considérants.

a) Le texte de l’Écriture n’est pas repris à la lettre.

L’omission du « quod pro vobis tra­de­tur » après « Hoc est enim Corpus meum » consi­gni­fie que, en cet ins­tant, bien que la pré­sence soit déjà réa­li­sée, le sacri­fice auquel cette pré­sence est d’ail­leurs immé­dia­te­ment ordon­née, ce sacri­fice donc n’est pas encore réa­li­sé. Et d’autre part l’insertion des paroles « mys­te­rium fidei » ti­rées de saint Paul consti­tue, de la part du prêtre, une pro­fes­sion de foi immé­dia­te­ment ren­due au mys­tère réa­li­sé par le Christ dans l’Eglise et dont son propre sacer­doce est hié­rar­chi­que­ment l’instru­ment. Enfin la por­tée actuelle de la par­tie réci­ta­tive elle-​même, por­tée actuelle dans un acte d’ordre sacra­men­tel, est consi­gni­fiée par la sub­sti­tu­tion du « démons­tra­tif » à l’ « indé­fi­ni ». Les Synoptiques et saint Paul disent : « Il prit le (ou : un) calice… » La for­mule qui in­troduit les paroles consé­cra­toires est « Accipiens et hunc (ce) præ­cla­rum cali­cem in sanc­tas ac vene­ra­biles manus suas… »

b) Le texte liturgique des paroles de la consécration est ponctué d’une manière propre, et il est mis en évidence d’une ma­nière propre au point de vue typographique.

Le « Hoc est enim… » est en effet sépa­ré par un point à la ligne de la for­mule qui l’introduit : « man­du­cate ex hoc omnes ». Ce point à la ligne marque le pas­sage du mode nar­ra­tif pour ce qui pré­cède, au mode qui est propre à l’ac­tion sacra­men­telle, savoir le mode inti­ma­tif pour ce qui suit. Et les paroles de la consé­cra­tion impri­mées en carac­tères plus grands que le contexte, se détachent net­te­ment ; tout comme la réa­li­té propre de l’action sacra­men­telle se détache qua­li­ta­ti­ve­ment sur le fond de l’histoire. Cet ensemble savam­ment agen­cé sug­gère l’éminente véri­té, à savoir que les for­mules consé­cra­toires ont une valeur propre et par consé­quent auto­nome.

c) L’anamnèse réfère l’action sacramentelle au Christ, c’est-à-dire comme il se doit à son principe radical.

« Hæc quo­ties­cumque fece­ri­tis in mei memo­riam facie­tis ». Les quatre der­niers mots tra­duisent la for­mule grecque « είς την έμήν άνάμνησιν, tour­nés vers ma mémoire ».

Cette expres­sion se réfère au Christ en tant qu’il est opé­rant, et non pas seule­ment au sou­ve­nir du Christ, ou à celui de la Cène comme évé­ne­ment. Cette expres­sion, donc, n’invite pas seule­ment à se res­sou­ve­nir de la pré­sence du Christ ou du rite de la Cène ; elle induit à se repor­ter à ce que (hœc) le Christ a fait, et à le faire comme lui-​même le fit, de la même manière qu’il le fit : « in mei me­moriam facie­tis ». La for­mule pau­li­nienne (Hoc facite in meam com­me­mo­ra­tio­nem) sub­sti­tuée à la for­mule tra­di­tion­nelle, sera pro­cla­mée quo­ti­dien­ne­ment en langue ver­na­cu­laire. Elle aura pour ef­fet irré­mé­diable, sur­tout dans ces condi­tions, d’opérer une sorte de trans­la­tion au sein de la signi­fi­ca­tion. La « mémoire » du Christ se trou­ve­ra dési­gnée et pour autant signi­fiée comme étant le terme de l’action eucha­ris­tique, et non plus comme étant ce qu’elle est en réa­li­té à savoir le prin­cipe de cette même action. « Faire mémoire du Christ » ne sera plus qu’un but humai­ne­ment pour­sui­vi, et ne fon­dera plus divi­ne­ment le sacri­fice auquel doit par­ti­ci­per la « réunion du peuple ». action réelle dont le type est propre à l’ordre sacra­mentel sera rapi­de­ment rem­pla­cée par l’idée de com­mé­mo­rai­son que cha­cun met­tra en œuvre confor­mé­ment à sa propre interpré­tation [14].

Les paroles de la consé­cra­tion ont, dans le Nouvel Ordo, un « modus signi­fi­can­di » qui est du type nar­ra­tif et non plus du type « inti­ma­tif ».

Cela résulte, on vient de le voir, de la modi­fi­ca­tion des paro­les de la consé­cra­tion et de celles de l’anamnèse. Cela, d’ailleurs, est expli­ci­te­ment signi­fié dans la des­crip­tion orga­nique de la « prière eucha­ris­tique » pro­po­sée par le Nouvel Ordo : « Narratio ins­ti­tu­tio­nis » (n. 55 d), « L’Église fait mémoire du Christ lui-​même » (Inst. gen., n. 55 c) (z). Les paroles de la consé­cra­tion seront désor­mais énon­cées par le prêtre comme consti­tuant une nar­ra­tion, elles ne seront plus pro­non­cées comme affir­mant un juge­ment caté­go­rique et inti­ma­tif pro­fé­ré par Celui en la per­sonne de qui le prêtre agit : « Hoc est Corpus meum » et non « Hoc est Corpus Christi [15] ».

Enfin, l’acclamation dévo­lue au peuple immé­dia­te­ment après la consé­cra­tion (« Mortem tuam annun­tia­mus, Domine… donec venias ») intro­duit, dégui­sée dans l’eschatologisme, une ambi­guïté de plus concer­nant la Présence réelle. On pro­clame en effet, sans solu­tion de conti­nui­té, l’attente de la seconde venue du Christ à la fin des temps, en l’instant même où déjà il est venu sur l’autel puisqu’il y est sub­stan­tiel­le­ment pré­sent : comme si la venue véri­table était non point celle-​ci mais celle-​là. Cette ambi­guï­té est encore plus accen­tuée dans la for­mule facul­ta­tive pro­po­sée pour l’acclama­tion en appen­dice (n. 2) : « Chaque fois que nous man­geons ce pain et buvons ce calice, nous annon­çons ta mort, Seigneur, jus­qu’à ce que tu viennes » (aa). L’ambiguïté atteint ici au paroxys­me, d’une part entre l’immolation et la man­du­ca­tion, d’autre part entre la Présence réelle et le second avè­ne­ment du Christ [16].

V

Considérons enfin l’Ordo au point de vue de l’accomplis­sement du sacrifice.

Les quatre élé­ments qui inter­viennent dans cet accomplis­sement sont par ordre : le Christ, le prêtre, l’Église, les fidèles.

Les modi­fi­ca­tions appor­tées par le Novus Ordo concernent prin­ci­pa­le­ment les rap­ports que sou­tiennent res­pec­ti­ve­ment avec le Christ les fidèles, le prêtre et l’Eglise, rap­ports mani­fes­tés en ceux que ces mêmes élé­ments sou­tiennent entre eux.

1. La situation des fidèles d’après le Nouvel Ordo

Le Nouvel Ordo pré­sente le rôle des fidèles comme étant au­to-​consistant, ce qui est mani­fes­te­ment faux. Et cela : depuis la dé­finition ini­tiale : « La Messe est la synaxe sacrée ou réunion du peu­ple » (n. 7) (d), jusqu’au salut que le prêtre adresse au peuple et qui expri­me­rait à la com­mu­nau­té réunie la « pré­sence » du Sei­gneur : « Par cette salu­ta­tion et par la réponse du peuple se trouve mani­fes­té le mys­tère de l’Eglise assem­blée » (n. 28) (ab). Donc véri­table pré­sence du Christ mais spi­ri­tuelle ; mys­tère de l’Église, certes, mais seule­ment en tant qu’assemblée mani­fes­tant ou sollici­tant cette présence.

Cette doc­trine est constam­ment reprise dans l’Ordo, soit ex­plicitement soit indi­rec­te­ment. Voici les prin­ci­paux argu­ments (nn. 74–152) : la dis­tinc­tion, inouïe jusqu’à pré­sent, entre « Missa cum popu­lo » et « Missa sine popu­lo » (nn. 203–231) ; la défini­tion de « l’oratio uni­ver­sa­lis seu fide­lium » (n. 45), où se trouve une fois de plus sou­li­gné le « rôle sacer­do­tal du peuple » (popu­lus sui sacer­do­tii munus exer­cens) ; le fait que ce sacer­doce est en l’occur­rence pré­sen­té comme s’exerçant d’une manière auto­nome, alors qu’il n’a de por­tée que subor­don­né à celui du prêtre ; d’autant plus que celui-​ci, étant consa­cré comme média­teur, se fait l’interprète de toutes les inten­tions du peuple, dans le Te igi­tur et dans les deux Memento.

Dans la Prex eucha­ris­ti­ca III (Vere sanc­tus, n. 123) il est de­mandé à Dieu incon­di­tion­nel­le­ment : « Ne cesse pas de ras­sem­bler ton peuple, en sorte que du lever du soleil à son cou­cher une obla­tion pure soit offerte en ton Nom » (ac). Le en sorte que donne à pen­ser que le peuple, plu­tôt que le prêtre, consti­tue l’élément in­dispensable à la célé­bra­tion ; et comme il n’est pas pré­ci­sé, pas même en cet endroit, qui est l’offrant [17], le peuple lui-​même se trouve pré­sen­té comme étant inves­ti d’un pou­voir sacer­do­tal autono­me. De là à don­ner au peuple dans quelque temps l’autorisation de se joindre au prêtre pour pro­non­cer les paroles de la consé­cra­tion, il n’y a qu’un pas ; le faire ne serait pas inco­hé­rent, eu égard à ceux qui déjà ont été posés. Il est d’ailleurs ici ou là un fait accom­pli, quoi qu’il en soit du consen­te­ment de l’autorité.

2. La situation du prêtre d’après le Nouvel Ordo

Le rôle du prêtre est alté­ré, mini­mi­sé, faus­sé. D’une part en fonc­tion du peuple dont le prêtre est dési­gné comme étant un « pré­sident » ou un « frère » en sorte que le prêtre n’est plus au re­gard du peuple le ministre consa­cré qui célèbre in per­so­na Christi. D’autre part en fonc­tion de l’Église, dont le prêtre est seule­ment un membre par­mi d’autres, un « qui­dam de popu­lo » ; ain­si, dans la défi­ni­tion de l’épiclèse (n. 55 c) les invo­ca­tions sont attri­buées ano­ny­me­ment à l’Église ; le rôle du prêtre se trouve par là même dissous.

