Le firmament est plein de beauté dans son élévation, l’aspect du ciel est une vision de gloire. Le soleil paraissant à son lever glorifie le Seigneur ; c’est un vase admirable, l’œuvre du Très- Haut. […] La lune, dans toutes ses évolutions, est la marque des temps et le signe des époques. […] L’éclat des étoiles est la beauté du ciel : par elles le Seigneur éclaire le monde dans les hauteurs. […] Vois l’arc-en-ciel, et bénis Celui qui l’a fait ; il est tout à fait beau dans sa splendeur. Il entoure le ciel d’un cercle de gloire ; ce sont les mains du Très-Haut qui l’ont ouvert.
Ecclésiastique 43, passim
Dieu, la science, les preuves [1] : le titre choisi pour leur livre par Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies donne d’emblée le ton (nous abrégerons en DSP). Il s’agit bien pour les auteurs de prouver l’existence de Dieu au moyen des sciences expérimentales, afin d’estampiller leur conclusion du label « scientifique », jouissant aujourd’hui d’une autorité considérable. Le recours à l’argument d’autorité est un des ressorts principaux de la rhétorique de l’ouvrage. Les auteurs y exposent le retournement de la science qui, de défavorable au XIXe siècle, serait devenue favorable à l’existence de Dieu au siècle suivant et jusque récemment. Les preuves supposées sont principalement la théorie du Big Bang, la deuxième loi de la thermodynamique, le « réglage fin » de l’Univers et la complexité irréductible du vivant.
2. Rarement un ouvrage sur l’existence de Dieu aura fait autant parler de lui à notre époque. Nous ne pouvons qu’agréer la conclusion de l’ouvrage. Mais la méthode n’en pose pas moins de graves problèmes, car elle se veut exclusivement scientifique. Il ne s’agit pas seulement de prouver l’existence de Dieu par la philosophie en s’aidant des données de la science, ce qui pourrait déjà représenter matière à contestation ; les auteurs nous présentent en outre l’existence même de Dieu comme une théorie scientifique. La foi et la philosophie pérenne s’en trouvent bousculées par cet « impérialisme de la science de laboratoire », selon l’expression de Louis Jugnet [2], parlant du scientisme. Nous avons ici un problème à trois termes, entre foi, science, et philosophie. Aucune de ces connaissances n’en sort indemne. Mais c’est bien à tort que le débat public évoque seulement la tension entre foi et raison. Le problème se situe surtout entre science et philosophie, qui sont l’une et l’autre l’apanage d’une même raison humaine.
Mauvaises critiques
3. L’ouvrage a été critiqué par diverses plumes mal inspirées. La critique qui revient le plus souvent est que la démonstration rationnelle de l’existence de Dieu nuirait à la foi. Ainsi, dans les colonnes de La Croix, l’astrophysicien Raphaël Duqué, estime que, dans ce livre, la foi est « soudain retirée du domaine du cœur de l’homme » [3]. Dans le même journal, Thierry Magnin, théologien et physicien, interroge : « Quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi… » [4]. Enfin, dans Le Figaro, le philosophe Luc Ferry, imbu de Kant, reprend la même conclusion : « On détruit tout simplement la foi » [5].
4. Luc Ferry a certes raison de dire : « Je ne peux pas croire dans ce que je sais ». En effet, la foi exclut la science par rapport au même objet (l’existence de Dieu) et dans le même sujet (la raison humaine) : le même individu ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, démontrer que Dieu existe et croire que Dieu existe. Mais cela n’implique nullement que l’existence de Dieu ne puisse être tout autant objet de foi et de raison. En effet, les deux types de connaissance restent possibles, eu égard au même objet et elles ne s’excluent que dans le même sujet. La plupart d’entre nous (et sans doute Luc Ferry le premier) croient, sur la parole des astrophysiciens, que la Terre tourne autour du Soleil – et ce, en dépit des apparences les plus évidentes, qui font dire tous les jours aux présentatrices de la météo à quelle heure le Soleil « se lèvera » demain. Mais aucun d’entre nous ne contestera que les scientifiques soient en mesure d’avoir une connaissance rationnelle et argumentée de ce fait de l’héliocentrisme, lequel peut donc relever à la fois de la croyance et de la science, croyance et science ne s’excluant que dans l’intelligence des non scientifiques ou des scientifiques. De manière semblable, l’existence de Dieu ne relève donc pas uniquement de la foi ; elle fait aussi partie de ce que l’on appelle les « préambules de la foi ». La différence est sans doute qu’aucun des astrophysiciens, sur la foi desquels le commun des mortels croit l’héliocentrisme, ne sont infaillibles, tandis que l’Église l’est lorsqu’elle définit l’existence de Dieu comme un dogme. Et elle l’est tout autant lorsqu’elle proclame que l’existence de Dieu est démontrable par la raison. Le Concile Vatican I, appuyé sur toute la Tradition et la Sainte Écriture [6], a en effet établi comme un dogme que la raison, à elle seule, peut connaître l’existence de Dieu avec certitude [7]. Les critiques précitées trouvent donc leur origine dans une méconnaissance de la foi, et même jusque dans l’hérésie agnostique ou fidéiste, qui constitue le postulat de base du modernisme [8].
