Rapport final du Synode des évêques sur la famille d’octobre 2015

24 octobre 2015, Relatio Synodi de la XIVe Assemblée géné­rale ordi­naire du Synode des évêques


I – L’Église à l’é­coute de la famille
 ;
II – La famille dans le plan de Dieu
 ;
III – La mis­sion de la famille.

Introduction

1 – Nous, les Pères syno­daux, réunis autour du pape François, le remer­cions de nous avoir convo­qués pour réflé­chir avec lui et sous sa conduite à la voca­tion et à la mis­sion de la famille aujourd’­hui. Nous lui offrons le fruit de notre tra­vail avec humi­li­té, conscients des limites qu’il pré­sente. Nous pou­vons tou­te­fois affir­mer que nous avons tou­jours eu à l’es­prit les familles du monde entier, avec leurs joies et leurs espé­rances, leurs tris­tesses et leurs angoisses. Les dis­ciples du Christ savent qu”« il n’est rien de vrai­ment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur com­mu­nau­té, en effet, s’é­di­fie avec des hommes, ras­sem­blés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et por­teurs d’un mes­sage de salut qu’il faut pro­po­ser à tous. La com­mu­nau­té des chré­tiens se recon­naît donc réel­le­ment et inti­me­ment soli­daire du genre humain et de son his­toire » (Gaudium et spes-​GS, 1). Remercions le Seigneur pour la fidé­li­té géné­reuse avec laquelle tant de familles chré­tiennes répondent à leur voca­tion et à leur mis­sion, même devant les obs­tacles, les incom­pré­hen­sions et les souf­frances. Toute l’Église, unie à son Seigneur et sou­te­nue par l’ac­tion de l’Esprit Saint, adresse ses encou­ra­ge­ments à ces familles. Elle sait qu’elle détient une parole de véri­té et d’es­pé­rance à adres­ser à tous les hommes. Le pape François l’a rap­pe­lé dans la célé­bra­tion par laquelle s’est ouverte la der­nière étape de ce par­cours syno­dal dédié à la famille : « Dieu n’a pas créé l’être humain pour vivre dans la tris­tesse ni pour res­ter seul, mais pour le bon­heur, pour par­ta­ger son che­min avec une autre per­sonne qui lui soit com­plé­men­taire (…). C’est le même des­sein que Jésus (…) rap­pelle par ces paroles : « Au com­men­ce­ment de la créa­tion, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quit­te­ra son père et sa mère, il s’at­ta­che­ra à sa femme, et tous deux devien­dront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair » (Mc 10, 6–8 ; cf. Gn 1, 27 ; 2, 24) ». Dieu « unit les cœurs d’un homme et d’une femme qui s’aiment et les unit dans l’u­ni­té et l’in­dis­so­lu­bi­li­té. Cela signi­fie que le but de la vie conju­gale n’est pas seule­ment de vivre ensemble pour tou­jours, mais de s’ai­mer pour tou­jours ! Jésus réta­blit ain­si l’ordre qui était à l’o­ri­gine et qui est ori­gine. (…) C’est seule­ment à la lumière de la folie de la gra­tui­té de l’a­mour pas­cal de Jésus que la folie de la gra­tui­té d’un amour conju­gal unique et jus­qu’à la mort appa­raî­tra com­pré­hen­sible » (Homélie de la messe d’ou­ver­ture du Synode, 4 octobre 2015).

2 – Lieu intime de joies et d’é­preuves, la famille est la pre­mière et la plus impor­tante « école d’hu­ma­ni­té » (cf. GS, 52). En dépit des signaux annon­cia­teurs de la crise que connaît l’ins­ti­tu­tion fami­liale dans les divers milieux, le désir de famille reste vif au sein des jeunes géné­ra­tions. L’Église, experte en huma­ni­té et fidèle à sa mis­sion, annonce avec une convic­tion pro­fonde l”« évan­gile de la famille » : reçu avec la révé­la­tion de Jésus-​Christ et conti­nuel­le­ment ensei­gné par les Pères, par les Maîtres de la spi­ri­tua­li­té et par le Magistère de l’Église. La famille revêt pour le che­mi­ne­ment de l’Église une impor­tance par­ti­cu­lière : « L’amour [de Dieu] est si grand qu’il a com­men­cé à che­mi­ner avec l’hu­ma­ni­té, il a com­men­cé à che­mi­ner avec son peuple, jus­qu’à ce qu’ar­rive le moment appro­prié et il lui a don­né la plus grande preuve d’a­mour : son Fils. Et Son Fils, où l’a-​t-​il envoyé ? Dans un palais, dans une ville, pour créer une entre­prise ? Il l’a envoyé dans une famille. Dieu est entré dans le monde par une famille. Et il a pu le faire parce que cette famille était une famille qui avait le cœur ouvert à l’a­mour, qui avait les portes ouvertes (François, Discours pour la Fête des Familles, Philadelphie, 26 sep­tembre 2015). Les familles d’au­jourd’­hui sont envoyées comme des « dis­ciples mis­sion­naires » (cf. Evangelii gaudium-​EG, 120). En ce sens, il est néces­saire que la famille se redé­couvre comme sujet indis­pen­sable de l’évangélisation.

3 – Le pape a appe­lé le Synode des évêques à réflé­chir sur les réa­li­tés de la famille : « Le fait de conve­nire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un évé­ne­ment de grâce, dans lequel la col­lé­gia­li­té épis­co­pale se mani­feste sur un che­min de dis­cer­ne­ment spi­ri­tuel et pas­to­ral » (François, Discours à l’oc­ca­sion de la veillée de prière pour la pré­pa­ra­tion du Synode extra­or­di­naire sur la famille, 4 octobre 2014). En deux ans ont eu lieu l’Assemblée géné­rale extra­or­di­naire (2014) et l’Assemblée géné­rale ordi­naire (2015), qui ont rem­pli leur mis­sion d’é­cou­ter les signes de Dieu et de l’his­toire des hommes, dans la fidé­li­té à l’Évangile. Le fruit du pre­mier ras­sem­ble­ment syno­dal, auquel le peuple de Dieu a don­né une impor­tante contri­bu­tion, a conduit à la Relatio Synodi. Notre dia­logue et notre réflexion ont été gui­dés par une triple atten­tion. L’écoute de la réa­li­té de la famille aujourd’­hui, dans la pers­pec­tive de la foi, avec la com­plexi­té de ses lumières et de ses ombres. Le regard, tour­né vers le Christ, pour repen­ser avec une fraî­cheur renou­ve­lée et avec enthou­siasme la révé­la­tion, trans­mise dans la foi de l’Église. La dis­cus­sion dans l’Esprit Saint, pour trou­ver les moyens par les­quels renou­ve­ler l’Église et la socié­té dans leur enga­ge­ment en faveur de la famille fon­dée sur le mariage entre un homme et une femme. L’annonce chré­tienne concer­nant la famille est véri­ta­ble­ment une bonne nou­velle. La famille, au-​delà du fait qu’elle est sol­li­ci­tée pour répondre aux pro­blé­ma­tiques d’au­jourd’­hui, est sur­tout appe­lée par Dieu à prendre tou­jours davan­tage conscience de sa propre iden­ti­té mis­sion­naire. L’assemblée syno­dale a été enri­chie par la pré­sence de couples et de familles dans un débat qui les concerne direc­te­ment. Tout en conser­vant le fruit pré­cieux de l’Assemblée pré­cé­dente dédiée aux défis de la famille, nous nous sommes pen­chés sur sa voca­tion et sa mis­sion dans l’Église et dans le monde contemporain.

I – Première partie – L’Église à l’écoute de la famille

4 – Le mys­tère de la créa­tion de la vie sur terre nous rem­plit d’é­mer­veille­ment et de stu­peur. La famille fon­dée sur le mariage de l’homme et de la femme est le lieu magni­fique et irrem­pla­çable de l’a­mour qui donne la vie. L’amour ne se réduit pas à l’illu­sion du moment. L’amour n’est pas une fin en soi. L’amour cherche la fia­bi­li­té d’un « tu » don­né per­son­nel­le­ment. Dans la pro­messe réci­proque d’a­mour, pour le meilleur et pour le pire, l’a­mour se veut conti­nu pour toute la vie, jus­qu’à la mort. Le désir fon­da­men­tal de construire un réseau d’af­fec­tion solide entre les géné­ra­tions d’une même famille, nous appa­raît comme très constant, au-​delà des dif­fé­rences cultu­relles et reli­gieuses et des chan­ge­ments sociaux. Dans la liber­té du « oui » échan­gé par l’homme et la femme pour toute la vie, c’est l’a­mour de Dieu qui s’ex­pé­ri­mente et qui se fait pré­sent. Pour la foi catho­lique, le mariage est un signe sacré dans lequel l’a­mour de Dieu pour son Église devient effi­cace. La famille chré­tienne fait donc par­tie de l’Église vécue : une « Église domes­tique ». Le couple et la vie dans le mariage ne sont pas des réa­li­tés abs­traites. Elles res­tent impar­faites et vul­né­rables. C’est pour­quoi il doit tou­jours y avoir une volon­té de se conver­tir, de par­don­ner et de recom­men­cer. En tant que pas­teurs, il est de notre res­pon­sa­bi­li­té de nous pré­oc­cu­per de la vie des familles. Nous dési­rons être à l’é­coute de leur réa­li­té de vie et de leurs défis, et les accom­pa­gner avec le regard plein d’a­mour de l’Évangile. Nous dési­rons leur don­ner de la force et les aider à sai­sir leur mis­sion aujourd’­hui. Nous dési­rons aus­si les accom­pa­gner de tout cœur dans leurs pré­oc­cu­pa­tions, en leur don­nant cou­rage et espé­rance et en s’ap­puyant sur la misé­ri­corde de Dieu.

Chapitre I – La famille et le contexte anthropologico-culturel

Le contexte socioculturel 

5 – Dociles à ce que l’Esprit Saint nous demande, nous nous rap­pro­chons des familles d’au­jourd’­hui dans leur diver­si­té, sachant que « le Christ, nou­vel Adam (…) mani­feste plei­ne­ment l’homme à lui­même » (GS, 22). Nous por­tons notre atten­tion sur les défis contem­po­rains qui influencent de mul­tiples aspects de la vie. Nous sommes conscients de l’o­rien­ta­tion domi­nante des chan­ge­ments anthropologico-​culturels, qui font que les indi­vi­dus sont moins sou­te­nus que par le pas­sé par les struc­tures sociales dans leur vie affec­tive et fami­liale. D’autre part, il faut éga­le­ment prendre en consi­dé­ra­tion le déve­lop­pe­ment d’un indi­vi­dua­lisme exa­cer­bé qui déna­ture les liens fami­liaux, fai­sant pré­va­loir l’i­dée d’un sujet qui se construit selon ses propres dési­rs, enle­vant toute force aux liens exis­tants. Pensons aux mères et aux pères, aux grands-​parents, aux frères et soeurs, aux parents proches et plus éloi­gnés et aux liens entre deux familles tis­sés par tout mariage. Il ne faut cepen­dant pas oublier la réa­li­té vécue : la soli­di­té des liens fami­liaux conti­nue par­tout à main­te­nir le monde en vie. L’énergie consa­crée à pro­té­ger la digni­té de toute per­sonne – homme, femme et enfants –, des groupes eth­niques et des mino­ri­tés reste grande, tout comme la défense des droits de chaque être humain à gran­dir dans une famille. Leur fidé­li­té n’est pas hono­rée si l’on ne réaf­firme pas une claire convic­tion de la valeur de la vie fami­liale, en par­ti­cu­lier en s’ap­puyant sur la lumière de l’Évangile, dans toutes les cultures. Nous sommes conscients des forts chan­ge­ments que les trans­for­ma­tions anthropologico-​culturelles concrètes amènent dans tous les aspects de la vie, et res­tons fer­me­ment convain­cus que la famille est un don de Dieu, le lieu dans lequel il révèle la puis­sance de sa grâce sal­vi­fique. Aujourd’hui encore, le Seigneur appelle l’homme et la femme au mariage, il les accom­pagne dans leur vie fami­liale et il s’offre à eux tel un don inef­fable ; il est un des signes des temps que l’Église est appe­lée à regar­der et à inter­pré­ter « à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adap­tée à chaque géné­ra­tion, aux ques­tions éter­nelles des hommes sur le sens de la vie pré­sente et future et sur leurs rela­tions réci­proques. Il importe donc de connaître et de com­prendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspi­ra­tions, son carac­tère sou­vent dra­ma­tique » (GS, 4).

Le contexte religieux

6 – La foi chré­tienne est forte et vivante. Dans cer­taines régions du monde, on observe cepen­dant un repli cer­tain de l’in­fluence reli­gieuse dans l’es­pace social, ce qui impacte la vie des familles. Ce mou­ve­ment tend à relé­guer la dimen­sion reli­gieuse dans la sphère pri­vée et fami­liale, et risque de faire obs­tacle au témoi­gnage et à la mis­sion des familles chré­tiennes dans le monde actuel. Dans des socié­tés où le bien-​être est éle­vé, les per­sonnes risquent de mettre tous leurs espoirs dans une recherche effré­née de recon­nais­sance sociale et de pros­pé­ri­té éco­no­mique. Dans d’autres régions du monde, les effets néga­tifs d’un ordre éco­no­mique mon­dial injuste conduisent à des formes de reli­gio­si­té expo­sées aux extré­mismes sec­taires et radi­caux. Il faut aus­si men­tion­ner les mou­ve­ments ani­més par un fana­tisme politico-​religieux, sou­vent hos­tile au chris­tia­nisme. Créant insta­bi­li­té, semant le désordre et la vio­lence, ils sont la cause de tant de misères et de souf­frances pour la vie des familles. L’Église est appe­lée à accom­pa­gner la reli­gio­si­té vécue dans les familles pour l’o­rien­ter dans un sens évangélique.

Le chan­ge­ment anthropologique

7 – Dans les dif­fé­rentes cultures, les rela­tions et l’ap­par­te­nance sont des valeurs impor­tantes qui forgent l’i­den­ti­té des indi­vi­dus. La famille offre aux per­sonnes la pos­si­bi­li­té de se réa­li­ser et de contri­buer à la crois­sance des autres dans la socié­té au sens large. L’identité chré­tienne et ecclé­siale de cha­cun, reçue dans le bap­tême, s’é­pa­nouit dans la beau­té de la vie fami­liale. Dans la socié­té d’au­jourd’­hui, on observe une mul­ti­tude de défis qui se mani­festent de façon plus ou moins forte dans les dif­fé­rentes par­ties du monde. Dans les diverses cultures, beau­coup de jeunes sont réti­cents à prendre des enga­ge­ments défi­ni­tifs dans leurs rela­tions affec­tives, et ils choi­sissent sou­vent de vivre en concu­bi­nage ou d’a­voir sim­ple­ment des rela­tions occa­sion­nelles. La dimi­nu­tion de la nata­li­té est le résul­tat de dif­fé­rents fac­teurs, par­mi les­quels l’in­dus­tria­li­sa­tion, la révo­lu­tion sexuelle, la peur de la sur­po­pu­la­tion, les pro­blèmes éco­no­miques, le déve­lop­pe­ment d’une men­ta­li­té tour­née vers la contra­cep­tion et l’a­vor­te­ment. La socié­té de consom­ma­tion peut éga­le­ment dis­sua­der d’a­voir des enfants, sim­ple­ment pour pré­ser­ver sa liber­té et son niveau de vie. Certains catho­liques ont des dif­fi­cul­tés à conduire leur vie en accord avec l’en­sei­gne­ment de l’Église catho­lique sur le mariage et la famille, et à voir dans cet ensei­gne­ment la bon­té du pro­jet créa­teur de Dieu pour eux. Dans cer­taines par­ties du monde, les mariages dimi­nuent, tan­dis que les sépa­ra­tions et les divorces sont nombreux.

Les contra­dic­tions culturelles

8 – Les condi­tions cultu­relles qui jouent sur la famille offrent dans de vastes par­ties du monde un cadre contras­té, notam­ment sous l’in­fluence mas­sive des médias. D’un côté, le mariage et la famille jouissent d’une grande estime, et l’i­dée que la famille repré­sente le che­min le plus sûr pour des sen­ti­ments plus pro­fonds et plus gra­ti­fiants reste domi­nante. D’un autre côté, cette image est par­fois pré­sen­tée comme le résul­tat d’at­tentes exces­sives et la consé­quence de pré­ten­tions réci­proques exa­gé­rées. Les ten­sions induites par une culture indi­vi­dua­liste exa­cer­bée, culture de la pos­ses­sion et de la jouis­sance, conduisent à des situa­tions de souf­france et d’a­gres­si­vi­té à l’in­té­rieur des familles. On peut éga­le­ment men­tion­ner une cer­taine vision du fémi­nisme, qui dénonce la mater­ni­té comme une façon d’ex­ploi­ter la femme et un obs­tacle à sa pleine réa­li­sa­tion. On constate aus­si une ten­dance crois­sante à consi­dé­rer la concep­tion d’un enfant comme un simple ins­tru­ment de l’af­fir­ma­tion de soi, à obte­nir par tous les moyens. Un défi cultu­rel de grande enver­gure émerge aujourd’­hui avec l’i­déo­lo­gie du « genre », qui nie la dif­fé­rence et la réci­pro­ci­té natu­relle entre un homme et une femme. Elle nous pro­jette dans une socié­té sans dif­fé­rence de sexe, et sape la base anthro­po­lo­gique de la famille. Cette idéo­lo­gie conduit à des pro­jets édu­ca­tifs et à des orien­ta­tions légis­la­tives qui pro­meuvent une iden­ti­té per­son­nelle et une inti­mi­té affec­tive radi­ca­le­ment sépa­rées de la dif­fé­rence bio­lo­gique entre mas­cu­lin et fémi­nin. L’identité humaine est lais­sée à un choix indi­vi­duel, qui peut évo­luer dans le temps. Dans la vision de la foi, la dif­fé­rence sexuelle humaine porte en elle l’i­mage et la res­sem­blance avec Dieu (cf. Gn 1,26–27). « Cela nous dit que non seule­ment l’homme pris en soi est à l’i­mage de Dieu, non seule­ment la femme prise en soi est l’i­mage de Dieu, mais aus­si que l’homme et la femme, comme couple, sont l’i­mage de Dieu. (…) Nous pou­vons dire que sans l’en­ri­chis­se­ment réci­proque dans cette rela­tion – dans la pen­sée et dans l’ac­tion, dans les attaches fami­liales et dans le tra­vail, et éga­le­ment dans la foi – tous deux ne peuvent même pas com­prendre plei­ne­ment ce que signi­fie être homme et femme. La culture moderne et contem­po­raine a ouvert de nou­veaux espaces, de nou­velles liber­tés et de nou­velles pers­pec­tives pour une com­pré­hen­sion plus riche de cette dif­fé­rence. Mais elle a intro­duit éga­le­ment de nom­breux doutes et beau­coup de scep­ti­cisme. (…) L’annulation de la dif­fé­rence (…) est le pro­blème, pas la solu­tion » (François, audience géné­rale, 15 avril 2015).

Conflits et ten­sions sociales

9 – La qua­li­té affec­tive et spi­ri­tuelle de la vie fami­liale est gra­ve­ment mena­cée par la mul­ti­pli­ca­tion des conflits, par l’ap­pau­vris­se­ment des res­sources, par les phé­no­mènes migra­toires. De vio­lentes per­sé­cu­tions reli­gieuses, par­ti­cu­liè­re­ment à l’en­contre des familles chré­tiennes, dévastent des régions entières de notre pla­nète, créant des mou­ve­ments d’exode et d’im­menses vagues de réfu­giés qui exercent de grandes pres­sions sur les capa­ci­tés des régions d’ac­cueil. Les familles ain­si éprou­vées sont très sou­vent contraintes au déra­ci­ne­ment et sont à la limite de la dis­so­lu­tion. La fidé­li­té des chré­tiens à leur foi, leur patience et leur atta­che­ment à leur pays d’o­ri­gine sont admi­rables à tout point de vue. Les efforts de tous les res­pon­sables poli­tiques et reli­gieux pour répandre et pro­té­ger la culture des droits de l’homme sont encore insuf­fi­sants. Il faut encore res­pec­ter la liber­té de conscience et pro­mou­voir une coexis­tence har­mo­nieuse entre tous les habi­tants fon­dée sur la citoyen­ne­té, l’é­ga­li­té et la jus­tice. Le poids de poli­tiques éco­no­miques et sociales iniques, même dans nos socié­tés déve­lop­pées, a un lourd impact sur l’é­du­ca­tion des enfants, le soin des malades et des plus âgés. La dépen­dance à l’al­cool, aux drogues et aux jeux d’argent est l’ex­pres­sion de ces contra­dic­tions sociales et du malaise qui en découle dans la vie des familles. L’accumulation de richesses par une mino­ri­té et le détour­ne­ment de res­sources des­ti­nées au pro­jet fami­lial accroissent l’ap­pau­vris­se­ment des familles dans de mul­tiples régions du monde.

Fragilité et force de la famille

10 – La famille, com­mu­nau­té humaine fon­da­men­tale, souffre gran­de­ment de son affai­blis­se­ment et de sa fra­gi­li­té dans la crise cultu­relle et sociale actuelle. Elle n’en démontre pas moins sa capa­ci­té à trou­ver en elle-​même le cou­rage d’af­fron­ter l’i­na­dé­qua­tion voire l’ab­sence des ins­ti­tu­tions concer­nant la for­ma­tion des per­sonnes, la qua­li­té des rap­ports sociaux, les soins appor­tés aux plus vul­né­rables. Il est donc par­ti­cu­liè­re­ment néces­saire d’ap­pré­cier à sa juste valeur la force de la famille, pour pou­voir la défendre dans sa fra­gi­li­té. Une telle force réside essen­tiel­le­ment dans sa capa­ci­té d’ai­mer et d’ap­prendre à aimer. Aussi bles­sée soit-​elle, une famille pour­ra tou­jours gran­dir en s’ap­puyant sur l’amour.

Chapitre II – La famille et le contexte socio-économique

La famille, res­source irrem­pla­çable de la socié­té

11 – « La famille est une école d’en­ri­chis­se­ment humain (…), elle est le fon­de­ment de la socié­té » (GS, 52). L’ensemble des liens de paren­té, au-​delà du cercle res­treint de la famille, offre un sou­tien pré­cieux à l’é­du­ca­tion des enfants, à la trans­mis­sion des valeurs, à l’en­tre­tien des liens entre les géné­ra­tions, à l’en­ri­chis­se­ment d’une spi­ri­tua­li­té vécue. Alors que dans cer­taines régions du monde, cette vision de la famille est pro­fon­dé­ment ancrée dans la culture sociale domi­nante, elle appa­raît ailleurs très affai­blie. Il est cer­tain que, dans une époque de frag­men­ta­tion accen­tuée des situa­tions de vie, les mul­tiples niveaux et facettes des rela­tions entre famille proche et plus éloi­gnée consti­tuent sou­vent les uniques liens avec les ori­gines et les racines fami­liales. Le sou­tien du réseau fami­lial est encore plus néces­saire là où la mobi­li­té du tra­vail, les migra­tions, les catas­trophes et l’exil mettent en dan­ger la sta­bi­li­té du noyau familial.

