M. l’abbé Aulagnier a été expulsé de la FSSPX. Les raisons de son expulsion sont expliquées ci-dessous. Cela nous donne une raison de réfléchir sur la position de la FSSPX vis-à-vis de Rome. [Lettre Aux et Amis et Bienfaiteurs du District du Canada].
Chers fidèles,
Malheureusement, j’ai de mauvaises nouvelles pour finir l’année. Certains d’entre vous ont pu le voir sur l’internet. En effet, M. l’abbé Aulagnier, l’un des premiers et des plus proches compagnons de Mgr Lefebvre au sein de la résistance, assistant du Supérieur général, Supérieur fondateur du District de France, a dû être expulsé de la Fraternité. En septembre dernier, nous fûmes contristés par l’entrevue de M. l’abbé Aulagnier à The Wanderer (1). J’avais d’abord songé à y répondre plus tôt, mais décidai d’attendre pour voir comment cette affaire se terminerait. Cette entrevue, de pair avec un article détaillé publié en Français sur son site, ainsi que dans un quotidien Français, s’est avérée être la goutte de trop.
Depuis maintenant longtemps, depuis 1998, il s’est opposé publiquement et avec virulence à la position de la Fraternité sur les négociations avec Rome. Aussi il a contrevenu à nos constitutions et a désobéi à répétition aux ordres explicites de Mgr Fellay, offrant ainsi un mauvais exemple. Il a aussi créé une situation extrêmement difficile au sein de la Fraternité, en essayant de convaincre ses membres à poursuivre un accord avec Rome, tentant ainsi de causer la division et même la rébellion contre l’autorité légitime. Le problème n’était pas qu’il avait des opinions contraires, mais qu’il les diffusât en public, essayant d’ébranler le Supérieur général et la Fraternité. Cette situation a assez duré. Puisqu’il s’agissait de l’abbé Aulagnier, et à cause du respect dont il jouissait dans la Fraternité, Mgr Fellay et le Conseil Général avaient été plus que patients mais, parfois, même la patience peut être une faute.
Après avoir lu l’entrevue de l’abbé Aulagnier, quelques questions se présentent à l’esprit : Pourquoi accorder une entrevue à un journal qui est clairement contre la FSSPX ? Est-ce un cas de « qui se ressemble, s’assemble ? » En second lieu, l’abbé Aulagnier semble sous-entendre que ceux qui sont en désaccord avec son opinion, et qui sont d’accord avec le Supérieur général, et avec la majorité des membres de la FSSPX, en ce qui concerne la soi-disant réconciliation, seraient des béni-oui-oui. Ce n’est pas seulement offensant, c’est ridicule. Au contraire, comme nous le verrons, la position actuelle de la FSSPX semble plus fidèle à Monseigneur Lefebvre.
A ce jour je n’ai pas lu les articles Français de M. l’abbé Aulagnier. Je n’ai lu que cette entrevue à The Wanderer. Selon cet article, je crois que nous pouvons résumer les arguments de l’abbé Aulagnier en faveur d’une « réconciliation » comme suit :
- 1. Le danger de schisme.
– 2. Son amitié avec les prêtres « héroïques » de campos
– 3. « L’attitude de Rome est nouvelle. »
– 4. « De plus, je crois qu’il y a un danger de voir ce conflit s’éterniser. »
1 – Le danger d’un schisme
Notre résistance n’est pas une rébellion. C’est l’attitude nécessaire des catholiques qui veulent garder la Foi face à des prélats qui l’attaquent, la nient ou la menacent. Nous ne voulons pas devenir protestants ! Nous continuons de croire en la divinité de Notre Seigneur et en Son Règne social, en son Église. Le fait que nous gardions la Foi et continuions de parler avec les autorités romaines, montre qu’il n’y a aucun danger de schisme, car nous reconnaissons toujours leur autorité. Nous avons demandé et reçu, de la part des autorités romaines, des dispenses et autres permissions ecclésiastiques. Ce qui est en doute n’est pas leur autorité, mais de savoir si on peut leur faire confiance ou non. Il ne s’agit pas simplement d’avoir une majorité dans une commission romaine. C’est une question de savoir si nous pouvons nous mettre sous leur tutelle ? Peut-on leur faire confiance pour protéger notre Foi ? Malheureusement, les autorités romaines actuelles ont prouvé maintes et maintes fois qu’on ne peut leur faire confiance, qu’elles n’ont pas changé, comme nous allons le démontrer plus loin.