Dans le Confiteor, deve­nu col­lec­tif, le prêtre n’est plus juge, témoin et inter­ces­seur auprès de Dieu ; il est donc logique que le prêtre n’ait plus à don­ner l’absolution, laquelle a été effec­ti­ve­ment sup­pri­mée. Le prêtre est « inté­gré » aux fratres, tant et si bien que le « ser­vant » l’appelle de cette manière dans le Confiteor de la « Missa sine populo ».

La dis­tinc­tion entre la com­mu­nion du prêtre et celle des fi­dèles a été sup­pri­mée avant cette der­nière réforme. Cette distinc­tion est cepen­dant char­gée de signi­fi­ca­tion. Le prêtre, tout au cours de la Messe agit in per­so­na Christi. En s’unissant inti­me­ment à la Victime offerte, d’une manière qui est propre à l’ordre sacra­men­tel, il exprime pré­ci­sé­ment l’identité du Prêtre et de la Victime ; identi­té qui, comme y a insis­té le Concile de Trente, est propre au sacri­fice du Christ et qui, mani­fes­tée sacra­men­tel­le­ment, montre que l’unité entre le sacri­fice de la Croix et le sacri­fice de la Messe est sub­stan­tiel­le­ment le même en son prin­cipe et son achèvement.

Plus un seul mot sur le pou­voir du prêtre comme ministre du sacri­fice, ni sur l’acte de la consé­cra­tion qui lui revient en propre, ni sur la réa­li­sa­tion de la Présence eucha­ris­tique dont il est l’instru­ment. Le prêtre appa­raît comme n’étant rien de plus qu’un minis­tre protestant.

L’usage de nombre d’ornements est abo­li, ou ren­du faculta­tif : dans cer­tains cas l’aube et l’étole suf­fisent (n. 298). Ce sont donc les signes de la confor­ma­tion au Christ qui, pour le prêtre, s’évanouissent. Le prêtre ne se pré­sente plus comme revê­tu de tou­tes les ver­tus du Christ, il ne sera plus qu’une sorte de contre­maître ecclé­sias­tique à peine dis­tin­gué de la masse par quelques signes ex­térieurs [18]. Il sera « un homme un peu plus homme que les autres » pour citer la for­mule invo­lon­tai­re­ment humo­ris­tique d’un prédica­teur moderne [19]. Derechef on observe, tout comme dans l’oppo­sition d’autel contre autel, la même scis­sion intro­duite au sein de l’unité scel­lée par Dieu lui-​même, uni­té du sacer­doce exer­cé par le Verbe de Dieu en personne.

3. La situation de l’Église d’après le Nouvel Ordo.

Le seul cas dans lequel il est concé­dé que la Messe est « Actio Christi et Ecclesiæ » (n. 4 ; cf. Presb. ord., n. 13) est celui de la « Missa sine popu­lo ». Tandis que la « Missa cum popu­lo » n’accè­de pas à un autre but que celui de « faire mémoire du Christ » et de sanc­ti­fier les fidèles qui sont pré­sents : « Le prêtre célé­brant s’associe le peuple, en offrant le sacri­fice à Dieu le Père par le Christ dans le Saint-​Esprit » (Inst. gen., n. 60) ; il convien­drait de dire : « asso­cier le peuple au Christ, qui s’offre lui-​même à Dieu le Père par l’Esprit-Saint » (ae).

S’insèrent dans ce contexte :

  • la très grave omis­sion de la clau­sule « Per Christum Dominum nos­trum », laquelle signi­fie et fonde, pour l’Eglise de tous les temps, l’assurance d’être exau­cée (Jn. XIV, 13–14 ; XV, 16 ; XVI, 23–24) ;
  • le pas­ca­lisme qua­si obses­sion­nel, comme si la com­mu­ni­ca­tion de la grâce qui pro­cède de Dieu lui-​même ne com­por­tait pas de moda­li­té plus immé­diate et aus­si importante ;
  • l’eschatologisme, aus­si nua­geux en lui-​même que maniaque en son ins­pi­ra­tion, et qui concerne aus­si bien cha­cun des membres du Christ que leur ensemble ; la com­mu­ni­ca­tion de la grâce, ré­alité per­ma­nente et éter­nelle, est rame­née aux dimen­sions du temps ; le peuple de Dieu est en marche, l’Église n’est plus l’Église mili­tante qui com­bat contre la Potestas tene­bra­rum, elle est l’Église péré­gri­nante qui évo­lue irré­ver­si­ble­ment vers un état, lequel, de par sa situa­tion, ne peut consis­ter qu’en un ave­nir per­pé­tuel au sein de la tem­po­ra­li­té, état aus­si anor­mé qu’étran­ger à l’Éternité.

A noter éga­le­ment l’humiliation que subit comme telle l’Église une, sainte, catho­lique, apos­to­lique eu égard à la « Prex eu­charistica IV ». Le Canon romain com­por­tait une prière « pro om­nibus ortho­doxis atque catho­licæ et apos­to­licæ fidei culto­ri­bus ». Ces « cultores fidei » sont deve­nus, ni plus ni moins, « tous ceux qui Te cherchent d’un cœur sin­cère » (af).

Pareillement, dans le Memento des morts, ceux-​ci ne sont plus ceux qui ont tré­pas­sé « cum signo fidei et dor­miunt in som­no pacis », mais sim­ple­ment ceux qui « obie­runt in pace Christi tui » ; leur est adjoint l’ensemble des défunts « [ceux] dont Toi seul connais la foi » (ag) ; ce qui consti­tue mani­fes­te­ment une nou­velle atteinte à l’unité de l’Église consi­dé­rée en sa mani­fes­ta­tion visible.

Aucune des trois nou­velles « Preces » ne com­porte la moin­dre allu­sion à l’état de souf­france des tré­pas­sés. Aucune ne laisse ouverte la pos­si­bi­li­té d’un Memento par­ti­cu­lier, ce qui de nou­veau émousse la foi en la valeur pro­pi­tia­toire du sacri­fice qui est par sa nature ordon­né à la Rédemption [20].

Nombre d’omissions obser­vables un peu par­tout dans le Nouvel Ordo avi­lissent le mys­tère de l’Eglise en le désa­cra­li­sant. Ce mys­tère est mécon­nu, avant tout comme hié­rar­chie sacrée. Les An­ges et les Saints sont réduits à l’anonymat dans la seconde par­tie du Confiteor col­lec­tif ; et, dans la pre­mière [21], ils dis­pa­raissent comme témoins et comme juges en la per­sonne de saint Michel. Fait sans pré­cé­dent, dis­pa­raissent éga­le­ment de la nou­velle Préface dans la « Prex II » les dif­fé­rentes hié­rar­chies angé­liques. Disparaît pareil­lement, dans le Communicantes, la mémoire des saints, pon­tifes et mar­tyrs, sur qui l’Eglise romaine demeure fon­dée et qui sans aucun doute trans­mirent les tra­di­tions apos­to­liques en les enri­chis­sant jusqu’à en faire ce qui devint avec saint Grégoire la Messe romaine.

L’unité de l’Eglise se trouve com­pro­mise, pour le moins en son expres­sion, au point que le Nouvel Ordo y com­pris les trois nou­velles « Preces » pré­sente une into­lé­rable omis­sion : celle des apôtres Pierre et Paul, fon­da­teurs de l’Eglise de Rome, celle égale­ment des autres apôtres, fon­de­ment et para­digme de l’Eglise uni­verselle ; leurs noms figurent exclu­si­ve­ment dans le Communicantes du seul Canon romain.

Le Nouvel Ordo porte encore atteinte au dogme de la com­munion des saints en sup­pri­mant les salu­ta­tions [22] et la béné­dic­tion finale de la Messe célé­brée sans ser­vant, et même en sup­pri­mant l’Ite Missa est dans la Messe célé­brée avec servant.

Le double Confiteor montre com­ment le prêtre, revê­tu des orne­ments qui le dési­gnent comme ministre du Christ, et en incli­nation pro­fonde, se recon­naît indigne d’une si haute mis­sion, du « tre­men­dum mys­te­rium » qu’il se dis­pose à célé­brer. Et puis, pro­nonçant « Aufer a nobis », il demande à Dieu d’ôter de lui-​même ses propres péchés afin de pou­voir péné­trer dans le Saint des Saints ; aus­si se recommande-​t-​il à l’intercession et aux mérites des Martyrs dont l’autel ren­ferme les reliques : « Oramus te, Domine ». Ces deux prières sont sup­pri­mées, comme le double Confiteor. Il convien­drait de reprendre ici des obser­va­tions sem­blables à celles qui ont été pré­sen­tées à pro­pos de la valeur propre de la com­mu­nion du prêtre dis­tin­guée de celle des fidèles.

Sont éga­le­ment pro­fa­nées les condi­tions qui conviennent au Sacrificium en tant qu’il est l’accomplissement d’une réa­li­té sacrée : sacrum facere. Ainsi, lorsque la célé­bra­tion a lieu hors de l’église, l’autel peut être rem­pla­cé par une simple table sans pierre consa­crée ni reliques, avec une seule nappe (nn. 260, 265). Il convien­drait de ré­péter à ce pro­pos ce qui déjà a été dit plus haut : le « convi­vium » est dis­so­cié de la Présence réelle et aliène son aspect sacrificiel.

La désa­cra­li­sa­tion est encore accrue par les nou­velles moda­lités, quelque peu gro­tesques, de l’offrande, non moins d’ailleurs que par d’autres élé­ments dont voi­ci les plus saillants. L’insistance est mise sur le pain ordi­naire, au lieu et place du pain azyme. La facul­té est accor­dée aux ser­vants, et même aux laïcs lors de la com­mu­nion « sous les deux espèces » (ah), de tou­cher les vases sa­crés (n. 244d). Une invrai­sem­blable atmo­sphère se trou­ve­ra créée dans l’église ; y alter­ne­ront en effet sans trêve : le prêtre, le diacre, le sous-​diacre, le psal­miste, le com­men­ta­teur (le prêtre est d’ail­leurs deve­nu com­men­ta­teur, encou­ra­gé comme il l’est à expli­quer conti­nuel­le­ment ce qu’il est sur le point d’accomplir), les lec­teurs hommes et femmes, les clercs ou les laïcs qui accueillent les fidèles à la porte de l’église et les accom­pagnent à leur place, qui font la quête, qui portent les offrandes, qui trient les offrandes… ; et, à l’encontre de tout l’Ancien Testament et des caté­go­riques prescrip­tions de saint Paul, en un temps où cepen­dant on prône l’Ecriture jusqu’au délire, la pré­sence de la « mulier ido­nea » qui, pour la pre­mière fois dans la tra­di­tion de l’Eglise, sera auto­ri­sée à faire les lec­tures et éga­le­ment à accom­plir d’autres « minis­tères qui s’accom­plissent en dehors du pres­by­te­rium (c’est-à-dire, en fait, en dehors du chœur) » (n. 70) (ai). Et enfin la manie de la concélébra­tion [23] qui aura rai­son de la pié­té eucha­ris­tique du prêtre et qui achè­ve­ra de voi­ler la figure cen­trale du Christ, unique Prêtre parce qu’uniment Prêtre et Victime, et de la dis­soudre dans la pré­sence col­lec­tive des concélébrants.