Politiques en faveur de la famille

12 – Les auto­ri­tés res­pon­sables du bien com­mun doivent se sen­tir sérieu­se­ment enga­gées envers ce bien social fon­da­men­tal qu’est la famille. La pré­oc­cu­pa­tion pre­mière de l’ad­mi­nis­tra­tion de la socié­té civile doit être de per­mettre et de pro­mou­voir des poli­tiques fami­liales qui sou­tiennent et encou­ragent les familles, en pre­mier lieu celles qui sont les plus en dif­fi­cul­té. Il est néces­saire de recon­naître de façon plus concrète l’ac­tion com­pen­sa­toire de la famille dans le contexte des « sys­tèmes de wel­fare » modernes : elle redis­tri­bue les res­sources et rem­plit des devoirs indis­pen­sables au bien com­mun, contri­buant à rééqui­li­brer les effets néga­tifs des inéga­li­tés sociales. « La famille mérite une atten­tion spé­ciale de la part des res­pon­sables du bien com­mun, parce qu’elle est la cel­lule fon­da­men­tale de la socié­té, qui apporte des liens solides d’u­nion sur les­quels se fonde la vie humaine en com­mun et, à tra­vers la pro­créa­tion et l’é­du­ca­tion de ses enfants, assure l’a­ve­nir et le renou­vel­le­ment de la socié­té ». (François, dis­cours à l’aé­ro­port inter­na­tio­nal El Alto, Bolivie, 8 juillet 2015).

Solitude et précarité

13. Dans des contextes cultu­rels où les rela­tions sont fra­gi­li­sées par des styles de vie égoïstes, la soli­tude est de plus en plus fré­quente. Souvent, seul le sens de la pré­sence de Dieu sou­tient les per­sonnes face à ce vide. La sen­sa­tion géné­rale d’im­puis­sance face à une réa­li­té socioé­co­no­mique pesante, une pau­vre­té crois­sante et la pré­ca­ri­té du tra­vail : tout cela impose de façon tou­jours plus fré­quente la recherche d’un emploi loin de sa famille, pour pou­voir la faire vivre. Une telle néces­si­té crée de longues absences et sépa­ra­tions qui affai­blissent les rela­tions et isolent les membres de la famille les uns des autres. Il est de la res­pon­sa­bi­li­té de l’État de créer les condi­tions en matière de légis­la­tion et d’emploi pour garan­tir l’a­ve­nir des jeunes et les aider à réa­li­ser leur pro­jet de fon­der une famille. La cor­rup­tion, qui mine par­fois ces ins­ti­tu­tions, entache pro­fon­dé­ment la confiance et l’es­pé­rance des nou­velles géné­ra­tions, et au-​delà. Les consé­quences néga­tives de cette défiance sont évi­dentes : elles vont de la crise démo­gra­phique aux pro­blèmes édu­ca­tifs, de la dif­fi­cul­té d’ac­cueillir un nouveau-​né au sen­ti­ment de poids que la pré­sence des plus âgés peut sus­ci­ter, jus­qu’au fait de se lais­ser gagner par un malaise affec­tif pou­vant par­fois abou­tir à l’a­gres­si­vi­té et à la violence.

Économie et équité

14. Les condi­tions maté­rielles et éco­no­miques ont une influence sur la vie fami­liale dans les deux sens : elles peuvent contri­buer à sa crois­sance et faci­li­ter son déve­lop­pe­ment, ou bien faire obs­tacle à son épa­nouis­se­ment, son uni­té et sa cohé­rence. À cause des contraintes éco­no­miques, les familles sont exclues de l’ac­cès à l’é­du­ca­tion, à la vie cultu­relle et à une vie sociale active. L’actuel sys­tème éco­no­mique pro­duit diverses formes d’ex­clu­sion sociale. Les familles souffrent en par­ti­cu­lier des pro­blèmes liés au tra­vail. Les pos­si­bi­li­tés pour les jeunes sont peu nom­breuses, et l’offre de tra­vail est très sélec­tive et pré­caire. Les jour­nées de tra­vail sont longues et sou­vent alour­dies de longs temps de tra­jet. Cela n’aide pas les familles à se retrou­ver entre elles, autour des enfants, et de nour­rir les rela­tions quo­ti­diennes. La « crois­sance dans l’é­qui­té » exige « des déci­sions, des pro­grammes, des méca­nismes et des pro­ces­sus spé­ci­fi­que­ment orien­tés vers une meilleure dis­tri­bu­tion des reve­nus » (EG, 204) et la mise en œuvre d’un sou­tien com­plet envers les pauvres. Des poli­tiques fami­liales adé­quates sont néces­saires à la vie fami­liale : elles sont les condi­tions d’un ave­nir vivable, har­mo­nieux et digne.

Pauvreté et exclusion

15. Certains groupes sociaux et reli­gieux se trouvent par­tout en marge de la socié­té : ce sont les migrants, les gens du voyage, les sans domi­cile fixe, les réfu­giés, les intou­chables selon le sys­tème de castes, enfin ceux qui souffrent de mala­dies stig­ma­ti­santes socia­le­ment. La Sainte Famille de Nazareth elle aus­si, a connu l’ex­pé­rience amère de la mar­gi­na­li­sa­tion et du refus (cf. Lc 2,7 ; Mt 2, 13–15). Les paroles de Jésus sur le juge­ment der­nier sont à ce pro­pos sans équi­voque : « Chaque fois que vous l’a­vez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’a­vez fait » (Mt 25,40). Le sys­tème éco­no­mique actuel pro­duit de nou­velles formes d’ex­clu­sion sociale, qui rendent sou­vent les pauvres invi­sibles aux yeux de la socié­té. La culture domi­nante et les moyens de com­mu­ni­ca­tion contri­buent à aggra­ver cette situa­tion. Cela est dû au fait que « dans ce sys­tème, l’homme, la per­sonne humaine, a été ôtée du centre et a été rem­pla­cée par autre chose. Parce qu’on rend un culte ido­lâtre à l’argent. Parce que l’in­dif­fé­rence s’est mon­dia­li­sée ! » (François, dis­cours aux par­ti­ci­pants à la Rencontre mon­diale des mou­ve­ments popu­laires, 28 octobre 2014). Dans un tel cadre, la condi­tion des enfants sus­cite une pré­oc­cu­pa­tion par­ti­cu­lière : ils sont les vic­times inno­centes de l’ex­clu­sion, qui les rend véri­ta­ble­ment et pro­pre­ment « orphe­lins sociaux » et les marque tra­gi­que­ment pour toute leur vie. Malgré les énormes dif­fi­cul­tés qu’elles ren­contrent, de nom­breuses familles pauvres et mar­gi­na­li­sées s’ef­forcent de vivre avec digni­té dans leur vie quo­ti­dienne, se confiant à Dieu, qui ne déçoit pas et n’a­ban­donne personne.

Écologie et famille

16. L’Église, grâce à l’im­pul­sion du Magistère pon­ti­fi­cal, sou­haite que l’on repense pro­fon­dé­ment l’o­rien­ta­tion du sys­tème mon­dial. Dans cette pers­pec­tive, elle col­la­bore au déve­lop­pe­ment d’une nou­velle culture éco­lo­gique : une pen­sée, une poli­tique, un pro­gramme édu­ca­tif, un style de vie et une spi­ri­tua­li­té. Puisque tout est inti­me­ment lié, comme l’af­firme le pape François dans l’en­cy­clique Laudato Si, il est néces­saire d’ap­pro­fon­dir les aspects d’une « éco­lo­gie inté­grale » qui inclut non seule­ment les dimen­sions envi­ron­ne­men­tales, mais éga­le­ment les dimen­sions humaines, sociales et éco­no­miques pour un déve­lop­pe­ment durable et pour la sau­ve­garde de la créa­tion. La famille, qui fait par­tie de l’é­co­lo­gie humaine de manière par­ti­cu­lière, doit être pro­té­gée de façon adé­quate (cf. Jean-​Paul II, Centesimus Annus, 38). Grâce à la famille, nous appar­te­nons à l’en­semble de la créa­tion, nous contri­buons de manière spé­ci­fique à pro­mou­voir la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, nous appre­nons la signi­fi­ca­tion d’a­voir un corps et le lan­gage plein d’a­mour de la dif­fé­rence homme-​femme, et nous col­la­bo­rons au des­sein du Créateur (cf. LS, 5, 155). La conscience de tout cela exige une véri­table conver­sion, à mener en famille. C’est au sein de celle-​ci que l”« on cultive les pre­miers réflexes d’a­mour et de pré­ser­va­tion de la vie, comme par exemple l’u­ti­li­sa­tion cor­recte des choses, l’ordre et la pro­pre­té, le res­pect pour l’é­co­sys­tème local et la pro­tec­tion de tous les êtres créés. La famille est le lieu de la for­ma­tion inté­grale, où se déroulent les dif­fé­rents aspects, inti­me­ment reliés entre eux, de la matu­ra­tion per­son­nelle ». (LS, 213).

Chapitre III – Famille, inclusion et société

Le troi­sième âge

17. L’une des tâches les plus lourdes et les plus urgentes de la famille chré­tienne est de pro­té­ger le lien entre les géné­ra­tions pour la trans­mis­sion de la foi et des valeurs fon­da­men­tales de la vie. La plu­part des familles res­pecte les per­sonnes âgées, les entoure d’af­fec­tion et voit en elles une béné­dic­tion. Une recon­nais­sance par­ti­cu­lière doit aller aux asso­cia­tions et aux mou­ve­ments fami­liaux qui oeuvrent en faveur des plus âgés dans les domaines spi­ri­tuels et sociaux, en par­ti­cu­lier ceux qui agissent en col­la­bo­ra­tion avec les prêtres ayant charge d’âmes. Dans cer­tains milieux, les per­sonnes âgées sont consi­dé­rées comme une richesse dans la mesure où elles assurent la sta­bi­li­té, la conti­nui­té et la mémoire des familles et des socié­tés. Dans les socié­tés très indus­tria­li­sées, où leur nombre tend à aug­men­ter tan­dis que la nata­li­té dimi­nue, elles peuvent être per­çues comme un poids. D’autre part, les soins qu’elles requièrent mettent sou­vent leurs proches en dif­fi­cul­té. « Les per­sonnes âgées sont des hommes et des femmes, des pères et des mères qui sont pas­sés avant nous sur notre même route, dans notre même mai­son, dans notre bataille quo­ti­dienne pour une vie digne. Ce sont des hommes et des femmes dont nous avons beau­coup reçu. La per­sonne âgée n’est pas un extra­ter­restre. La per­sonne âgée, c’est nous, dans peu de temps, dans long­temps, mais cepen­dant inévi­ta­ble­ment, même si nous n’y pen­sons pas. Et si nous n’ap­pre­nons pas à bien trai­ter les per­sonnes âgées, nous serons trai­tés de la même manière » (François, audience géné­rale, 4 mars 2015).

18. La pré­sence des grands-​parents dans la famille mérite une atten­tion par­ti­cu­lière. Ils sont le maillon entre les géné­ra­tions et assurent un équi­libre psy­choaf­fec­tif à tra­vers la trans­mis­sion de tra­di­tions et d’ha­bi­tudes, de valeurs et de ver­tus dans les­quelles les plus jeunes peuvent recon­naître leurs racines. En outre, les grands-​parents réflé­chissent régu­liè­re­ment avec leurs enfants sur les ques­tions éco­no­miques, édu­ca­tives et sur la trans­mis­sion de la foi aux petits-​enfants. Beaucoup de per­sonnes font le constat que c’est à leurs grands-​parents qu’ils doivent leur ini­tia­tion à la vie chré­tienne. Comme dit le livre du Siracide : « Ne fuis pas la conver­sa­tion des vieillards – eux-​mêmes ont appris de leurs pères – car auprès d’eux tu acquer­ras l’in­tel­li­gence et l’art de répondre en temps vou­lu » (Si 8,9). Espérons que dans la famille, dans la suc­ces­sion des géné­ra­tions, la foi soit com­mu­ni­quée et pro­té­gée comme un pré­cieux héri­tage pour les nou­velles familles.

Le veu­vage

19. Le veu­vage est une expé­rience par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile pour celui qui a vécu le choix du mariage et de la vie fami­liale comme un don. Cependant il peut, sous le regard de la foi, être valo­ri­sé de dif­fé­rentes façons. À par­tir du moment où l’on se retrouve à vivre cette expé­rience, cer­tains savent uti­li­ser leur éner­gie avec encore plus d’im­pli­ca­tion pour leurs enfants et leurs petits-​enfants, trou­vant dans cette expres­sion de l’a­mour une nou­velle mis­sion édu­ca­tive. Le vide lais­sé par le conjoint dis­pa­ru est dans un cer­tain sens rem­pli par l’af­fec­tion des proches qui valo­risent les per­sonnes veuves, leur don­nant de pro­té­ger ain­si la mémoire si pré­cieuse de leur mariage. Ceux qui ne peuvent comp­ter sur la pré­sence de proches à qui se consa­crer et dont ils peuvent rece­voir affec­tion et atten­tion, doivent être sou­te­nus par la com­mu­nau­té chré­tienne avec une atten­tion et une dis­po­ni­bi­li­té par­ti­cu­lières, sur­tout s’ils se trouvent dans une situa­tion de pau­vre­té. Les per­sonnes veuves peuvent célé­brer une nou­velle union sacra­men­telle sans rien enle­ver à la valeur de leur pré­cé­dent mariage (cf. 1 Co 7,39). Aux débuts et au cours de son his­toire, l’Église a mani­fes­té une atten­tion toute par­ti­cu­lière envers les veuves (cf. 1 Ti 5,3–16), allant jus­qu’à ins­ti­tuer l’or­do vidua­rum (l’ordre des veuves), qui pour­rait être aujourd’­hui remis en pratique.

Les der­nières années de vie et le deuil en famille

20. La mala­die, l’ac­ci­dent ou la vieillesse qui conduisent à la mort ont des réper­cus­sions sur toute la vie fami­liale. L’expérience du deuil devient par­ti­cu­liè­re­ment dou­lou­reuse quand la perte concerne un enfant ou un jeune. Cette dif­fi­cile expé­rience demande une atten­tion pas­to­rale par­ti­cu­lière, éga­le­ment à tra­vers l’im­pli­ca­tion de la com­mu­nau­té chré­tienne. Valoriser les der­niers ins­tants de la vie est aujourd’­hui d’au­tant plus néces­saire que l’on essaie par tous les moyens d’i­gno­rer le moment du tré­pas. La fra­gi­li­té et la dépen­dance des per­sonnes âgées sont alors mises à pro­fit de façon inique pour de simples rai­sons éco­no­miques. De nom­breuses familles nous montrent qu’il est pos­sible d’af­fron­ter les der­nières étapes de la vie en met­tant en valeur le sens de l’ac­com­plis­se­ment et de l’in­té­gra­tion de la vie tout entière dans le mys­tère pas­cal. De nom­breuses per­sonnes âgées sont accueillies dans des struc­tures ecclé­siales où elles peuvent vivre dans une ambiance sereine et fami­liale, sur les plans maté­riel et spi­ri­tuel. L’euthanasie et le sui­cide assis­té consti­tuent de graves menaces pour les familles dans le monde entier. Leur pra­tique est légale dans de nom­breux États. L’Église, tout en condam­nant fer­me­ment ces pra­tiques, se sent le devoir d’ai­der les familles qui prennent soin de leurs membres les plus âgés et malades, et de pro­mou­voir par tous les moyens la digni­té et la valeur de la per­sonne jus­qu’à la fin natu­relle de sa vie.

Les per­sonnes avec des besoins particuliers

21. Un regard par­ti­cu­lier doit être por­té sur les familles avec des per­sonnes han­di­ca­pées. Le han­di­cap, qui sur­git dans leur vie, consti­tue un défi pro­fond et inat­ten­du, et bou­le­verse les équi­libres, les dési­rs et les attentes. Cela apporte des émo­tions contra­dic­toires et mène à des déci­sions dif­fi­ciles à prendre et à gérer, tout en impo­sant des devoirs, des actions à mener dans l’ur­gence et des nou­velles res­pon­sa­bi­li­tés. L’image de la famille et tout son rythme de vie sont pro­fon­dé­ment per­tur­bés. Les familles qui acceptent avec amour cette épreuve dif­fi­cile d’a­voir un enfant han­di­ca­pé méritent toute notre admi­ra­tion. Elles donnent à l’Église et à la socié­té un témoi­gnage pré­cieux de fidé­li­té au don de la vie. La famille pour­ra décou­vrir, avec toute la com­mu­nau­té chré­tienne, de nou­veaux gestes et de nou­veaux lan­gages, d’autres formes de com­pré­hen­sion et d’i­den­ti­té, sur le che­min d’ac­cueil et d’at­ten­tion au mys­tère de la fra­gi­li­té. Les per­sonnes han­di­ca­pées consti­tuent pour la famille un don et une oppor­tu­ni­té de gran­dir dans l’a­mour, dans l’aide réci­proque et dans l’u­ni­té. L’Église, famille de Dieu, veut être une mai­son accueillante pour les familles avec des per­sonnes han­di­ca­pées (cf. Jean-​Paul II, homé­lie pour le jubi­lé des por­teurs de han­di­cap, 3 décembre 2000). Elle contri­bue à les aider dans leurs rela­tions fami­liales et dans leur édu­ca­tion, et leur offre des moyens de par­ti­ci­per à la vie litur­gique de la com­mu­nau­té. Pour cer­taines per­sonnes han­di­ca­pées aban­don­nées ou demeu­rées seules, les ins­ti­tu­tions ecclé­siales d’ac­cueil consti­tuent sou­vent l’u­nique famille. Le Synode exprime à ces der­nières sa vive gra­ti­tude et son pro­fond sou­tien. Un tel pro­ces­sus d’in­té­gra­tion s’a­vère plus dif­fi­cile dans les socié­tés où per­durent la stig­ma­ti­sa­tion et les pré­ju­gés – qui vont jus­qu’à être théo­ri­sés dans une vision eugé­niste. Cependant, de nom­breuses familles, com­mu­nau­tés et mou­ve­ments ecclé­siaux découvrent et célèbrent les dons de Dieu dans ces per­sonnes aux besoins spé­ci­fiques, en par­ti­cu­lier leur sin­gu­lière capa­ci­té à com­mu­ni­quer et à ras­sem­bler. Une atten­tion par­ti­cu­lière est accor­dée aux per­sonnes han­di­ca­pées qui sur­vivent à leurs parents et famille plus large qui les ont sou­te­nues tout au long de leur vie. La mort de ceux qui les ont aimées et qu’elles ont aimés les rend par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­rables. Une famille qui accepte, avec le regard de la foi, la pré­sence de per­sonnes han­di­ca­pées, pour­ra recon­naître et garan­tir la qua­li­té et la valeur de toute vie, avec ses besoins, ses droits et ses oppor­tu­ni­tés. Elle sol­li­ci­te­ra des ser­vices et des soins, et favo­ri­se­ra une pré­sence affec­tueuse dans toutes les phases de la vie.

Les per­sonnes célibataires

22. Beaucoup de per­sonnes qui ne se marient pas se consacrent non seule­ment à leur famille d’o­ri­gine, mais elles rendent aus­si sou­vent de grands ser­vices dans leur cercle d’a­mis, leur com­mu­nau­té ecclé­siale et leur vie pro­fes­sion­nelle. Il n’en reste pas moins que leur pré­sence et leur contri­bu­tion sont sou­vent négli­gées, et cela leur pro­cure un cer­tain sen­ti­ment de soli­tude. On trouve sou­vent chez elles de nobles moti­va­tions, qui conduisent à leur pleine impli­ca­tion dans les domaines artis­tiques, scien­ti­fiques ou pour le bien com­mun. Beaucoup mettent éga­le­ment leurs talents au ser­vice de la com­mu­nau­té chré­tienne, dans le cadre d’ac­ti­vi­tés de cha­ri­té et de béné­vo­lat. Puis il y a celles qui ne se marient pas car elles entrent dans la vie consa­crée, par amour du Christ et de leurs frères. Leur enga­ge­ment est une source d’en­ri­chis­se­ment pour la famille, que ce soit dans l’Église ou dans la société.

Migrants, réfu­giés et persécutés

23. Les consé­quences des phé­no­mènes migra­toires sur la famille méritent une atten­tion pas­to­rale par­ti­cu­lière. Cela touche, avec des moda­li­tés dif­fé­rentes, des popu­la­tions entières dans diverses par­ties du monde. L’Église a joué dans ce domaine un rôle de pre­mier plan. Aujourd’hui plus que jamais, la néces­si­té de main­te­nir et de déve­lop­per ce témoi­gnage évan­gé­lique (cf. Mt 25,35) semble urgente. L’histoire de l’hu­ma­ni­té est une his­toire de migra­tion : cette véri­té est ins­crite dans la vie des peuples et des familles. Même notre foi nous le redit : nous sommes tous des pèle­rins. Cette convic­tion doit sus­ci­ter en nous com­pré­hen­sion, ouver­ture et res­pon­sa­bi­li­té face aux défis des migra­tions, tant pour celles vécues dans la souf­france que pour celles qui sont consi­dé­rées comme une oppor­tu­ni­té. La mobi­li­té des hommes, qui cor­res­pond au mou­ve­ment his­to­rique natu­rel des peuples, peut se révé­ler être une authen­tique richesse, tant pour la famille qui émigre que pour le pays qui l’ac­cueille. Toute autre chose est la migra­tion for­cée des familles, résul­tat de situa­tions de guerre, de per­sé­cu­tions, de pau­vre­té, d’in­jus­tices, mar­quée par les aléas d’un voyage qui met les vies en dan­ger, trau­ma­tise les per­sonnes et désta­bi­lise les familles. L’accompagnement des migrants exige une pas­to­rale spé­ci­fique tour­née vers la famille immi­grante, mais aus­si vers les membres des familles res­tés dans leur pays d’o­ri­gine. Cet accom­pa­gne­ment doit être mené dans le res­pect de leur culture, de leur for­ma­tion reli­gieuse et humaine, de la richesse spi­ri­tuelle de leurs rites et tra­di­tions. Il doit prendre s’il le faut la forme d’une approche pas­to­rale spé­ci­fique : « Il est impor­tant de consi­dé­rer les migrants non seule­ment en fonc­tion de la régu­la­ri­té ou de l’ir­ré­gu­la­ri­té de leur condi­tion, mais sur­tout comme des per­sonnes qui, une fois leur digni­té assu­rée, peuvent contri­buer au bien-​être et au pro­grès de tous, en par­ti­cu­lier lors­qu’ils assument la res­pon­sa­bi­li­té de leurs devoirs envers ceux qui les accueillent, en res­pec­tant de façon recon­nais­sante le patri­moine maté­riel et spi­ri­tuel du pays hôte, en obéis­sant à ses lois et en contri­buant à ses charges (François, mes­sage pour la jour­née mon­diale des migrants et des réfu­giés 2016, 12 sep­tembre 2015). Les migra­tions sont par­ti­cu­liè­re­ment dra­ma­tiques et dévas­ta­trices pour les familles et pour les indi­vi­dus quand elles se déroulent en dehors de la léga­li­té et sont orga­ni­sées par des cir­cuits inter­na­tio­naux de traite des êtres humains. On peut en dire de même quand elles concernent des femmes ou des enfants livrés à eux-​mêmes, contraints à des séjours pro­lon­gés dans des lieux de pas­sage, dans des camps de réfu­giés, où il est impos­sible d’en­vi­sa­ger un par­cours d’in­té­gra­tion. La pau­vre­té extrême ou d’autres situa­tions de dés­in­té­gra­tion amènent par­fois les familles à vendre leurs propres enfants à des fins de pros­ti­tu­tion ou de tra­fic d’organes.

