Déclaration de Mgr Fellay à propos du Rapport final du Synode sur la famille


Mgr Bernard Fellay – 27 octobre 2015

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Le Rapport final de la seconde ses­sion du Synode sur la famille, publié le 24 octobre 2015, loin de mani­fes­ter un consen­sus des pères syno­daux, est l’expression d’un com­pro­mis entre des posi­tions pro­fon­dé­ment diver­gentes. On peut y lire certes des rap­pels doc­tri­naux sur le mariage et la famille catho­lique, mais on note aus­si des ambigüi­tés et omis­sions regret­tables, et sur­tout des brèches ouvertes dans la dis­ci­pline au nom d’une misé­ri­corde pas­to­rale rela­ti­viste. L’impression géné­rale qui se dégage de ce texte est celle d’une confu­sion qui ne man­que­ra pas d’être exploi­tée dans un sens contraire à l’enseignement constant de l’Eglise.

C’est pour­quoi il nous paraît néces­saire de réaf­fir­mer la véri­té reçue du Christ sur la fonc­tion du pape et des évêques (I) et sur la famille et le mariage (II). Nous le fai­sons dans le même esprit qui nous a conduit à adres­ser au pape François une sup­plique avant la seconde ses­sion de ce Synode. 

I. La fonction du pape et des évêques [1]

Fils de l’Eglise catho­lique, nous croyons que l’évêque de Rome, suc­ces­seur de saint Pierre, est le Vicaire du Christ, en même temps qu’il est le chef de toute l’Eglise. Son pou­voir est au sens propre une juri­dic­tion, et à son égard les pas­teurs comme les fidèles des Eglises par­ti­cu­lières, cha­cun iso­lé­ment, ou tous réunis, y com­pris en concile, en synode ou en confé­rences épis­co­pales, sont tenus par un devoir de subor­di­na­tion hié­rar­chique et de véri­table obéissance.

Dieu a dis­po­sé les choses ain­si pour que, en gar­dant avec l’évêque de Rome l’u­ni­té de la com­mu­nion et de la pro­fes­sion d’une même foi, l’Eglise du Christ ne soit qu’un seul trou­peau sous un seul pas­teur. La sainte Eglise de Dieu est divi­ne­ment consti­tuée comme une socié­té hié­rar­chique, où l’autorité qui gou­verne les fidèles vient de Dieu, à tra­vers le pape et les évêques qui lui sont sou­mis.[2]

Lorsque le Magistère pon­ti­fi­cal suprême a don­né l’expression authen­tique de la véri­té révé­lée, en matière dog­ma­tique aus­si bien qu’en matière dis­ci­pli­naire, il n’appartient pas aux orga­nismes ecclé­sias­tiques pour­vus d’une auto­ri­té de rang infé­rieur – comme les confé­rences épis­co­pales – d’y intro­duire des modifications.

Le sens des dogmes sacrés qui doit être conser­vé à per­pé­tui­té est celui que le magis­tère du pape et des évêques a ensei­gné une fois pour toutes et jamais il n’est loi­sible de s’en écar­ter. Dès lors la pas­to­rale de l’Eglise, lorsqu’elle exerce la misé­ri­corde, doit com­men­cer par remé­dier à la misère de l’ignorance, en don­nant aux âmes l’expression de la véri­té qui les sauve.

Dans la hié­rar­chie ain­si ins­ti­tuée par Dieu, en matière de foi et de magis­tère, les véri­tés révé­lées ont été confiées comme un dépôt divin aux apôtres et à leurs suc­ces­seurs, le pape et les évêques, pour qu’ils le gardent fidè­le­ment et l’enseignent avec auto­ri­té. Ce dépôt est conte­nu comme dans ses sources dans les livres de la sainte Ecriture et dans les tra­di­tions non écrites qui, reçues par les apôtres de la bouche du Christ lui-​même ou trans­mises comme de main en main par les apôtres sous la dic­tée de l’Esprit Saint, sont par­ve­nues jus­qu’à nous. 

Lorsque l’Eglise ensei­gnante déclare le sens de ces véri­tés conte­nues dans l’Ecriture et la Tradition, elle l’impose avec auto­ri­té aux fidèles, pour qu’ils le croient comme révé­lé par Dieu. Et il est faux de dire qu’il appar­tient au pape et aux évêques de seule­ment rati­fier ce que leur sug­gère le sen­sus fidei ou l’expérience com­mune du Peuple de Dieu. 