La solution à cette crise viendra de Rome, lorsque les autorités romaines retourneront à l’intégrité de la Foi. Mais d’ici-là nous faisons bien de continuer notre résistance. Le temps que cela durera n’est pas notre problème mais celui de Dieu. Or, nous ne pouvons, dans l’intérêt d’une fausse unité, rejoindre ceux qui promeuvent l’erreur, ni ceux qui réduisent l’Église à une institution humaine, ou simplement à une religion parmi tant d’autres, la détruisant ainsi. Donc nous continuons la Tradition, et nous continuons de dénoncer ceux qui la rejettent au nom d’une nouvelle Église Conciliaire. Comme le disait Mgr Lefebvre : « En se coupant des Papes précédents, ce sont les autorités romaines modernes elles-mêmes qui sont schismatiques. » Lorsque Rome retournera à la Foi, le seul sujet de discussion sera sur qui deviendra évêque et qui remplacera-t-il ?
2. L’amitié de l’abbé Aulagnier avec les prêtres « héroïques » de Campos
L’amitié est bien sûr un noble sentiment. Mais vient-elle avant son devoir, ou avant sa Foi ? Faut-il une vertu héroïque, pour capituler dans la combat de la Tradition afin d’obtenir une reconnaissance ? A‑t-il fallu une vertu héroïque, pour renoncer à leur père spirituel, Mgr de Castro Mayer, et pour abandonner et se retourner contre leurs anciens compagnons d’armes ? Je ne le crois pas. Est-ce que l’abbé Aulagnier serait aussi sur le point de choisir entre le Mgr Lefebvre d’avant Vatican II et celui d’après Vatican II ? Comme s’il y avait une différence !
3. « L’attitude de Rome est nouvelle ! »
Ceci est la raison la plus incroyable de toutes. Où était l’abbé Aulagnier ces cinq dernières années ? Les autorités romaines modernes ont-elles réellement changé ? A‑t-il oublié ce qu’elles ont fait à la Fraternité Saint-Pierre, qui est leur propre création ? A‑t-il oublié les deux prières sacrilèges d’Assise ? La dernière rencontre eut lieu une semaine après qu’ils eurent accordé la reconnaissance aux prêtres « héroïques » de Campos qui, eux, n’ont rien dit contre elle. À propos, n’a‑t-il pas remarqué le silence des prêtres « héroïques » de Campos depuis qu’ils ont signé leur accord ? Ne sait-il pas que le 24 mai 2003, au moment même où le cardinal Castrillon Hoyos offrait la messe traditionnelle à Sainte-Marie Majeure, le Pape offrait l’église catholique des saints Vincent et Anastase, qui contient les cœurs embaumés de vingt-deux papes, à l’église Orthodoxe Bulgare en partage ?
Il semble qu’il ait oublié ce que savait fort bien et dénonçait Mgr Lefebvre : il y a deux Rome : la Rome catholique et la Rome néo-moderniste. Comme l’a fait Mgr Lefebvre, nous adhérons de tout cœur à la Rome catholique mais rejetons la Rome néo-moderniste. La Rome catholique a été infiltrée et est occupée par les modernistes. Ceci est un fait. La proclamation du cardinal Hoyos que « le vieux rite romain conserve donc son droit de citoyenneté au sein de l’Église » est bien belle mais ne change rien. Elle est parfaitement en accord avec l’œcuménisme néo-moderniste des Romains néo-modernistes, lequel est : pourquoi ne pas accepter la messe de Saint Pie V ? Nous acceptons tout le reste !
Mais nous ne cherchons pas une reconnaissance. Cela ne nous réjouira pas si, à la prochaine réunion de prière d’Assise, Mgr Fellay est placé plus près du Pape que le Dalaï Lama. Le Dalaï Lama ne devrait même pas être là. Nous espérons qu’à la prochaine réunion de prière pour la paix à Assise, le Pape sera entouré de tous les évêques catholiques pour consacrer la Russie. C’est là où la vraie paix se trouve. Encourager les prières à de faux dieux n’apportera pas la paix.