5. Une autre critique récurrente affirme que le Dieu démontré n’aurait « rien à voir » avec le Dieu de la Révélation catholique. Nous répondons à cela que l’objectant se méprend ici sur la portée des arguments. Ceux-ci cherchent à prouver l’existence de Dieu, telle que la démontre la philosophie, et il s’agit précisément de l’existence de Dieu, non de sa nature. C’est pourquoi cette démonstration ne dit rien de la Trinité ni de l’incarnation. L’argumentaire n’aboutit pas à faire connaître ces notions : il ne les affirme pas, mais il ne les nie pas non plus. En effet, de telles notions ne peuvent être données que par la foi. Cependant, ces données de la foi se trouvent tout à fait compatibles avec l’existence de Dieu telle que la démontre la philosophie. Philosophie et foi s’harmonisent sans se confondre. Dire de Dieu qu’il est unique, tout-puissant et éternel n’est pas contradictoire avec l’affirmation de la Trinité des personnes en Dieu.
Le Big-Bang : une histoire ancienne
6. L’argumentaire de l’ouvrage, bien qu’agrémenté de découvertes récentes, plonge ses racines dans des présupposés déjà plus que centenaires, alors basés sur cette science nouvelle qu’était la thermodynamique. La Revue thomiste, dès la fin du XIXe siècle, avait réfuté l’usage indu de ces théories scientifiques dans le champ de la philosophie, et ces travaux des pères dominicains de l’époque gardent encore aujourd’hui toute leur pertinence [9].
7. La théorie du Big-Bang a ajouté une pièce de plus à l’appui de cet argumentaire. Il faut reconnaître le caractère étonnamment providentiel de ce fait : c’est à un prêtre catholique astrophysicien que revient la paternité de cette théorie du Big-Bang. Le chanoine belge Georges Lemaître (1894- 1966) [10], ordonné prêtre par le cardinal Mercier en 1923, fut l’élève du célèbre astrophysicien Sir Arthur Eddington (1882–1944) et docteur en physique diplômé du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) des États-Unis. Il fut professeur de mathématiques à l’Université Catholique de Louvain. Il maîtrisait les méandres de la théorie alors nouvelle d’Einstein (1879–1955), qu’il rencontra à plusieurs reprises. D’abord réticent à admettre un commencement de l’Univers, qui évoquait pour lui la Genèse, Einstein finit par donner raison à Lemaître, avouant qu’il avait fait « la plus grande erreur de sa vie » en modifiant sa théorie pour coller à son idée préconçue d’un Univers statique ! Que peut-on pour autant déduire de cette explication scientifique ?
8. Un mathématicien réputé, converti au catholicisme en 1930, Sir Edmund Taylor Whittaker (1873–1956) a tiré les conclusions qui lui semblaient découler des travaux de Georges Lemaître. Dans son ouvrage Space and spirit, paru en 1946, il s’appuie déjà sur ces travaux pour en déduire des « preuves » de l’existence de Dieu, inaugurant un genre de démonstration que le livre de DSP reproduit à l’identique. Mais le chanoine Fernand Van Steenberghen (1904–1993), professeur de philosophie à Louvain, s’opposa à cette argumentation, et fit valoir les arguments de saint Thomas d’Aquin comme les seuls solides. Van Steenberghen était un ami de Lemaître, travaillant dans la même université que lui, et faisait partie de la même Fraternité Sacerdotale. Tout laisse supposer que le prêtre astrophysicien le soutint dans son opposition à Whittaker [11]. Ce fait n’est malheureusement pas rappelé dans DSP. Pour quelle raison Lemaître refusait-il l’optique de Space and spirit ? Ce n’était pas seulement parce que cette théorie aurait manqué de « preuves ». C’est plutôt parce que, appuyé sur les travaux de Pierre Duhem [12], Lemaître était conscient des limites intrinsèques de la science : « J’ai trop de respect pour Dieu pour en faire une hypothèse (scientifique) », disait-il [13]. Nous lui donnons raison.