VI

Nous nous sommes limi­tés à un exa­men som­maire du Nou­vel Ordo et de ses dévia­tions les plus graves en ce qui concerne la théo­lo­gie de la Messe catho­lique. Les obser­va­tions qui ont été faites ont sur­tout un carac­tère typique. Il fau­drait entre­prendre un tra­vail d’un tout autre ordre si l’on dési­rait détec­ter les pièges, les dan­gers, les fer­ments de des­truc­tion tant au point de vue spi­ri­tuel qu’au point de vue psy­cho­lo­gique, conte­nus dans ce docu­ment, aus­si bien dans le texte de l’Ordo Missæ que dans les rubriques et les ins­truc­tions qui l’accompagnent.

Les nou­veaux Canons ont déjà été cri­ti­qués d’une manière auto­ri­sée et à plu­sieurs reprises. Nous nous abs­te­nons donc d’y in­sister. Nous nous bor­nons à obser­ver que le second Canon [24] a immé­dia­te­ment scan­da­li­sé les fidèles par sa briè­ve­té. On a fait ob­server, entre autres choses, que ce Canon peut être employé en toute liber­té de conscience par un prêtre qui ne croit plus ni à la Présence réelle ni à la trans­sub­stan­tia­tion ni au carac­tère sacri­fi­ciel de la Messe ; en sorte que ce Canon pour­rait très bien ser­vir pour la célé­bra­tion à un ministre protestant.

Le nou­veau Missel fut pré­sen­té à Rome comme consti­tuant un « abon­dant maté­riel pas­to­ral », comme un « texte plus pas­to­ral que juri­dique » auquel les confé­rences épis­co­pales auraient la latitu­de d’apporter, selon les cir­cons­tances, des modi­fi­ca­tions conformes au génie res­pec­tif des dif­fé­rents peuples. Au reste, la pre­mière sec­tion de la nou­velle « Congrégation pour le culte divin » sera res­ponsable de « l’édition et de la constante révi­sion des livres liturgiques ».

A quoi fait écho le der­nier bul­le­tin offi­ciel des Instituts li­turgiques d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche [25] : « les textes latins devront être tra­duits dans les langues des dif­fé­rents peuples ; le style romain devra être adap­té au génie de chaque église locale ; ce qui fut conçu selon un mode intem­po­rel devra être trans­po­sé dans le contexte mou­vant des situa­tions concrètes, dans le flux constant de l’Église uni­ver­selle et de ses mul­tiples cellules ».

La Constitution apos­to­lique, s’opposant sur ce point à la vo­lonté expresse de Vatican II, donne elle-​même le coup de grâce à la langue uni­ver­selle, en affir­mant sans ambi­guï­té qu’ « en une telle varié­té de langues s’élèvera la même (?) et unique prière de tous… exha­lant d’autant mieux le par­fum d’un encens mul­ti­plié » (aj).

La mort du latin est donc chose escomp­tée. Celle du grégo­rien en décou­le­ra iné­luc­ta­ble­ment, en rai­son de la lati­tude accor­dée pour le choix des textes, en par­ti­cu­lier ceux de l’introït et du Gra­duel. Le Concile a cepen­dant recon­nu le carac­tère propre et la su­prématie de la litur­gie romaine, laquelle « doit occu­per la pre­mière place » (Sacros. conc., n. 116).

Le nou­veau rite se pré­sente donc ori­gi­nel­le­ment comme étant plu­ra­liste et à base d’expérience, lié au temps et au lieu. L’uni­té du culte étant ain­si bri­sée pour tou­jours, on ne voit pas en quoi pour­ra désor­mais consis­ter l’unité de la foi qui lui est inti­me­ment liée, et de laquelle cepen­dant on ne laisse pas de par­ler sans cesse comme de la sub­stance qu’il faut sans com­pro­mis­sion conserver.

Il est évident que le Nouvel Ordo renonce expres­sé­ment de fac­to à consti­tuer l’ex­pres­sion de la doc­trine que le Concile de Trente a sanc­tion­née comme étant de foi divine et catho­lique. Et cepen­dant la conscience catholi­que demeure liée à jamais à cette doc­trine. Il en résulte que la promul­gation du Novus Ordo met le catho­lique véri­table dans la tra­gique néces­si­té de choisir.

VII

La Constitution apos­to­lique fait expli­ci­te­ment allu­sion à une richesse de pié­té et de doc­trine qu’emprunterait le Nouvel Ordo aux églises d’Orient. Mais ce pré­ten­du emprunt n’aura pour effet que de rebu­ter et d’écarter les fidèles de rite orien­tal, rite dont l’in­spiration est non pas seule­ment étran­gère mais oppo­sée à celle de l’Ordo. A quoi se réduisent en fait ces modi­fi­ca­tions qui se veulent ins­pi­rées par l’œcuménisme ?

En sub­stance à la mul­ti­pli­ci­té des ana­phores (non certes à leur beau­té ou à leur ordon­nance), à la pré­sence du diacre et à la com­mu­nion « sous les deux espèces ». Par contre, il semble bien qu’on a vou­lu déli­bé­ré­ment éli­mi­ner tout ce qui, de la litur­gie ro­maine, est le plus proche de la litur­gie orien­tale [26] ; qu’on a vou­lu renier l’incomparable et véné­rable carac­tère romain renon­çant à ce qu’il pré­sente spi­ri­tuel­le­ment de plus propre et de plus pré­cieux. On a sub­sti­tué à la roma­ni­té des élé­ments par les­quels elle s’avoi­sine seule­ment à cer­tains rites réfor­més qui ne sont d’ailleurs pas les plus proches du catho­li­cisme, élé­ments qui dégradent la litur­gie romaine et en éloi­gne­ront de plus en plus l’Orient, ain­si que déjà l’ont fait les der­nières réformes.

En retour, sinon en com­pen­sa­tion, le Nouvel Ordo aura la faveur sur­tout de tous ces groupes proches de l’apostasie qui, s’atta­quant dans l’Église à l’unité de la doc­trine, de la litur­gie, de la mo­rale et de la dis­ci­pline, en détruisent l’ordre, en souillent l’intégrité et y pro­voquent une crise spi­ri­tuelle sans précédent.

VIII

Saint Pie V assu­ma la charge de faire édi­ter le Missale roma­num, afin que celui-​ci fût – comme le rap­pelle la Constitution elle-​même – ins­tru­ment d’unité entre les catho­liques. Ce Missale devait évi­ter, confor­mé­ment au Concile de Trente, que pût s’immiscer dans le culte une quel­conque des sub­tiles erreurs dont la foi était affec­tée par la Réforme protestante.

Les motifs qui ani­mèrent le saint pon­tife étaient si graves que jamais en aucun autre cas ne paraît avoir été plus jus­ti­fiée la for­mule rituelle et en l’occurrence qua­si pro­phé­tique qui clôt la Bulle en ver­tu de laquelle le Missale fut pro­mul­gué : « Qu’il sache encou­rir la colère du Dieu tout-​puissant et des bien­heu­reux apôtres Pierre et Paul celui qui ose­rait contre­ve­nir à cette ordon­nance » (Quo pri­mum, 19 juillet 1570) (ak).

On a eu l’outrecuidance d’affirmer, en pré­sen­tant officielle­ment le Nouvel Ordo à la confé­rence de presse du Vatican, que les rai­sons allé­guées par le Concile de Trente ne sub­sistent plus. Or, non seule­ment ces rai­sons existent encore, mais – nous n’hésitons pas à l’affirmer – il existe aujourd’hui des rai­sons infi­ni­ment plus graves. C’est pré­ci­sé­ment en vue de faire face aux insi­dieuses dévia­tions qui de siècle en siècle mena­cèrent la pure­té du dépôt reçu – « Garde le dépôt, ô Timothée. Évite les vaines dis­putes pro­fanes, et les oppo­si­tions de la fausse science » (I Tim. VI, 20) (am) – que l’Eglise, jouis­sant de l’inspiration, a éla­bo­ré les dis­po­si­tifs de pro­tection que consti­tuaient les défi­ni­tions dog­ma­tiques et en géné­ral les déci­sions d’ordre doc­tri­nal [27]. Ces défi­ni­tions et ces déci­sions eurent leur réper­cus­sion immé­diate dans le culte, lequel est deve­nu, pro­gres­si­ve­ment le monu­ment le plus com­plet de la foi de l’Eglise. Vouloir à tout prix remettre en vigueur le culte antique, mais en repro­dui­sant seule­ment et comme in vitro ce qui à l’origine eut la grâce de la spon­ta­néi­té jaillis­sante, c’est tom­ber dans l’archéologisme si luci­de­ment et si oppor­tu­né­ment condam­né par Pie XII [28] comme étant insen­sé ; cela équi­vaut, on l’a mal­heu­reu­se­ment d’ores et déjà obser­vé, à dépouiller la litur­gie de la beau­té qui a été pieu­se­ment thé­sau­ri­sée pen­dant des siècles [29] et de la consis­tance théo­lo­gique qui consti­tue la seule véri­table défense en un moment cri­tique, voire le plus cri­tique, de l’histoire de l’Église.