24. La ren­contre avec un nou­veau pays et une nou­velle culture est d’au­tant plus dif­fi­cile quand les condi­tions d’un accueil et d’une accep­ta­tion authen­tiques, dans le res­pect des droits de tous et d’une coexis­tence paci­fique et soli­daire, ne sont pas réunies. Ce devoir inter­pelle direc­te­ment la com­mu­nau­té chré­tienne : « La res­pon­sa­bi­li­té d’of­frir accueil, soli­da­ri­té et assis­tance aux réfu­giés revient avant tout à l’Église locale. Elle est appe­lée à incar­ner les exi­gences de l’Évangile en allant, sans faire de dis­tinc­tions, au-​devant de ces per­sonnes alors dans le besoin et dans la soli­tude » (Conseil pon­ti­fi­cal Cor Unum et Conseil pon­ti­fi­cal pour la pas­to­rale des migrants et des per­sonnes en dépla­ce­ment, Les réfu­giés, un défi à la soli­da­ri­té, 26). Aujourd’hui, dans beau­coup de cas, le mal du pays, la nos­tal­gie pour les racines per­dues et les dif­fi­cul­tés d’in­té­gra­tion sont des pro­blèmes qui ne sont pas sur­mon­tés et qui créent de nou­velles souf­frances, même pour la deuxième ou troi­sième géné­ra­tion de familles de migrants, ali­men­tant les phé­no­mènes de fon­da­men­ta­lisme et de violent rejet de la part de la culture qui accueille. Pour dépas­ser ces dif­fi­cul­tés, la ren­contre entre familles est une res­source pré­cieuse, et les femmes jouent sou­vent un rôle essen­tiel dans le pro­ces­sus d’in­té­gra­tion, à tra­vers le par­tage d’ex­pé­rience au sujet de la crois­sance des enfants. En effet, même dans la situa­tion de pré­ca­ri­té qui est la leur, elles témoignent d’une culture de l’a­mour fami­lial qui encou­rage les autres familles à accueillir et à pro­té­ger la vie, en se mon­trant soli­daires. Les femmes peuvent trans­mettre aux nou­velles géné­ra­tions la foi vivante dans le Christ, qui les a sou­te­nues dans l’ex­pé­rience dou­lou­reuse de la migra­tion et qui en a été ren­for­cée. Les per­sé­cu­tions des chré­tiens, ain­si que celles de mino­ri­tés eth­niques et reli­gieuses en diverses par­ties du monde, spé­cia­le­ment au Moyen-​Orient, consti­tuent une grande épreuve non seule­ment pour l’Église mais pour toute la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Tout effort pour favo­ri­ser le main­tien des familles et des com­mu­nau­tés chré­tiennes dans leur pays d’o­ri­gine doit être sou­te­nu. Benoît XVI a affir­mé : « Un Moyen-​Orient sans ou avec peu de chré­tiens n’est plus le Moyen-​Orient, car les chré­tiens par­ti­cipent avec les autres croyants à l’i­den­ti­té si par­ti­cu­lière de la région » (Exhortation apos­to­lique Ecclesia in Medio Oriente, 31).

Quelques défis particuliers

25. Dans cer­taines socié­tés sub­siste encore la pra­tique de la poly­ga­mie ; dans d’autres contextes, on pra­tique encore les mariages arran­gés. Dans les pays où la pré­sence de l’Église catho­lique est mino­ri­taire, les mariages mixtes avec des dis­pa­ri­tés de culte sont nom­breux, avec toutes les dif­fi­cul­tés que cela com­porte concer­nant les aspects juri­diques, le bap­tême, l’é­du­ca­tion des enfants et le res­pect réci­proque face aux dif­fé­rences en matière de foi. Dans ces mariages, il peut exis­ter le risque du rela­ti­visme ou de l’in­dif­fé­rence, mais cela peut aus­si favo­ri­ser l’es­prit oecu­mé­nique et le dia­logue inter­re­li­gieux, dans une har­mo­nieuse coha­bi­ta­tion de com­mu­nau­tés vivant dans un même lieu. Dans de nom­breux endroits, et pas seule­ment en Occident, se dif­fuse lar­ge­ment la pra­tique d’une coha­bi­ta­tion avant le mariage ou même de coha­bi­ta­tion sans aspi­rer à un lien ins­ti­tu­tion­nel. À cela s’a­joute sou­vent une légis­la­tion civile qui com­pro­met le mariage et la famille. Dans de nom­breux endroits du monde, à cause de la sécu­la­ri­sa­tion, la réfé­rence à Dieu dimi­nue for­te­ment et la foi n’est plus un fait social partagé.

Les enfants

26. Les enfants sont une béné­dic­tion de Dieu (cf. Gn 4,1). Ils doivent occu­per la pre­mière place dans la vie fami­liale et sociale, et consti­tuer une prio­ri­té dans l’ac­tion pas­to­rale de l’Église : « En effet, l’on peut juger la socié­té à la façon dont on y traite les enfants, mais pas seule­ment mora­le­ment, socio­lo­gi­que­ment aus­si, si c’est une socié­té libre ou une socié­té esclave d’in­té­rêts inter­na­tio­naux. (…) Les enfants nous rap­pellent (…) que nous sommes tou­jours des enfants (…). Et cela nous ren­voie tou­jours au fait que nous ne nous sommes pas don­né la vie nous-​mêmes mais que nous l’a­vons reçue » (François, audience géné­rale, 18 mars 2015). Cependant, les enfants deviennent sou­vent objets de litige entre les parents et sont les véri­tables vic­times des déchi­re­ments fami­liaux. Les droits des enfants sont négli­gés de mul­tiples façons. Dans cer­taines régions du monde, ils sont consi­dé­rés comme une véri­table mar­chan­dise, trai­tés comme des tra­vailleurs à bas coûts, uti­li­sés pour faire la guerre, objets de tout type de vio­lence phy­sique et psy­cho­lo­gique. Les enfants migrants sont expo­sés à dif­fé­rentes sortes de souf­frances. De plus, l’ex­ploi­ta­tion sexuelle de l’en­fance consti­tue l’une des réa­li­tés les plus scan­da­leuses et per­verses de la socié­té actuelle. Dans les socié­tés tra­ver­sées par la vio­lence à cause de la guerre, du ter­ro­risme ou de la pré­sence du crime orga­ni­sé, les situa­tions fami­liales dégra­dées se mul­ti­plient. Dans les grandes métro­poles et dans leurs péri­phé­ries, le phé­no­mène des enfants des rues se déve­loppe dramatiquement.

La femme

27. La femme joue un rôle déter­mi­nant dans la vie des per­sonnes, de la famille et de la socié­té. « Chaque per­sonne humaine doit la vie à une mère, et presque tou­jours, elle lui doit une grande par­tie de son exis­tence qui suit, de sa for­ma­tion humaine et spi­ri­tuelle » (François, audience géné­rale, 7 jan­vier 2015). La mère pro­tège la mémoire et le sens de la nais­sance pour toute la vie : « Marie, cepen­dant, rete­nait tous ces évé­ne­ments et les médi­tait dans son cœur (Lc 2,19.51). Il n’en reste pas moins que la condi­tion fémi­nine dans le monde est mar­quée par de grandes dif­fé­rences, dues prin­ci­pa­le­ment à des fac­teurs socio­cul­tu­rels. Il faut défendre et pro­mou­voir la digni­té de la femme. Il ne s’a­git pas seule­ment d’un pro­blème de res­sources éco­no­miques, mais d’une pers­pec­tive cultu­relle autre, comme le montrent les condi­tions de vie dif­fi­ciles pour les femmes dans de nom­breux pays ayant connu un déve­lop­pe­ment récent. Encore de nos jours, dans de nom­breuses situa­tions, être une femme est cause de dis­cri­mi­na­tion : même la mater­ni­té est péna­li­sée au lieu d’être valo­ri­sée. D’un autre côté, dans cer­taines cultures, la sté­ri­li­té pour une femme est source de dis­cri­mi­na­tion sociale. Il ne faut pas non plus oublier les phé­no­mènes crois­sants de vio­lence dont les femmes sont vic­times au sein de la famille. L’exploitation des femmes et les vio­lences faites à leur corps sont sou­vent liées à l’a­vor­te­ment et à la sté­ri­li­sa­tion for­cée. À cela s’a­joutent les consé­quences néga­tives de pra­tiques liées à la pro­créa­tion, telles que la ges­ta­tion pour autrui, ou le mar­ché des gamètes et des embryons. L’émancipation fémi­nine requiert de repen­ser la répar­ti­tion des tâches entre époux et leur res­pon­sa­bi­li­té com­mune en ce qui concerne la vie fami­liale. Le désir d’en­fant à tout prix n’a pas conduit à des rela­tions fami­liales plus heu­reuses et plus solides. Au contraire, dans de nom­breux cas, elle a aggra­vé de fait l’i­né­ga­li­té entre femmes et hommes. Pour contri­buer à la recon­nais­sance sociale de leur rôle déter­mi­nant, on pour­rait valo­ri­ser davan­tage les res­pon­sa­bi­li­tés des femmes au sein de l’Église : leur inter­ven­tion dans les pro­ces­sus de déci­sion, leur par­ti­ci­pa­tion au gou­ver­ne­ment de cer­taines ins­ti­tu­tions, leur impli­ca­tion dans la for­ma­tion des ministres ordonnés.

L’homme

28. L’homme joue un rôle tout aus­si déci­sif dans la vie de la famille, en par­ti­cu­lier dans la pro­tec­tion et le sou­tien envers son épouse et ses enfants. Modèle de cette figure pater­nelle, saint Joseph, homme juste qui, dans le dan­ger « prit avec lui l’en­fant et sa mère dans la nuit » (Mt 2,14) et les mit à l’a­bri. De nom­breux hommes sont conscients de l’im­por­tance de leur rôle dans la famille et le vivent avec les qua­li­tés propres du carac­tère mas­cu­lin. L’absence de père marque gra­ve­ment la vie fami­liale, l’é­du­ca­tion des enfants et leur inser­tion dans la socié­té. Son absence peut être phy­sique, affec­tive, intel­lec­tuelle ou spi­ri­tuelle. Ce manque prive les enfants d’un modèle pater­nel de réfé­rence. L’implication crois­sante des femmes dans le monde du tra­vail, hors de la mai­son, n’a pas été com­pen­sée de manière adé­quate par une impli­ca­tion plus impor­tante des hommes dans la sphère domes­tique. Dans le contexte actuel, la sen­si­bi­li­té de l’homme à son devoir de pro­tec­tion de son épouse et des enfants contre toute forme de vio­lence et de dégra­da­tion s’est affai­blie. « Le mari – dit Paul – doit aimer sa femme « comme son propre corps » (Ep 5, 28) ; l’ai­mer comme le Christ « a aimé l’Église et s’est livré pour elle » (v. 25). Mais vous les maris (…), comprenez-​vous cela ? Aimer votre femme comme le Christ aime l’Église ? (…) L’effet de la radi­ca­li­té du dévoue­ment deman­dé à l’homme, pour l’a­mour et la digni­té de la femme, à l’exemple du Christ, doit avoir été immense, dans la com­mu­nau­té chré­tienne elle-​même. Ce germe de nou­veau­té évan­gé­lique, qui réta­blit la réci­pro­ci­té ori­gi­nelle du dévoue­ment et du res­pect, a gran­di len­te­ment au fil des siècles, puis a fini par pré­va­loir » (François, audience géné­rale, 6 mai 2015).

Les jeunes

29. Beaucoup de jeunes conti­nuent à consi­dé­rer le mariage comme le grand désir de leur vie et le pro­jet de fon­der une famille comme la réa­li­sa­tion de leurs aspi­ra­tions. En pra­tique, ils adoptent cepen­dant des atti­tudes dif­fé­rentes face au mariage. Ils sont sou­vent conduits à repous­ser leur mariage pour des pro­blèmes éco­no­miques, liés au tra­vail ou aux études. Parfois aus­si pour d’autres rai­sons, comme l’in­fluence des idéo­lo­gies qui déva­lo­risent le mariage et la famille, l’é­chec d’autres couples qu’ils ne veulent pas eux-​mêmes connaître, la peur de quelque chose qu’ils consi­dèrent comme trop grand et trop sacré, les oppor­tu­ni­tés sociales et les avan­tages éco­no­miques liés au concu­bi­nage, une concep­tion pure­ment émo­tion­nelle et roman­tique de l’a­mour, la peur de perdre sa liber­té et son auto­no­mie, le refus de quelque chose qui est per­çu comme ins­ti­tu­tion­nel et bureau­cra­tique. L’Église regarde avec appré­hen­sion cette défiance de tant de jeunes vis-​à-​vis du mariage, et souffre de voir avec quelle pré­ci­pi­ta­tion tant de fidèles décident de mettre fin à leur enga­ge­ment conju­gal pour en démar­rer un nou­veau. Les jeunes bap­ti­sés sont encou­ra­gés à ne pas hési­ter devant la richesse que pro­cure le sacre­ment du mariage à leur pro­jet d’a­mour, forts du sou­tien qu’ils reçoivent de la grâce du Christ et de la pos­si­bi­li­té de par­ti­ci­per plei­ne­ment à la vie de l’Église. Il est donc néces­saire d’i­den­ti­fier plus pré­ci­sé­ment les moti­va­tions pro­fondes du renon­ce­ment et du décou­ra­ge­ment. Les jeunes peuvent prendre davan­tage confiance dans l’en­ga­ge­ment du mariage en voyant ces familles qui, dans la com­mu­nau­té chré­tienne, leur offrent l’exemple fiable d’un témoi­gnage durable dans le temps.

Chapitre IV – Famille, affectivité et vie

L’importance de la vie affective

30. « Celui qui veut don­ner de l’a­mour doit lui aus­si le rece­voir comme un don. L’homme peut assu­ré­ment, comme nous le dit le Seigneur, deve­nir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37–38). Mais pour deve­nir une telle source, il doit lui­même boire tou­jours à nou­veau à la source pre­mière et ori­gi­naire qui est Jésus-​Christ, du cœur trans­per­cé duquel jaillit l’a­mour de Dieu (cf. Jn 19, 34) » (DCE, 7) . Le besoin de prendre soin de soi, de se connaître en pro­fon­deur, de vivre de façon plus har­mo­nieuse avec ses émo­tions et ses sen­ti­ments, de cher­cher des rela­tions affec­tives de qua­li­té, doit débou­cher sur le don de l’a­mour pour les autres et sur le désir de construire des rela­tions créa­tives, res­pon­sa­bi­li­santes et soli­daires, comme au sein d’une famille. Le défi pour l’Église est d’ai­der les couples pour faire mûrir la dimen­sion émo­tion­nelle et la dimen­sion affec­tive en encou­ra­geant le dia­logue, la ver­tu et la confiance en l’a­mour misé­ri­cor­dieux de Dieu. Le dévoue­ment total que requiert le mariage chré­tien est un puis­sant anti­dote à la ten­ta­tion d’une exis­tence indi­vi­duelle repliée sur soi.

La for­ma­tion au don de soi

31. La qua­li­té des rela­tions fami­liales a un impact en pre­mier chef sur la for­ma­tion affec­tive des jeunes géné­ra­tions. La rapi­di­té avec laquelle se déroulent les trans­for­ma­tions de la vie contem­po­raine rend plus dif­fi­cile l’ac­com­pa­gne­ment des per­sonnes pour qu’elles mûrissent dans la for­ma­tion de leur affec­ti­vi­té. Il exige éga­le­ment une action pas­to­rale appro­priée, riche d’une connais­sance appro­fon­die de l’Écriture et de la doc­trine catho­lique, et dotée d’ins­tru­ments édu­ca­tifs adap­tés. Une connais­sance de la psy­cho­lo­gie de la famille sera bien­ve­nue pour que soit trans­mise de façon effi­cace la vision chré­tienne : cet effort édu­ca­tif doit démar­rer dès la caté­chèse de l’i­ni­tia­tion chré­tienne. Cette for­ma­tion aura soin de mettre en valeur la ver­tu de la chas­te­té, com­prise comme une inté­rio­ri­sa­tion des sen­ti­ments qui favo­rise le don de soi.

Fragilité et immaturité

32. Dans le monde actuel, de nom­breuses ten­dances cultu­relles visent à impo­ser une sexua­li­té sans limite, dont on veut explo­rer tous les aspects, même les plus com­plexes. La ques­tion de la fra­gi­li­té affec­tive est d’une grande actua­li­té : une affec­ti­vi­té nar­cis­sique, instable et chan­geante n’aide pas la per­sonne à gagner en matu­ri­té. Nous dénon­çons avec fer­me­té la forte dif­fu­sion de la por­no­gra­phie et de la com­mer­cia­li­sa­tion du corps, favo­ri­sées notam­ment par un mau­vais usage d’in­ter­net, ain­si que la pros­ti­tu­tion for­cée et son exploi­ta­tion. Dans ce contexte, les couples sont par­fois incer­tains, hési­tants, et ont du mal à trou­ver les moyens de gran­dir. Nombreux sont ceux qui ont ten­dance à res­ter dans les pre­miers stades de la vie émo­tion­nelle et sexuelle. La crise du couple désta­bi­lise la famille et peut avoir, avec les sépa­ra­tions et les divorces, de sérieuses consé­quences sur les adultes, les enfants et la socié­té, affai­blis­sant l’in­di­vi­du et les liens sociaux. La baisse de la démo­gra­phie, due à une men­ta­li­té anti­na­ta­liste et sou­te­nue par des poli­tiques mon­diales de « san­té repro­duc­tive », menace le lien entre les géné­ra­tions. Il en découle aus­si un appau­vris­se­ment éco­no­mique et une perte géné­ra­li­sée d’espérance.

Technique et pro­créa­tion humaine

33. La révo­lu­tion bio­tech­no­lo­gique dans le domaine de la pro­créa­tion humaine a ame­né la pos­si­bi­li­té de mani­pu­ler l’acte créa­teur, le ren­dant indé­pen­dant de la rela­tion sexuelle entre l’homme et la femme. De cette façon, la vie humaine et la paren­ta­li­té sont deve­nues des réa­li­tés qui ne sont plus néces­sai­re­ment cor­ré­lées, avant tout sujettes aux dési­rs des indi­vi­dus ou des couples, qui ne sont pas néces­sai­re­ment hété­ro­sexuels ou mariés. Ce phé­no­mène est appa­ru ces der­niers temps comme une nou­veau­té abso­lue pour l’hu­ma­ni­té, et se dif­fuse de plus en plus. Tout cela a de pro­fondes réper­cus­sions sur la dyna­mique des rela­tions, sur la struc­ture de la vie sociale et sur les dis­po­si­tions juri­diques, qui inter­viennent pour don­ner un cadre régle­men­taire à des pra­tiques déjà exis­tantes et des situa­tions dif­fé­rentes. Dans ce contexte, l’Église res­sent la néces­si­té de dire une parole de véri­té et d’es­pé­rance. Il faut par­tir de la convic­tion que l’homme vient de Dieu et vit constam­ment en sa pré­sence : « La vie humaine est sacrée parce que, dès son ori­gine, elle com­porte « l’ac­tion créa­trice de Dieu » et demeure pour tou­jours dans une rela­tion spé­ciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie, de son com­men­ce­ment à son terme : per­sonne, en aucune cir­cons­tance, ne peut reven­di­quer pour soi le droit de détruire direc­te­ment un être humain inno­cent » (Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction Donum vitae, intro­duc­tion, 5 ; cf. Jean-​Paul II, Evangelium vitae, 53).

Le défi pour la pastorale

34. Une réflexion capable de repo­ser les grandes ques­tions sur la signi­fi­ca­tion de l’exis­tence humaine, trouve un ter­rain favo­rable dans les attentes les plus pro­fondes de l’hu­ma­ni­té. Les grandes valeurs du mariage et de la famille chré­tienne cor­res­pondent à cette recherche qui tra­verse l’exis­tence humaine, même en ces temps mar­qués par l’in­di­vi­dua­lisme et l’hé­do­nisme. Il faut accueillir les per­sonnes avec com­pré­hen­sion et déli­ca­tesse dans leur exis­tence concrète, et savoir sou­te­nir leur recherche de sens. La foi encou­rage le désir de Dieu et la volon­té de se sen­tir comme fai­sant plei­ne­ment par­tie de l’Église même quand on a vécu l’é­chec ou que l’on se trouve dans les situa­tions les plus dif­fi­ciles. Le mes­sage chré­tien contient tou­jours en lui la réa­li­té et la dyna­mique de la misé­ri­corde et de la véri­té qui convergent dans le Christ : « La véri­té pre­mière de l’Église est l’a­mour du Christ. L’Église se fait ser­vante et média­trice de cet amour qui va jus­qu’au par­don et au don de soi. En consé­quence, là où l’Église est pré­sente, la misé­ri­corde du Père doit être mani­feste » (MV, 12). Dans la for­ma­tion à la vie conju­gale et fami­liale, l’ap­proche pas­to­rale devra tenir compte de la plu­ra­li­té des situa­tions concrètes. Si, d’une part, il faut pro­mou­voir des par­cours qui garan­tissent la for­ma­tion des jeunes au mariage, il faut d’autre part accom­pa­gner ceux qui vivent seuls ou qui ne forment pas de nou­velle cel­lule fami­liale, res­tant sou­vent liés à leur famille d’o­ri­gine. Les couples qui ne peuvent avoir d’en­fants doivent aus­si faire l’ob­jet d’une atten­tion pas­to­rale par­ti­cu­lière de la part de l’Église, qui doit les aider à décou­vrir le des­sein de Dieu les concer­nant, au ser­vice de toute la com­mu­nau­té. Tous ont besoin d’un regard de com­pré­hen­sion, en tenant compte du fait que les situa­tions d’é­loi­gne­ment par rap­port à la vie ecclé­siale ne sont pas tou­jours vou­lues, mais sont sou­vent induites et par­fois même subies. Il n’y a pas d’ex­clus du point de vue de la foi ; tous sont aimés de Dieu et sont au centre de l’ac­tion pas­to­rale de l’Église.

II – Deuxième partie La famille dans le plan de Dieu

35. Discerner la voca­tion de la famille dans la mul­ti­tude des situa­tions que nous avons évo­quées dans la pre­mière par­tie demande une orien­ta­tion sûre en termes de che­mi­ne­ment et d’ac­com­pa­gne­ment. Cette bous­sole est la parole de Dieu dans l’his­toire, dont le point culmi­nant est Jésus-​Christ, « le che­min, la véri­té et la vie » pour tous les hommes et femmes qui consti­tuent une famille. Nous nous met­tons donc à l’é­coute de ce que l’Église enseigne sur la famille à la lumière de l’Écriture sainte et de la Tradition. Nous sommes convain­cus que cette parole répond aux attentes humaines les plus pro­fondes en termes d’a­mour, de véri­té et de misé­ri­corde, et qu’elle réveille les capa­ci­tés de don et d’ac­cueil, même dans les cœurs bri­sés et humi­liés. C’est dans ce contexte que nous croyons que l’é­van­gile de la famille com­mence avec la créa­tion de l’homme à l’i­mage de Dieu, qui est amour et qui appelle l’homme et la femme à l’a­mour, selon sa res­sem­blance (cf. Gn 1, 26–27). La voca­tion du couple et de la famille à la com­mu­nion de vie et d’a­mour per­dure dans toutes les étapes du des­sein de Dieu mal­gré les limites et les péchés des hommes. Cette voca­tion est fon­dée depuis le début sur le Christ rédemp­teur (cf. Ep 1, 3–7). Il res­taure et amé­liore l’al­liance matri­mo­niale des ori­gines (cf. Mc 10, 6), gué­rit le cœur humain (cf. Jn 4, 10), lui donne la capa­ci­té d’ai­mer comme lui aime l’Église, s’of­frant pour elle (cf. Ep 5, 32).