9. Le 22 novembre 1951, le pape Pie XII prononce un discours à l’Académie des sciences intitulé très clairement : « Les preuves de l’existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature » [14]. Pie XII évoque la théorie du Big-Bang et n’hésite pas à faire le rapprochement avec la Genèse : « Il semble en vérité », allait-il jusqu’à dire, « que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat lux primordial, alors que surgit du néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en millions de galaxies ». Un pareil discours pourrait apparemment encourir le reproche d’un amalgame scientifico-religieux, et s’inscrire dans l’optique d’un Whittaker (que le pape mentionne d’ailleurs explicitement comme « un savant moderne de premier ordre » [15]). Néanmoins, loin d’un tel concordisme, le propos du pape « allume de puissants contre-feux » [16]. Car, aussitôt après cette évocation lyrique, vient une restriction importante : « Les faits jusqu’ici constatés », ajoute le pape, « ne sont pas des arguments d’une preuve absolue de la création dans le temps, […] contrairement aux arguments provenant de la métaphysique et de la Révélation ». Et Pie XII prend soin de rappeler que, pour le simple fait de la création, la métaphysique suffit, tandis que pour le fait que la création ait commencé dans le temps, la Révélation est requise. De la sorte, le pape se garde bien de tomber dans le travers du concordisme scientifico-religieux. Il ne fait pas de Dieu une théorie ; il rappelle que les cinq voies de saint Thomas sont la base de toute démonstration de l’existence de Dieu.
10. Le chanoine Lemaître, qui assistait au discours, fut gêné par la référence à Whittaker, car celle-ci lui donna à penser que Pie XII voulait cautionner les orientations du concordisme scientifico-religieux auxquelles lui-même était opposé. Il demanda audience au pape pour lui faire respectueusement part de son désaccord. Mais cet épisode ne signifie nullement que Pie XII s’était montré favorable aux preuves scientifiques de l’existence de Dieu, qui font intervenir l’argument du commencement du monde dans le temps. Il suffit de lire son discours pour s’en rendre compte [17].
L’argumentaire scientifique
11. L’argumentaire de DSP présente une similitude apparente avec les « voies » de saint Thomas d’Aquin [18], mais, en réalité, il en diffère profondément. A la place des deux premières voies (le moteur premier et la cause première), les auteurs tentent d’apporter la preuve d’un commencement absolu de l’espace et du temps par deux éléments indépendants : la théorie du Big-Bang et la « mort thermique de l’Univers ». De ce commencement, ils déduisent qu’il en existe une cause extérieure, car tout ce qui commence à exister a nécessairement une cause extérieure à son existence [19]. C’est l’argument dit du « Kalâm », que saint Thomas rejetait pour prouver l’existence de Dieu, car il estimait impossible de prouver que l’Univers a commencé [20]. Dans son argumentaire, le docteur angélique s’affranchissait donc de la question du temps : « la voie la plus efficace pour prouver l’existence de Dieu part de l’hypothèse de l’éternité du monde » [21]. Mais, évidemment, à son époque, saint Thomas ne savait rien du Big-Bang et de la thermodynamique.
12. Selon la théorie du Big-Bang, assimilé à tort à une explosion, l’Univers est en expansion dans toutes les directions depuis une taille théoriquement nulle, un « zéro initial ». De son côté, la thermodynamique étudie l’évolution de l’énergie dans un système choisi. Cette évolution concerne tous les corps physiques. L’Univers entier peut être considéré comme un système thermodynamique. Le premier principe de cette théorie affirme que l’énergie se conserve toujours, mais le second principe affirme que dans un système clos [22], il y a un passage irréversible d’un type d’énergie à un autre. Selon l’image du père dominicain René Hedde, « Le premier [principe] semblable aux rives du fleuve, empêchait les eaux de s’éparpiller aux alentours, le second est la pente du lit qui les entraîne vers l’Océan » [23]. On l’appelle aussi principe de dégradation. Pareille irréversibilité semble indiquer qu’un tel processus ne peut être éternel. Ces faits ont donné l’espoir de pouvoir désormais apporter la preuve d’un commencement à l’Univers.
