Pourquoi remercier Dieu, être dans l’action de grâce ? Parce que Dieu est notre plus grand bienfaiteur ; nous avons tout reçu de Lui.
Le vieux Tobie interroge son fils quand celui-ci rentre sain et sauf de son long voyage, protégé qu’il a été par un jeune homme qui se révélera être l’ange Raphaël : Que pouvons-nous donner à ce saint homme qui est venu avec vous ? Mon père, répondit-il, quelle récompense lui donnerons-nous ? Ou que peut-il y avoir de proportionné à ses bienfaits ? (…) Mais je vous prie mon père, de lui demander s’il daignerait accepter la moitié de tout le bien que nous avons apporté (Tb 12, 1–2 et 4).
Les Tobie constatent avoir reçu beaucoup de bienfaits d’une personne. Ils veulent témoigner de leur reconnaissance, ils veulent remercier et faire un geste proportionné, à la hauteur des bienfaits reçus. Quant à nous, vis-à-vis du Bon Dieu, c’est la même chose : pourquoi remercier Dieu, être dans l’action de grâce ? Parce que Dieu est notre plus grand bienfaiteur ; nous avons tout reçu de Lui. Dieu a formé notre corps et créé notre âme à son image et à sa ressemblance (Genèse 1, 26). Le jour de notre baptême, Il a orné notre âme de la grâce sanctifiante et des vertus, et Il est venu habiter en nous, au centre de notre âme. Depuis ce jour, Il nous a adoptés pour ses enfants et nous a fait ses héritiers. Il a donné à chacun d’entre nous un ange pour le garder, ce qui ne l’empêche pas de prendre soin de nous jour et nuit. Notre Seigneur dit en effet : Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point ; vous valez plus que beaucoup de passereaux (Lc 12, 7).
On ne peut qu’être dans l’action de grâce quand on apprend que Dieu nous a délivrés du péché en envoyant son Fils : Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a donné son Fils unique (Jn 3, 16). Et de ce fait, Notre Seigneur est prêt à nous pardonner, non seulement sept fois, mais soixante-dix fois sept fois (Mt 18, 22). Remercions-nous également assez un Dieu qui nous nourrit de sa chair ? Et que dire des bonnes inspirations qu’Il nous envoie, de nos pauvres prières qu’Il exauce ? Devant tous ces bienfaits, on ne peut que répéter le mot de Saint Paul : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? (1 Co 4, 7).
Il existe une loi universelle de la reconnaissance. Si un homme reçoit beaucoup de quelqu’un, il se sent obligé de le payer de retour, sous peine de passer pour un ingrat. Saint Léonard de Port Maurice dit que cette loi est même observée par les bêtes féroces qui deviennent quelque fois dociles envers leurs bienfaiteurs. Alors, à combien plus forte raison doit-elle être observée par les hommes, doués d’intelligence et comblés de tant de bienfaits par Dieu.
Il importe donc de remercier Dieu. Mais comme Tobie, il faut chercher à avoir une action de grâce proportionnée au bienfait. Et cela semble difficile, car le moindre don de Dieu vient d’une majesté infinie ; est accompagné d’une charité infinie ; donc acquiert un prix infini, et oblige à une correspondance infinie. Alors, que faire ? Le roi David nous répond dans les psaumes : Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens dont Il m’a comblé ? Je prendrai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur (Ps 115, 12–13). Saint Léonard commente : Le roi prophète avait en vue le saint sacrifice de la Messe. On remercie donc amplement Dieu par la Messe. Le saint sacrifice, écrit saint Irénée de Lyon, a été institué afin que nous ne soyons pas ingrats envers Dieu. Que fait en effet Notre Seigneur à la Messe ? Comme à la dernière Cène, Il rend grâce à Dieu : Puis, ayant pris du pain, Il rendit grâce (Lc 22, 19). Notre Seigneur est Dieu ; son action de grâce a donc une valeur infinie, elle surpasse toutes les actions de grâce des anges et des hommes. Le père de Cochem dit : Si depuis votre enfance vous n’aviez jamais cessé de remercier Dieu, vous auriez fait moins qu’en assistant à une seule Messe.