Comme nous l’écrivions déjà dans notre Supplique au Saint-Père :

« Notre inquié­tude vient de ce que saint Pie X a condam­né, dans l’encyclique Pascendi, un ali­gne­ment du dogme sur de pré­ten­dues exi­gences contem­po­raines. Pie X et vous, Très Saint Père, avez reçu la plé­ni­tude du pou­voir d’enseigner, de sanc­ti­fier et de gou­ver­ner dans l’obéissance au Christ qui est le chef et le pas­teur du trou­peau en tout temps et en tout lieu, et dont le pape doit être le fidèle vicaire sur cette terre. L’objet d’une condam­na­tion dog­ma­tique ne sau­rait deve­nir, avec le temps, une pra­tique pas­to­rale autorisée. »

C’est ce qui fit écrire à Mgr Marcel Lefebvre dans sa Déclaration du 21 novembre 1974 : « Aucune auto­ri­té, même la plus éle­vée dans la hié­rar­chie, ne peut nous contraindre à aban­don­ner ou à dimi­nuer notre foi catho­lique clai­re­ment expri­mée et pro­fes­sée par le magis­tère de l’Eglise depuis dix-​neuf siècles. ‘S’il arri­vait, dit saint Paul, que nous-​même ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai ensei­gné, qu’il soit ana­thème.[3]

II. Le mariage et la famille catholique

Au sujet du mariage, Dieu a pour­vu à l’accroissement du genre humain en ins­ti­tuant le mariage, qui est l’union stable et per­pé­tuelle d’un homme et d’une femme[4]. Le mariage des bap­ti­sés est un sacre­ment, puisque le Christ l’a éle­vé à cette digni­té ; le mariage et la famille sont donc d’institution divine et naturelle.

La fin pre­mière du mariage est la pro­créa­tion et l’éducation des enfants, qu’aucune volon­té humaine ne sau­rait exclure en accom­plis­sant des actes qui lui sont oppo­sés. La fin secon­daire du mariage est l’aide mutuelle que se portent les conjoints ain­si que le remède à la concupiscence. 

Le Christ a éta­bli que l’unité du mariage serait défi­ni­tive, aus­si bien pour les chré­tiens que pour tous les hommes. Cette uni­té jouit d’une indis­so­lu­bi­li­té telle qu’il ne peut jamais être rom­pu ni par la volon­té des deux par­ties, ni par une auto­ri­té humaine : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».[5] Dans le cas du mariage sacra­men­tel des bap­ti­sés, l’unité et l’indissolubilité s’expliquent, en outre, du fait qu’il est le signe de l’union du Christ avec son épouse.

Tout ce que les hommes peuvent édic­ter ou faire contre l’unité ou l’indissolubilité du mariage ne cor­res­pond ni à ce qu’exige la nature ni au bien de la socié­té humaine. De plus, les fidèles catho­liques ont le grave devoir de ne pas s’unir par le seul et unique lien d’un mariage civil, sans tenir compte du mariage reli­gieux pres­crit par l’Eglise.

La récep­tion de l’eucharistie (ou com­mu­nion sacra­men­telle) requiert l’état de grâce sanc­ti­fiante et l’union au Christ par la cha­ri­té ; elle aug­mente cette cha­ri­té et signi­fie en même temps l’amour du Christ pour l’Eglise, qui lui est unie comme son unique Epouse. Par consé­quent, ceux qui, de pro­pos déli­bé­ré, vivent ensemble dans une union concu­bi­naire ou même adul­tère, à l’encontre des lois de Dieu et de l’Eglise, parce qu’ils donnent le mau­vais exemple d’un manque de jus­tice et de cha­ri­té, ne peuvent être admis à la com­mu­nion eucha­ris­tique et sont consi­dé­rés comme pécheurs publics : « Celui qui épouse une femme ren­voyée, com­met un adul­tère. »[6]

Pour rece­voir l’absolution de ses péchés dans le cadre du sacre­ment de péni­tence, il est néces­saire d’avoir le ferme pro­pos de ne plus pécher et par consé­quent ceux qui refusent de mettre un terme à leur situa­tion irré­gu­lière ne peuvent rece­voir une abso­lu­tion valide.[7]

Conformément à la loi natu­relle, l’homme n’a le droit d’user de sa sexua­li­té, que dans le mariage légi­time, et en res­pec­tant les limites fixées par la morale. C’est pour­quoi, l’homosexualité contre­dit le droit divin natu­rel. Les unions accom­plies en dehors du mariage, concu­bi­naires, adul­tères ou même homo­sexuelles, sont un désordre contraire aux exi­gences de la loi divine natu­relle et consti­tuent donc un péché ; on ne sau­rait y recon­naître une quel­conque part de bon­té morale, même amoindrie.