13. Pour rester jusqu’au bout dans le domaine de la science, les auteurs tentent d’établir à partir de ces faits que la « théorie » de l’existence de Dieu se trouve mieux vérifiée que la théorie matérialiste concurrente. Ce qui laisse supposer que Dieu soit une théorie scientifique. Le mot de théorie n’est pas, pour nos auteurs, synonyme de pure hypothèse, mais semble représenter le fonctionnement même de la raison : « La raison doit recenser toutes les thèses explicatives possibles, les confronter avec le réel, éliminer celles qui ne tiennent pas et tenir pour vraie — ou du moins très probable — l’explication restante lorsqu’il n’en reste qu’une. S’il en reste plusieurs possibles, il est admis qu’on doive conserver la plus simple ou la plus vraisemblable de celles qui restent » [24]. On reconnaît ici la méthode « hypothético-déductive ». Cette approche apparaît aussi chez d’autres auteurs contemporains non catholiques, comme Richard Swinburne, né en 1934 en Grande-Bretagne, philosophe des religions et des sciences, converti à l’orthodoxie, ou William Lane Craig, né en 1949 aux États-Unis, philosophe analytique de la religion, théologien et apologète évangélique baptiste. Nous allons voir que saint Thomas rejette cette méthode pour ce qui est de l’existence de Dieu.
La connaissance de Dieu selon saint Thomas d’Aquin
14. Dans la Somme Théologique [25], saint Thomas d’Aquin se demande si l’on peut prouver la Trinité de Dieu par la raison. La réponse est évidemment négative, puisqu’il s’agit d’un mystère de foi. Mais une difficulté vient de ce que saint Augustin montre qu’il y a une forme de trinité dans l’âme humaine créée à l’image de Dieu [26]. Cette image trinitaire présente en l’homme ne peut-elle pas amener la raison à découvrir la Trinité des personnes divines ?
15. Le docteur Angélique répond en distinguant deux manières d’avancer dans la connaissance, afin d’expliquer la cause cachée d’un fait.
- Une manière qui « prouve suffisamment » la raison de ce fait. Il n’y a alors aucune autre explication possible et l’argument est dit apodictique, c’est-à-dire absolument démonstratif. Il s’agit des arguments métaphysiques.
- L’autre manière, dit saint Thomas « ne prouve pas efficacement que telle est la cause cachée que l’on cherche, mais, une cause étant supposée, elle montre que les effets qui, par hypothèse, en découlent s’accordent bien avec elle. » C’est là un argument hypothétique. Le scientifique travaille principalement de cette manière. Il cherche un accord entre la théorie et l’observation.
16. Saint Thomas poursuit : « On peut donc donner une explication du premier type pour prouver que Dieu est un, etc. Mais la raison que l’on apporte pour manifester la Trinité est du second type : c’est-à-dire que, la Trinité étant admise, les explications qu’on en donne s’accordent avec cette présupposition, mais ces explications ne suffisent pas à prouver que Dieu est Trinité. »
17. C’est à la lumière de cette distinction qu’il est possible d’apercevoir les limites de la méthodologie suivie par DSP [27]. Les auteurs rejettent en effet la possibilité même d’un argument apodictique, car selon eux, « dans le domaine réel, les preuves absolues n’existent pas » [28]. C’est là une grave erreur, car c’est le rejet pur et simple de la métaphysique. Nos scientifiques vont donc placer l’argument dans la deuxième catégorie, l’argumentation hypothétique, là où saint Thomas place l’argument qui justifie l’existence d’une Trinité en Dieu. Sans doute, ce deuxième type d’argumentation garde toute sa valeur, quoique limitée, sur le plan qui est le sien, et nous ne la lui refusons pas. Mais il est absolument faux de dire que la valeur de cet argument est exclusive. Nous nous séparons donc de DSP lorsque celui-ci refuse par principe toute valeur à tout autre argument que celui-ci, car il existe bel et bien des arguments apodictiques, donnant des preuves absolues, des raisons suffisantes, sur le plan du réel. Si on le nie, on estompe considérablement la différence entre la connaissance d’ordre philosophique, qui s’appuie sur des arguments apodictiques et démonstratifs, et la connaissance d’ordre théologique, basée sur la foi, qui présuppose toujours le donné initial d’une vérité révélée et indémontrable, pour prouver ensuite que les conclusions qui en découlent s’accordent bien avec elle. A cause du refus de cette distinction, DSP et ses émules courent sérieusement le risque de ne plus voir – et de ne plus faire voir – la différence fondamentale qui sépare le raisonnement théologique, basé sur la foi, et le raisonnement philosophique, basé sur la raison. Le danger serait alors de donner la même valeur à l’argument qui démontre l’existence de Dieu et à celui qui raisonne en faveur de la Trinité des personnes en Dieu.