Aujourd’hui, ce n’est plus à l’extérieur mais à l’intérieur même de la catho­li­ci­té que l’existence de divi­sions et de schismes est offi­ciel­le­ment recon­nue [30]. L’unité de l’Église n’en est plus à être mena­cée, elle est tra­gi­que­ment com­pro­mise [31] ; les erreurs contre la foi ne sont plus seule­ment insi­nuées, elles se trouvent impo­sées par des aber­ra­tions et par des abus qui s’introduisent dans la litur­gie et dont le carac­tère néfaste est éga­le­ment recon­nu [32]. L’abandon d’une tra­di­tion litur­gique qui fut pen­dant quatre siècles le signe et le gage de l’unité du culte, en faveur d’une autre litur­gie qui, mena­çant la pure­té de la foi par les innom­brables licences qu’elle auto­rise, par les insi­nua­tions qu’elle favo­rise et par les erreurs mani­festes qu’elle contient, ne pour­ra pas ne pas être l’occasion de la divi­sion ; un tel aban­don consti­tue pour le moins une incal­cu­lable erreur au regard des obser­va­teurs quelque peu lucides, si ani­més soient-​ils de la plus com­pré­hen­sive bien­veillance pour les auteurs du « Novus Ordo ».

En la fête du Corps du Christ 5 juin 1969

Traductions et notes explicatives

(a) « Placet jux­ta modum » signi­fie : accep­ta­tion, mais accep­ta­tion condi­tionnée par l’amendement qui est deman­dé. Le « jux­ta modum » équi­vaut sou­vent à un vote néga­tif, car la modi­fi­ca­tion qui est en fait la condi­tion du « pla­cet » peut chan­ger la sub­stance même du texte proposé.

(b) « Innumeri prae­te­rea sanc­tis­si­mi viri ani­ma­rum sua­rum erga Deum pie­ta­tem haus­tis ex eo… copio­sus alue­runt ». « Ex quo tem­pore la­tius in chris­tia­na plebe incre­bes­cere et inva­les­cere coe­pit sacræ fo­vendae litur­giae stu­dium » (Ordo Missa, Constitutio apos­to­li­ca, p. 7).

© « Ut sin­gu­la­rum par­tium pro­pria ratio nec­non mutua connexio cla­rius pateant ». « Ratio » a un sens poly­va­lent. La « ratio » d’une chose en est à la fois la rai­son d’être et la struc­ture interne. « Éco­nomie » sug­gère cette amplitude.

(d) « Cena domi­ni­ca sive Missa est sacra synaxis seu congre­ga­tio popu­li Dei in unum conve­nien­tis, sacer­dote præ­side, ad memo­riale Domini cele­bran­dum » (Inst. gen., n. 7).

(e) + (f)« Quare de sanc­tae eccle­siae loca­li congre­ga­tione emi­nen­ter va­let pro­mis­sio Christi : Ubi sunt duo vel tres congre­ga­ti in nomine meo ibi sum in medio eorum » (Inst. gen., n. 7).

(g) « La Messe, d’une cer­taine manière, com­prend deux par­ties, savoir la litur­gie de la parole et l’eucharistie, les­quelles sont si inti­me­ment liées entre elles qu’elles consti­tuent un seul et même acte de culte. Et en effet, dans la Messe, se trouve pré­pa­rée la table qui est celle de la parole de Dieu aus­si bien que du Corps du Christ, table où les fidèles sont for­més et se res­taurent (ins­ti­tuan­tur et refi­cian­tur ) » (Inst. gen., n. 8).

(h) « Est ergo eucha­ris­ti­ca synaxis cen­trum congre­ga­tio­nis fide­lium cui pres­by­ter præest » (Presb. ord., n. 5).

(i) « Principio docet Sancta Synodus et aperte et sim­pli­ci­ter pro­fi­te­tur in almo Sanctæ Eucharistiæ sacra­men­to post pan­is et vini consecra­tionem Dominum nos­trum Jesum Christum verum Deum atque homi­nem vere, rea­li­ter ac sub­stan­tia­li­ter (Can. 1) sub spe­cie illa­rum rerum sen­si­bi­lium conti­ne­ri » (Dz. 1636).

(j) « … quo cruen­tum illud semel in cruce per­agen­dum reprae­sen­ta­re­tur… atque illius salu­ta­ris vir­tus in remis­sio­nem eorum, quæ a nobis quo­ti­die com­mi­tun­tur pec­ca­to­rum appli­ca­re­tur… » (Dz. 1740).

(k) [Suite du texte cité en (j)] « Sacerdotem secun­dum ordi­nem Melchisedech se aeter­num (Ps. CIX, 4) consti­tu­tum decla­rans, cor­pus et san­guinem suum sub spe­cie­bus pan­is et vini Deo Patri obtu­lit ac sub earum­dem rerum sym­bo­lis Apostolis (quos tunc Novi Testamenti sacer­dotes consti­tue­bat), ut sumerent, tra­di­dit, et eis­dem eorumque in sacer­do­tio suc­ces­so­ri­bus, ut offerent, præ­ce­pit per hæc ver­ba : Hoc facite in meam com­me­mo­ra­tio­nem (Lc. XXII, 19 ; I Cor. XI, 24) uti sem­per catho­li­ca Ecclesia intel­lexit et docuit » (ibid.).

(1) « Si quis dixe­rit, illis ver­bis : Hoc facite in meam com­me­mo­ra­tio­nem, Christum non ins­ti­tuisse Apostolos sacer­dotes, aut non ordi­nasse, ut ipsi aliique sacer­dotes offerent cor­pus et san­gui­nem suum : ana­thema sit » (Can. 2, Dz. 1752).

(m) « Si quis dixe­rit, Missæ sacri­fi­cium tan­tum esse lau­dis et gra­tia­rum actio­nis aut nudam com­me­mo­ra­tio­nem sacri­fi­cii in cruce per­ac­ti, non autem pro­pi­tia­to­rium ; vel soli pro­desse sumen­ti, neque pro

vivis et defunc­tis, pro pec­ca­tis, poe­nis, satis­fac­tio­ni­bus et aliis ne­cessitatibus offe­ri debere : ana­the­ma sit » (Can. 3 ; Dz. 1753).

(n) « Si quis dixe­rit, Canon Missæ errores conti­nere ideoque abrogan­dum esse, ana­the­ma sit » (Can. 6 ; Dz. 1756).

(o) « Si quis dixe­rit Missas, in qui­bus solus sacer­dos sacra­men­ta­li­ter com­mu­ni­cat, illi­ci­tas esse, ideoque abro­gan­das, ana­the­ma sit » (Can. 8 ; Dz. 1758).

℗ « Actio Christi et popu­li Dei – Cena domi­ni­ca sive Missa – Convi­vium paschale – Communis par­ti­ci­pa­tio mensæ Domini – Me­moriale Domini – Precatio eucha­ris­ti­ca – Liturgia ver­bi et litur­gia eucha­ris­ti­ca – » etc.

(q) « Ingrediens mun­dum dicit : Hostiam et obla­tio­nem noluis­ti : cor­pus au­tem aptas­ti mihi » (Ps. XL, 7–9 ; Heb. X, 5).

® « bene­dic­tus es, Domine, Deus uni­ver­si, quia de tua lar­gi­tate accepi­mus panem (vel : vinum) quem tibi offe­ri­mus, fruc­tum terræ (vel : vitis) et manuum homi­num, ex quo nobis fiet pan­is vitæ (vel : potus spiritualis) ».

(s) « Non enim fas est… ; aut ratio­ni signi sacra­men­ta­lis consi­de­randæ ita ins­tare qua­si sym­bo­lis­mus, qui nul­lo dif­fi­tente sanc­tis­simæ Eucharistiæ cer­tis­sime inest, totam expri­mat et exhau­riat ratio­nem præ­sen­tiæ Christi in hoc Sacramento ; aut de trans­sub­stan­tia­tio­nis mys­te­rio dis­se­rere quin de mira­bi­lii conver­sione totius sub­stan­tia ? pan­is in cor­pus et totius sub­stan­tia ? vini in san­gui­nem Christi, de qua loqui­tur Concilium Tridentinum, men­tio fiat, ita ut in sola trans­si­gni­fi­ca­tione et trans­fi­na­li­za­tione, ut aiunt, consis­tant » (A.A.S. LVII, 1965, p. 755).

(t) « Servata enim fidei inte­gri­tate, aptus quoque modus loquen­di serve­tur opor­tet, ne indis­ci­pli­na­tis ver­bis uten­ti­bus nobis fal­sa?, quod absit, de Fide altis­si­ma­rum rerum subo­rian­tur opi­niones » (ibid. p.757).

(u) « Nobis autem ad cer­tam regu­lam loqui fas est, ne ver­bo­rum licen­tia etiam de rebus qua ? signi­fi­can­tur impiam gignant opinionem »

(De civ. Dei, X, 23 ; PL. 41, 300). « Regula ergo loquen­di, quam Ecclesia lon­go sæcu­lo­rum labore non sine Spiritus Sancti muni­mine induxit et Conciliorum auc­to­ri­tate fir­ma­vit, quæque non semel tes­se­ra et vexil­lum Fidei ortho­doxæ fac­ta est, sancte ser­ve­tur, neque eam quis­quam pro libi­tu vel præ­tex­tu novæ scien­tiæ immu­tare præ­su­mat… Eodem modo feren­dus non est quis­quis for­mu­lis, qui­bus Concilium Tridentinum Mysterium Eucharisticum ad cre­dendum pro­po­suit, suo marte dero­gare velit » (A.A.S. LVII, 1965, p. 758).

(v) « Sensus [pre­cis eucha­ris­ticæ] est ut tota congre­ga­tio fide­lium se cum Christo conjun­gat in confes­sione magna­lium Dei in oblatio­ne sacri­fi­cii » (n. 54).

(w) « Nunc cen­trum et culmen totius cele­bra­tio­nis ini­tium habet, ipsa nempe Prex eucha­ris­ti­ca, prex sci­li­cet gra­tia­rum actio­nis et sancti­ficationis » (n. 54).

(x) « Altare, in quo sacri­fi­cium cru­cis sub signis sacra­men­ta­li­bus præ­sens effi­ci­tur » (Inst. gen., n. 259).

(y) « Christus per ver­bum suum in medio fide­lium præ­sens adest » (n. 33, cfr. Sacros. conc., nn. 33 et 77).

(z) « Narratio ins­ti­tu­tio­nis » (n. 55d), « Ecclesia memo­riam ipsius Christi agit » (n. 55c).

(aa) « Quotiescumque man­du­ca­mus panem hunc, et cali­cem bibi­mus, mor­tem tuam annun­tia­mus, Domine, donec venias ».

(ab) « Qua salu­ta­tione et popu­li res­pon­sione mani­fes­ta­tur eccle­siæ congre­gatæ mys­te­rium » (n. 28).

(ac) « Populum tibi congre­gare non desi­nis, ut a solis ortu usque ad oc­casum obla­tio mun­da offe­ra­tur nomi­ni tuo ».