Saint Thomas d’Aquin enseigne également qu’il faut remercier Dieu par la Messe. Il explique qu’il y a un devoir de reconnaissance ; il faut rapporter les grâces reçues à son Auteur. Mais cela doit se faire par la même voie qui nous a transmis ces grâces. Or Notre Seigneur est la voie par laquelle nous arrive tout bien. C’est donc par Lui, immolé sur l’autel, que nos actions de grâce doivent remonter au Ciel.
Il faut remercier par la Messe. Il faut aussi remercier quand nous avons communié. C’est le moment que l’on nomme précisément l’action de grâce. Comment la faire ? Nous résumerons ce que dit le théologien Tanquerey, dans son manuel de spiritualité. Il enseigne que l’action de grâce commencera par un acte de silencieuse adoration, d’anéantissement, et de donation complète de nous-mêmes à Celui qui, étant Dieu, se donne tout entier à nous. Dans une note, il remarque : Beaucoup de personnes oublient ce premier devoir d’adoration et se mettent aussitôt à demander des faveurs, sans se douter que nos demandes seront d’autant mieux accueillies que nous aurons tout d’abord rendu nos devoirs à Celui qui nous fait l’honneur de sa visite. Viennent alors de doux colloques entre l’âme et l’hôte divin. On écoute attentivement le Maître, l’Ami ; on lui parle respectueusement, simplement, affectueusement. Pour que ces colloques ne dégénèrent pas en routine, il est bon de varier le sujet de la conversation, en prenant tantôt une vertu et tantôt une autre, en parcourant doucement quelques paroles de l’Évangile.
On n’oublie pas de remercier Notre Seigneur des lumières qu’Il veut bien nous communiquer… comme aussi des obscurités et des sécheresses dans lesquelles Il nous laisse de temps en temps. On s’offre aussi à faire les sacrifices nécessaires pour réformer et transformer sa vie, en particulier sur tel point déterminé. Enfin, c’est aussi le moment de prier pour toutes les personnes qui nous sont chères, pour les grands intérêts de l’Église, aux intentions du Souverain Pontife, pour les évêques, les prêtres. Ne craignons pas de rendre notre prière aussi universelle que possible : c’est le meilleur moyen d’être exaucé.
Pour ceux qui souhaitent une méthode encore plus simple, nous pouvons citer le catéchisme : « L’action de grâce consiste à s’entretenir avec Notre Seigneur présent en nous et à faire des actes d’adoration, de remerciement, de demande, d’offrande et de résolution. » Ces cinq actions se retiennent facilement avec l’acrostiche « Ardor » : A comme adorer, R comme remercier, D comme demander, O comme offrir, R comme résolution.
On se demande combien de temps accorder à l’action de grâce après la communion. Il est souhaitable de la faire tant que Notre Seigneur est substantiellement présent en nous par l’eucharistie. Or Notre Seigneur est réellement présent tant que n’ont pas été digérées les espèces eucharistiques, soit environ pendant un quart d’heure. Les Tobie, eux, n’ont pas fait les choses à moitié. Quand l’ange Raphaël disparaît, il est écrit : Alors, s’étant prosternés le visage contre terre pendant trois heures, ils bénirent Dieu (Tb 12, 22) On peut lire en note qu’ils étaient abîmés dans la prière et la reconnaissance.
Que la Très Sainte Vierge Marie, qui en son Magnificat nous montre comment remercier Dieu, nous aide à faire l’action de grâce, à nous entretenir avec son Fils. Car, comme le disait un confrère en sermon : « L’action de grâce donne des grâces ! »
Abbé Vincent Grave
Source : Lou Pescadou n° 210