18. Ce genre d’argumentation nous permet même de défendre la plupart des points de la Révélation. Par exemple, le péché originel étant admis, cette hypothèse explique la difficulté à faire le bien que l’on constate chez tous les hommes. De manière générale, la foi catholique étant admise, elle nous ouvre une extraordinaire explication du monde, des actes humains, du mystère du mal et de la grâce. C’est le fameux « crede ut intellegas » [29] de saint Augustin. La foi jette une lumière sur ce monde en partie incompréhensible. Pourtant, au niveau logique, cette magnifique explication n’est pas une raison déterminante, sans quoi la foi serait strictement déterminée et perdrait sa raison d’être. C’est une raison insuffisante qui demande à être complétée par une grâce spéciale de Dieu [30]. Il est facile de comprendre, à partir de là, que les théories scientifiques, qui procèdent de la même manière, ne seront jamais que des raisons insuffisantes, tandis que l’existence de Dieu est connue avec certitude au moyen des raisonnements apodictiques que lui fournit la métaphysique. Les cinq voies de saint Thomas en sont la formulation la plus achevée. Elles sont tout autre chose qu’une mise en théorie de l’existence de Dieu.
Le problème de la théorie scientifique
19. Dans l’article précité sur la connaissance de la Trinité, saint Thomas donne l’exemple suivant, pour montrer ce qu’est une théorie : « Ainsi en astronomie on donne comme raison (des phénomènes observés), la théorie des excentriques et des épicycles, étant donné que par cette hypothèse, on peut sauver les apparences sensibles des mouvements célestes ; ce n’est pourtant pas une preuve décisive, car il n’est pas dit qu’une autre hypothèse ne les respecterait pas aussi. » Saint Thomas évoque la théorie géocentrique de Ptolémée (IIe siècle). Dans cette théorie, la Terre est placée au centre du monde, ce qui pose une difficulté quand on cherche à expliquer le mouvement des planètes. Celles-ci semblent revenir en arrière avec régularité. Ptolémée émet alors l’hypothèse que les planètes tournent autour d’un axe imaginaire, lui-même tournant autour de la Terre : c’est l’épicycle. L’excentrique consiste à placer l’axe principal à côté de la Terre et non sur elle. Ce sont là des ajustements mathématiques qui ont pour but de coller aux données observées. Moyennant quoi il serait possible de calculer à l’avance la position des planètes avec une précision suffisante pour l’époque. C’est ce que l’on appellera plus tard un modèle prédictif. Pour saint Thomas tout cela ne décrit pas nécessairement la réalité mais « sauve les apparences [ou phénomènes] sensibles ». Cette expression importante est reprise de Platon [31] et jalonne toute l’histoire des sciences. On sait à quel point l’histoire a donné raison à saint Thomas. Ce n’est pas parce que l’on a vérifié un million de fois que les positions des astres correspondaient approximativement à la théorie que celle-ci décrit effectivement la réalité. La théorie est ici une fiction (ou une supposition) présentant un intérêt pratique. Et ce problème se pose exactement dans les mêmes termes de nos jours.
20. La théorie de la gravitation de Newton a longtemps été considérée comme la reine des théories. Elle apparaissait comme une réalité établie, jamais démentie par les faits. Or au XIXe siècle, la précision croissante des observations astronomiques apporta deux difficultés emblématiques de la méthode scientifique : les mouvements de Mercure et d’Uranus ne correspondaient pas exactement aux équations de Newton, un décalage apparaissait entre la théorie et l’observation. Pour sauver la théorie de Newton, en 1846, un mathématicien français, Urbain Le Verrier (1811–1877), émit alors une hypothèse auxiliaire : il pourrait exister une planète hypothétique à proximité d’Uranus causant ces perturbations. Le Verrier fit le calcul de sa position théorique. On pointa alors le télescope dans la direction théorique et l’on découvrit Neptune : cela semblait « confirmer » parfaitement la théorie. Restait toutefois le cas de la trajectoire de Mercure… Le Verrier usa évidemment de la même technique. Mais le corps théorique ne se montra pas. En 1860, un astronome amateur [32] pensa avoir observé la planète. On baptisa cette nouvelle planète « Vulcain », mais les observations demeurèrent très douteuses, et l’idée de Vulcain s’effaça lentement.