(ad) « Omnes et soli sacer­dotes sunt, pro­prie loquen­do, minis­tri secun­darii sacri­fi­cii missæ. Christus est qui­dem prin­ci­pa­lis minis­ter. Fi­deles mediate, non autem sen­su stric­to, per sacer­dotes offe­runt » (A. TANQUEREY, Synopsis theo­lo­gia dog­ma­ti­ca, t. III, Desclée 1930).

(ae) « Presbyter cele­brans… popu­lum… sibi sociat in offe­ren­do sacri­fi­cio per Christum in Spiritu Sancto Dei Patri » (n. 60).

(af) « omni­bus qui te quae­runt corde sincero ».

(ag) « quo­rum fidem te solus cognovisti ».

(ah) « sub utraque specie ».

(ai) « minis­te­ria quæ extra pres­by­te­rium peraguntur ».

(aj) « in tot varie­tate lin­gua­rum una (?) eademque cunc­to­rum pre­ca­tio… quo­vis ture fra­gran­tior ascendat ».

(ak) « Si quis autem hoc atten­tare prae­sump­se­rit, indi­gna­tio­nem Omni­potentis Dei ac bea­to­rum Petri et Pauli Apostolorum eius se nove­rit incur­su­rum » (Quo pri­mum, 19 juillet 1570).

(al) « ut stir­pi­tus convel­le­ret ziza­nia exse­cra­bi­lium erro­rum et schisma­tum, quæ inimi­cus homo… in doc­tri­na fidei, usu et cultu Sacro­sanctae Eucharistiae, super­se­mi­na­vit (Mt. XIII, 25 sq.), quam alio­qui Salvator nos­ter in Ecclesia sua tam­quam sym­bo­lum reli­quit eius uni­ta­tis et cari­ta­tis, qua Christianos omnes inter se coniunc­tos et copu­la­tos, esse voluit » (Dz. 1635).

(am) « depo­si­tum cus­to­di, devi­tans pro­fa­nas vocum novi­tates » (I Tim. VI, 20).

(an) « Ad sacrae litur­giæ fontes mente ani­moque redire sapiens pro­fec­to ac lau­da­bi­lis­si­ma res est, cum dis­ci­plinæ huius stu­dium, ad eius ori­gines remi­grans, haud parum confe­rat ad fes­to­rum die­rum si­gnificationem et ad for­mu­la­rum, quas usur­pan­tur, sacra­rumque cae­re­mo­nia­rum sen­ten­tiam altius dili­gen­tiusque per­ves­ti­gan­dam : non sapiens tamen, non lau­da­bile est omnia ad anti­qui­ta­tem quo­vis modo redu­cere. Itaque, ut exem­plis uta­mur, is ex rec­to aber­ret iti­nere, qui pris­cam ala­ri velit men­sae for­mam res­ti­tuere ; qui litur­gi­cas vestes velit nigro sem­per carere colore ; qui sacras ima­gines ac sta­tuas e tem­plis pro­hi­beat ; qui divi­ni Redemptoris in Crucem acti effi­gies ita confor­ma­ri iubeat, ut cor­pus eius acer­ri­mos non refe­rat, quos pas­sus est, cru­cia­tus… Haec enim cogi­tan­di agen­dique ratio nimiam illam revis­cere iubet atque insa­nam antiquitatum

cupi­di­nem, quam ille­gi­ti­mum exci­ta­vit Pistoriense conci­lium, itemque mul­ti­plices illos res­ti­tuere eni­ti­tur errores, qui in cau­sa fuere, cur conci­lia­bu­lum idem coge­re­tur, quique inde non sine magno ani­mo­rum detri­men­to conse­cu­ti sunt, quosque Ecclesia, cum evi­gi­lans sem­per exi­stat fidei depo­si­ti cus­tos sibi a Divino Conditore concre­di­ti, iure meri­toque repro­ba­vit » (Mediator Dei, 1, 5) (A.A.S., XXXIX, 1947, pp. 545–546).

Pie XII ren­voie à la Constitution apos­to­lique Auctorem fidei (28 août 1794), dans laquelle Pie VI dénon­ça et condam­na les erreurs du synode de Pistoie. Notamment : nn. 31–34 ; 39 ; 62–66 ; 69–74.

n. 33. « Le synode [de Pistoie] mani­feste le désir que soient écar­tées les causes d’où résulte en par­tie l’oubli des prin­cipes qui concernent la litur­gie, prin­cipes selon les­quels la litur­gie doit être rame­née à une forme plus simple pour les rites, expri­mée en lan­gue vul­gaire et pro­fé­rée à haute voix ; comme si l’ordre de la litur­gie, éprou­vé et en vigueur dans l’Église, repo­sait en par­tie sur l’oubli des prin­cipes qui doivent nor­mer la litur­gie. Cette proposi­tion est témé­raire, scan­da­leuse pour la pié­té, inju­rieuse pour l’Eglise et géné­ra­trice d’hérésie » (Dz. 2633).

n. 66. « Le Synode [de Pistoie] allègue qu’il serait contraire à la pra­tique [des temps] apos­to­liques, et à la sagesse de Dieu, que des moyens plus faciles ne soient pas don­nés au peuple afin qu’il puisse joindre sa voix à celle de toute l’Eglise. Si on entend cette pro­po­si­tion de l’introduction, dans les prières litur­giques, de l’usage de la langue vul­gaire, cette pro­po­si­tion est fausse, témé­raire, contraire à l’ordre pres­crit pour la célé­bra­tion des mys­tères, et sus­cep­tible d’entraîner nombre de maux » (Dz. 2666).

La Constitution apos­to­lique Auctorem fidei n’écarte pas tout usage de la langue ver­na­cu­laire au cours d’une célé­bra­tion litur­gique. Elle réprouve que le peuple, qui est peuple de Dieu mais non mi­nistre de Dieu, puisse au cours d’une célé­bra­tion sacrée et sur­tout au cours de la Messe, s’exprimer spon­ta­né­ment et à pari­té avec le prêtre, qui est en propre le seul ministre de Dieu agis­sant in per­sona Christi.

Addenda

Communiqué par la « Fondation Lumen Gentium »

Au cours de son allo­cu­tion heb­do­ma­daire, le mer­cre­di 19 novembre, pré­sen­tant le Nouvel Ordo, dont l’application était pro­chaine, Paul VI a précisé :

« … La Messe est et reste le mémo­rial de la der­nière Cène du Christ, au cours de laquelle le Seigneur, chan­geant le pain et le vin en son Corps et en son Sang, ins­ti­tua le sacri­fice du Nouveau Tes­tament et vou­lut que, par la ver­tu de son sacer­doce confé­ré aux apôtres, il fut renou­ve­lé dans son iden­ti­té, mais offert sous un mode dif­fé­rent, à savoir d’une manière non san­glante et sacramen­telle, en per­pé­tuelle mémoire de lui jusqu’à son der­nier avènement. »

Cette défi­ni­tion qui cor­rige sin­gu­liè­re­ment l’art. 7 du Nouvel Ordo (voir p. 12, ch. II, § 2 du pré­sent fas­ci­cule) est incontesta­blement le plus auto­ri­sé des com­men­taires de 1’Institutio gene­ra­lis.

Néanmoins il est à remar­quer que cette défi­ni­tion n’est pas celle du Concile de Trente (XXIIe ses­sion) n’est pas celle de Mysterium fidei (Paul VI) n’est pas celle de la Profession de Foi (Paul VI).

Nulle part, dans ces trois docu­ments ne se trouve que la Messe n’est que le « Mémorial de la der­nière Cène », mais ils la défi­nissent comme étant le « Sacrifice du Calvaire » ren­du sacra­men­tel­le­ment pré­sent sur nos autels (Credo de Paul VI).

Quoiqu’il en soit, en ver­tu de la nature des choses, cette nou­velle défi­ni­tion est inapte à rec­ti­fier ce que pro­pose ou pres­crit une Constitution apos­to­lique. (Sans sous-​estimer le carac­tère émi­nent d’une allo­cu­tion pon­ti­fi­cale elle ne détient aucune valeur ju­ridique oppo­sable à un texte consti­tu­tion­nel.) Dès lors, la nou­velle défi­ni­tion ne pour­ra être prise en consi­dé­ra­tion que si une autre Constitution apos­to­lique abroge la défi­ni­tion des­crip­tive qui figure dans l’Institutio gene­ra­lis et la rem­place en consé­quence ou abroge toute cette Institutio gene­ra­lis, laquelle découle orga­ni­que­ment de la dite défi­ni­tion des­crip­tive.

En repre­nant les élé­ments fon­da­men­taux de cette nou­velle défi­ni­tion : « La Messe est le mémo­rial de la der­nière Cène au cours de laquelle le Seigneur ins­ti­tua le sacri­fice du Nouveau Testament pour être offert, d’une manière non san­glante en mémoire de lui », nous obser­vons que la Messe serait le renou­vel­le­ment non san­glant de la der­nière Cène !

Source : Le Bref exa­men cri­tique, Editions Iris© Copyright 2009 – Éditions IRIS – La bro­chure a été réa­li­sée d’a­près la tra­duc­tion du Breve esame cri­ti­co dei Novus Ordo Missæ éta­blie par la « Fondation Lumen Gentium » Vaduz – Liechtenstein