Ainsi, les mots de Mgr Lefebvre à Jean-Paul II en 1988 sont toujours valides aujourd’hui : « Le temps pour la coopération n’est pas encore venu. » À Rome, absolument rien n’a changé. Les autorités romaines actuelles continuent d’être fidèles à leurs principes de la nouvelle théologie, à leur nouvelle ecclésiologie, à leur nouvelle évangélisation, illustrés par l’esprit de Vatican II et d’Assise, dans lesquels ils veulent nous attirer, et auxquels nous ne voulons aucune part.
La FSSPX demeure aussi fidèle aux principes catholiques transmis par Monseigneur :
« Nous ne voyons pas la réconciliation de la même manière. Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous ramener à Vatican II. Nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition. Nous ne pouvons nous rejoindre. C’est un dialogue de sourds… Je soulèverai la question au plan doctrinal : Êtes-vous d’accord avec les grandes encycliques de tous les Papes qui vous ont précédés ? Êtes-vous en accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas Praestantissimum, de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani Generis de Pie XII ? Êtes-vous en pleine communion avec ces Papes et leur enseignement ? Acceptez-vous toujours le serment antimoderniste ? Êtes-vous favorables à la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Aussi longtemps que vous refusez de réformer le Concile à la lumière de la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile… L’opposition entre nous n’est pas une petite affaire. Il ne suffit pas qu’ils nous disent : ‘Vous pouvez dire l’ancienne messe’… non, l’opposition entre nous n’est pas sur la liturgie, c’est sur la doctrine. » (3)
4. « Je pense qu’il y a un danger de voir ce conflit s’éterniser »
Selon moi, je crois que nous pourrions voir ici la raison véritable du changement de l’abbé Aulagnier. La lutte traîne en longueur. Il fut au centre de ce combat durant plus de 30 ans. Peut-être est-il fatigué du combat ! Mais ce n’est pas la première fois qu’un conflit à propos de la Foi s’éternise. La crise arienne dura plus de 70 ans, l’exil du pape en Avignon 68 ans, le grand Schisme 39 ans. Est-ce une raison pour abandonner le combat ? Pour rechercher un accord ? Il est bon que saint Athanase ne se soit pas fatigué d’être en exil, d’être menacé, faussement accusé, excommunié, etc. Parce qu’il ne serait pas st Athanase.
Il semble avoir oublié que :
« En d’autres temps, les hérétiques et les schismatiques quittaient l’Église. Aujourd’hui, comme st Pie X nous en avait prévenu, ils demeurent pour qu’elle évolue de l’intérieur, et séduire, s’il était possible, tout ou partie du troupeau du saint Évêque… Mais on ne traite pas avec ce genre d’ennemi, surtout alors qu’il est si rusé. On ne négocie pas avec lui une paix séparée et fausse. On le combat jusqu’à la fin, fort dans son droit – Deus Vult ! – Dieu le Veut ! – lui rappelant la vérité qu’il attaque en vain. Rome sait qu’elle a fait une erreur, une erreur grave : l’excommunication (contre Mgr Lefebvre). Comment réparer l’erreur ? Le temps le dira. Dans tous les cas, pas sans un retour franc de la hiérarchie à la confession totale et intégrale de la foi catholique, pleine et entière. Le jour viendra lorsque Rome, par sa conversion, trouvera notre sérénité. » (3)
On dirait bien qu’il a perdu sa sérénité.
Chers fidèles, ne perdez pas votre sérénité, restez calmes, fermes dans la Foi inchangée de tous les temps. N’abandonnez pas le combat. Assurément il se prolonge. Mais nous vaincrons !
Comme d’habitude, nous vous remercions pour votre fidèle support, et nous vous assurons de nos prières quotidiennes pour vous et les vôtres, spécialement durant la sainte saison de l’Avant et de Noël.
Puissiez-vous tous avoir un joyeux et saint Noël, et puisse le Seigneur nouveau-né et Sa sainte Mère et Saint Joseph vous récompenser et vous bénir durant l’année qui vient.
Avec ma bénédiction,
Abbé Jean Violette, Supérieur du District du Canada – Noël 2003
Note
(1)The Wanderer : revue néo-conservatrice des USA
(2) Fideliter n° 66 de novembre-décembre 1988
(3) Abbé Aulagnier in Fideliter n° 65 de septembre-ocotobre 1988