21. En 1915, Einstein, à partir de travaux sur la vitesse de la lumière, élabora la théorie de la Relativité Générale. Sans le chercher, cette théorie expliquait notamment le mouvement de Mercure en faisant l’économie de l’influence d’une planète fantôme. La théorie de Newton devint alors désuète. Les mathématiques de Newton restèrent employées pour la simplicité des calculs mais elles furent délaissées comme une description de la réalité : il n’est plus question de force à distance et instantanée dans la théorie d’Einstein. Cette théorie est aujourd’hui fort bien corroborée, mais quelques observations la mettent en difficulté [33]. Pour sauver la théorie contre ces observations, on a inventé la « matière noire » : une matière purement théorique susceptible d’expliquer l’anomalie observée. Cette matière est-elle réelle comme Neptune ou bien est-ce un fantôme semblable à Vulcain, qui doit amener à une remise en question de la théorie d’Einstein ? Il est encore impossible de le dire, à l’heure actuelle.
22. Ces quelques exemples devraient éclairer notre propos. La science est jalonnée de ce genre de théories qui ont connu leurs heures de gloire, rendu bien des services, mais ont finalement terminé dans les pages des manuels d’histoire de la science. Les succès de jeunesse d’une théorie, dans l’euphorie du moment, poussent à croire en sa véracité. Le scientifique trop peu prévenu de l’histoire des sciences claironne alors avoir découvert enfin la réalité ; puis sonne (parfois longtemps après) l’heure de la crise, et une nouvelle théorie vient prendre la place. On se fait alors plus prudent à l’avenir, à moins de ne rien retenir des leçons de l’histoire…
23. Il est vrai que la science parvient parfois à atteindre des objets réels comme Neptune, mais le scientifique en est redevable à la technique car c’est elle qui lui permet d’observer plus loin un objet particulier, comme ce fut le cas lorsque l’homme a pu découvrir l’existence des bactéries au microscope. Dès qu’il dépasse le cadre des objets singuliers ou de l’observation directe, le savant se trouve cantonné à ce cadre théorique toujours matière à révision.
Philosophie de la théorie scientifique
24. Pierre Duhem (1861–1916), physicien, chimiste, historien et philosophe des sciences, a largement développé cette thèse durant toute sa carrière spécialement dans ses deux ouvrages La Théorie physique (1906) et Sauver les phénomènes (1908). Sa thèse revêt une grande importance dans la philosophie des sciences encore de nos jours [34]. Il était par ailleurs un catholique convaincu. Nous avons vu qu’il a influencé la pensée du chanoine Lemaître.
25. Il résume sa pensée dans une lettre adressée au Père Garrigou-Lagrange, op, et dans laquelle il traite du principe d’inertie : « On en peut dire alors [du principe d’inertie] ce qu’on peut dire de tous les principes des théories mécaniques et physiques. Ces principes fondamentaux ou hypothèses (au sens étymologique du mot [35]) ne sont pas des axiomes, c’est-à-dire des vérités évidentes de soi. Ce ne sont pas davantage des lois, c’est-à-dire des propositions générales que l’induction ait tirées directement des enseignements de l’expérience. il se peut que certaines vraisemblances rationnelles ou certains faits d’expérience nous les suggèrent ; mais cette suggestion n’a rien d’une démonstration ; elle ne leur confère, par elle-même, aucune certitude. Au point de vue de la pure logique, les principes fondamentaux des théories mécaniques et physiques ne peuvent être regardés que comme des postulats librement posés par l’esprit.
26. De l’ensemble de ces postulats, le raisonnement déductif tire un ensemble de conséquences plus ou moins éloignées qui s’accordent avec les phénomènes observés ; cet accord est tout ce que le physicien attend des principes qu’il a postulés. Cet accord confère aux principes fondamentaux de la théorie une certaine vraisemblance. Mais il ne peut jamais leur conférer la certitude, car on ne peut jamais démontrer que, d’autres postulats pris comme principes, on ne déduirait pas des conséquences qui s’accorderaient aussi bien avec les faits. En outre, on ne peut jamais affirmer qu’on ne découvrira pas un jour des faits nouveaux qui ne s’accorderont plus avec les conséquences des postulats qu’on avait posés au fondement de la théorie ; faits nouveaux qui obligeront à déduire, de nouveaux postulats, une théorie nouvelle. Ce changement de postulats s’est produit maintes fois au cours du développement de la Science » [36].
27. On pourra s’étonner de voir mis en doute un principe aussi fondamental en physique classique newtonienne que le principe d’inertie. C’est pourtant ce qu’a fait aussi le célèbre mathématicien Henri Poincaré (1854–1912) [37] à la même époque, et d’autres encore [38]. En effet, l’inertie suppose qu’un objet soumis à aucune force suivra toujours la même course, mais il est concrètement impossible d’observer un objet qui n’est soumis à aucune force. Le Père Garrigou-Lagrange remarque qu’il en est de même des principes de la thermodynamique : il est impossible d’observer un « système clos », car il faudrait que celui-ci soit isolé par rapport à tous l’Univers [39]. Ces principes sont suggérés par approximation, ce sont des postulats utiles mais dont on ne peut affirmer qu’ils décrivent une réalité, une ontologie.
