L’Archevêque de Grenade [1] est officiellement en train de persécuter Josef Seifert [Photo ci-dessus], l’un des penseurs catholiques les plus « orthodoxes », précisément en partant du principe que « ce que dit le Pape » dans le chapitre VIII d’Amoris laetitia fait partie du Magistère. Alors que, de toute évidence, critiquer le Pape sur quelque chose qu’il déclare à titre privé ne peut en aucun cas suffire à accuser quelqu’un de « porter atteinte la communion de l’Eglise, de provoquer la confusion dans la foi des fidèles et de semer la méfiance envers le successeur de Pierre ».
En punissant officiellement un penseur catholique pour le seul crime d’être orthodoxe, il confirme malgré lui et met clairement en évidence le schisme de fait dont nous souffrons au sein de l’Eglise catholique à cause des graves erreurs qui se sont glissées dans un document qui justifie et rend nécessaire la correction « formelle » puis « filiale », adressé au Pape respectivement les 19 décembre 2016 [2] et 24 septembre 2017 [3].
Enfin, on ne peut qu’être d’accord avec la conclusion du Professeur Roberto de Mattei lorsqu’il écrit : « si le Pasteur suprême s’éloigne des commandements divins et invite le troupeau à le suivre, les fidèles devraient se séparer de lui, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5, 29). Si pour être en communion avec le pape François on est obligé d’embrasser l’erreur, celui qui veut rester dans la vérité du Christ est obligé de se séparer du pape François. C’est ce que Mgr Martínez Fernández, archevêque de Grenade, affirme publiquement. »
La Porte Latine
La nouvelle a été divulguée par Maike Hickson. Le 31 août, Mgr Javier Matínez Fernández, archevêque de Grenade, après avoir suspendu de l’enseignement le philosophe autrichien Josef Seifert, l’a licencié de l’Académie Internationale de Philosophie [4]), dont il avait été l’un des fondateurs, mais qui aujourd’hui dépend de l’archidiocèse. Il faut rappeler que le Pr. Josef Seifert est considéré comme l’un des plus importants philosophes catholiques contemporains.
Son curriculum et sa bibliographie sont très considérables. Mais il est connu surtout pour sa fidélité au Magistère pontifical, et pour cette raison il avait été nommé membre de l’Académie Pontificale pour la Vie. Toute université catholique serait honorée de l’avoir parmi ses professeurs. Quelle est la raison de cette prise de position radicale à ses égards ? D’après un communiqué de presse de l’archidiocèse [5], le Pr. Seifert a été licencié à cause d’un article dans lequel il a adressé une supplique à propos de l’Exhortation post-synodale Amoris laetitia du pape François.
Dans l’article visé, Seifert a demandé au pape François de rétracter une affirmation d’Amoris laetitia qui, sur la base d’une logique rigoureuse, pourrait entraîner la dissolution de tout l’enseignement moral catholique [6].
Seifert cite la maxime d’Amoris laetitia, selon laquelle la conscience de couples adultères, autrement dits « irréguliers », « peut reconnaître non seulement qu’une situation ne répond pas objectivement aux exigences générales de l’Évangile. De même, elle peut reconnaître sincèrement et honnêtement que c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif » (AL, n. 303).
En d’autres termes, commente Seifert, en plus d’affirmer qu’un état objectif de péché grave « n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif », Amoris laetitia déclare que nous pouvons connaître « avec une certaine assurance morale » que Dieu lui-même nous demande de commettre des actes intrinsèquement mauvais, tels que l’adultère ou l’homosexualité active.