Notes de bas de page

  1. « On trouve les prières de notre Canon dans le trai­té de Sacramentis (fin du IVe ou début du Ve siècle) … Ainsi notre Messe remonte, sans chan­ge­ment essen­tiel, à l’époque où elle se déga­geait pour la pre­mière fois de la plus ancienne litur­gie com­mune. Elle garde encore le par­fum de cette litur­gie pri­mi­tive, aux jours où César gou­ver­nait le monde et pen­sait pou­voir éteindre la foi chré­tienne, aux jours où nos pères se réunis­saient avant l’aurore pour chan­ter une hymne au Christ comme à leur Dieu (cf. Pline le Jeune, Ep. 96) … Il n’y a pas dans la chré­tien­té de rite aus­si véné­rable que celui de la Messe ro­maine (A. FORTESCUE, La Messe, étude sur la litur­gie romaine, 1921, p. 278). – « Le Canon romain, tel qu’il est aujourd’hui, remonte à saint Grégoire le Grand. Il n’existe ni en Orient ni en Occident aucune prière eucha­ris­tique qui, demeu­rée en usage jusqu’à nos jours, puisse se pré­va­loir d’une telle anti­quité. Non seule­ment au juge­ment des ortho­doxes, mais éga­le­ment au regard des angli­cans et même à ceux des pro­tes­tants qui ont conser­vé un cer­tain sens de la tra­di­tion, reje­ter ce Canon équi­vau­drait, de la part de l’Église romaine, à renon­cer pour tou­jours à la pré­ten­tion de repré­sen­ter la véri­table Église catho­lique » (P. Louis BOUYER).[]
  2. On ren­voie, pour jus­ti­fier une telle défi­ni­tion, à deux textes de Vatican II. Mais si on se reporte effec­ti­ve­ment à ces deux textes, on n’y trouve rien qui jus­ti­fie cette défi­ni­tion. Voici ces deux textes, le lec­teur juge­ra : « Les prêtres sont consa­crés par Dieu, le minis­tère de l’évêque étant l’instrument de cette consé­cra­tion ; en sorte que… les prêtres qui accom­plissent les fonc­tions sacrées agissent en tant que ministres de Celui qui exerce en notre faveur dans la litur­gie (son) sacer­doce per­ma­nent… Et cela est vrai prin­ci­pa­le­ment lorsque les prêtres offrent sacra­men­tel­le­ment, en célé­brant la Messe, le sacri­fice (même) du Christ » (Décret Presby­terorum ordi­nis, n. 5). « Dans la litur­gie, Dieu parle à son peuple, et le Christ conti­nue d’annoncer l’Evangile. Le peuple, à son tour, répond à Dieu par la prière et par le chant. Et les prières, qui sont adres­sées à Dieu par le prêtre qui pré­side l’assemblée en la per­sonne du Christ sont dites au nom de tout le peu­ple saint et de tous les assis­tants » (Constitution Sacrorum conci­lium, n. 33). – On ne voit pas com­ment, de ces textes, il est pos­sible de tirer la défi­ni­tion de la Messe énon­cée dans le Nouvel Ordo. Force est même d’observer que cette défini­tion altère radi­ca­le­ment celle qui est don­née par Vatican II (Presbyterorum ordi­nis, n. 5) : « La synaxe eucha­ris­tique est le centre de l’assemblée des fidèles, assem­blée que le prêtre pré­side » (h). Les auteurs du Nouvel Ordo n’ont pas hési­té à frau­der en sup­pri­mant le mot cen­trum. En sorte que la congre­ga­tio popu­li est pré­sentée comme usur­pant le rôle du véri­table cen­trum et comme étant par consé­quent ce qu’en réa­li­té elle ne peut pas être.[]
  3. Rappelons quelques pas­sages impor­tants des décrets du Concile de Trente qui concernent le dogme de la Présence réelle : « Le saint Concile enseigne pre­mièrement ce qu’il confesse ouver­te­ment et abso­lu­ment. Dans l’auguste sa­crement de la sainte Eucharistie, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ vrai Dieu et vé­ritablement homme est conte­nu réel­le­ment et sub­stan­tiel­le­ment dans les appa­rences sen­sibles du pain et du vin, après que ceux-​ci ont été consa­crés » (Concile de Trente, ses­sion XIII, De la sainte Eucharistie, ch. 1, Denzinger, édi­tion de 1965, n. 1636) (i). – La doc­trine concer­nant le sacri­fice de la Messe fut pré­ci­sée au cours de la ses­sion XXII. Cette doc­trine est sanc­tion­née par 9 canons. En voi­ci quelques aspects essentiels :
    • La Messe est un véri­table sacri­fice, elle est en sub­stance le sacri­fice de la Croix : « En vue de lais­ser à son Epouse bien-​aimée, un sacri­fice repré­sen­tant visi­ble­ment, confor­mé­ment à la nature de l’homme, le sacri­fice san­glant qui devait être accom­pli sur la Croix une fois pour toutes, afin que la mémoire de ce sacri­fice demeu­rât jusqu’à la fin des temps, et que la ver­tu salu­taire en soit appli­quée à la rémis­sion des péchés que nous com­met­tons quo­ti­dien­ne­ment » (Concile de Trente, ses­sion XXII, Du très saint sacri­fice de la Messe, ch. 1, Dz. 1740) (j). Ce pas­sage est sanc­tion­né par le canon 1 : « Si quelqu’un dit que dans la Messe, n’est pas offert un sacri­fice véri­table, au sens propre de ce mot, ou bien que le fait d’être offert n’est rien autre pour le Christ que de nous être don­né en nour­ri­ture, qu’il soit ana­thème » (Dz. 1751).
    • Jésus-​Christ Notre-​Seigneur est le Souverain Prêtre, et il opère ins­tru­men­ta­le­ment par le prêtre qui célèbre la Messe : [Suite du texte cité en (j)] « … le Christ Dieu Notre-​Seigneur, décla­rant être lui-​même prêtre éter­nel­le­ment se­lon l’ordre de Melchisédech, offrit à Dieu son Père son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin, les don­na, [conte­nus] dans ces mêmes si­gnes sen­sibles, à ses apôtres (qu’il consti­tuait ain­si prêtres de la nou­velle Al­liance) afin qu’ils s’en nour­rissent ; et, en pro­non­çant les paroles : Faites ceci en mémoire de moi, il ordon­na aux apôtres et à leurs suc­ces­seurs dans le sa­cerdoce – ain­si que l’a tou­jours enten­du et ensei­gné l’Église catho­lique – d’offrir [ce même Corps et ce même Sang] » (ibid.) (k). Le célé­brant, celui qui offre le sacri­fice, c’est le prêtre, consa­cré par Dieu pour accom­plir cette fonc­tion ; et ce n’est pas l’assemblée, « peuple de Dieu » sans doute, mais non pas ministre de Dieu. « Si quelqu’un dit que, par les paroles : Faites ceci en mémoire de moi, le Christ n’a pas ins­ti­tué prêtres les apôtres, ou bien n’a pas or­donné que [les apôtres] et les autres prêtres offrent son Corps et son Sang, qu’il soit ana­thème » (Can. 2, Dz. 1752) (l).
    • Le sacri­fice de la Messe est un vrai sacri­fice pro­pi­tia­toire et NON pas une simple com­mé­mo­ra­tion du sacri­fice de la Croix : « Si quelqu’un dit que le sacri­fice de la Messe est seule­ment un sacri­fice de louange et d’action de grâces, ou bien qu’il est sim­ple­ment une com­mé­mo­ra­tion du sacri­fice accom­pli sur la Croix et qu’il n’est pas pro­pi­tia­toire, ou bien qu’il n’a de fruit que pour qui­conque y par­ti­cipe immé­dia­te­ment, et qu’il ne doit pas être offert pour les vi­vants, pour les morts, pour les péchés, pour [remettre] les peines, pour satis­faire [à la jus­tice de Dieu] et pour d’autres néces­si­tés, qu’il soit ana­thème » (Can. 3, Dz. 1753) (m).
    • La litur­gie de la Messe ne contient pas d’erreur : « Si quelqu’un dit que le Canon de la Messe contient des erreurs et doit être abro­gé, qu’il soit anathè­me » (Can. 6, Dz. 1756) (n) ; « Si quelqu’un dit que les Messes au cours des­quelles le prêtre et lui seul com­mu­nie sacra­men­tel­le­ment sont illi­cites et doi­vent par consé­quent être abro­gées, qu’il soit ana­thème » (Can. 8, Dz. 1758) (o).

    []