28. En ce sens, la théorie du Big-Bang n’est pas une « découverte », ou une « déduction », comme le veut Monsieur Bonnassies. C’est un postulat suggéré par certains faits. Ce postulat repose sur la théorie de la Relativité Générale d’Einstein mais aussi sur d’autres postulats invérifiables visant à simplifier le problème (l’Univers globalement homogène et isotrope). La solidité de cette théorie repose dans le fait qu’elle permet de donner une explication cohérente de deux observations : le « décalage vers le rouge » des galaxies et le « fond diffus cosmologique ». On ne déduit pas le Big Bang de ces observations. Le raisonnement fonctionne dans l’autre sens : le Big-Bang étant supposé, les scientifiques remarquent que cette grille de lecture rend un compte à peu près suffisant de ces observations et qu’il est très difficile de les expliquer par une autre théorie qui soit tout aussi cohérente. Les observations ne confirment que la vraisemblance de la théorie, mais pas sa véracité : la théorie pourrait être vraie.
Le rasoir d’Occam
29. Pierre Duhem montre qu’en science, il n’existe pas d’expérience cruciale qui détermine définitivement la véracité ou la fausseté d’une théorie [40]. Quand les observations s’accordent avec la théorie, cela ne la valide pas pour autant et quand les faits observés s’opposent à la théorie, il reste toujours possible de sauver la théorie, car le scientifique ne teste jamais une hypothèse isolée, mais un ensemble entier d’hypothèses. Une observation contraire à la théorie ne montre pas que celle-ci est fausse, mais que l’ensemble des hypothèses comporte au moins une faille sans que l’on sache où elle se trouve. Il se peut aussi qu’il manque une hypothèse, comme dans le cas de Neptune (voir plus haut). Le père dominicain Bernard Lacome (1856–1947) reprend la pensée – et prend même la défense – de Pierre Duhem dans la Revue thomiste de 1893 : « On a même le plus souvent grand tort de parler d’un experimentum crucis, quand de deux hypothèses contradictoires l’une est justifiée par les faits et l’autre ne l’est pas : la condition posée, puis retirée, n’est pas en général suffisamment simple. Aussi n’est-il pas rare que les faits donnent également raison à deux théories contradictoires : ce qui est pour nous un clair avertissement de nous méfier de ces sortes de preuves. » [41].
30. Dans ce cas de deux théories en concurrence les scientifiques font usage du « rasoir d’Occam » : on ne garde que la théorie la plus simple. Ce principe, appelé aussi principe de parcimonie, est nommé d’après le franciscain Guillaume d’Occam (1288–1348), mais il se trouve déjà chez Aristote [42]. Il est aussi utilisé et posé en principe par saint Thomas, précisément à propos de l’existence de Dieu, dans la deuxième objection qui vient après celle du mal : « Ce qui peut être accompli par un petit nombre de principes ne doit pas se faire par des principes plus nombreux. Or, il semble bien que tous les phénomènes observés dans le monde puissent s’accomplir par d’autres principes [que Dieu] » [43]. C’est cette objection naturaliste que DSP cherche à réfuter au moyen de la méthode scientifique. Certains matérialistes ont tenté de répondre à leur niveau, par des théories hautement élaborées, comme le « multivers ». DSP retranche alors ces théories à coup de rasoir : il est plus simple d’admettre l’existence d’un seul monde que l’existence de plusieurs, il faut donc éliminer la deuxième hypothèse. En somme, DSP retourne le rasoir contre l’agresseur matérialiste. Ce principe servait à nier Dieu, et nos auteurs s’en servent ici pour l’affirmer. Cette tactique est sans doute rhétoriquement habile, mais a le tort d’oublier que ce principe ne détermine jamais la véracité d’une théorie : rien n’empêche que la théorie la plus complexe soit la vraie.