Le philosophe autrichien pose alors sa question :
« Je demande : en partant de cette hypothèse, la logique pure nous pousse à nous demander : Si un seul cas d’un acte intrinsèquement immoral peut être autorisé et même voulu par Dieu, est-ce que cela ne devrait-il pas s’appliquer à tous les actes considérés comme « intrinsèquement mauvais » ? S’il est vrai que Dieu puisse vouloir qu’un couple adultère vive dans l’adultère, ne devrait-on pas aussi revoir le Commandement « Ne pas commets pas d’adultère ! » ? (…) Ne devrait-il pas alors en être ainsi aussi pour les 9 autres Commandements, pour Humanae Vitae, pour Evangelium vitae, et pour tous les documents de l’Église passés, présents ou futurs, pour les Dogmes ou les Conciles qui enseignent l’existence d’actes intrinsèquement mauvais, et qui tomberaient tous alors ? À partir de la logique pure, est-ce que l’euthanasie, le suicide ou son assistance, les mensonges, les vols, les parjures, les négations ou les trahisons du Christ, comme celle de saint Pierre, ou le meurtre, dans certaines circonstances et après un « discernement » approprié, ne devraient pas être bons et louables en raison de la complexité d’une situation concrète ? ».
Il supplie donc le pape François :
« Je souhaite plaider auprès de notre Père spirituel suprême sur Terre, le « doux Christ sur terre », comme sainte Catherine de Sienne a appelé un des Papes, sous le règne duquel elle a vécu, alors qu’elle l’a critiqué avec fureur (…) afin de rétracter l’affirmation mentionnée. Si les conséquences logiques de cette affirmation conduisent avec une rigueur de fer à rien de moins qu’à une destruction totale des enseignements moraux de l’Église catholique, le « doux Christ sur terre » ne peut-il pas rétracter une de ses propres affirmations ? Si la thèse mentionnée conduit par une logique conséquence au rejet qu’il puisse y avoir des actes qui soient considérés comme intrinsèquement moralement mauvais, en toutes circonstances et dans toutes les situations ; et si cette affirmation démolit, après Familiaris Consortio et Veritatis splendor aussi Humanae Vitae et bien d’autres enseignements solennels de l’Église ; et bien cette thèse ne devrait-elle pas être révoquée ? (…) Et est-ce que tout Cardinal ou Évêque, tout prêtre, moine ou vierge consacrée et tout laïc de l’Église, ne devraient-ils pas tous s’intéresser très vivement à cela et souscrire à ce plaidoyer passionné d’un humble laïc, simple professeur de philosophie et, entre autres sujets, de logique ? ».
La question soulevée par le Pr. Seifert n’a reçu aucune réponse [7]. Le communiqué de l’archidiocèse de Grenade se limite à affirmer que la position du philosophe « porte atteinte à la communion de l’Eglise, provoque la confusion dans la foi des fidèles et sème la méfiance envers le successeur de Pierre ce qui, en définitive, ne sert pas la vérité de la foi mais plutôt les intérêts du monde ». Le diocèse de Grenade ajoute d’avoir adopté « depuis le tout début, l’application du texte pontifical préparé par les Evêques de la Région de Buenos Aires », et de suivre les orientations des évêques argentins qui, dans leur document, approuvé par le pape François, permettent aux adultères d’accéder à la communion.
L’attitude de l’archevêque de Grenade se résume dans l’interdiction de poser des questions, qui, d’après le philosophe Eric Voegelin, est la caractéristique des régimes totalitaires. Avec ce même critère, tous les catholiques fidèles à l’orthodoxie de l’Eglise ont été éliminés de l’Académie Pontificale pour la Vie, à partir de Seifert, les professeurs les plus orthodoxes sont expulsés des écoles et des universités catholiques, les prêtres fidèles à la Tradition sont transférés de leurs paroisses et dans certains cas suspendus a divinis. Que se passera-t-il avec les cardinaux quand ils publieront, et s’ils publieront, leur correction fraternelle ?
Cette logique répressive ouvre le schisme dans l’Eglise. Le seul sujet que les fanatiques d’Amoris laetitia sont en mesure de soulever contre les critiques de ce document est celui, très faible, de la « rupture de la communion ». Cependant, ceux qui soulèvent des objections sur l’Exhortation pontificale, se réfèrent à la doctrine immuable de l’Eglise et ils n’ont aucune intention d’en sortir. Si en raison de leur fidélité au Magistère, ils sont officiellement sanctionnés, celui qui les sanctionne accomplit un acte d’auto-séparation de ce Magistère.