Face aux erreurs actuelles et aux légis­la­tions civiles contre la sain­te­té du mariage et la pure­té des mœurs, la loi natu­relle ne souffre pas d’exceptions, car Dieu, dans sa sagesse infi­nie, en don­nant sa loi a pré­vu tous les cas, toutes les cir­cons­tances, à la dif­fé­rence des légis­la­teurs humains. Aussi on ne peut pas admettre une morale dite de situa­tion, où l’on se pro­pose d’adapter les règles de conduite dic­tées par la loi natu­relle aux cir­cons­tances variables des dif­fé­rentes cultures. La solu­tion des pro­blèmes d’ordre moral ne doit pas être sou­mise à la seule conscience des époux ou des pas­teurs, et la loi natu­relle s’impose à la conscience comme une règle d’agir.

La sol­li­ci­tude du Bon Samaritain à l’égard du pécheur se mani­feste par une misé­ri­corde qui ne pac­tise pas avec son péché, tout comme le méde­cin qui veut aider effi­ca­ce­ment un malade à recou­vrer la san­té ne pac­tise pas avec sa mala­die, mais l’aide à s’en débar­ras­ser. On ne peut s’affranchir de l’enseignement évan­gé­lique au nom d’une pas­to­rale sub­jec­ti­viste qui – tout en le rap­pe­lant uni­ver­sel­le­ment – l’abolirait au cas par cas. On ne sau­rait accor­der aux évêques la facul­té de sus­pendre la loi de l’indissolubilité du mariage ad casum, sans s’exposer à un affa­dis­se­ment de la doc­trine de l’Evangile et à un mor­cel­le­ment de l’autorité de l’Eglise. Car, dans cette pers­pec­tive erro­née, ce qui est affir­mé doc­tri­na­le­ment, pour­rait être nié pas­to­ra­le­ment, et ce qui est inter­dit de jure, pour­rait être auto­ri­sé de fac­to.

Dans cette confu­sion extrême, il appar­tient désor­mais au pape – confor­mé­ment à sa charge, et dans les limites que lui a fixées le Christ – de redire avec clar­té et fer­me­té la véri­té catho­lique quod sem­per, quod ubique, quod ab omni­bus [8], et d’empêcher que cette véri­té uni­ver­selle ne soit pra­ti­que­ment et loca­le­ment contredite. 

Suivant le conseil du Christ : vigi­late et orate, nous prions pour le pape : ore­mus pro pon­ti­fice nos­tro Francisco, et nous demeu­rons vigi­lants : non tra­dat eum in manus inimi­co­rum ejus [9], pour que Dieu ne le livre pas au pou­voir de ses enne­mis. Nous sup­plions Marie, Mère de l’Eglise, de lui obte­nir les grâces qui lui per­met­tront d’être l’intendant fidèle des tré­sors de son divin Fils.

Menzingen, le 27 octobre 2015 

+Bernard FELLAY, Supérieur géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X

Source : Maison Généralice de la FSSPX

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Notes de bas de page

  1. Concile de Trente, 4e ses­sion ; concile Vatican I, consti­tu­tion Dei Filius ; décret Lamentabili, n° 6.[]
  2. Mt 16, 18–19 ; Jn, 21, 15–17 ; consti­tu­tion Pastor aeter­nus du concile Vatican I.[]
  3. Gal. 1, 8[]
  4. Gn 2, 18–25.[]
  5. Mt 19, 6. []
  6. Mt 19, 9.[]
  7. Léon XIII, Arcanum divi­nae sapien­tiae ; Pie XI, Casti connu­bii.[]
  8. « Ce qui (a été cru) tou­jours, par­tout et par tous » ; saint Vincent de Lérins, Commonitorium.[]
  9. Oraison pro sum­mo Pontifice.[]

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.