  4. Faut-​il rap­pe­ler que si un seul des dogmes déjà défi­nis était aban­don­né, ipso fac­to, tout l’édifice dog­ma­tique s’écroulerait lui-​même, en même temps que son prin­cipe le Magistère suprême. Celui-​ci, pape et concile, se trouve en effet enga­gé incon­di­tion­nel­le­ment et pour tou­jours dans la défi­ni­tion d’un seul dogme.[]
  5. On eût d’ailleurs dû adjoindre l’Ascension si l’intention était de reprendre l’Unde et memores. Observons cepen­dant que cette prière, loin d’amalgamer les réa­li­tés qui sont de natures dif­fé­rentes, dis­tingue avec beau­coup de finesse : « … tam beatæ Passionis, nec non et ab infe­ris Resurrectionis, sed et in cælos glo­riosæ Ascensionis ».[]
  6. Ce dépla­ce­ment d’accent est éga­le­ment ren­du mani­feste, dans les trois nou­veaux canons, par la sup­pres­sion du Memento des morts et de toute men­tion de la souf­france pour les âmes du pur­ga­toire, elles pour qui cepen­dant est offert le sacri­fice satis­fac­toire.[]
  7. Cf. l’Encyclique Mysterium fidei, dans laquelle Paul VI condamne aus­si bien les erreurs du sym­bo­lisme signi­fié comme auto-​suffisant que les nou­velles théo­ries de la « trans­si­gni­fi­ca­tion » et de la « trans­fi­na­li­sa­tion ». « Dès là qu’on consi­dère l’essence du signe sacra­men­tel [comme tel], il n’est pas juste de te­nir qu’un qua­si sym­bo­lisme – qui cer­tai­ne­ment existe dans la sainte Eucharis­tie – rende compte et exprime adé­qua­te­ment la nature de la pré­sence du Christ dans ce sacre­ment. [Il n’est pas juste non plus] de trai­ter du mys­tère de la trans­sub­stan­tia­tion, sans même faire men­tion de la mer­veilleuse conver­sion dont parle le Concile de Trente, conver­sion de toute la sub­stance du pain dans le Corps du Christ et conver­sion de toute la sub­stance du vin dans le Sang du Christ, en sorte que l’on fait consis­ter [ces deux conver­sions] seule­ment en une trans­si­gni­fi­ca­tion et une trans­fi­na­li­sa­tion » (Actes du Siège Aposto­lique, LVII, 1965, p. 755) (s).[]
  8. Paul VI a éga­le­ment condam­né, dans la même Encyclique Mysterium fidei, l’introduction de for­mules nou­velles ou d’expressions équi­voques qui, bien que réfé­rées maté­riel­le­ment aux textes des Pères et aux docu­ments des Conciles et du Magistère, ne sont pas séman­ti­que­ment subor­don­nées à la Vérité qu’elles sont cepen­dant cen­sées expri­mer ; ain­si par exemple : « spi­ri­tua­lis ali­mo­nia », « cibus spi­ri­tua­lis », « potus spi­ri­tua­lis » etc.
    Voici le texte de Paul VI : « L’intégrité de la foi étant sauve (comme il se doit, Paul VI vient de le rap­pe­ler en citant d’ailleurs saint Augustin), il convient en outre d’employer un lan­gage adé­quat, de peur que l’indiscipline dans l’usage des mots ne nous induise — Dieu nous en garde — en de fausses opi­nions concer­nant la foi dans les plus hautes réa­li­tés » (Ibid., p. 757) (t). Puis Paul VI cite encore saint Augustin : « Il importe d’observer cer­taines normes pour le lan­gage, en sorte que la licence dans l’usage des mots ne favo­rise pas en nous l’impiété à l’égard des réa­li­tés (Saint AUGUSTIN, de Civ. Dei, X, 23). L’Église, par un labeur mul­ti­sé­cu­laire, et non sans le secours du Saint-​Esprit, a éla­bo­ré des normes d’expression qu’elle a confir­mées par l’autorité des conciles. Ces normes ont été plus d’une fois le mot d’ordre et l’étendard de l’orthodoxie. Elles doivent être res­pec­tées sain­te­ment. Que nul n’ose y atten­ter, que ce soit par caprice ou sous pré­texte de décou­verte nou­velle. Qui donc admet­trait que les for­mules dog­ma­tiques éla­bo­rées par [plu­sieurs] conciles œcu­mé­niques concer­nant le mys­tère de la Très Sainte Trinité et celui de l’incarnation soient rem­pla­cées par d’autres, sous ce pré­texte qu’elles ne seraient plus accom­mo­dées aux hommes de notre temps ? De la même manière, il est inad­mis­sible que qui­conque pré­tende de son propre chef déro­ger aux for­mules dans les­quelles le Concile de Trente a pro­po­sé le mys­tère eucha­ris­tique comme objet de foi » (Ibid., p. 758) (u).[]
  9. Ce qui est en contra­dic­tion avec ce que pres­crit Vatican II (Sacros. conc., n. 48). Voici ce texte : « Aussi l’Église se soucie-​t-​elle d’obtenir que les fidèles n’assis­tent pas à ce mys­tère de la foi comme des spec­ta­teurs étran­gers et muets, mais que, le com­pre­nant bien dans ses rites et ses prières, ils par­ti­cipent consciem­ment, pieu­se­ment et acti­ve­ment à l’action sacrée, soient for­més par la parole de Dieu, se res­taurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; en sorte qu’offrant la Victime sans tache, non seule­ment par les mains du prê­tre, mais aus­si en étant unis à lui, ils apprennent à s’offrir eux-​mêmes et de jour en jour soient consom­més par la média­tion du Christ dans l’unité, uni­té avec Dieu et uni­té entre eux : afin que, fina­le­ment, Dieu soit tout en tous ».[]
  10. La fonc­tion pri­mor­diale de l’autel n’est recon­nue et décla­rée qu’une seule fois : « L’Autel, dans lequel le sacri­fice de la Croix est ren­du pré­sent sous les signes sacra­men­tels » (Inst. gen., n. 259) (x). Cette affir­ma­tion iso­lée, ren­due d’ail­leurs fort obs­cure par le contexte, ne suf­fit pas à dis­si­per l’équivoque provo­quée par le fait que le mot table est employé habi­tuel­le­ment pour dési­gner l’autel : « L’autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la litur­gie eu­charistique » (n. 49).[]
  11. « C’est d’abord par le sacri­fice de l’autel que le Seigneur se rend pré­sent dans l’Eucharistie, et il n’est au taber­nacle que comme “memo­ria sacri­fi­cii et pas­sionis suæ”. Séparer le taber­nacle de l’autel, c’est sépa­rer deux choses qui doi­vent res­ter unies par leur ori­gine et leur nature » (PIE XII, Allocution au Congrès inter­na­tio­nal de litur­gie, Assise-​Rome 18–23 sep­tembre 1956, A.A.S., t. XLVIII, 1956, p. 782 – cf. Mediator Dei, I, 5 : voir note 28).[]
  12. Le mot « hos­tie » est d’usage tra­di­tion­nel dans les livres litur­giques. Il signi­fie l’idée de vic­time, en sorte que « l’Hostie » du sacri­fice de la Messe réfère celui-​ci au sacri­fice de la Croix. Le Nouvel Ordo emploie rare­ment le mot « Hostie » ; cela rentre dans le des­sein géné­ral de mettre en évi­dence exclu­si­ve­ment les aspects de « repas » et de « nour­ri­ture ».[]
  13. On observe une fois encore en l’occurrence un pro­ces­sus mis en œuvre habituel­lement, savoir le « pro­ces­sus de sub­sti­tu­tion » ; une chose en rem­place une au­tre comme si la seconde équi­va­lait à la pre­mière : la Présence réelle est équi­pa­rée à la pré­sence dans la parole (nn. 7, 54). Or, en véri­té, ce sont deux cho­ses de natures dif­fé­rentes. La pré­sence dans la parole n’a en effet de réa­li­té que in usu, tan­dis que la Présence réelle est objec­tive et per­ma­nente, indépendam­ment de la récep­tion qui en est faite dans le Sacrement. D’ailleurs, la for­mule : « Le Christ, par sa parole, est pré­sent au milieu des fidèles » (n. 33, cf. Sacros. conc., nn. 33 et 77) (y), stric­te­ment par­lant, n’a pas de sens. La pré­sence de Dieu dans la parole est en effet média­ti­sée, liée à un acte de l’esprit en sa condi­tion char­nelle ; cet acte peut être renou­ve­lé, mais il ne fonde objec­ti­ve­ment aucune per­ma­nence. Cette erreur ne va pas sans une funeste consé­quence : elle insi­nue en effet que la Présence réelle est, comme la pré­sence dans la parole, liée à l’u­sus et qu’elle cesse en même temps que lui.[]
  14. L’action sacra­men­telle, telle qu’elle est décrite dans l’Institutio gene­ra­lis, est carac­térisée par le fait que Jésus a don­né aux apôtres son Corps et son Sang en nour­ri­ture sous les espèces du pain et du vin, et non par l’acte de la consécra­tion, et par la sépa­ra­tion entre le Corps et le Sang résul­tant de cet acte dans l’ordre sacra­men­tel. C’est cepen­dant cette sépa­ra­tion mys­tique qui consti­tue l’essence du sacri­fice eucha­ris­tique, ain­si que l’a rap­pe­lé Pie XII (Mediator Dei pars II, caput 1, Le culte Eucharistique, A.A.S. XXXIX, 1947, pp. 548–549 – cf. le texte et le canon du Concile de Trente, Dz. 1752, cités à la note (3) § 2).[]
  15. La por­tée des paroles de la consé­cra­tion, telles qu’elles figurent dans le Nouvel Ordo, y est condi­tion­née par tout le contexte. Ces paroles peuvent assu­rer la vali­di­té, en rai­son de l’intention du ministre. Mais elles ne le font pas ex vi ver­bo­rum, ou plus exac­te­ment en ver­tu du modus signi­fi­can­di qui leur est asso­cié dans le Canon de saint Pie V. Il se peut donc que ces paroles n’assurent pas la vali­di­té de la consé­cra­tion. Les prêtres qui, dans un proche ave­nir, n’auront pas reçu la for­ma­tion tra­di­tion­nelle, et qui se fie­ront au Nouvel Ordo pour « faire ce que fait l’Église » consacreront-​ils vali­de­ment ? Il est légi­time d’en douter.

    L’Eglise en effet n’est pas libre d’enseigner, de croire, de pra­ti­quer ou de faire pra­ti­quer n’im­porte quoi : elle est liée par l’ordre de Jésus-​Christ d’enseigner, de croire, de pra­ti­quer et de faire pra­ti­quer ce qui vient d’en-haut, c’est-à-dire les règles de foi, de morale et de pié­té (cf. II Cor. XIII, 8 ; Mt. XXVIII, 18, 20 ; Jn. XIV, 25–26).

    D’où l’Église a‑t-​elle tou­jours tiré ces règles ? C’est défi­ni : « La véri­té et la dis­cipline se trouvent dans les livres écrits et dans les tra­di­tions non écrites qui ont été recueillies par les apôtres de la bouche du Christ lui-​même ou qui ont été trans­mises par ces mêmes apôtres sous la conduite du Saint-​Esprit, et nous sont par­ve­nues de main en main… Ces tra­di­tions, ensei­gnées ver­ba­le­ment par le Christ ou bien dic­tées par le Saint-​Esprit, et conser­vées dans l’Église catho­lique par une suc­ces­sion conti­nue, le Concile les reçoit et les vénère avec un égal sen­ti­ment de pié­té et de res­pect » (Concile de Trente, Session IV, le 8 avril 1546, De libris sacris et de tra­di­tio­ni­bus reci­pien­dis : Dz. 1501). Ce texte a été rap­pe­lé par Vatican II, dans « Dei Verbum », nn. 7, 11 et sur­tout n. 9) : « C’est pour­quoi l’Église ne tire pas la cer­ti­tude qu’elle a des [réa­li­tés] révé­lées exclu­sivement de la Sainte Écriture. En sorte que l’une comme l’autre [la Tradition comme l’Écriture] doit être reçue et véné­rée avec le même res­pect et la même piété ».

    On com­prend par là la por­tée de la réponse adres­sée le 29 novembre 1202 par le Pape Innocent III à Jean, Archevêque de Lyon : « Vous vous deman­dez donc quelle est la forme des paroles que le Christ lui-​même a employées quand il trans­sub­stan­tia le pain et le vin en son Corps et son Sang, alors que dans le Canon de la Messe, qu’utilise l’Église entière, il serait mis ce qu’aucun des Evangélistes n’a écrit. Dans le Canon de la Messe on trouve cette parole, ap­paremment inter­ca­lée : mys­te­rium fidei. C’est que nous trou­vons beau­coup de choses, tant des paroles que des actes du Seigneur, qui sont omises par les Evangélistes, et dont nous lisons que les apôtres les ont soit com­plé­tées par la parole soit expri­mées par le fait. Nous croyons donc que la forme des paroles, telle qu’on la trouve dans le Canon, les apôtres l’ont reçue du Christ, et leurs suc­ces­seurs de ces mêmes apôtres » (Dz. 782). Et on com­prend éga­le­ment la valeur per­ma­nente du prin­cipe qui norme la « lex cre­den­di » et la « lex oran­di », en ren­dant compte de leur sublime uni­té : « nihil inno­ve­tur nisi quod tra­di­tum est » – « in eodem sem­per sen­su eademque sen­ten­tia ».[]