Les articles du Pr. Josef Seifert naissent de l’amour pour l’Eglise et surtout pour la Vérité. L’évêque qui le punit se sépare de la loi naturelle et divine qui interdit l’adultère, l’homicide et d’autres péchés graves, sans exceptions ou compromis. En l’accusant de rompre l’unité avec le Pape, l’évêque manifeste l’existence d’un magistère du pape François incompatible avec le Magistère de l’Église de toujours.
Mgr Martínez Fernández a puni le Pr. Seifert car il demandait au Pape, humblement et respectueusement, de rétracter une affirmation qui mène à l’adultère et à la dissolution de la morale. Dans le diocèse de Grenade, ainsi que dans ceux de Malte [8] et d’Argentine et dans d’autres lieux de la Chrétienté, pour être en communion avec le pape François il faut admettre, quand même dans certaines occasions, la licéité de l’adultère et d’autres transgressions de la loi morale. Le pape François est le successeur de Pierre, mais Notre Seigneur ne dit pas : si vous m’aimez, suivez aveuglèment le successeur de Pierre. Il dit plutôt : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements » (Jn 14, 15 et 21).
Si le Pasteur suprême s’éloigne des commandements divins et invite le troupeau à le suivre, les fidèles devraient se séparer de lui, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5, 29). Si pour être en communion avec le pape François on est obligé d’embrasser l’erreur, celui qui veut rester dans la vérité du Christ est obligé de se séparer du pape François. C’est ce que Mgr Martínez Fernández, archevêque de Grenade, affirme publiquement.
Pr. Roberto de Mattei
Sources : diakonos.be /correspondanceeuropéenne.eu
- Rappelons que c’est ce même archevêque Martínez qui a déclaré que « Le Diocèse de Grenade a adopté, depuis le tout début, l’application du texte pontifical préparé par les Evêques de la Région de Buenos Aires, reconnu par le Saint-Père ».[↩]
- Le Cardinal Burke propose une sorte d” »ultimatum » pour la correction formelle du Pape – 19 décembre 2016[↩]
- Mgr Fellay co-signataire d’une « correction filiale » adressée au Saint-Père le 11 août 2017 – 24 septembre 2017[↩]
- IAP (Internationale Akademie für Philosophie im Fürstentum Liechtenstein[↩]
- Communiqué de l’archidiocèsde de Grenade du 31 août 2017 : « La diócesis de Granada lamenta profundamente el artículo recientemente publicado por el Profesor Josef Seifert acerca de la Exhortación Post-sinodal del Papa Francisco Amoris Laetitia, porque daña a la comunión de la Iglesia, confunde la fe de los fieles, y siembra desconfianza en el sucesor de Pedro, lo que, al final, no sirve a la verdad de la fe, sino a los intereses del mundo ». [Traduction : Le diocèse de Grenade regrette profondément l’article récemment publié par le Professeur Josef Seifert sur l’Exhortation post-synodale du pape François Amoris Laetitia, car cela porte atteinte à la communion de l’Église, provoque la confusion dans la foi des fidèles et engendre la méfiance envers le successeur de Pierre, ce qui, en fin de compte, ne sert pas la vérité de la foi, mais plutôt les intérêts du monde.].[↩]
- Article intitulé du 25 août 2017 « La logique pure menace-t-elle de détruire toute la doctrine morale de l’Église catholique ? »[↩]
- Lire aussi : Entretien avec Mgr Schneider sur le Pr Seifert à One Peter Five du 17 septembre 2017[↩]
- Voir : Les évêques maltais autorisent l’accession à la communion des divorcés-remariés du 16 janvier 2017[↩]