36. Cette voca­tion reçoit sa forme ecclé­siale et mis­sion­naire du lien sacra­men­tel qui consacre la rela­tion conju­gale indis­so­luble entre les époux. L’échange des consen­te­ments, qui l’ins­ti­tue, signi­fie pour les époux un enga­ge­ment de don réci­proque et d’ac­cueil, total et défi­ni­tif, en « une seule chair » (Jn 2, 24). La grâce de l’Esprit Saint fait de l’u­nion des époux un signe vivant du lien du Christ avec l’Église. Leur union devient ain­si, pour toute leur vie, source de grâces mul­tiples : fécon­di­té et témoi­gnage, gué­ri­son et par­don. Le mariage se réa­lise dans la com­mu­nau­té de vie et d’a­mour, et la famille devient évan­gé­li­sa­trice. Les époux, deve­nus ses dis­ciples, sont accom­pa­gnés par Jésus dans leur che­min vers Emmaüs, ils le recon­naissent à la frac­tion du pain, et ils s’en retournent à Jérusalem illu­mi­nés par sa résur­rec­tion (cf. Lc 24, 13–43). L’Église annonce à la famille son lien avec Jésus, en ver­tu de l’in­car­na­tion par laquelle il fait par­tie de la Sainte Famille de Nazareth. La foi recon­naît dans le lien indis­so­luble des époux un reflet de l’a­mour de la Trinité divine, qui se révèle dans l’u­ni­té de véri­té et de misé­ri­corde pro­cla­mée par Jésus. Le Synode se fait l’in­ter­prète du témoi­gnage de l’Église, qui adresse au peuple de Dieu une parole claire sur la véri­té de la famille selon l’Évangile. Aussi éloi­gnée soit-​elle, rien n’empêche qu’elle soit tou­chée par cette misé­ri­corde et sou­te­nue par cette vérité.

Chapitre I – La famille dans l’histoire du salut

La péda­go­gie divine 

37. Dans la mesure où l’ordre de la créa­tion est déter­mi­né par son orien­ta­tion vers le Christ, il convient de dis­tin­guer sans les sépa­rer les dif­fé­rents degrés selon les­quels Dieu com­mu­nique à l’hu­ma­ni­té la grâce de l’al­liance. En rai­son de la péda­go­gie divine, selon laquelle le des­sein de la créa­tion se réa­lise dans celui de la rédemp­tion par étapes suc­ces­sives, il faut com­prendre la nou­veau­té du sacre­ment du mariage dans la conti­nui­té du mariage natu­rel des ori­gines, fon­dé sur l’ordre de la créa­tion. C’est dans cette pers­pec­tive qu’il faut com­prendre la façon d’a­gir sal­vi­fique de Dieu dans la vie chré­tienne éga­le­ment. Puisque tout a été fait par le Christ et pour lui (cf. Col 1, 16), les chré­tiens « découvrent avec joie et res­pect les semences du Verbe qui s’y trouvent cachées ; ils doivent en même temps être atten­tifs à la trans­for­ma­tion pro­fonde qui s’o­père par­mi les nations » (AG, 11). L’incorporation du croyant dans l’Église via le bap­tême s’ac­com­plit plei­ne­ment par les autres sacre­ments de l’i­ni­tia­tion chré­tienne. Dans cette Église domes­tique qu’est sa famille, il entre­prend ce « pro­ces­sus dyna­mique qui va peu à peu de l’a­vant grâce à l’in­té­gra­tion pro­gres­sive des dons de Dieu » (FC, 9), à tra­vers la conver­sion conti­nuelle de l’a­mour qui sauve du péché et donne plé­ni­tude de vie. Face aux défis contem­po­rains de la socié­té et de la culture, la foi tourne son regard vers Jésus-​Christ en contem­plant et en ado­rant son visage. Jésus a regar­dé les femmes et les hommes qu’il a ren­con­trés avec amour et ten­dresse, accom­pa­gnant leurs pas avec véri­té, patience et misé­ri­corde, en annon­çant les exi­gences du Royaume de Dieu. « Chaque fois que nous reve­nons à la source de l’ex­pé­rience chré­tienne, de nou­velles routes et des pos­si­bi­li­tés impen­sables s’ouvrent » (François, Discours lors de la veillée de prière de pré­pa­ra­tion au synode sur la famille, 4 octobre 2014).

L’icône de la Trinité dans la famille

38. L’Écriture et la Tradition nous donnent accès à une connais­sance de la Trinité qui se révèle à nous sous des traits fami­liers. La famille est image de Dieu, qui « dans son mys­tère le plus intime, n’est pas une soli­tude, mais une famille, puis­qu’il porte en lui-​même la pater­ni­té, la filia­tion et l’es­sence de la famille qu’est l’a­mour » (Jean-​Paul II, Homélie durant la messe au sémi­naire Juan de Palafox à Puebla de Los Angeles, 28 jan­vier 1979) . Dieu est une com­mu­nion de per­sonnes. Dans le bap­tême, la voix du Père désigne Jésus comme son Fils bien aimé, et c’est l’Esprit Saint qu’il faut recon­naître dans cet amour (cf. Mc 1, 10–11). Jésus, qui a récon­ci­lié toute chose en lui et a sau­vé l’homme du péché, n’a pas seule­ment rame­né le mariage et la famille à leur forme ori­gi­nelle, mais il a aus­si éle­vé le mariage au rang de signe sacra­men­tel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1–12 ; Mc 10, 1–12 ; Ep 5, 21–32). C’est dans la famille humaine, ras­sem­blée par le Christ, qu’a été res­ti­tuée « l’i­mage et la res­sem­blance » de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mys­tère dont jaillit tout véri­table amour. Par l’Église, le mariage et la famille reçoivent du Christ la grâce de l’Esprit Saint, pour être témoins de l’é­van­gile de l’a­mour de Dieu jus­qu’à l’ac­com­plis­se­ment de l’Alliance au der­nier jour pour les noces de l’a­gneau (cf. Ap 19, 9 ; Jean-​Paul II, Catéchèses sur l’a­mour humain). L’alliance d’a­mour et de fidé­li­té dont vit la Sainte Famille de Nazareth illu­mine le fon­de­ment de toute famille et la rend capable d’af­fron­ter les vicis­si­tudes de la vie et de l’his­toire. Sur ces bases, toute famille, mal­gré ses fai­blesses, peut deve­nir une lumière dans l’obs­cu­ri­té de ce monde. « Une leçon de vie fami­liale. Que Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa com­mu­nion d’a­mour, son aus­tère et simple beau­té, son carac­tère sacré et invio­lable ; appre­nons de Nazareth com­ment la for­ma­tion qu’on y reçoit est douce et irrem­pla­çable ; appre­nons quel est son rôle pri­mor­dial sur le plan social » (Paul VI, Discours tenu à Nazareth, 5 jan­vier 1964).

La famille dans l’Écriture sainte

39. L’homme et la femme, par leur amour fécond, conti­nuent l’œuvre créa­trice et col­la­borent avec le Créateur à l’his­toire du salut au tra­vers de la suc­ces­sion des géné­ra­tions (cf. Gn 1, 28 ; 2, 4 ; 9, 1.7 ; 10 ; 17, 2.16 ; 25, 11 ; 28, 3 ; 35, 9.11 ; 47, 27 ; 48, 3–4). La réa­li­té du mariage sous sa forme exem­plaire est décrite dans le livre de la Genèse, auquel ren­voie éga­le­ment Jésus dans sa vision de l’a­mour conju­gal. L’homme se sent incom­plet car pri­vé d’une aide qui lui « cor­res­ponde », qui se tienne devant lui (cf. Gn 2, 18.20) dans un dia­logue d’é­gal à égal. La femme est donc de la même matière que l’homme, ce qui est sym­bo­li­que­ment repré­sen­té par la côte, ou encore de la même chair, comme l’homme le pro­clame dans son chant d’a­mour : « Cette fois-​ci, voi­là l’os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2, 23). Les deux deviennent ain­si « une seule chair » (cf. Gn 2, 24). Cette réa­li­té fon­da­men­tale de l’ex­pé­rience du mariage est magni­fiée dans l’é­vo­ca­tion de l’ap­par­te­nance réci­proque que l’on trouve dans la décla­ra­tion d’a­mour pro­non­cée par la femme dans le Cantique des Cantiques. La for­mule reprend celle de l’al­liance entre Dieu et son peuple (cf. Lv 26, 12) : « Mon bien-​aimé est à moi, et moi, je suis à lui… je suis à mon bien-​aimé, mon bien-​aimé est à moi » (Ct 2, 16 ; 6, 3). En outre, dans le Cantique des Cantiques, l’en­tre­la­ce­ment constant de la sexua­li­té, de l’é­ros et de l’a­mour est signi­fi­ca­tif, comme la ren­contre entre la dimen­sion cor­po­relle et la ten­dresse, le sen­ti­ment, la pas­sion, la spi­ri­tua­li­té et le don total. Tout en étant conscient que peuvent sur­ve­nir des moments sombres mar­qués par l’ab­sence ou le dia­logue inter­rom­pu entre lui et elle (cc. 3 et 5), la cer­ti­tude de la puis­sance de l’a­mour face à tout obs­tacle n’en demeure pas moins, car « l’a­mour est fort comme la mort » (Ct 8, 6). La pro­phé­tie biblique pour célé­brer l’al­liance d’a­mour entre Dieu et son peuple ne recourt pas seule­ment au sym­bole des noces (cf. Is 54 ; Jr 2, 2 ; Ez 16), mais à l’ex­pé­rience fami­liale tout entière, comme le montre de façon par­ti­cu­liè­re­ment forte le pro­phète Osée. Sa dra­ma­tique expé­rience matri­mo­niale et fami­liale (cf. Os 1–3) devient le signe de la rela­tion entre le Seigneur et Israël. Les infi­dé­li­tés du peuple n’an­nulent pas l’a­mour invin­cible de Dieu que le pro­phète repré­sente comme un père, qui guide et ramène à lui son fils « par des liens d’a­mour » (cf. Os 11, 1–4).

40. Dans les paroles de vie éter­nelle que Jésus a lais­sées à ses dis­ciples dans son ensei­gne­ment sur le mariage et la famille, on peut dis­tin­guer trois étapes fon­da­men­tales dans le pro­jet de Dieu. Au départ, il y a la famille des ori­gines, quand Dieu créa­teur a ins­ti­tué le pre­mier mariage entre Adam et Eve comme fon­de­ment solide de la famille. Dieu n’a pas seule­ment créé l’être humain mas­cu­lin et fémi­nin (cf. Gn 1, 27), mais il les a aus­si bénis afin qu’ils soient féconds et qu’ils se mul­ti­plient (cf. Gn 1, 28). Pour cela, « l’homme quit­te­ra son père et sa mère, il s’at­ta­che­ra à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (cf. Gn 2, 24). Ensuite, cette union, bles­sée par le péché, a connu dif­fé­rentes variantes dans la forme his­to­rique du mariage au sein de la tra­di­tion d’Israël : entre mono­ga­mie et poly­ga­mie, entre sta­bi­li­té et divorce, réci­pro­ci­té et subor­di­na­tion de la femme à l’homme. La conces­sion faite par Moïse sur la pos­si­bi­li­té de la répu­dia­tion (cf. Dt 24, 1sq.), qui per­sis­tait du temps de Jésus, doit se com­prendre dans ce cadre. Enfin, la récon­ci­lia­tion du monde per­du avec la venue du Sauveur réta­blit non seule­ment le pro­jet divin d’o­ri­gine, mais conduit l’his­toire du peuple de Dieu vers un nou­vel accom­plis­se­ment. L’indissolubilité du mariage (cf. Mc 10, 2–9) n’est pas à com­prendre en pre­mier lieu comme une contrainte impo­sée à l’homme, mais bien comme un don fait aux per­sonnes unies par le mariage.

Jésus et la famille

41. L’exemple de Jésus est un para­digme pour l’Église. Le fils de Dieu est venu dans le monde au sein d’une famille. Durant ses trente années de vie cachée à Nazareth – péri­phé­rie sociale, reli­gieuse et cultu­relle de l’empire (cf. Jn 1, 46) – Jésus a vu en Marie et Joseph la fidé­li­té vécue dans l’a­mour. Il a com­men­cé sa vie publique par le miracle de Cana, réa­li­sé lors d’un ban­quet pour des noces (cf. Jn 2, 1–11). Il a annon­cé l’é­van­gile du mariage comme une plé­ni­tude de la révé­la­tion qui reprend le pro­jet ori­gi­nel de Dieu (cf. Mt 19, 4–6). Il a par­ta­gé des moments quo­ti­diens d’a­mi­tié avec la famille de Lazare et de ses soeurs (cf. Lc 10, 38) et avec la famille de Pierre (cf. Mt 8, 14). Il a écou­té les pleurs de parents pour leurs enfants, leur ren­dant la vie (cf. Mc 5, 41 ; Lc 7, 14–15) et mani­fes­tant ain­si la véri­table signi­fi­ca­tion de la misé­ri­corde, laquelle implique la res­tau­ra­tion de l’Alliance (cf. Jean-​Paul II, Dives in Misericordia, 4) (16). Cela appa­raît clai­re­ment dans les ren­contres avec la Samaritaine (cf. Jn 4, 1–30) et avec la femme adul­tère (cf. Jn 8, 1–11), qui prennent conscience de leur péché devant l’a­mour gra­tuit de Jésus. La conver­sion « est une tâche inin­ter­rom­pue pour toute l’Église qui « enferme des pécheurs dans son propre sein » et qui « est donc à la fois sainte et appe­lée à se puri­fier, et qui pour­suit constam­ment son effort de péni­tence et de renou­vel­le­ment ». Cet effort de conver­sion n’est pas seule­ment une œuvre humaine. Elle est le mou­ve­ment du « cœur contrit » atti­ré et mû par la grâce à répondre à l’a­mour misé­ri­cor­dieux de Dieu qui nous a aimés le pre­mier (CEC 1428). Dieu offre gra­tui­te­ment son par­don à qui s’ouvre à l’ac­tion de sa grâce. Cela inter­vient par la péni­tence, et la réso­lu­tion de conduire sa vie selon la volon­té de Dieu, effet de sa misé­ri­corde à tra­vers laquelle il nous récon­ci­lie avec lui. Dieu met dans notre cœur la capa­ci­té à suivre le che­min de l’i­mi­ta­tion du Christ. Les paroles et l’at­ti­tude de Jésus montrent clai­re­ment que le Royaume de Dieu est l’ho­ri­zon qui donne sens à toute rela­tion (cf. Mt 6, 33). Les liens fami­liaux, bien que fon­da­men­taux, ne « sont pas abso­lus » (CEC, 2232). Troublant for­te­ment ceux qui l’é­cou­taient, Jésus a rela­ti­vi­sé les rela­tions fami­liales au regard du Royaume de Dieu (cf. Mc 3, 33–35 ; Lc 14, 26 ; Mt 10, 34–37 ; 19, 29 ; 23, 9). Cette révo­lu­tion des liens affec­tifs que Jésus intro­duit dans la famille humaine consti­tue un appel radi­cal à la fra­ter­ni­té uni­ver­selle. Personne ne reste exclu de la nou­velle com­mu­nau­té ras­sem­blée au nom de Jésus, car nous sommes tous appe­lés à faire par­tie de la famille de Dieu. Jésus montre com­ment la com­plai­sance de Dieu accom­pagne le che­min des hommes par sa grâce, trans­forme le cœur endur­ci par sa misé­ri­corde (cf. Ez 36, 26) et l’a­mène à son accom­plis­se­ment par le mys­tère pascal.

Chapitre II – La famille dans le Magistère de l’Église

Les ensei­gne­ments du concile Vatican II 

42. Sur la base de ce qu’elle a reçu du Christ, l’Église a déve­lop­pé au cours des siècles un riche ensei­gne­ment sur le mariage et la famille. L’une des expres­sions les plus éle­vées de ce Magistère a été pro­po­sée par le concile oecu­mé­nique Vatican II dans la Constitution pas­to­rale Gaudium et Spes, qui consacre un cha­pitre entier à la digni­té du mariage et de la famille (cf. GS, 47–52). Voici com­ment il défi­nit le mariage et la famille : « La com­mu­nau­té pro­fonde de vie et d’a­mour que forme le couple a été fon­dée et dotée de ses lois propres par le Créateur ; elle est éta­blie sur l’al­liance des conjoints, c’est-​àdire sur leur consen­te­ment per­son­nel irré­vo­cable. Une ins­ti­tu­tion, que la loi divine confirme, naît ain­si, au regard même de la socié­té, de l’acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuel­le­ment » (GS, 48). Le « véri­table amour conju­gal » (GS, 49) implique le don mutuel de soi, inclut et intègre la dimen­sion sexuelle et affec­tive, cor­res­pon­dant au des­sein de Dieu (cf. GS, 48–49). Ainsi, il devient clair que le mariage, et l’a­mour conju­gal qui l’a­nime, « sont ordon­nés par nature à la pro­créa­tion et l’é­du­ca­tion des enfants » (GS, 50). L’enracinement des époux en Dieu est par ailleurs sou­li­gné : le Christ Seigneur « vient à la ren­contre des époux chré­tiens par le sacre­ment de mariage » (GS, 48) et demeure avec eux (sacra­men­tum per­ma­nens). Il assume l’a­mour humain, le puri­fie, le conduit à sa plé­ni­tude, et donne aux époux, avec son Esprit, la capa­ci­té de le vivre, en impré­gnant toute leur vie de foi, d’es­pé­rance et de cha­ri­té. De cette manière, les époux sont comme consa­crés et, par une grâce par­ti­cu­lière, ils édi­fient le Corps du Christ et consti­tuent une Église domes­tique (cf. LG, 11). Aussi l’Église, pour com­prendre plei­ne­ment son mys­tère, regarde-​t-​elle la famille humaine qui le mani­feste d’une façon authentique.

Paul VI

43. Le bien­heu­reux Paul VI, dans le sillage du concile Vatican II, a appro­fon­di la doc­trine sur le mariage et sur la famille. En par­ti­cu­lier, par l’en­cy­clique Humanae vitae, il a mis en lumière le lien intime entre l’a­mour conju­gal et l’en­gen­dre­ment de la vie : « L’amour conju­gal exige des époux une conscience de leur mis­sion de pater­ni­té res­pon­sable, sur laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd’­hui, et qui doit, elle aus­si, être exac­te­ment com­prise. (…) Un exer­cice res­pon­sable de la pater­ni­té implique donc que les conjoints recon­naissent plei­ne­ment leurs devoirs envers Dieu, envers eux-​mêmes, envers la famille et envers la socié­té, dans une juste hié­rar­chie des valeurs » (HV, 10) . Dans son exhor­ta­tion apos­to­lique Evangelii Nuntiandi, Paul VI a mis en évi­dence le rap­port entre la famille et l’Église : « Au sein de l’a­pos­to­lat évan­gé­li­sa­teur des laïcs, il est impos­sible de ne pas sou­li­gner l’ac­tion évan­gé­li­sa­trice de la famille. Elle a bien méri­té, aux dif­fé­rents moments de l’his­toire, le beau nom d” »Église domes­tique » sanc­tion­né par le concile Vatican II. Cela signi­fie que, en chaque famille chré­tienne, devraient se retrou­ver les divers aspects de l’Église entière. En outre, la famille, comme l’Église, se doit d’être un espace où l’Évangile est trans­mis et d’où l’Évangile rayonne » (EN, 71).

Jean-​Paul II

44. Saint Jean-​Paul II a consa­cré à la famille une atten­tion par­ti­cu­lière à tra­vers ses caté­chèses sur l’a­mour humain et sur la théo­lo­gie du corps. Dans ces docu­ments, il a offert à l’Église une richesse de réflexions sur la signi­fi­ca­tion spon­sale du corps humain et sur le pro­jet de Dieu sur le mariage et sur la famille depuis le début de la créa­tion. En par­ti­cu­lier, s’a­gis­sant de la cha­ri­té conju­gale, il a décrit la façon dont les époux, dans leur amour mutuel, reçoivent le don de l’Esprit du Christ et vivent leur appel à la sain­te­té. Dans sa Lettre aux familles Gratissimam sane et sur­tout dans l’ex­hor­ta­tion apos­to­lique Familiaris consor­tio, Jean-​Paul II a qua­li­fié la famille de « route de l’Église » ; il a offert une vision d’en­semble sur la voca­tion à l’a­mour de l’homme et de la femme ; il a pro­po­sé les lignes fon­da­men­tales d’une pas­to­rale de la famille et de la pré­sence de la famille dans la socié­té. « Au sein du mariage et de la famille se tisse un ensemble de rela­tions inter­per­son­nelles – rap­ports entre conjoints, paternité-​maternité, filia­tion, fra­ter­ni­té – à tra­vers les­quelles chaque per­sonne est intro­duite dans la « famille humaine » et dans la « famille de Dieu » qu’est l’Église » (FC, 15)..

Benoît XVI

45. Benoît XVI, dans l’en­cy­clique Deus cari­tas est, a repris le thème de la véri­té de l’a­mour entre l’homme et la femme, qui ne s’é­claire plei­ne­ment qu’à la lumière de l’a­mour du Christ cru­ci­fié (cf. DCE, 2). Il y réaf­firme que « le mariage fon­dé sur un amour exclu­sif et défi­ni­tif devient l’i­cône de la rela­tion de Dieu avec son peuple et réci­pro­que­ment : la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’a­mour humain » (DCE, 11). Par ailleurs, dans son ency­clique Caritas in veri­tate, il met en évi­dence l’im­por­tance de l’a­mour fami­lial comme prin­cipe de vie dans la socié­té, lieu où s’ap­prend l’ex­pé­rience du bien com­mun. « Continuer à pro­po­ser aux nou­velles géné­ra­tions la beau­té de la famille et du mariage, la cor­res­pon­dance de ces ins­ti­tu­tions aux exi­gences les plus pro­fondes du cœur et de la digni­té de la per­sonne, devient ain­si une néces­si­té sociale, et même éco­no­mique. Dans cette pers­pec­tive, les États sont appe­lés à mettre en œuvre des poli­tiques qui pro­meuvent le carac­tère cen­tral et l’in­té­gri­té de la famille, fon­dée sur le mariage entre un homme et une femme, cel­lule pre­mière et vitale de la socié­té, pre­nant en compte ses pro­blèmes éco­no­miques et fis­caux, dans le res­pect de sa nature rela­tion­nelle » (CiV, 44).

François

46. Le pape François, abor­dant le lien entre la famille et la foi, écrit dans l’en­cy­clique Lumen fidei : « Le pre­mier envi­ron­ne­ment dans lequel la foi éclaire la cité des hommes est donc la famille. Je pense sur­tout à l’u­nion stable de l’homme et de la femme dans le mariage. (…) Promettre un amour qui soit pour tou­jours est pos­sible quand on découvre un des­sein plus grand que ses propres pro­jets » (LF, 52). Dans son exhor­ta­tion apos­to­lique Evangelii Gaudium, le pape rap­pelle le carac­tère cen­tral de la famille au milieu des défis cultu­rels d’au­jourd’­hui : « La famille tra­verse une crise cultu­relle pro­fonde, comme toutes les com­mu­nau­tés et les liens sociaux. Dans le cas de la famille, la fra­gi­li­té des liens devient par­ti­cu­liè­re­ment grave parce qu’il s’a­git de la cel­lule fon­da­men­tale de la socié­té, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la dif­fé­rence et à appar­te­nir aux autres, et où les parents trans­mettent la foi aux enfants. Le mariage tend à être vu comme une simple forme de gra­ti­fi­ca­tion affec­tive qui peut se consti­tuer de n’im­porte quelle façon et se modi­fier selon la sen­si­bi­li­té de cha­cun. Mais la contri­bu­tion indis­pen­sable du mariage à la socié­té dépasse le niveau de l’é­mo­ti­vi­té et des néces­si­tés contin­gentes du couple » (EG, 66). Le pape François a par ailleurs consa­cré un cycle com­plet de caté­chèses aux thèmes concer­nant la famille. Ces caté­chèses appro­fon­dissent les sujets sur la famille, les expé­riences qui y sont vécues et les phases de la vie.