  16. II est vrai que ces expres­sions appar­tiennent au même contexte scrip­tu­raire ( I Cor. XI, 24.-28 ). Mais l’Église en a tou­jours écar­té la jux­ta­po­si­tion et la super­po­si­tion, pré­ci­sé­ment en vue d’éviter la confu­sion entre les réa­li­tés dif­fé­rentes dési­gnées res­pec­ti­ve­ment par ces expres­sions dif­fé­rentes. Assimiler quant à leur nature des choses qui sim­ple­ment sont pré­sen­tées ensemble par l’Écriture consti­tue l’un des pro­cé­dés bien connus de la cri­tique pro­tes­tante.[]
  17. Les luthé­riens et les cal­vi­nistes affirment que tous les chré­tiens sont prêtres et que par suite tous offrent la cène. Au contraire, confor­mé­ment au Concile de Trente (Session XXII, Canon 2, cf. note 3, § 2), il faut tenir que : « Les prê­tres, et eux seuls, sont à pro­pre­ment par­ler les ministres secon­daires du sacri­fice de la Messe, le Christ étant le ministre prin­ci­pal. Les fidèles offrent le sa­crifice par le prêtre, mais média­te­ment et non en un sens strict » (A. TANQUEREY, Synopsis theo­lo­gia dog­ma­ti­ca, t. III, Desclée, 1930) (ad).[]
  18. Notons une inno­va­tion, réelle bien qu’impossible, et qui sera désas­treuse pour la psy­cho­lo­gie du peuple chré­tien. Le Vendredi Saint, on uti­li­se­ra des orne­ments rouges et non plus des orne­ments noirs (n. 308 b) ; comme s’il s’agissait de com­mé­mo­rer un mar­tyr entre beau­coup d’autres, et non plus de rendre sen­sible le deuil que porte l’Eglise de son Époux.[]
  19. R.P. Roguet exer­çant actuel­le­ment les fonc­tions de cha­pe­lain – Dominicaines de Béthanie à Plessis-​Chenet (91, France).[]
  20. Dans cer­taines tra­duc­tions du Canon romain, les mots : « locus refri­ge­rii, lucis et pacis » étaient rem­pla­cés par une simple qua­li­fi­ca­tion d’état : « béa­ti­tude, lumière, paix ». Que dire main­te­nant de la sup­pres­sion de toute réfé­rence ex­plicite à l’Eglise souf­frante ?[]
  21. Contrastant avec cette émon­da­tion fié­vreuse et géné­ra­li­sée, un seul enri­chis­se­ment : la men­tion de Comission, dans l’accusation des péchés incluse dans le Confiteor. Observons que cette men­tion figu­rait dans la Messe du dio­cèse de Paris au XIIIe siècle.[]
  22. Lors de la confé­rence de presse au cours de laquelle l’Ordo fut pré­sen­té, le P. Lécuyer par­la d’exprimer au sin­gu­lier les salu­ta­tions de la « Missa sine popu­lo » : « Dominus tecum », « Ora, fra­ter ». La rai­son allé­guée est que « rien ne cor­res­pond en véri­té à la for­mule du plu­riel s’il n’y a qu’un seul répon­dant ». Une pareille décla­ra­tion est ins­pi­rée par le ratio­na­lisme et elle est contraire à ce qu’a rap­pe­lé Paul VI dans l’encyclique Mysterium fidei.[]
  23. Notons à ce pro­pos qu’il paraît être licite pour les prêtres qui doivent célé­brer seuls avant ou après la concé­lé­bra­tion, de com­mu­nier éga­le­ment sub utraque spe­cie lors de la concé­lé­bra­tion.[]
  24. On a pré­ten­du le pré­sen­ter comme le Canon d’Hippolyte ! Au vrai, il n’en con­tient que quelques rémi­nis­cences ver­bales.[]
  25. Gottesdienst, n. 9, 14 mai 1969.[]
  26. Ainsi, pour ne rap­pe­ler que la seule litur­gie byzan­tine, on peut penser :
    • aux prières péni­ten­tielles, longues, ins­tantes, répétées ;
    • aux rites solen­nels de la ves­ti­tion du prêtre et du diacre ;
    • à la pré­pa­ra­tion des offrandes ou pros­co­mi­dia, pré­pa­ra­tion qui est déjà un rite complet ;
    • à la men­tion per­ma­nente, dans les orai­sons et jusque dans l’offertoire, de la Sainte Vierge, des saints, et des hié­rar­chies angé­liques, les­quelles, lors de l’Entrée avec lÉvangile, sont de nou­veau évo­quées comme concé­lé­brant invi­siblement, et avec les­quelles le choeur s’identifie dans le Cherubicon ;
    • à l’ico­no­stase qui sépare net­te­ment le sanc­tuaire de l’autre par­tie du temple, le cler­gé du peuple ;
    • au carac­tère secret de la consé­cra­tion, sym­bole évident de l’inconnaissable à qui se réfère toute la liturgie ;
    • à la situa­tion du célé­brant qui est tou­jours ver­sus ad Deum et jamais ver­sus ad popu­lum ;
    • au fait que la com­mu­nion est tou­jours admi­nis­trée par le célé­brant et par lui seul ;
    • aux marques de pro­fonde ado­ra­tion, conti­nuel­le­ment répé­tées, dont sont l’objet les Espèces consacrées ;
    • au com­por­te­ment essen­tiel­le­ment contem­pla­tif du peuple.

    Le fait que les litur­gies orien­tales, même dans leurs formes les moins solennel­les, durent plus d’une heure, et les expres­sions qui s’y retrouvent constam­ment (« tre­men­da et inenar­ra­bi­lis litur­gia », « tre­men­di, celes­ti, vivi­fi­can­di myste­rii » etc.) suf­fisent à tout dire. Notons enfin que le concept de « cène » ou de « ban­quet » est clai­re­ment subor­don­né à celui de sacri­fice, aus­si bien dans la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome que dans celle de saint Basile ; or il en est éga­le­ment ain­si dans la Messe romaine de saint Pie V.[]

  27. Dans la ses­sion XIII (Décret sur la Sainte Eucharistie, Introduction), le Concile de Trente déclare son inten­tion : « [Le vœu pre­mier et prin­ci­pal du Concile] fut d’arracher jusqu’à la racine la ziza­nie des exé­crables erreurs et des schis­mes que l’homme enne­mi a semé dans la doc­trine de la foi, par l’u­sage et par le culte de la très Sainte Eucharistie, alors que cepen­dant notre Sauveur a lais­sé [au sein de] son Église ce sacre­ment comme étant le sym­bole de l’unité et de la cha­ri­té en les­quelles il a vou­lu que tous les chré­tiens fussent unis et conjoints entre eux » (Concile de Trente, ses­sion XIII, Décret sur l’Eucharistie, Prooemium, Dz. 1635) (al).[]
  28. « Faire retour avec fer­veur aux sources de la sacrée litur­gie est chose sage et fort digne de louanges, atten­du qu’en se rap­por­tant à ses propres ori­gines l’étude de cette dis­ci­pline ne contri­bue pas peu à faire mieux péné­trer la signi­fi­ca­tion des fêtes, le sens des céré­mo­nies sacrées et celui des for­mules [qui y sont em­ployées]. Cependant, il n’est ni sage ni louable de pré­tendre rame­ner tout et de toutes manières à l’antiquité. Ainsi, par exemple, celui-​là erre hors du droit che­min qui pré­tend res­ti­tuer à l’autel la forme de table qu’il avait pri­mi­ti­ve­ment. Il est éga­le­ment aber­rant de vou­loir exclure le noir comme cou­leur de vête­ments litur­giques, de pros­crire images et sta­tues dans les églises [ou cha­pelles], d’exiger que les repré­sen­ta­tions du divin Rédemp­teur en Croix soient dis­po­sées de telle manière que n’apparaissent pas dans son corps les marques des dou­lou­reux sup­plices dont il est mort… Ces manières de pen­ser et de faire ne font que trop revivre la convoi­tise dé­réglée de l’antique, qu’avait exci­tée un synode illé­gi­time, celui de Pistoie. El­les tendent à réha­bi­li­ter les erreurs qui furent la cause pour laquelle ce conci­liabule se ras­sem­bla, qui furent sui­vies non sans un grand détri­ment pour les âmes et que l’Eglise, gar­dienne fidèle du dépôt de la foi qui lui a été confié par son divin fon­da­teur, a réprou­vées à bon droit et confor­mé­ment au droit » (Mediator Dei, 1, 5) (A.A.S., XXXIX, 1947, pp. 545–546) (an).[]
  29. « … Que ne fasse pas illu­sion le cri­tère de devoir réduire l’édifice de l’Eglise, deve­nu un temple magni­fique ample et majes­tueux pour la gloire de Dieu, à ses pro­por­tions ini­tiales et minimes, comme si celles-​ci étaient conformes à la véri­té et à la sagesse » (PAUL VI, Ecclesiam suam).[]
  30. « Un ferment qui est pra­ti­que­ment celui du schisme divise, sub­di­vise et mor­celle l’Eglise » (PAUL VI, Homélie in Cena Domini 1969).[]
  31. « Il y a éga­le­ment par­mi nous, entre nous, ces « schis­ma­ta », ces « scis­suræ » que saint Paul dénonce avec dou­leur dans le pas­sage de la pre­mière lettre aux Corinthiens dont nous venons de faire lec­ture » (PAUL VI, ibid.).[]
  32. Il est de noto­rié­té com­mune que Vatican II est aujourd’hui renié par ceux-​là même qui se van­tèrent d’en être les pères ; ils quit­tèrent le Concile déci­dés à en « faire explo­ser » le conte­nu sur le point d’être appli­qué, alors que le Souverain Pontife décla­rait n’en avoir rien modi­fié au moment où il le sanc­tion­nait. Malheureusement le Saint-​Siège, avec une pré­ci­pi­ta­tion inex­pli­cable, a auto­ri­sé voire même encou­ra­gé, par le tru­che­ment du Comité pour l’application de la Constitution sur la litur­gie, une infi­dé­li­té tou­jours crois­sante au Concile, infi­dé­li­té qui s’étend des aspects seule­ment for­mels – au moins appa­rem­ment – (latin-​grégorien, rites anciens et véné­rables), à la sub­stance même de la litur­gie dont le Nouvel Ordo consomme la des­truc­tion. Les ter­ribles consé­quences que nous avons ten­té de mettre en évi­dence se sont réper­cu­tées, d’une manière encore plus catas­tro­phique au point de vue psy­cho­lo­gique, dans le domaine de la dis­ci­pline et dans celui du magis­tère ecclé­sias­tique. Il en résulte que le pres­tige du Siège apos­to­lique et la doci­li­té qui lui est due se trouvent ébran­lés au point de légi­ti­mer toutes les craintes.[]