Chapitre III – La famille dans la doctrine chrétienne

Le mariage dans l’ordre de la créa­tion et la plé­ni­tude sacramentelle

47. L’ordre de la rédemp­tion éclaire et réa­lise celui de la créa­tion. C’est pour­quoi le mariage natu­rel se com­prend plei­ne­ment à la lumière de son accom­plis­se­ment sacra­men­tel : c’est seule­ment le regard fixé sur le Christ que l’on connaî­tra plei­ne­ment la véri­té des rap­ports humains. « En réa­li­té, le mys­tère de l’homme ne s’é­claire vrai­ment que dans le mys­tère du Verbe incar­né. (…) Nouvel Adam, le Christ, dans la révé­la­tion même du mys­tère du Père et de son amour, mani­feste plei­ne­ment l’homme à lui-​même et lui découvre la subli­mi­té de sa voca­tion » (GS, 22). Il appa­raît par­ti­cu­liè­re­ment oppor­tun de com­prendre selon une clef chris­to­cen­trique les pro­prié­tés natu­relles du mariage qui consti­tuent le bien des conjoints (bonum coniu­gum), qui com­prend l’u­ni­té, l’ou­ver­ture à la vie, la fidé­li­té et l’in­dis­so­lu­bi­li­té. À la lumière du Nouveau Testament selon lequel tout a été créé par le Christ et pour lui (cf. Col 1, 16 ; Gn 1, 1sq.), le concile Vatican II a vou­lu expri­mer sa consi­dé­ra­tion pour le mariage natu­rel et pour les élé­ments posi­tifs pré­sents dans les autres reli­gions (cf. LG, 16 ; NA, 2) et dans les diverses cultures, mal­gré des limites et des insuf­fi­sances (cf. RM, 55). Le dis­cer­ne­ment de la pré­sence des semi­na Verbi dans les autres cultures (cf. AG, 11) peut aus­si être appli­qué à la réa­li­té du mariage et de la famille. Outre le vrai mariage natu­rel, il existe des élé­ments posi­tifs qui sont pré­sents dans les formes matri­mo­niales d’autres tra­di­tions reli­gieuses. Ces formes – fon­dées quoi qu’il en soit sur la rela­tion stable et vraie entre un homme et une femme –, nous les consi­dé­rons comme étant orien­tées vers ce sacre­ment. Le regard tour­né vers la sagesse humaine des peuples, l’Église recon­naît aus­si cette famille comme cel­lule de base néces­saire et féconde à la coexis­tence humaine.

Indissolubilité et fécon­di­té de l’u­nion sponsale

48. La fidé­li­té indé­fec­tible de Dieu à l’al­liance est le fon­de­ment de l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage. L’amour com­plet et pro­fond entre les conjoints ne se fonde pas seule­ment sur les capa­ci­tés humaines : Dieu sou­tient cette alliance avec la force de son Esprit. Le choix que Dieu a fait envers nous se reflète d’une cer­taine manière dans le choix du conjoint : de même que Dieu tient sa pro­messe même quand nous échouons, de même l’a­mour et la fidé­li­té conju­gale sont valables « pour le meilleur et pour le pire ». Le mariage est don et pro­messe de Dieu, qui écoute la prière de ceux qui demandent son aide. La dure­té de cœur de l’homme, ses limites et sa fra­gi­li­té face à la ten­ta­tion sont un grand défi pour la vie com­mune. Le témoi­gnage de couples qui vivent fidè­le­ment leur mariage met en lumière la valeur de cette union indis­so­luble et sus­cite le désir de renou­ve­ler conti­nuel­le­ment l’en­ga­ge­ment de la fidé­li­té. L’indissolubilité cor­res­pond au désir pro­fond d’a­mour réci­proque et durable que le Créateur a mis dans le cœur de l’homme, il est un don qu’il fait lui­même à chaque couple : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mt 19, 6 ; cf. Mc 10, 9). L’homme et la femme accueillent ce don et en prennent soin afin que leur amour puisse durer tou­jours. Face à la sen­si­bi­li­té de notre temps et aux dif­fi­cul­tés effec­tives à main­te­nir des enga­ge­ments défi­ni­tifs, l’Église est appe­lée à pro­po­ser les exi­gences et le pro­jet de vie de l’é­van­gile de la famille et du mariage chré­tien. « Saint Paul, par­lant de la vie nou­velle dans le Christ, affirme que les chré­tiens – tous les chré­tiens – sont appe­lés à s’ai­mer les uns les autres comme le Christ les a aimés, c’est-​à-​dire « sou­mis les uns aux autres » (Ep 5, 21), ce qui signi­fie au ser­vice les uns des autres. Et il intro­duit ici l’a­na­lo­gie entre le couple mari et femme, et le couple Christ et Église. Il est clair que cette ana­lo­gie est impar­faite, mais nous devons en sai­sir le sens spi­ri­tuel, un sens révo­lu­tion­naire et de la plus haute impor­tance, et en même temps simple, à la por­tée de tout homme et de toute femme qui s’a­ban­donnent à la grâce de Dieu » (François, audience géné­rale, 6 mai 2015). Encore une fois, c’est une annonce qui donne l’espérance !

Les biens de la famille

49. Le mariage est la « com­mu­nau­té de toute la vie, ordon­née par nature au bien des conjoints ain­si qu’à la pro­créa­tion et à l’é­du­ca­tion des enfants » (CIC, can. 1055 – § 1). Dans l’ac­cueil réci­proque, les époux se pro­mettent don total, fidé­li­té et ouver­ture à la vie. Dans la foi et avec la grâce du Christ, ils recon­naissent les dons que Dieu leur offre et ils s’en­gagent en son nom devant l’Église. Dieu consacre l’a­mour des époux et en confirme l’in­dis­so­lu­bi­li­té, leur offrant sa grâce pour vivre la fidé­li­té, l’ac­cueil réci­proque et l’ou­ver­ture à la vie. Rendons grâce à Dieu pour le mariage car, à tra­vers la com­mu­nau­té de vie et d’a­mour, les époux chré­tiens connaissent le bon­heur et expé­ri­mentent le fait que Dieu les aime per­son­nel­le­ment, avec pas­sion et ten­dresse. L’homme et la femme, indi­vi­duel­le­ment et en tant que couple – a rap­pe­lé le pape François – « sont l’i­mage de Dieu ». Leur dif­fé­rence « ne vise pas l’op­po­si­tion, ou la subor­di­na­tion, mais la com­mu­nion, l’en­gen­dre­ment, tou­jours à l’i­mage et res­sem­blance de Dieu » (Audience géné­rale, 15 avril 2015). L’objectif d’u­nion du mariage est un appel constant et renou­ve­lé à faire gran­dir et à appro­fon­dir cet amour. Dans leur union d’a­mour, les époux expé­ri­mentent la beau­té de la pater­ni­té et de la mater­ni­té ; ils par­tagent les pro­jets et les peines, les dési­rs et les pré­oc­cu­pa­tions ; ils apprennent à prendre soin l’un de l’autre et à se par­don­ner mutuel­le­ment. Dans cet amour, ils célèbrent leurs moments heu­reux et se sou­tiennent dans les pas­sages dif­fi­ciles de leur vie.

50. La fécon­di­té des époux, au sens plein, est spi­ri­tuelle : ils sont des signes sacra­men­taux vivants, sources de vie pour la com­mu­nau­té chré­tienne et pour le monde. L’acte de géné­ra­tion, qui mani­feste le « lien indis­so­ciable » entre union et pro­créa­tion – mis en évi­dence par le bien­heu­reux Paul VI (cf. HV, 12) – doit être com­pris dans l’op­tique de la res­pon­sa­bi­li­té des parents dans l’en­ga­ge­ment qu’ils prennent de veiller sur leurs enfants et de leur don­ner une édu­ca­tion chré­tienne. Ce sont les fruits les plus pré­cieux de l’a­mour conju­gal. À par­tir du moment où l’en­fant est une per­sonne, il dépasse ceux qui l’ont créé. « Être fils et fille, en effet, selon le des­sein de Dieu, signi­fie por­ter en soi la mémoire et l’es­pé­rance d’un amour qu’il a réa­li­sé lui­même en allu­mant la vie d’un autre être humain, ori­gi­nal et neuf. Et pour les parents, chaque enfant est lui-​même, il est dif­fé­rent, il est autre » (François, audience géné­rale, 11 février 2015). La beau­té du don réci­proque et gra­tuit, la joie de la vie nais­sante et le soin plein d’a­mour de tous les membres, des plus petits aux plus âgés : voi­là cer­tains des fruits qui confèrent au choix de la voca­tion fami­liale son carac­tère unique et irrem­pla­çable. Les rela­tions fami­liales concourent de manière déci­sive à la construc­tion soli­daire et fra­ter­nelle de la socié­té humaine, qu’on ne peut réduire à une simple coha­bi­ta­tion d’ha­bi­tants d’un ter­ri­toire ou de citoyens d’un État.

Vérité et beau­té de la famille

51. C’est avec une joie intime et un pro­fond récon­fort que l’Église regarde les familles qui sont fidèles aux ensei­gne­ments de l’Évangile, les remer­ciant et les encou­ra­geant pour le témoi­gnage qu’elles offrent. Grâce à elles, la beau­té du mariage indis­so­luble et fidèle pour tou­jours devient cré­dible. C’est dans la famille que mûrit la pre­mière expé­rience ecclé­siale de la com­mu­nion entre per­sonnes, où se reflète, par grâce, le mys­tère d’a­mour de la Sainte Trinité. « C’est ici que l’on apprend l’en­du­rance et la joie du tra­vail, l’a­mour fra­ter­nel, le par­don géné­reux, même réité­ré, et sur­tout le culte divin par la prière et l’of­frande de sa vie » (CEC, 1657). L’évangile de la famille nour­rit aus­si ces graines qui attendent encore de mûrir et doit prendre soin des arbres qui se sont des­sé­chés et qui ne doivent pas être lais­sés à l’a­ban­don (cf. Lc 13,6–9). L’Église, en tant que maî­tresse confiante et mère pré­ve­nante, tout en recon­nais­sant que, pour les bap­ti­sés, il n’existe pas d’autre lien nup­tial que le lien sacra­men­tel et que toute rup­ture de ce der­nier va à l’en­contre de la volon­té de Dieu, est éga­le­ment consciente de la fra­gi­li­té de beau­coup de ses enfants qui peinent sur le che­min de la foi. « Par consé­quent, sans dimi­nuer la valeur de l’i­déal évan­gé­lique, il faut accom­pa­gner avec misé­ri­corde et patience les étapes pos­sibles de crois­sance des per­sonnes qui se construisent jour après jour. (…) Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus appré­cié de Dieu que la vie exté­rieu­re­ment cor­recte de celui qui passe ses jours sans avoir à affron­ter d’im­por­tantes dif­fi­cul­tés. La conso­la­tion et l’ai­guillon de l’a­mour sal­vi­fique de Dieu, qui œuvre mys­té­rieu­se­ment en toute per­sonne, au-​delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre cha­cun » (EG, 44). Il faut pro­té­ger cette véri­té et cette beau­té. Face aux situa­tions dif­fi­ciles et aux familles bles­sées, il faut tou­jours rap­pe­ler un prin­cipe géné­ral : « Les pas­teurs doivent savoir que, par amour de la véri­té, ils ont l’o­bli­ga­tion de bien dis­cer­ner les diverses situa­tions » (FC, 84). Le degré de res­pon­sa­bi­li­té n’est pas le même dans tous les cas, et il peut exis­ter des fac­teurs qui limitent la capa­ci­té de déci­sion. C’est pour­quoi, tout en expri­mant avec clar­té la doc­trine, il faut évi­ter des juge­ments qui ne tiennent pas compte de la com­plexi­té des diverses situa­tions, et il est néces­saire d’être atten­tif à la façon dont les per­sonnes vivent et souffrent à cause de leur condition.

Chapitre IV – Vers la plénitude ecclésiale de la famille

Le lien intime entre Église et famille 

52. La béné­dic­tion et la res­pon­sa­bi­li­té que repré­sente une nou­velle famille, scel­lée dans le sacre­ment ecclé­sial, com­portent la dis­po­ni­bi­li­té à sou­te­nir et pro­mou­voir, au sein de la com­mu­nau­té chré­tienne, l’al­liance fon­da­men­tale entre l’homme et la femme. Cette dis­po­ni­bi­li­té, dans le cadre du lien social, de l’en­gen­dre­ment des enfants, de la pro­tec­tion des plus faibles et de la vie com­mune, com­porte une res­pon­sa­bi­li­té qui doit être sou­te­nue, recon­nue et appré­ciée. En ver­tu du sacre­ment du mariage, chaque famille devient à part entière un bien pour l’Église. Dans cette pers­pec­tive, ce sera cer­tai­ne­ment un don pré­cieux, pour l’Église d’au­jourd’­hui, de consi­dé­rer éga­le­ment la réci­pro­ci­té entre famille et Église : l’Église est un bien pour la famille, la famille est un bien pour l’Église. Protéger le don sacra­men­tel du Seigneur concerne non seule­ment la famille, mais éga­le­ment la com­mu­nau­té chré­tienne, à sa manière. Face à l’ap­pa­ri­tion de la dif­fi­cul­té, si lourde soit elle, de pro­té­ger l’u­nion conju­gale, un tra­vail de dis­cer­ne­ment sur ce que cha­cun a fait et sur les man­que­ments cor­res­pon­dants, devra être mené par le couple avec l’aide des pas­teurs et de la communauté.

La grâce de la conver­sion et de l’accomplissement

53. L’Église reste proche des époux dont le lien s’est tel­le­ment affai­bli qu’un risque de sépa­ra­tion se pré­sente. Dans le cas d’une rela­tion ter­mi­née dans la dou­leur, l’Église res­sent le devoir d’ac­com­pa­gner ce moment de souf­france, afin d’é­vi­ter que ne naissent des oppo­si­tions désas­treuses entre les conjoints. Une atten­tion par­ti­cu­lière doit être por­tée aux enfants, qui sont les pre­miers tou­chés par la sépa­ra­tion, afin qu’ils en souffrent le moins pos­sible : « Quand un père et une mère se font du mal, l’âme des enfants souffre ter­ri­ble­ment » (François, audience géné­rale, 24 juin 2015). Le soin pas­to­ral de l’Église envers les fidèles qui vivent en concu­bi­nage ou qui ont sim­ple­ment contrac­té un mariage civil ou bien sont divor­cés rema­riés, est ins­pi­ré par le regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme (cf. Jn 1,9 ; GS, 22). Dans la pers­pec­tive de la péda­go­gie divine, l’Église se tourne avec amour vers ceux qui par­ti­cipent à sa vie de manière impar­faite : elle invoque avec eux la grâce de la conver­sion, les encou­rage à accom­plir le bien, à prendre soin l’un de l’autre avec amour et à se mettre au ser­vice de la com­mu­nau­té dans laquelle ils vivent et tra­vaillent. Dans les dio­cèses, il est sou­hai­table de mettre en place des par­cours de dis­cer­ne­ment et d’im­pli­quer ces per­sonnes pour les aider et les encou­ra­ger dans la matu­ra­tion d’un choix conscient et cohé­rent. Les couples doivent être infor­més sur la pos­si­bi­li­té de recou­rir au pro­ces­sus de décla­ra­tion en nul­li­té de mariage.

54. Quand l’u­nion atteint une véri­table sta­bi­li­té à tra­vers un lien public – et qu’elle est carac­té­ri­sée par une affec­tion pro­fonde, par une res­pon­sa­bi­li­té à l’é­gard des enfants, et par une capa­ci­té à sur­mon­ter les épreuves –, cela peut être l’oc­ca­sion d’ac­com­pa­gner le couple vers le sacre­ment du mariage, pour autant que ce soit pos­sible. La situa­tion est tout autre dans le cas où la vie com­mune n’est pas éta­blie en vue d’un éven­tuel futur mariage, et qu’il n’y a pas de volon­té d’é­ta­blir un rap­port ins­ti­tu­tion­nel. La réa­li­té des mariages civils entre un homme et une femme, des mariages dits « tra­di­tion­nels » et, en tenant bien compte des dif­fé­rences, éga­le­ment des concu­bi­nages, est un phé­no­mène émergent dans de nom­breux pays. De plus, la situa­tion de fidèles qui ont éta­bli une nou­velle union demande une atten­tion pas­to­rale par­ti­cu­lière : « Au cours des der­nières décen­nies (…) s’est beau­coup accrue la conscience de la néces­si­té d’un accueil fra­ter­nel et atten­tif, dans l’a­mour et la véri­té, à l’é­gard des bap­ti­sés qui ont éta­bli une nou­velle vie com­mune après l’é­chec du mariage sacra­men­tel ; en effet, ces per­sonnes ne sont nul­le­ment excom­mu­niées » (François, audience géné­rale, 5 août 2015).

55. L’Église part des situa­tions concrètes des familles d’au­jourd’­hui, qui ont toutes besoin de misé­ri­corde, en com­men­çant par celles qui souffrent le plus. Avec le cœur misé­ri­cor­dieux de Jésus, l’Église doit accom­pa­gner ses enfants les plus fra­giles, mar­qués par un amour bles­sé et per­du, leur redon­nant confiance et espé­rance, comme la lumière d’un phare ou d’un flam­beau appor­tée au milieu des gens pour éclai­rer ceux qui ont per­du le cap ou qui se trouvent au milieu de la tem­pête. La misé­ri­corde est « le centre de la révé­la­tion de Jésus-​Christ » (MV, 25) . En elle res­plen­dit la sou­ve­rai­ne­té de Dieu, par laquelle il est tou­jours à nou­veau fidèle à ce qu’il est, c’est-​à-​dire à l’a­mour (cf. 1 Jn 4, 8), et à son alliance. « C’est jus­te­ment dans sa misé­ri­corde que Dieu mani­feste sa tou­te­puis­sance » (Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-​II, q. 30, art. 4 ; cf. Missel Romain, Prière d’ou­ver­ture du 26e dimanche du temps ordi­naire). Annoncer la véri­té avec amour est en soi un acte de misé­ri­corde. Dans la Bulle Misericordiae Vultus, le pape François affirme : « La misé­ri­corde n’est pas contraire à la jus­tice, mais illustre le com­por­te­ment de Dieu envers le pécheur ». Et il pour­suit : « Dieu ne refuse pas la jus­tice. Il l’in­tègre et la dépasse dans un évé­ne­ment plus grand dans lequel on fait l’ex­pé­rience de l’a­mour, fon­de­ment d’une vraie jus­tice (MV, 21). Jésus est le visage de la misé­ri­corde de Dieu le Père : « Dieu a tant aimé le monde (…) pour que, par lui, (le Fils), le monde soit sau­vé » (Jn 3, 16–17).

III – Troisième partie La mission de la famille

56. Depuis le début de l’his­toire, Dieu a pro­di­gué son amour à ses enfants (cf. LG, 2), afin qu’ils puissent avoir la plé­ni­tude de la vie en Jésus-​Christ (cf. Jn 10,10). À tra­vers les sacre­ments de l’i­ni­tia­tion chré­tienne, Dieu invite les familles à entrer dans cette vie, à la pro­cla­mer et à la com­mu­ni­quer aux autres (cf. LG, 41). Comme le pape François nous le rap­pelle avec force, la mis­sion de la famille se tourne de plus en plus vers l’ex­té­rieur, dans le ser­vice de nos frères et soeurs. C’est la mis­sion de l’Église à laquelle chaque famille est appe­lée à par­ti­ci­per de façon unique et pri­vi­lé­giée. « En ver­tu du bap­tême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est deve­nu dis­ciple mis­sion­naire » (EG, 120. Dans le monde entier, nous pou­vons voir dans la réa­li­té des familles un tel bon­heur et une telle joie, mais aus­si tant de souf­frances et d’an­goisses. Nous vou­lons regar­der cette réa­li­té avec les yeux du Christ, quand il la regar­dait au moment où il a che­mi­né par­mi les hommes de son temps. Nous vou­lons avoir une atti­tude de com­pré­hen­sion pleine d’hu­mi­li­té. Notre désir est d’ac­com­pa­gner cha­cune et toutes les familles afin qu’elles découvrent la meilleure voie pour dépas­ser les dif­fi­cul­tés qu’elles ren­contrent sur leur che­min. L’Évangile est aus­si, tou­jours, un signe de contra­dic­tion. L’Église n’ou­blie jamais que le mys­tère pas­cal est cen­tral dans la Bonne Nouvelle que nous annon­çons. Elle veut aider les familles à recon­naître et à accueillir la croix quand elle se pré­sente devant eux, afin qu’elles puissent la por­ter avec le Christ sur le che­min qui mène à la joie de la résur­rec­tion. Ce tra­vail demande « une conver­sion pas­to­rale et mis­sion­naire, qui ne peut lais­ser les choses comme elles sont » (EG, 25). La conver­sion touche ensuite pro­fon­dé­ment la façon de vivre et de s’ex­pri­mer. Il est néces­saire d’a­dop­ter un lan­gage qui fasse sens. L’annonce doit per­mettre d’ex­pé­ri­men­ter que l’é­van­gile de la famille est la réponse aux attentes les plus pro­fondes de la per­sonne humaine : à sa digni­té et à sa pleine réa­li­sa­tion dans la réci­pro­ci­té, dans la com­mu­nion et dans la fécon­di­té. Il ne s’a­git pas seule­ment de pré­sen­ter des règles, mais bien d’an­non­cer la grâce qui per­met de vivre les biens de la famille. La trans­mis­sion de la foi rend aujourd’­hui plus que jamais néces­saire un lan­gage en mesure d’at­teindre cha­cun, en par­ti­cu­lier les jeunes, pour leur com­mu­ni­quer la beau­té de l’a­mour fami­lial et leur faire com­prendre la signi­fi­ca­tion de mots tels que le don, l’a­mour conju­gal, la fidé­li­té, la fécon­di­té, la pro­créa­tion. Le besoin d’un lan­gage nou­veau et plus adap­té se pré­sente avant tout au moment de faire décou­vrir la sexua­li­té aux enfants et aux ado­les­cents. Beaucoup de parents et de nom­breuses per­sonnes qui sont impli­quées dans la pas­to­rale éprouvent des dif­fi­cul­tés à trou­ver un lan­gage appro­prié et en même temps res­pec­tueux, qui asso­cie la nature de la sexua­li­té bio­lo­gique avec la com­plé­men­ta­ri­té du couple qui s’en­ri­chit mutuel­le­ment, mais aus­si avec l’a­mi­tié, l’a­mour et le don de l’homme et de la femme.

Chapitre I – La formation de la famille

La pré­pa­ra­tion au mariage

57. Le mariage chré­tien ne peut être réduit à une tra­di­tion cultu­relle ou à une simple conven­tion juri­dique : il est un véri­table appel de Dieu qui exige un dis­cer­ne­ment atten­tif, une prière constante et une matu­ra­tion adap­tée. Pour cela, des par­cours de for­ma­tion sont néces­saires, qui doivent accom­pa­gner la per­sonne et le couple en pro­po­sant à la fois les conte­nus de la foi et l’ex­pé­rience de vie de toute la com­mu­nau­té ecclé­siale. Pour que cette aide soit effi­cace, il faut aus­si que la caté­chèse en amont du mariage – par­fois pauvre en termes de conte­nu – soit amé­lio­rée, car elle fait par­tie inté­grante de la pas­to­rale ordi­naire. La pas­to­rale des futurs époux doit aus­si s’ins­crire dans l’en­ga­ge­ment plus large de la com­mu­nau­té chré­tienne à pré­sen­ter de façon adap­tée et convain­cante le mes­sage évan­gé­lique sur la digni­té de la per­sonne, sa liber­té et le res­pect de ses droits. Les trois étapes men­tion­nées dans Familiaris Consortio doivent être bien pré­sentes (cf. 66) : la pré­pa­ra­tion préa­lable, qui passe par la trans­mis­sion de la foi et des valeurs chré­tiennes au sein de sa famille ; la pré­pa­ra­tion plus proche, qui cor­res­pond aux par­cours de caté­chèse et aux expé­riences for­ma­trices vécues au sein de la com­mu­nau­té ecclé­siale ; enfin la pré­pa­ra­tion directe au mariage, qui fait par­tie d’un par­cours plus large sur la vocation.

58. Dans le chan­ge­ment cultu­rel en cours, ce sont sou­vent des modèles en déca­lage par rap­port à la vision chré­tienne de la famille qui sont pré­sen­tés. La sexua­li­té est sou­vent décon­nec­tée d’un pro­jet d’a­mour authen­tique. Dans cer­tains pays, les auto­ri­tés publiques imposent même des pro­jets de for­ma­tion qui pro­posent des conte­nus en oppo­si­tion avec la vision humaine et chré­tienne : sur ces pro­jets, l’Église affirme avec force la liber­té qui est la sienne d’en­sei­gner sa propre doc­trine et le droit à l’ob­jec­tion de conscience des édu­ca­teurs. Par ailleurs, la famille, même si elle demeure le pre­mier lieu d’é­du­ca­tion (cf. GE, 3), ne peut être l’u­nique lieu de for­ma­tion à la sexua­li­té. Pour cela, il convient d’or­ga­ni­ser de véri­tables par­cours pas­to­raux, spé­ci­fiques, dédiés soit aux céli­ba­taires soit aux couples, avec une atten­tion par­ti­cu­lière au moment de la puber­té et de l’a­do­les­cence, dans les­quels on aide­ra à décou­vrir la beau­té de la sexua­li­té dans l’a­mour. Le chris­tia­nisme pro­clame que Dieu a créé l’homme en tant qu’­homme et femme, et les a bénis afin qu’ils ne forment qu’une seule chair et trans­mettent la vie (cf. Gn 1, 27–28 ; 2, 24). Leur dif­fé­rence, dans leur égale digni­té per­son­nelle, est la marque de la bon­té de la créa­tion de Dieu. Selon le prin­cipe chré­tien, l’âme et le corps, tout comme le sexe bio­lo­gique (sex) et le rôle socio­cul­tu­rel du corps (gen­der), peuvent être dis­tin­gués, mais non sépa­rés. Il appa­raît donc néces­saire de déve­lop­per les sujets de for­ma­tion dans les par­cours en amont du mariage afin que ceux-​ci deviennent des par­cours d’é­du­ca­tion à la foi et à l’a­mour, inté­grés au che­mi­ne­ment de l’i­ni­tia­tion chré­tienne. Dans cette optique, il faut rap­pe­ler l’im­por­tance des ver­tus, par­mi les­quelles la chas­te­té, condi­tion pré­cieuse pour une crois­sance sin­cère de l’a­mour entre deux per­sonnes. Ce par­cours de for­ma­tion devrait être un che­min tour­né vers le dis­cer­ne­ment de la voca­tion per­son­nelle et de celle du couple, en veillant à une meilleure syner­gie entre les dif­fé­rents domaines pas­to­raux. Les par­cours de pré­pa­ra­tion au mariage doivent aus­si être pro­po­sés par des couples mariés en mesure d’ac­com­pa­gner les futurs époux avant leur mariage et dans les pre­mières années de leur vie matri­mo­niale, valo­ri­sant ain­si le rôle de ministre que doit jouer le couple. La valo­ri­sa­tion pas­to­rale des rela­tions per­son­nelles favo­ri­se­ra l’ou­ver­ture pro­gres­sive des esprits et des cœurs à la plé­ni­tude du plan de Dieu.

La célé­bra­tion du mariage

59. La litur­gie du mariage est un évé­ne­ment unique, qui se vit dans un contexte fami­lial et social fes­tif. Le pre­mier des signes de Jésus se pro­duit au ban­quet des noces de Cana : le bon vin du miracle du Seigneur égaye la nais­sance d’une nou­velle famille, il est le vin nou­veau de l’Alliance du Christ avec les hommes et les femmes de tout temps. La pré­pa­ra­tion du mariage occupe lon­gue­ment les futurs époux. Elle consti­tue pour eux un temps pré­cieux, pour leurs familles et leurs amis, qui doit être enri­chi par sa dimen­sion pro­pre­ment spi­ri­tuelle et ecclé­siale. La célé­bra­tion du mariage est jus­te­ment l’oc­ca­sion d’in­vi­ter en nombre à la célé­bra­tion du sacre­ment de la récon­ci­lia­tion et de l’eu­cha­ris­tie. La com­mu­nau­té chré­tienne, à tra­vers sa par­ti­ci­pa­tion cor­diale et joyeuse, accueille­ra en son sein la nou­velle famille afin que, en tant qu’Église domes­tique, elle se sente comme fai­sant par­tie de la grande famille ecclé­siale. La litur­gie du mariage devrait être pré­pa­rée par une caté­chèse mys­ta­go­gique qui doit per­mettre au couple de prendre conscience que la célé­bra­tion de leur alliance a lieu « dans le Seigneur ». Le célé­brant a fré­quem­ment l’op­por­tu­ni­té de s’a­dres­ser à une assem­blée com­po­sée de per­sonnes qui par­ti­cipent peu à la vie ecclé­siale ou appar­tiennent à d’autres confes­sions chré­tiennes ou com­mu­nau­tés reli­gieuses. Il s’a­git là d’une occa­sion pré­cieuse d’an­non­cer l’Évangile du Christ qui peut sus­ci­ter dans les familles pré­sentes la redé­cou­verte de la foi et de l’a­mour qui viennent de Dieu.

Les pre­mières années de la vie familiale

60. Les pre­mières années de mariage sont une période vitale et déli­cate durant laquelle la conscience qu’ont les couples de leur voca­tion et de leur mis­sion va crois­sant. D’où l’exi­gence d’un accom­pa­gne­ment pas­to­ral qui conti­nue après la célé­bra­tion du sacre­ment. La paroisse est le lieu où des couples plus expé­ri­men­tés peuvent être mis à la dis­po­si­tion des couples plus jeunes, avec l’aide éven­tuelle d’as­so­cia­tions, mou­ve­ments ecclé­siaux et com­mu­nau­tés nou­velles. Il convient d’en­cou­ra­ger les époux à une atti­tude fon­da­men­ta­le­ment ouverte à l’ac­cueil du grand don que sont les enfants. Il faut sou­li­gner l’im­por­tance de la spi­ri­tua­li­té fami­liale, de la prière et de la par­ti­ci­pa­tion à l’eu­cha­ris­tie domi­ni­cale, en invi­tant les couples à se réunir régu­liè­re­ment pour aider à faire gran­dir leur vie spi­ri­tuelle et leur soli­da­ri­té face aux exi­gences concrètes de la vie. La ren­contre per­son­nelle avec le Christ à tra­vers la lec­ture de la Parole de Dieu, au sein de la com­mu­nau­té ou chez soi, spé­cia­le­ment sous forme de lec­tio divi­na consti­tue une source d’ins­pi­ra­tion pour la vie quo­ti­dienne. Liturgie, prière et eucha­ris­ties célé­brées pour les familles, en par­ti­cu­lier lors d’an­ni­ver­saires de mariage, nour­rissent la vie spi­ri­tuelle et le témoi­gnage mis­sion­naire de la famille. Dans les pre­mières années de vie conju­gale, on constate sou­vent une cer­taine intro­ver­sion du couple, avec en consé­quence un iso­le­ment par rap­port à la com­mu­nau­té. Consolider le réseau rela­tion­nel entre les couples et créer des liens forts sont néces­saires pour le déve­lop­pe­ment de la vie chré­tienne de la famille. Les mou­ve­ments et les groupes ecclé­siaux garan­tissent sou­vent de telles occa­sions de crois­sance et de for­ma­tion. L’Église locale, inté­grant ces dif­fé­rents apports, doit se char­ger de la coor­di­na­tion de la pas­to­rale pro­po­sée aux jeunes familles. Dans la pre­mière phase de la vie conju­gale, la non-​satisfaction du désir d’en­fants pro­cure un décou­ra­ge­ment par­ti­cu­lier. Cette situa­tion est sou­vent à l’o­ri­gine de crises qui débouchent rapi­de­ment sur une sépa­ra­tion. C’est pour cette rai­son aus­si que la proxi­mi­té de la com­mu­nau­té envers les jeunes époux est si impor­tante, à tra­vers le sou­tien affec­tueux et dis­cret de familles fiables.

La for­ma­tion des prêtres et des autres acteurs de la pastorale

61. Un renou­veau de la pas­to­rale à la lumière de l’é­van­gile de la famille et de l’en­sei­gne­ment du Magistère est néces­saire. Il convient pour cela de pro­po­ser une for­ma­tion plus adé­quate des prêtres, des diacres, des reli­gieux et des reli­gieuses, des caté­chistes et des autres acteurs de la pas­to­rale, qui doivent pro­mou­voir l’in­té­gra­tion des familles dans la com­mu­nau­té parois­siale, en par­ti­cu­lier à l’oc­ca­sion des par­cours de for­ma­tion à la vie chré­tienne en vue des sacre­ments. Les sémi­naires en par­ti­cu­lier, dans leurs par­cours de for­ma­tion humaine, spi­ri­tuelle, intel­lec­tuelle et pas­to­rale, doivent pré­pa­rer les futurs prêtres à deve­nir des apôtres de la famille. Dans la for­ma­tion à leur minis­tère, le déve­lop­pe­ment affec­tif et psy­cho­lo­gique ne peut être négli­gé, en y inté­grant direc­te­ment des par­cours adap­tés. Les par­cours de for­ma­tion et les cours des­ti­nés spé­ci­fi­que­ment aux acteurs de la pas­to­rale doivent rendre ceux-​ci capables de bien inté­grer ce par­cours de pré­pa­ra­tion au mariage dans la dyna­mique plus large de la vie ecclé­siale. Dans leur période de for­ma­tion, les can­di­dats au sacer­doce doivent vivre des périodes appro­priées dans leur propre famille et être gui­dés pour acqué­rir l’ex­pé­rience de la pas­to­rale fami­liale, afin d’a­voir une bonne connais­sance de la situa­tion actuelle de la famille. La pré­sence des laïcs et des familles, en par­ti­cu­lier la pré­sence fémi­nine dans la for­ma­tion sacer­do­tale, favo­rise l’ap­pré­cia­tion de la varié­té et de la com­plé­men­ta­ri­té des dif­fé­rentes voca­tions au sein de l’Église. L’engagement propre à ce pré­cieux minis­tère pour­ra rece­voir une vita­li­té et un carac­tère concret par une alliance renou­ve­lée entre les deux prin­ci­pales formes de voca­tion à l’a­mour : celle du mariage, qui débouche sur la famille chré­tienne, fon­dée sur l’a­mour choi­si, et celle de la vie consa­crée, image de la com­mu­nion du Royaume, qui part de l’ac­cueil incon­di­tion­nel de l’autre comme don de Dieu. Dans cette com­mu­nion des voca­tions se pro­duit un échange fécond de dons, qui ravive et enri­chit la com­mu­nau­té ecclé­siale (cf. Ac 18, 2). La direc­tion spi­ri­tuelle de la famille peut être consi­dé­rée comme un des minis­tères des paroisses. Nous sug­gé­rons que le ser­vice dio­cé­sain pour la famille et les autres ser­vices de la pas­to­rale puissent inten­si­fier leur col­la­bo­ra­tion en ce domaine. Dans la for­ma­tion per­ma­nente du cler­gé et des acteurs de la pas­to­rale, il est sou­hai­table que l’on conti­nue à veiller par des moyens adap­tés au déve­lop­pe­ment de la dimen­sion affec­tive et psy­cho­lo­gique, qui leur sera indis­pen­sable pour l’ac­com­pa­gne­ment pas­to­ral des familles, éga­le­ment dans la pers­pec­tive des situa­tions d’ur­gence par­ti­cu­lières liées à des cas de vio­lence domes­tique et d’a­bus sexuels.

Chapitre II – Famille, pro­créa­tion, éducation

La trans­mis­sion de la vie

62. La pré­sence de familles nom­breuses dans l’Église est une béné­dic­tion pour la com­mu­nau­té chré­tienne et pour la socié­té, car l’ou­ver­ture à la vie est une exi­gence intrin­sèque à l’a­mour conju­gal. À cet égard, l’Église exprime sa vive gra­ti­tude aux familles qui accueillent, éduquent, entourent d’af­fec­tion et trans­mettent la foi à leurs enfants, et de manière par­ti­cu­lière à ceux qui sont plus fra­giles et mar­qués par le han­di­cap. Ces enfants, nés avec des besoins spé­ci­fiques, attirent l’a­mour du Christ et demandent à l’Église de les pro­té­ger comme une béné­dic­tion. Une men­ta­li­té répan­due réduit mal­heu­reu­se­ment le fait de don­ner la vie à la simple recherche d’une satis­fac­tion indi­vi­duelle ou de couple. Les fac­teurs d’ordre éco­no­mique, cultu­rel et édu­ca­tif exercent par­fois un poids déter­mi­nant, contri­buant à la forte baisse de la nata­li­té qui affai­blit le tis­su social, com­pro­met les rap­ports entre géné­ra­tions et rend plus incer­taine la vision du futur. Dans ce domaine éga­le­ment, il faut par­tir de l’é­coute des per­sonnes et recon­naître la beau­té et la véri­té d’une ouver­ture incon­di­tion­nelle à la vie, ce dont l’a­mour humain a besoin pour être vécu en plé­ni­tude. On voit ici la néces­si­té de dif­fu­ser tou­jours davan­tage les docu­ments du Magistère de l’Église qui pro­meuvent la culture de la vie. La pas­to­rale fami­liale devrait davan­tage impli­quer les spé­cia­listes catho­liques en matière bio­mé­di­cale dans les par­cours de pré­pa­ra­tion au mariage et dans l’ac­com­pa­gne­ment des époux.

La res­pon­sa­bi­li­té procréatrice

63. Selon l’ordre de la créa­tion, l’a­mour conju­gal entre un homme et une femme et la trans­mis­sion de la vie sont ordon­nés l’un à l’autre (cf. Gn 1, 27–28). De cette façon, le Créateur a fait par­ti­ci­per l’homme et la femme à l’œuvre de sa créa­tion et a en même temps fait d’eux des ins­tru­ments de son amour, leur confiant la res­pon­sa­bi­li­té de l’a­ve­nir de l’hu­ma­ni­té à tra­vers la trans­mis­sion de la vie humaine. Les époux s’ou­vri­ront à la vie en for­mant « un juge­ment droit : ils pren­dront en consi­dé­ra­tion à la fois leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils dis­cer­ne­ront les condi­tions aus­si bien maté­rielles que spi­ri­tuelles de leur époque et de leur situa­tion ; ils tien­dront compte enfin du bien de la com­mu­nau­té fami­liale, des besoins de la socié­té tem­po­relle et de l’Église elle-​même » (GS, 50 ; cf. VS, 54- 66). Conformément au carac­tère per­son­nel et humai­ne­ment com­plet de l’a­mour conju­gal, la juste route pour la pla­ni­fi­ca­tion fami­liale est celle du dia­logue consen­suel entre les époux, du res­pect des rythmes et de la prise en consi­dé­ra­tion de la digni­té du par­te­naire. En ce sens, l’en­cy­clique Humanae Vitae (cf. 10–14) et l’ex­hor­ta­tion apos­to­lique Familiaris Consortio (cf. 14 ; 28–35) doivent être redé­cou­vertes afin de ravi­ver la dis­po­ni­bi­li­té à la pro­créa­tion, en déca­lage avec une men­ta­li­té sou­vent hos­tile à la vie. Il faut exhor­ter de façon répé­tée les jeunes couples à don­ner la vie. De cette façon, l’ou­ver­ture à la vie pour­ra croître, dans la famille, dans l’Église et dans la socié­té. À tra­vers ses nom­breuses ins­ti­tu­tions pour enfant, l’Église peut contri­buer à créer une socié­té, mais éga­le­ment une com­mu­nau­té de foi, qui soient davan­tage adap­tées aux enfants. Le cou­rage de trans­mettre la vie est par­ti­cu­liè­re­ment ren­for­cé lorsque il y a une atmo­sphère adap­tée aux plus petits, dans laquelle on offre une aide et un accom­pa­gne­ment dans le tra­vail d’é­du­ca­tion des enfants (coopé­ra­tion entre paroisses, parents et familles). Le choix res­pon­sable de la paren­ta­li­té pré­sup­pose la for­ma­tion de la conscience, qui est « le centre le plus secret de l’homme, le sanc­tuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS, 16). Plus les époux cherchent à écou­ter Dieu et ses com­man­de­ments dans leur conscience (cf. Rm 2, 15) et se font accom­pa­gner spi­ri­tuel­le­ment, plus leur déci­sion sera pro­fon­dé­ment libé­rée d’un choix sub­jec­tif et de l’a­li­gne­ment sur les com­por­te­ments de leur envi­ron­ne­ment. Par amour de cette digni­té de la conscience, l’Église rejette de toutes ses forces les inter­ven­tions coer­ci­tives des États en faveur de la contra­cep­tion, de la sté­ri­li­sa­tion ou de l’a­vor­te­ment. Le recours aux méthodes fon­dées sur « les rythmes natu­rels de fécon­di­té (HV, 11) doit être encou­ra­gé. On met­tra en lumière que « ces méthodes res­pectent le corps des époux, encou­ragent la ten­dresse entre eux et favo­risent l’é­du­ca­tion d’une liber­té authen­tique » (CEC, 2370). Il faut tou­jours mettre en avant le fait que les enfants sont un don mer­veilleux de Dieu, une joie pour les parents et pour l’Église. C’est à tra­vers eux que le Seigneur renou­velle le monde.

La valeur de la vie dans toutes ses phases

64. La vie est don de Dieu et un mys­tère qui nous dépasse. C’est pour­quoi il ne faut en aucune manière en éli­mi­ner les débuts et la fin. Il est au contraire néces­saire d’ac­cor­der à ces phases une atten­tion particulière.Aujourd’hui, trop faci­le­ment, « on consi­dère l’être humain en lui-​même comme un bien de consom­ma­tion, qu’on peut uti­li­ser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du « déchet » qui est même pro­mue » (EG, 53). Sur ce sujet, il revient à la famille, sou­te­nue par toute la socié­té, d’ac­cueillir la vie nais­sante et de prendre soin de sa phase ultime. Face au drame de l’a­vor­te­ment, l’Église affirme avant tout le carac­tère sacré et invio­lable de la vie humaine et s’im­plique concrè­te­ment en sa faveur (cf. EV, 58). Grâce à ses ins­ti­tu­tions, elle offre des conseils aux femmes enceintes, sou­tient les filles-​mères, s’oc­cupe des enfants aban­don­nés, est proche de ceux qui ont souf­fert d’un avor­te­ment. À ceux qui oeuvrent dans des struc­tures de san­té, on rap­pelle leur obli­ga­tion morale à l’ob­jec­tion de conscience. De la même façon, l’Église sent non seule­ment l’ur­gence d’af­fir­mer le droit à la mort natu­relle, en évi­tant l’a­char­ne­ment thé­ra­peu­tique et l’eu­tha­na­sie, mais prend éga­le­ment soin des plus âgés, pro­tège les per­sonnes han­di­ca­pées, assiste les malades en phase ter­mi­nale, conforte les mou­rants, rejette fer­me­ment la peine de mort (cf. CEC, 2258). 

Adoption et placement

65. L’adoption des enfants, orphe­lins et aban­don­nés, accueillis comme ses propres enfants, est du point de vue de la foi la forme d’un authen­tique apos­to­lat fami­lial (cf. AA, 11), rap­pe­lé à plu­sieurs reprises et encou­ra­gé par le Magistère (cf. FC, 41 ; EV, 93). Le choix de l’a­dop­tion et de l’ac­cueil d’un enfant pla­cé consti­tue une fécon­di­té par­ti­cu­lière de l’ex­pé­rience conju­gale, au-​delà des situa­tions dans les­quelles elle est dou­lou­reu­se­ment mar­quée par la sté­ri­li­té. Un tel choix est le signe élo­quent de l’ac­cueil à la créa­tion, témoi­gnage de foi et accom­plis­se­ment de l’a­mour. Elle rend une digni­té réci­proque à un lien inter­rom­pu : aux époux qui n’ont pas d’en­fants et aux enfants qui n’ont pas de parents. Toutes les ini­tia­tives visant à faci­li­ter les pro­cé­dures d’a­dop­tion sont donc sou­te­nues. Les tra­fics d’en­fants entre pays et conti­nents doivent être empê­chés par des dis­po­si­tions légis­la­tives et par le contrôle des États. La conti­nui­té des rela­tions paren­tales et des rela­tions d’é­du­ca­tion a comme fon­de­ment néces­saire la dif­fé­rence sexuelle entre l’homme et la femme, tout comme la pro­créa­tion. Face à ces situa­tions dans les­quelles l’en­fant est vu comme un droit à n’im­porte quel prix, pour son propre accom­plis­se­ment, l’a­dop­tion et le pla­ce­ment com­pris d’une juste manière consti­tuent un aspect impor­tant de la paren­ta­li­té et de la filia­tion. En effet, ils aident à recon­naître que les enfants, qu’ils soient natu­rels, adop­tifs ou pla­cés, sont des êtres autres que soi et qu’il convient de les accueillir, de les aimer, d’en prendre soin, et pas seule­ment de les mettre au monde. L’intérêt supé­rieur de l’en­fant devrait tou­jours ins­pi­rer les déci­sions sur l’a­dop­tion et le pla­ce­ment. Comme l’a rap­pe­lé le pape François, « les enfants ont le droit de gran­dir dans une famille, avec un père et une mère » (Audience aux par­ti­ci­pants du Colloque inter­na­tio­nal sur la com­plé­men­ta­ri­té entre homme et femme, orga­ni­sé par la Congrégation pour la doc­trine de la foi, 17 novembre 2014). L’Église affirme néan­moins que, là où cela est pos­sible, les enfants ont le droit de gran­dir dans leur famille d’o­ri­gine avec tout le sou­tien possible.

L’éducation des enfants

66. Un des défis fon­da­men­taux par­mi ceux posés aux familles aujourd’­hui est assu­ré­ment celui de l’é­du­ca­tion, obli­geant à une impli­ca­tion plus forte et ren­due plus com­plexe par la réa­li­té cultu­relle actuelle et par l’in­fluence impor­tante des médias. Il faut tenir plei­ne­ment compte des exi­gences et des attentes des familles capables d’être, dans la vie quo­ti­dienne, des lieux de crois­sance, de trans­mis­sion concrète et fon­da­men­tale de la foi, de la spi­ri­tua­li­té et des ver­tus qui donnent forme à l’exis­tence. La famille d’o­ri­gine est sou­vent le foyer de la voca­tion au sacer­doce et à la vie consa­crée : c’est pour­quoi nous exhor­tons les parents à deman­der au Seigneur le don ines­ti­mable de la voca­tion pour cer­tains de leurs enfants. En matière édu­ca­tive, il faut pro­té­ger le droit des parents à choi­sir libre­ment le type d’é­du­ca­tion qu’ils veulent don­ner à leurs enfants selon leurs convic­tions, et dans des condi­tions acces­sibles et de qua­li­té. Il faut aider à vivre l’af­fec­ti­vi­té, aus­si dans les rela­tions conju­gales, comme un par­cours de matu­ra­tion, dans un accueil tou­jours plus pro­fond de l’autre et un don tou­jours plus com­plet. On rap­pelle à ce sujet la néces­si­té d’of­frir des par­cours de for­ma­tion qui nour­rissent la vie conju­gale, et l’im­por­tance de la pré­sence de laïcs qui accom­pagnent les couples par un témoi­gnage vivant. L’exemple d’un amour fidèle et pro­fond est d’une grande aide. Il est fait de ten­dresse, de res­pect, est capable de gran­dir dans le temps et, par son ouver­ture concrète à la géné­ra­tion de la vie, fait l’ex­pé­rience d’un mys­tère qui nous dépasse.

67. Dans toutes les cultures, les adultes d’une famille conservent leur irrem­pla­çable fonc­tion édu­ca­tive. Cependant, dans de nom­breux contextes, nous assis­tons à un affai­blis­se­ment pro­gres­sif du rôle édu­ca­tif des parents, du fait d’une pré­sence enva­his­sante des médias au sein de la sphère fami­liale, ain­si que la ten­dance à délé­guer ou à confier cette tâche à d’autres per­sonnes. D’un autre côté, les médias (spé­cia­le­ment les médias sociaux) rap­prochent les membres de la famille mal­gré les dis­tances. L’utilisation des emails et des réseaux sociaux per­met de main­te­nir dans le temps l’u­ni­té entre les membres d’une famille. Et par-​dessus tout, les médias peuvent être une occa­sion pour l’é­van­gé­li­sa­tion des jeunes. Il faut que l’Église encou­rage et sou­tienne les familles dans leur tra­vail de par­ti­ci­pa­tion vigi­lante et res­pon­sable sur les pro­grammes sco­laires et édu­ca­tifs qui concernent leurs enfants. Sur ce point, le consen­sus est una­nime pour réaf­fir­mer que la pre­mière école d’é­du­ca­tion est la famille, et que la com­mu­nau­té chré­tienne veut jouer un rôle de sou­tien et d’in­té­gra­tion dans cette mis­sion irrem­pla­çable de for­ma­tion. Il est néces­saire d’i­den­ti­fier des espaces et des moments de ren­contre pour encou­ra­ger la for­ma­tion des parents et le par­tage d’ex­pé­riences entre familles. Il est impor­tant que les parents soient impli­qués acti­ve­ment dans les par­cours de pré­pa­ra­tion aux sacre­ments de l’i­ni­tia­tion chré­tienne, en tant que pre­miers édu­ca­teurs et témoins de foi de leurs enfants.

68. Les écoles catho­liques jouent un rôle vital pour aider les parents dans leur devoir d’é­du­ca­tion de leurs enfants. L’éducation catho­lique favo­rise le rôle de la famille : elle assure une bonne pré­pa­ra­tion, éduque aux ver­tus et aux valeurs, donne une ins­truc­tion dans le res­pect des ensei­gne­ments de l’Église. Les écoles catho­liques devraient être encou­ra­gées dans leur mis­sion d’ai­der les élèves à gran­dir comme des adultes mûrs, capables de voir le monde à tra­vers le regard d’a­mour de Jésus et com­pre­nant la vie comme un appel à ser­vir Dieu. Les écoles catho­liques se révèlent ain­si utiles pour la mis­sion d’é­van­gé­li­sa­tion de l’Église. Dans beau­coup d’en­droits, les écoles catho­liques sont les seules à consti­tuer une véri­table oppor­tu­ni­té pour les enfants des familles pauvres, spé­cia­le­ment pour les jeunes, leur offrant une alter­na­tive à la pau­vre­té et une voie leur per­met­tant de contri­buer à la vie de la socié­té. Les écoles catho­liques devraient être encou­ra­gées à déve­lop­per leur action envers les com­mu­nau­tés les plus pauvres, en se met­tant au ser­vice des membres moins for­tu­nés et plus vul­né­rables de notre société.

Chapitre III – Famille et accompagnement pastoral

Situations com­plexes

69. Le sacre­ment du mariage, en tant qu’u­nion indis­so­luble dans la fidé­li­té entre un homme et une femme appe­lés à se rece­voir réci­pro­que­ment et à accueillir la vie, est une grande grâce pour la famille humaine. L’Église a la joie et le devoir d’an­non­cer cette grâce à tous et par­tout. Elle res­sent aujourd’­hui de façon encore plus urgente la res­pon­sa­bi­li­té de faire redé­cou­vrir aux bap­ti­sés com­bien la grâce de Dieu est à l’œuvre dans leurs vies – même dans les situa­tions les plus dif­fi­ciles – pour les conduire à la plé­ni­tude du sacre­ment. Le Synode, tout en saluant et encou­ra­geant les familles qui vivent la beau­té du mariage chré­tien, entend pro­mou­voir le dis­cer­ne­ment pas­to­ral pour les situa­tions dans les­quelles l’ac­cueil de ce don peine à être recon­nu, ou est, à des degrés divers, com­pro­mis. C’est une grande res­pon­sa­bi­li­té que de main­te­nir vivant un dia­logue pas­to­ral avec ses fidèles, qui per­met­tra une ouver­ture crois­sante et cohé­rente à l’é­van­gile du mariage et de la famille dans sa plé­ni­tude. Les pas­teurs doivent iden­ti­fier les élé­ments qui peuvent favo­ri­ser l’é­van­gé­li­sa­tion et la crois­sance humaine et spi­ri­tuelle de ceux qui sont confiés à leurs soins par le Seigneur.

70. La pas­to­rale doit pro­po­ser avec clar­té le mes­sage évan­gé­lique et sai­sir les élé­ments posi­tifs pré­sents dans les situa­tions qui ne cor­res­pondent pas encore, ou qui ne cor­res­pondent plus, à celui-​ci. Dans beau­coup de pays, un nombre crois­sant de couples vit en concu­bi­nage, sans être mariés, ni reli­gieu­se­ment ni civi­le­ment. Dans cer­tains pays, une forme tra­di­tion­nelle de mariage existe, arran­gé entre familles et sou­vent célé­bré en dif­fé­rentes étapes. Dans d’autres pays au contraire, ils sont de plus en plus nom­breux ceux qui, après avoir vécu ensemble pen­dant long­temps, demandent à célé­brer leur mariage à l’é­glise. La simple coha­bi­ta­tion est sou­vent choi­sie du fait de la men­ta­li­té domi­nante contraire aux ins­ti­tu­tions et aux enga­ge­ments défi­ni­tifs, mais aus­si à cause de l’at­tente d’une cer­taine sécu­ri­té pour vivre (un tra­vail et un salaire fixe). Dans d’autres pays enfin, les unions de fait sont de plus en plus nom­breuses, non seule­ment à cause du rejet des valeurs de la famille et du mariage, mais éga­le­ment parce que se marier est per­çu comme un luxe : des condi­tions sociales dif­fi­ciles mar­quées par la misère maté­rielle poussent vers ces unions de fait. Toutes ces situa­tions doivent être abor­dées de manière construc­tive, en cher­chant à les trans­for­mer en oppor­tu­ni­tés de che­min de conver­sion vers la plé­ni­tude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile.

71. Le choix du mariage civil ou par­fois de la simple coha­bi­ta­tion, n’est dans la plu­part des cas pas moti­vé par des pré­ju­gés ou des résis­tances vis-​à-​vis de l’u­nion sacra­men­telle, mais par des rai­sons cultu­relles ou contin­gentes. Dans beau­coup de cas, la déci­sion de vivre ensemble est le signe d’une rela­tion qui se place vrai­ment dans une pers­pec­tive de sta­bi­li­té. Cette volon­té, qui se tra­duit dans un lien durable, fiable et ouvert à la vie, peut être consi­dé­rée comme un enga­ge­ment sur lequel gref­fer un che­min vers le sacre­ment du mariage, décou­vert alors comme le des­sein de Dieu sur sa vie. Le che­min de crois­sance qui peut conduire au mariage sacra­men­tel sera encou­ra­gé par la recon­nais­sance des carac­té­ris­tiques de l’a­mour géné­reux et durable : le désir de cher­cher le bien de l’autre avant le sien ; l’ex­pé­rience du par­don deman­dé et accor­dé ; l’as­pi­ra­tion à construire une famille non refer­mée sur elle-​même mais ouverte au bien de la com­mu­nau­té ecclé­siale et de la socié­té tout entière. Tout au long de ce par­cours, on pour­ra valo­ri­ser ces signes d’a­mour qui cor­res­pondent jus­te­ment à ce reflet de l’a­mour de Dieu dans un authen­tique pro­jet conjugal.

72. Les pro­blé­ma­tiques rela­tives aux mariages mixtes requièrent une atten­tion par­ti­cu­lière. Les mariages entre des catho­liques et d’autres bap­ti­sés « pré­sentent, tout en ayant une phy­sio­no­mie par­ti­cu­lière, de nom­breux élé­ments qu’il est bon de valo­ri­ser et de déve­lop­per, soit pour leur valeur intrin­sèque, soit pour la contri­bu­tion qu’ils peuvent appor­ter au mou­ve­ment oecu­mé­nique ». À cette fin, « on recher­che­ra (…) une cor­diale col­la­bo­ra­tion entre le ministre catho­lique et le ministre non catho­lique, dès le moment de la pré­pa­ra­tion au mariage et des noces » (FC, 78). Au sujet du par­tage eucha­ris­tique, on rap­pelle que « la déci­sion d’ad­mettre ou non la par­tie non-​catholique du mariage à la com­mu­nion eucha­ris­tique, est à prendre en accord avec les normes géné­rales exis­tant en la matière, tant pour les chré­tiens orien­taux que pour les autres chré­tiens, et en tenant compte de cette situa­tion par­ti­cu­lière de la récep­tion du sacre­ment de mariage chré­tien par deux chré­tiens bap­ti­sés. Bien que les époux d’un mariage mixte aient en com­mun les sacre­ments du bap­tême et du mariage, le par­tage eucha­ris­tique ne peut être qu’ex­cep­tion­nel et l’on doit, en chaque cas, obser­ver les normes rap­por­tées ci-​dessus (…) (Conseil pon­ti­fi­cal pour la pro­mo­tion de l’u­ni­té des chré­tiens, Directoire pour l’ap­pli­ca­tion des prin­cipes et des normes sur l’oe­cu­mé­nisme, 25 mars 1993, 159–160).

73. Les mariages avec une dif­fé­rence de culte consti­tuent un lieu pri­vi­lé­gié de dia­logue inter­re­li­gieux dans la vie quo­ti­dienne et peuvent être un signe d’es­pé­rance pour la com­mu­nau­té reli­gieuse, spé­cia­le­ment là où existent des situa­tions de ten­sion. Les membres du couple par­tagent leurs dif­fé­rentes expé­riences spi­ri­tuelles, ou une démarche de recherche reli­gieuse si l’un des deux n’est pas croyant (cf. 1 Cor 7, 14). Les mariages avec une dif­fé­rence de culte com­portent cer­taines dif­fi­cul­tés par­ti­cu­lières, que ce soit par rap­port à l’i­den­ti­té chré­tienne de la famille ou à l’é­du­ca­tion reli­gieuse des enfants. Les époux sont appe­lés à trans­for­mer tou­jours davan­tage le sen­ti­ment ini­tial d’at­trac­tion en un désir sin­cère du bien de l’autre. Cette ouver­ture trans­forme aus­si l’ap­par­te­nance reli­gieuse dif­fé­rente en une oppor­tu­ni­té d’en­ri­chis­se­ment de la qua­li­té spi­ri­tuelle des rela­tions. Le nombre de familles repo­sant sur des unions conju­gales qui pré­sentent une dis­pa­ri­té de culte est de plus en plus impor­tant dans les pays de mis­sion mais aus­si dans les pays de tra­di­tion chré­tienne plus ancienne ; cela ampli­fie l’ur­gence de pro­po­ser une approche pas­to­rale dif­fé­ren­ciée selon les dif­fé­rents contextes sociaux et cultu­rels. Dans cer­tains pays, là où la liber­té reli­gieuse n’existe pas, l’é­poux chré­tien est obli­gé de pas­ser à une autre reli­gion pour pou­voir se marier, et ne peut célé­brer un mariage cano­nique avec dif­fé­rence de culte ni bap­ti­ser ses enfants. Nous devons néan­moins réaf­fir­mer la néces­si­té que la liber­té reli­gieuse soit res­pec­tée pour tous.

74. Les mariages mixtes et les mariages avec une dis­pa­ri­té de culte offrent des poten­tia­li­tés fécondes mais aus­si de mul­tiples situa­tions cri­tiques qui ne sont pas faciles à résoudre, davan­tage au niveau pas­to­ral qu’au niveau nor­ma­tif, telles que l’é­du­ca­tion reli­gieuse des enfants, la par­ti­ci­pa­tion à la vie litur­gique du conjoint, ou le par­tage de l’ex­pé­rience spi­ri­tuelle. Pour affron­ter de façon construc­tive cette diver­si­té en matière de foi, il faut por­ter une atten­tion par­ti­cu­lière aux per­sonnes qui s’u­nissent dans de tels mariages, et pas uni­que­ment avant le mariage. Les couples et les familles dans les­quels l’un des époux est catho­lique et l’autre est non-​croyant affrontent des défis par­ti­cu­liers. Dans de tels cas, il faut témoi­gner de la capa­ci­té de l’Évangile à s’a­dap­ter à ces situa­tions pour rendre pos­sible l’é­du­ca­tion des enfants à la foi chrétienne.

75. Une dif­fi­cul­té par­ti­cu­lière existe pour l’ac­cès au bap­tême des per­sonnes qui se trouvent dans une situa­tion matri­mo­niale com­plexe. Il s’a­git de per­sonnes qui ont contrac­té une union matri­mo­niale stable à un moment où au moins l’un des deux ne connais­sait pas la foi chré­tienne. Les évêques sont appe­lés à exer­cer dans ces situa­tions un dis­cer­ne­ment pas­to­ral pro­por­tion­né à leur bien spirituel.

76. L’Église calque son atti­tude sur celle du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limites, s’est offert pour toute per­sonne sans excep­tion (MV, 12). Au sujet des familles qui vivent l’ex­pé­rience d’a­voir en leur sein des per­sonnes à ten­dance homo­sexuelle, l’Église réaf­firme que toute per­sonne, indé­pen­dam­ment de ses ten­dances sexuelles, doit être res­pec­tée dans sa digni­té et écou­tée avec res­pect, en pre­nant soin d’é­vi­ter « toute marque de dis­cri­mi­na­tion injuste » (Congrégation pour la doc­trine de la foi, Considérations à pro­pos des pro­jets de recon­nais­sance juri­dique des unions entre per­sonnes homo­sexuelles. Une atten­tion spé­ciale doit aus­si être réser­vée à l’ac­com­pa­gne­ment des familles dans les­quelles vivent des per­sonnes à ten­dance homo­sexuelle. Au sujet des pro­jets visant à rendre équi­va­lentes au mariage les unions entre per­sonnes homo­sexuelles, « il n’y a aucun fon­de­ment pour assi­mi­ler ou éta­blir des ana­lo­gies, même loin­taines, entre les unions homo­sexuelles et le des­sein de Dieu sur le mariage et la famille » (ibid.). Le Synode consi­dère quoi qu’il en soit comme inac­cep­table que les Églises locales subissent des pres­sions en la matière et que les orga­nismes inter­na­tio­naux condi­tionnent leurs aides finan­cières aux pays pauvres à l’in­tro­duc­tion de lois qui ins­ti­tuent le « mariage » entre per­sonnes de même sexe.

L’accompagnement dans diverses situations

77. L’Église fait siennes, dans un par­tage plein d’af­fec­tion, les joies et les espé­rances, les dou­leurs et les angoisses de toutes les familles. Être proche des familles comme un com­pa­gnon de route signi­fie, pour l’Église, d’a­dop­ter une atti­tude savam­ment dif­fé­ren­ciée : par­fois il est néces­saire de se tenir à côté et d’é­cou­ter en silence ; dans d’autres cas, il faut pas­ser devant pour mon­trer la voie à par­cou­rir ; dans d’autres encore, il faut suivre, sou­te­nir et encou­ra­ger. « L’Église devra ini­tier ses membres – prêtres, per­sonnes consa­crées et laïcs – à cet « art de l’ac­com­pa­gne­ment », pour que tous apprennent tou­jours à ôter leurs san­dales devant la terre sacrée de l’autre (cf. Ex 3, 5). Nous devons don­ner à notre che­min le rythme salu­taire de la proxi­mi­té, avec un regard res­pec­tueux et plein de com­pas­sion mais qui en même temps gué­rit, libère et encou­rage à mûrir dans la vie chré­tienne » (EG, 169). C’est la paroisse qui offre la contri­bu­tion prin­ci­pale à la pas­to­rale fami­liale. Elle est une famille de familles, dans laquelle se crée une har­mo­nie entre ce qu’ap­portent les apports de petites com­mu­nau­tés, asso­cia­tions et mou­ve­ments ecclé­siaux. L’accompagnement requiert des prêtres spé­cia­le­ment pré­pa­rés, et la créa­tion de centres spé­cia­li­sés où prêtres, reli­gieux et laïcs apprennent à prendre soin de toutes les familles, avec une atten­tion par­ti­cu­lière envers celles qui sont en difficulté.

78. Il appa­raît comme par­ti­cu­liè­re­ment urgent de mettre en place un minis­tère dédié à ceux dont la rela­tion matri­mo­niale s’est bri­sée. Le drame de la sépa­ra­tion se pro­duit sou­vent au terme de longues périodes de conflits, qui font retom­ber sur les enfants les plus grandes souf­frances. La soli­tude du conjoint aban­don­né, ou qui a été contraint d’in­ter­rompre une vie com­mune mar­quée par de mau­vais trai­te­ments de façon grave et conti­nue, demande un soin par­ti­cu­lier de la part de la com­mu­nau­té chré­tienne. La pré­ven­tion et le soin dans les cas de vio­lence fami­liale requièrent une col­la­bo­ra­tion étroite avec la jus­tice pour agir contre les per­sonnes res­pon­sables et pro­té­ger comme il le faut les vic­times. Il est en outre impor­tant de pro­mou­voir la pro­tec­tion des mineurs contre les abus sexuels. Dans l’Église, sur ces sujets, c’est la tolé­rance zéro qui doit être main­te­nue, en plus de l’ac­com­pa­gne­ment des familles. Il sem­ble­rait en outre oppor­tun de prendre en consi­dé­ra­tion les familles dans les­quelles cer­tains membres ont des acti­vi­tés com­por­tant des exi­gences par­ti­cu­lières, comme les mili­taires, qui se trouvent en situa­tion de sépa­ra­tion maté­rielle et d’é­loi­gne­ment phy­sique pro­lon­gé de leur famille, avec toutes les consé­quences que cela com­porte. Au retour de théâtres de conflits, il n’est pas rare qu’ils soient atteints par des syn­dromes post­trau­ma­tiques et tou­chés dans leur conscience, ce qui fait naître chez eux de graves ques­tions morales. Une atten­tion pas­to­rale par­ti­cu­lière est ici nécessaire.

79. L’expérience de l’é­chec du mariage est tou­jours dou­lou­reuse pour tous. Ce même échec peut d’un autre côté être une occa­sion de réflexion, de conver­sion, une occa­sion de se confier à Dieu : en pre­nant conscience de ses propres res­pon­sa­bi­li­tés, cha­cun peut retrou­ver en Dieu confiance et espé­rance. « Du cœur de la Trinité, du plus pro­fond du mys­tère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la misé­ri­corde. Cette source ne sera jamais épui­sée pour tous ceux qui s’en appro­che­ront. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pour­ra y accé­der, parce que la misé­ri­corde de Dieu est sans fin » (MV, 25). Le par­don face à l’in­jus­tice subie n’est pas facile, mais c’est un che­min que la grâce rend pos­sible. D’où la néces­si­té d’une pas­to­rale de la conver­sion et de la récon­ci­lia­tion au tra­vers de centres d’é­coute et de média­tion dédiés à mettre en place dans les dio­cèses. Il faut quoi qu’il en soit pro­mou­voir la jus­tice envers toutes les par­ties tou­chées par l’é­chec du mariage (époux et enfants). La com­mu­nau­té chré­tienne et ses pas­teurs ont le devoir de deman­der aux époux sépa­rés et divor­cés de se trai­ter avec res­pect et misé­ri­corde, en par­ti­cu­lier pour le bien des enfants à qui il ne faut pas cau­ser davan­tage de souf­frances. Les enfants ne sau­raient être objets de dis­putes et il faut recher­cher les meilleurs moyens pour leur per­mettre de dépas­ser le trau­ma­tisme de la scis­sion fami­liale et gran­dir de la façon la plus sereine pos­sible. L’Église devra en tout cas tou­jours mettre en évi­dence l’in­jus­tice qui dérive si sou­vent des situa­tions de divorce.

80. Les familles mono­pa­ren­tales ont des ori­gines diverses : mères ou pères bio­lo­giques qui n’ont jamais vou­lu s’in­té­grer dans la vie fami­liale, situa­tions de vio­lence qu’un des parents a dû fuir avec ses enfants, mort de l’un des parents, aban­don de la famille de la part d’un des parents, ou autres situa­tions. Quelle que soit la cause, le parent qui habite avec les enfants doit trou­ver sou­tien et récon­fort auprès des autres familles qui forment la com­mu­nau­té chré­tienne, ain­si qu’au­près des orga­nismes pas­to­raux de la paroisse. Ces familles sont sou­vent par la suite tou­chées par de graves pro­blèmes éco­no­miques, par l’in­cer­ti­tude liée à un tra­vail pré­caire, par la dif­fi­cul­té de sub­ve­nir aux besoins des enfants, par des pro­blèmes de loge­ment. La même sol­li­ci­tude pas­to­rale devra être mani­fes­tée envers les per­sonnes veuves, les filles-​mères et leurs enfants.

81. Quand les époux sont confron­tés à des pro­blèmes dans leurs rela­tions, ils doivent pou­voir comp­ter sur l’aide et l’ac­com­pa­gne­ment de l’Église. L’expérience montre que, avec une aide adap­tée et avec l’ac­tion de récon­ci­lia­tion de la grâce de l’Esprit Saint, une part impor­tante des crises de couple sont dépas­sées de façon satis­fai­sante. Savoir par­don­ner et se sen­tir par­don­né est une expé­rience fon­da­men­tale dans la vie fami­liale. Le par­don entre les époux per­met de redé­cou­vrir la véri­té d’un amour qui est pour tou­jours et ne pas­se­ra jamais (cf. 1 Cor 13, 8). Dans le domaine des rela­tions fami­liales, la néces­si­té de la récon­ci­lia­tion est qua­si quo­ti­dienne. Les incom­pré­hen­sions dues aux rela­tions avec les familles d’o­ri­gine, les conflits entre habi­tudes cultu­relles et reli­gieuses dif­fé­rentes, les diver­gences concer­nant l’é­du­ca­tion des enfants, l’an­goisse face aux dif­fi­cul­tés éco­no­miques, la ten­sion qui sur­git suite à des situa­tions de dépen­dance ou de perte d’un tra­vail : ce sont quelques-​uns des motifs récur­rents de ten­sions et de conflits. L’art dif­fi­cile de la récon­ci­lia­tion, qui néces­site le sou­tien de la grâce, a besoin de la col­la­bo­ra­tion géné­reuse de parents et d’a­mis, et par­fois éga­le­ment d’une aide externe et pro­fes­sion­nelle. Dans les cas les plus dou­lou­reux, comme celui de l’in­fi­dé­li­té conju­gale, une véri­table œuvre de répa­ra­tion est néces­saire, pour laquelle il faut se rendre dis­po­nible. Une alliance bles­sée peut être gué­rie : c’est à cette espé­rance qu’il faut se for­mer, dès la pré­pa­ra­tion au mariage. L’action de l’Esprit Saint est fon­da­men­tale pour le soin des per­sonnes et des familles bles­sées, ain­si que la récep­tion du sacre­ment de la récon­ci­lia­tion et la néces­si­té de che­mi­ne­ments spi­ri­tuels accom­pa­gnés par des ministres experts en la matière.

82. Pour beau­coup de fidèles qui ont vécu une expé­rience de mariage mal­heu­reuse, une voie pos­sible est de véri­fier la vali­di­té de leur mariage. Les récents Motu pro­prio Mitis Iudex Dominus Iesus et Misericors Iesus ont conduit à une sim­pli­fi­ca­tion des pro­cé­dures pour les éven­tuelles décla­ra­tions en nul­li­té de mariage. Par ces textes, le Saint-​Père a vou­lu éga­le­ment « mettre en évi­dence [le fait] que l’é­vêque lui-​même dans son Église, dont il est consti­tué pas­teur et chef, est par cela même, juge des fidèles qui lui sont confiés (MI, pré­am­bule, III). La publi­ca­tion de ces docu­ments donne donc une grande res­pon­sa­bi­li­té aux Ordinaires dio­cé­sains, qui sont appe­lés à juger eux-​mêmes des causes et, de toute façon, à assu­rer aux fidèles un accès plus facile à la jus­tice. Cela implique la pré­pa­ra­tion d’un per­son­nel suf­fi­sant, com­po­sé de clercs et de laïcs, qui se consacrent de façon prio­ri­taire à ce ser­vice ecclé­sial. Il sera cepen­dant néces­saire de mettre à la dis­po­si­tion des per­sonnes sépa­rées ou des couples en dif­fi­cul­té un ser­vice d’in­for­ma­tion, de conseil et de média­tion, lié à la pas­to­rale fami­liale, qui pour­ra aus­si accueillir les per­sonnes en vue de l’en­quête pré­li­mi­naire au pro­cès en nul­li­té (cf. MI, Art. 2–3).

83. Le témoi­gnage de ceux qui, mal­gré les condi­tions dif­fi­ciles, n’en­tament pas une nou­velle union, res­tant fidèles au lien sacra­men­tel, mérite recon­nais­sance et sou­tien de la part de l’Église. Celle-​ci veut leur mon­trer le visage d’un Dieu fidèle à son amour et tou­jours capable de redon­ner force et espé­rance. Les per­sonnes sépa­rées ou divor­cées mais non rema­riées, qui sont sou­vent des témoins de la fidé­li­té matri­mo­niale, doivent être encou­ra­gées à trou­ver dans l’eu­cha­ris­tie la nour­ri­ture qui les sou­tien­dra dans leur situation.

Discernement et intégration

84. Les bap­ti­sés qui sont divor­cés et rema­riés civi­le­ment doivent être davan­tage inté­grés à la com­mu­nau­té chré­tienne selon les dif­fé­rentes façons pos­sibles, en évi­tant toute occa­sion de scan­dale. La logique de l’in­té­gra­tion est la clé de leur accom­pa­gne­ment pas­to­ral, afin qu’ils sachent non seule­ment qu’ils appar­tiennent au corps du Christ qu’est l’Église, mais qu’ils puissent aus­si en avoir une joyeuse et féconde expé­rience. Ce sont des bap­ti­sés, ce sont des frères et des soeurs, l’Esprit Saint déverse en eux des dons et des cha­rismes pour le bien de tous. Leur par­ti­ci­pa­tion peut s’ex­pri­mer dans divers ser­vices ecclé­siaux : il convient donc de dis­cer­ner quelles sont, par­mi les diverses formes d’ex­clu­sion actuel­le­ment pra­ti­quées dans les domaines litur­gique, pas­to­ral, édu­ca­tif et ins­ti­tu­tion­nel, celles qui peuvent être dépas­sées. Non seule­ment ils ne doivent pas se sen­tir excom­mu­niés, mais ils doivent pou­voir vivre et gran­dir comme membres vivants de l’Église, sen­tant en elle une mère qui les accueille tou­jours, prend soin de leurs sen­ti­ments, et les encou­rage sur le che­min de la vie et de l’Évangile. Cette inté­gra­tion est aus­si néces­saire pour le soin et l’é­du­ca­tion chré­tienne de leurs enfants, qui doivent être consi­dé­rés comme les plus impor­tants. Pour la com­mu­nau­té chré­tienne, prendre soin de ces per­sonnes ne consti­tue pas un affai­blis­se­ment de la foi et du témoi­gnage sur l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage : au contraire, par cette atten­tion jus­te­ment, l’Église exprime sa charité.

85. Saint Jean-​Paul II nous a offert un cri­tère géné­ral qui reste la base pour l’é­va­lua­tion de ces situa­tions : « Les pas­teurs doivent savoir que, par amour de la véri­té, ils ont l’o­bli­ga­tion de bien dis­cer­ner les diverses situa­tions. Il y a en effet une dif­fé­rence entre ceux qui se sont effor­cés avec sin­cé­ri­té de sau­ver un pre­mier mariage et ont été injus­te­ment aban­don­nés, et ceux qui par une faute grave ont détruit un mariage cano­ni­que­ment valide. Il y a enfin le cas de ceux qui ont contrac­té une seconde union en vue de l’é­du­ca­tion de leurs enfants, et qui ont par­fois, en conscience, la cer­ti­tude sub­jec­tive que le mariage pré­cé­dent, irré­mé­dia­ble­ment détruit, n’a­vait jamais été valide » (FC, 84). Il est donc du devoir des prêtres d’ac­com­pa­gner les per­sonnes concer­nées sur la voie du dis­cer­ne­ment selon l’en­sei­gne­ment de l’Église et les orien­ta­tions de l’é­vêque. Dans ce pro­ces­sus, il sera utile de faire un exa­men de conscience, par des moments de réflexion et de péni­tence. Les divor­cés rema­riés devraient se deman­der com­ment ils se sont com­por­tés vis-​à-​vis de leurs enfants quand leur union conju­gale est entrée en crise ; s’il y a eu des ten­ta­tives de récon­ci­lia­tion ; quelle est la situa­tion du conjoint aban­don­né ; quelles consé­quences a la nou­velle rela­tion sur le reste de la famille et la com­mu­nau­té des fidèles ; quel exemple elle offre aux jeunes qui doivent se pré­pa­rer au mariage. Une réflexion sin­cère peut ren­for­cer la confiance dans la misé­ri­corde de Dieu qui ne doit être refu­sée à per­sonne. En outre on ne peut nier que dans cer­taines cir­cons­tances « l’im­pu­ta­bi­li­té et la res­pon­sa­bi­li­té d’une action peuvent être dimi­nuées voire sup­pri­mées » (CEC, 1735) du fait de divers condi­tion­ne­ments. En consé­quence, le juge­ment sur une situa­tion objec­tive ne doit pas mener à un juge­ment sur « l’im­pu­ta­bi­li­té sub­jec­tive » (Conseil pon­ti­fi­cal pour les textes légis­la­tifs, Déclaration du 24 juin 2000, 2a). Dans cer­taines cir­cons­tances, les per­sonnes ren­contrent de grandes dif­fi­cul­tés à agir dif­fé­rem­ment. Tout en main­te­nant une norme géné­rale, il est donc néces­saire de recon­naître que la res­pon­sa­bi­li­té par rap­port à cer­taines actions ou déci­sions n’est pas la même dans tous les cas. Le dis­cer­ne­ment pas­to­ral, en tenant compte de la conscience de cha­cun for­mée de façon droite, doit prendre en charge ces situa­tions. Il en est de même pour les consé­quences des actes accom­plis, qui ne sont pas néces­sai­re­ment les mêmes dans tous les cas.

86. Le par­cours d’ac­com­pa­gne­ment et de dis­cer­ne­ment oriente ces fidèles vers la prise de conscience de leur situa­tion devant Dieu. La dis­cus­sion avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la for­ma­tion d’un juge­ment cor­rect sur ce qui fait obs­tacle à la pos­si­bi­li­té d’une par­ti­ci­pa­tion plus pleine à la vie de l’Église et sur les étapes qui peuvent la favo­ri­ser et la faire gran­dir. Dans la mesure où il n’y a pas de gra­dua­li­té dans cette loi (cf. FC, 34), ce dis­cer­ne­ment ne pour­ra jamais faire abs­trac­tion des exi­gences de véri­té et de cha­ri­té de l’Évangile pro­po­sées par l’Église. Pour que cela se pro­duise, il faut garan­tir les condi­tions néces­saires d’hu­mi­li­té, de dis­cré­tion, d’a­mour de l’Église et de son ensei­gne­ment, dans la recherche sin­cère de la volon­té de Dieu et dans le désir de lui répondre de façon plus parfaite.

Chapitre IV – Famille et évangélisation

La spi­ri­tua­li­té familiale 

87. La famille, dans sa voca­tion et sa mis­sion, est vrai­ment un tré­sor de l’Église. Cependant, comme l’af­firme saint Paul en par­lant de l’Évangile, « nous por­tons ce tré­sor comme dans des vases d’ar­gile ». Sur la porte d’en­trée de la vie de la famille, affirme le pape François, « trois mots sont écrits (…) : « S’il te plaît », « mer­ci », « par­don ». En effet, ces mots ouvrent la voie pour bien vivre en famille, pour vivre en paix. Ce sont des mots simples, mais pas si simples à mettre en pra­tique ! Ils contiennent une grande force : la force de pro­té­ger la mai­son, éga­le­ment à tra­vers mille dif­fi­cul­tés et épreuves ; en revanche leur absence, peu à peu, ouvre des failles qui peuvent aller jus­qu’à son effon­dre­ment (François, audience géné­rale, 13 mai 2015). L’enseignement des papes invite à appro­fon­dir la dimen­sion spi­ri­tuelle de la vie fami­liale à par­tir de la redé­cou­verte de la prière en famille et de l’é­coute en com­mun de la parole de Dieu, dont jaillit l’en­ga­ge­ment de cha­ri­té. L’eucharistie est la prin­ci­pale nour­ri­ture de la vie spi­ri­tuelle de la famille, spé­cia­le­ment le jour du Seigneur ; c’est le signe de son pro­fond enra­ci­ne­ment dans la com­mu­nau­té ecclé­siale (cf. Jean-​Paul II, Dies Domini, 52 ; 66). La prière domes­tique, la par­ti­ci­pa­tion à la litur­gie et la pra­tique de la dévo­tion popu­laire et mariale sont des moyens effi­caces de ren­contre avec Jésus- Christ et d’é­van­gé­li­sa­tion de la famille. Cela met­tra en évi­dence la voca­tion spé­ciale des époux à réa­li­ser, avec la grâce de l’Esprit Saint, leur sain­te­té à tra­vers la vie matri­mo­niale, en par­ti­ci­pant aus­si au mys­tère de la croix du Christ, qui trans­forme les dif­fi­cul­tés et les souf­frances en don d’amour.

88. En famille, la ten­dresse est le lien qui unit les parents entre eux et avec les enfants. Tendresse veut dire don­ner avec joie et sus­ci­ter en l’autre la joie de se sen­tir aimé. Elle s’ex­prime en par­ti­cu­lier en se tour­nant avec atten­tion et déli­ca­tesse vers l’autre dans ses limites, en par­ti­cu­lier quand elles appa­raissent de manière évi­dente. Traiter avec déli­ca­tesse et res­pect signi­fie soi­gner les bles­sures et redon­ner l’es­pé­rance, afin de ravi­ver en l’autre la confiance. La ten­dresse dans les rap­ports fami­liaux est la ver­tu quo­ti­dienne qui aide à dépas­ser les conflits inté­rieurs et rela­tion­nels. Le pape François nous invite à réflé­chir là-​dessus : « Avons-​nous le cou­rage d’ac­cueillir avec ten­dresse les situa­tions dif­fi­ciles et les pro­blèmes de celui qui est à côté de nous, ou bien préférons-​nous les solu­tions imper­son­nelles, peut-​être effi­caces mais dépour­vues de la cha­leur de l’Évangile ? Combien le monde a besoin de ten­dresse aujourd’­hui ! Patience de Dieu, proxi­mi­té de Dieu, ten­dresse de Dieu » (Homélie à l’oc­ca­sion de la messe de la nuit pour la solen­ni­té de la nati­vi­té du Seigneur, 24 décembre 2014).

La famille, sujet de la pastorale

89. Si la famille chré­tienne veut être fidèle à sa mis­sion, elle doit bien com­prendre quelle est sa source : elle ne peut évan­gé­li­ser sans être évan­gé­li­sée. La mis­sion de la famille recouvre l’u­nion féconde des époux, l’é­du­ca­tion des enfants, le témoi­gnage des sacre­ments, la pré­pa­ra­tion des autres couples au mariage et l’ac­com­pa­gne­ment ami­cal de ces couples et familles qui ren­contrent des dif­fi­cul­tés. D’où l’im­por­tance d’un effort d’é­van­gé­li­sa­tion et de caté­chisme au sein de la famille. À ce sujet, il faut veiller à valo­ri­ser les couples, les mères et les pères en tant qu’ac­teurs actifs de la caté­chèse, spé­cia­le­ment en ce qui concerne les enfants, en col­la­bo­ra­tion avec les prêtres, les diacres, les per­sonnes consa­crées et les caté­chistes. Cet effort démarre dès les pre­mières fré­quen­ta­tions du couple. La caté­chèse fami­liale est d’une grande aide, elle est une méthode effi­cace pour for­mer les jeunes parents et leur faire prendre conscience de leur mis­sion en tant qu’é­van­gé­li­sa­teurs de leur propre famille. En outre, il est très impor­tant de sou­li­gner le lien entre expé­rience fami­liale et ini­tia­tion chré­tienne. Toute la com­mu­nau­té chré­tienne doit deve­nir le lieu dans lequel les familles naissent, se ren­contrent et confrontent leurs expé­riences, che­mi­nant dans la foi et vivant ensemble des par­cours de crois­sance et d’é­change réciproque.

90. L’Église doit insuf­fler dans les familles un sens d’ap­par­te­nance ecclé­siale, un sens du « nous » dans lequel aucun membre n’est oublié. Tous doivent être encou­ra­gés à déve­lop­per leurs propres capa­ci­tés et à réa­li­ser leur pro­jet de vie au ser­vice du Royaume de Dieu. Chaque famille, insé­rée dans le cadre ecclé­sial, redé­couvre la joie de la com­mu­nion avec d’autres familles pour ser­vir le bien com­mun de la socié­té, en pro­mou­vant une poli­tique, une éco­no­mie et une culture au ser­vice de la famille, à tra­vers aus­si l’u­ti­li­sa­tion des réseaux sociaux et des médias. La créa­tion de petites com­mu­nau­tés de familles est sou­hai­table, comme témoins vivants des valeurs évan­gé­liques. On res­sent le besoin de pré­pa­rer, for­mer et res­pon­sa­bi­li­ser quelques familles qui puissent accom­pa­gner les autres à vivre chré­tien­ne­ment. Il faut aus­si rap­pe­ler l’ac­tion des familles qui se rendent dis­po­nibles pour vivre la mis­sion ad gentes et les encou­ra­ger. Enfin, il faut signa­ler l’im­por­tance de relier la pas­to­rale des jeunes à la pas­to­rale familiale.

Le rap­port avec les cultures et les institutions

91. L’Église « qui a connu au cours des temps des condi­tions d’exis­tence variées, a uti­li­sé les res­sources des diverses cultures pour répandre et expo­ser par sa pré­di­ca­tion le mes­sage du Christ à toutes les nations, pour mieux le décou­vrir et mieux l’ap­pro­fon­dir, pour l’ex­pri­mer plus par­fai­te­ment dans la célé­bra­tion litur­gique comme dans la vie mul­ti­forme de la com­mu­nau­té des fidèles » (GS, 58). Il est donc impor­tant de tenir compte de ces cultures et de res­pec­ter cha­cune d’elles dans ses par­ti­cu­la­ri­tés propres. Il faut aus­si rap­pe­ler ce qu’é­cri­vait le bien­heu­reux Paul VI : « La rup­ture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aus­si celui d’autres époques. Aussi faut-​il faire tous les efforts en vue d’une géné­reuse évan­gé­li­sa­tion de la culture, plus exac­te­ment des cultures » (EN, 20). La pas­to­rale du mariage et de la famille demande de recon­naître ces élé­ments posi­tifs que l’on ren­contre dans les dif­fé­rentes réa­li­tés reli­gieuses et cultu­relles, qui repré­sentent une prae­pa­ra­tio evan­ge­li­ca. Dans la ren­contre avec les cultures cepen­dant, une évan­gé­li­sa­tion atten­tive aux exi­gences de la pro­mo­tion humaine de la famille ne pour­ra pas échap­per à la dénon­cia­tion sans équi­voque des condi­tion­ne­ments cultu­rels, sociaux, poli­tiques et éco­no­miques. L’hégémonie crois­sante de la logique de mar­ché, qui affecte les lieux et le temps qui devraient être consa­crés à une authen­tique vie fami­liale, concourt aus­si à aggra­ver les dis­cri­mi­na­tions, la pau­vre­té, l’ex­clu­sion, la vio­lence. Parmi les dif­fé­rentes familles qui bas­culent dans l’in­di­gence éco­no­mique, à cause du chô­mage et du tra­vail pré­caire ou à cause de l’ab­sence d’une assis­tance sani­taire et sociale, il arrive sou­vent que cer­taines, ne pou­vant accé­der au cré­dit ban­caire, se retrouvent vic­times de taux d’in­té­rêt usu­riers, et se voient par­fois obli­gées d’a­ban­don­ner leurs mai­sons, et jus­qu’à leurs enfants. Face à ces situa­tions, nous sug­gé­rons que soient créées des struc­tures éco­no­miques offrant un sou­tien adap­té pour aider ces familles ou favo­ri­sant la soli­da­ri­té fami­liale et sociale.

92. La famille est « la cel­lule pre­mière et vitale de la socié­té » (AA, 11). Elle doit redé­cou­vrir sa voca­tion qui est de sou­te­nir la vie sociale dans toutes ses dimen­sions. Il est indis­pen­sable que les familles, en unis­sant leurs forces, trouvent les moyens d’in­te­ra­gir avec les ins­ti­tu­tions poli­tiques, éco­no­miques et cultu­relles, afin d’é­di­fier une socié­té plus juste. C’est pour cela que doivent être déve­lop­pés le dia­logue et la coopé­ra­tion avec les struc­tures sociales, et que les laïcs qui s’en­gagent, en tant que chré­tiens, dans les domaines cultu­rels et socio-​politiques doivent être encou­ra­gés et sou­te­nus. La poli­tique doit res­pec­ter de façon par­ti­cu­lière le prin­cipe de sub­si­dia­ri­té et ne pas limi­ter les droits des familles. Il est impor­tant à ce sujet de se réfé­rer à la Charte des droits de la famille (cf. Conseil pon­ti­fi­cal pour la famille, 22 octobre 1983) et la Déclaration uni­ver­selle des droits de l’homme (10 décembre 1948). Pour les chré­tiens qui agissent en poli­tique, l’en­ga­ge­ment pour la vie et la famille doit être une prio­ri­té, car une socié­té qui néglige la famille a per­du son ouver­ture à l’a­ve­nir. Les asso­cia­tions fami­liales impli­quées dans le tra­vail com­mun avec des groupes d’autres tra­di­tions chré­tiennes, ont par­mi leurs objec­tifs prin­ci­paux, entre autres, la pro­mo­tion et la défense de la vie et de la famille, de la liber­té d’é­du­ca­tion et de la liber­té reli­gieuse, d’un équi­libre entre­temps de tra­vail et temps consa­cré à la famille, la défense des femmes dans le monde du tra­vail, la pro­tec­tion du droit à l’ob­jec­tion de conscience.

L’ouverture à la mission

93. La famille des bap­ti­sés est par nature mis­sion­naire et fait gran­dir sa foi en la don­nant aux autres, et en pre­mier lieu à ses enfants. Le simple fait de vivre la com­mu­nion fami­liale consti­tue sa pre­mière forme d’an­nonce. En effet l’é­van­gé­li­sa­tion com­mence par la famille, dans laquelle ne se trans­met pas seule­ment la vie phy­sique mais aus­si la vie spi­ri­tuelle. Le rôle des grands-​parents dans la trans­mis­sion de la foi et des pra­tiques reli­gieuses ne doit pas être oublié : ils sont les témoins du lien entre les géné­ra­tions, les gar­diens de tra­di­tions pétries de sagesse, de prière et d’exem­pla­ri­té. La famille se consti­tue ain­si comme sujet de l’ac­tion pas­to­rale à tra­vers l’an­nonce expli­cite de l’Évangile et l’hé­ri­tage de mul­tiples formes de témoi­gnages : la soli­da­ri­té envers les pauvres ; l’ou­ver­ture à la diver­si­té des per­sonnes ; la pro­tec­tion de la créa­tion ; la soli­da­ri­té morale et maté­rielle envers les autres familles, en par­ti­cu­lier celles qui sont le plus dans le besoin ; enfin l’im­pli­ca­tion pour la pro­mo­tion du bien com­mun via notam­ment la trans­for­ma­tion de struc­tures sociales injustes, tout cela à l’en­droit où elle vit, par ses œuvres de misé­ri­corde d’ordre cor­po­rel et spirituel.

Conclusion

94. Tout au long de cette assem­blée, nous, les Pères syno­daux, réunis autour du pape François, avons expé­ri­men­té la ten­dresse et la prière de toute l’Église, nous avons che­mi­né comme les dis­ciples d’Emmaüs et recon­nu la pré­sence du Christ dans la frac­tion du pain à la table eucha­ris­tique, dans la com­mu­nion fra­ter­nelle, dans le par­tage des expé­riences pas­to­rales. Nous sou­hai­tons que le fruit de ce tra­vail, main­te­nant remis entre les mains du suc­ces­seur de Pierre, donne espé­rance et joie à de nom­breuses familles à tra­vers le monde, qu’elle donne une direc­tion aux pas­teurs et aux acteurs de la pas­to­rale, et un encou­ra­ge­ment à l’œuvre d’é­van­gé­li­sa­tion. En conclu­sion de ce Rapport, nous deman­dons hum­ble­ment au Saint-​Père qu’il réflé­chisse à l’op­por­tu­ni­té de publier un docu­ment sur la famille afin qu’en elle, cette Église domes­tique, res­plen­disse tou­jours davan­tage du Christ, lumière du monde.

Prière à la Sainte Famille

Jésus, Marie et Joseph en vous nous contem­plons la splen­deur de l’a­mour véri­table, à vous nous nous adres­sons avec confiance. Sainte Famille de Nazareth, fais aus­si de nos familles des lieux de com­mu­nion et des cénacles de prière, des écoles authen­tiques de l’Évangile et des petites Églises domes­tiques. Sainte Famille de Nazareth, que jamais plus dans les familles on ne fasse l’ex­pé­rience de la vio­lence, de la fer­me­ture et de la divi­sion : que qui­conque a été bles­sé ou scan­da­li­sé connaisse rapi­de­ment conso­la­tion et gué­ri­son. Sainte Famille de Nazareth, réveille en tous la conscience du carac­tère sacré et invio­lable de la famille, sa beau­té dans le pro­jet de Dieu. Jésus, Marie et Joseph écoutez-​nous, exau­cez notre prière. Amen.

Sources : Texte ori­gi­nal italien/​Traduction de Violaine Ricour-​Dumas pour La Documentation catholique.