31. Le rasoir d’Occam est un principe qui garde sa valeur pour établir la probabilité d’une vérité, que ce soit dans le domaine des vérités pratiques ou dans le domaine des vérités spéculatives. Il appartient en effet à cette branche du savoir qu’Aristote désigne comme une « dialectique » de frayer la voie à la science, en opérant déjà comme un premier tri : le procédé du rasoir d’Occam peut jouer le rôle d’un garde-fou, et présenter l’avantage de neutraliser un trop grand nombre de théories, ou des théories trop théoriques, qui n’ont aucune chance, ou du moins trop peu de chances, d’être vraies. C’est ainsi que le philosophe ou le savant peut avancer avec plus de circonspection dans l’échafaudage des théories successives. Mais la recherche que ce procédé autorise ne peut jamais aboutir à montrer qu’une vérité est nécessaire. Elle met seulement en évidence, ni plus ni moins, qu’une vérité est probable. Or, sur ce plan propre à la recherche de la science, rien ne permet d’affirmer que l’on ait inventé toutes les théories possibles, car la vérité pourrait n’avoir pas encore été théorisée. DSP n’admet d’ailleurs que deux théories concurrentes, là où l’on pourrait en placer bien d’autres comme la théorie polythéiste. Celle-ci serait sans doute « retranchée » à coup du rasoir d’Occam, mais comme nous l’avons vu, cela ne dit encore rien de la vérité. Quand bien même l’on disposerait d’une seule théorie, ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la réputer comme nécessairement vraie, ou même comme étant la seule probable. Le reproche que nous adressons ici à DSP n’est donc pas de recourir à ce procédé légitime du rasoir d’Occam, mais plus précisément d’y recourir comme s’il suffisait à prouver qu’une vérité est établie, au sens où elle serait nécessaire. L’usage abusif de ce principe est d’ailleurs une caractéristique des systèmes anti métaphysiques, rejetant la possibilité des arguments apodictiques, comme le nominalisme de Guillaume d’Occam. Il ne nous appartient pas de dire si les auteurs de Dieu, la science, les preuves assument, consciemment ou non, ce présupposé nominaliste. Mais il est indubitable que celui-ci inaugure le règne incessant du provisoire. Dès lors, la prétention de démontrer avec nécessité l’existence de Dieu, même si elle fait l’objet d’une très grande conviction, ne saurait être qu’illusoire.
32. Pour en revenir à l’objection naturaliste, telle qu’elle figure en bonne place dans le De Deo uno de la Somme théologique [44], retenons surtout ce fait décisif que saint Thomas ne se contente pas d’y répondre en se plaçant sur le plan de ces arguments dialectiques. Certes, il ne rejette pas le principe de parcimonie, mais il est conscient que celui-ci n’est qu’un procédé de recherche, préalable à la science, faisant la balance entre deux théories concurrentes. Il entend plus profondément démontrer l’existence de Dieu de manière apodictique : selon lui, la nature est strictement incapable de s’expliquer par elle-même sans tomber dans l’absurde. Il y a donc ici bien plus qu’une simple théorie ou « hypothèse » scientifique. La nature a nécessairement une cause incausée et première, et si l’on supprime la cause, on supprime l’effet. Prétendre que l’existence de Dieu est une hypothèse provisoire ou seulement prévalente, c’est dénier sa véritable consistance à la nature réellement observable.
La portée des sciences
33. Étant même supposé que ces théories soient vraies, que permettent-elles de conclure ? Le chanoine Lemaître était bien conscient des limites de sa théorie : « La question de savoir s’il s’agissait réellement d’un commencement ou plutôt d’une création : quelque chose à partir de rien, est une question philosophique qui ne peut être réglée par des considérations physiques ou astronomiques » [45], écrit-il fort judicieusement. Le Big-Bang suppose que la matière existante se trouve contenue dans un espace de plus en plus petit jusqu’à un zéro théorique, mais, dans la réalité, la matière reste toujours existante. Et c’est pourquoi la théorie du Big-Bang ne saurait prouver aucune création de matière. La physique étudie la matière physique, observable à partir des sens. Elle ne peut atteindre ce passage du non-être à l’être qu’on appelle « création ».
34. Quant à la thermodynamique, nous pouvons lui appliquer la remarque du Père Sertillanges, op (1863–1948) : « Si quelque chose de l’Univers vous échappe, votre adversaire vous échappe aussi ; il vous dira que la loi de dégradation est une loi particulière. Vous parlez donc du Tout ; mais ce tout, de grâce, le connaissez-vous ? Qui vous a révélé sa grandeur ? qui vous a fait connaître sa loi totale ? Certes les progrès de la science sont admirables ; l’astronomie nous a fait parcourir, en peu d’années, plus de chemin que tous les autres siècles ensemble. Mais précisément parce qu’on a découvert beaucoup, l’on doit prendre une plus haute idée de la série effrayante des êtres et ne pas la clore ainsi à la légère » [46]. En effet, constater que la matière connue se « dégrade » dans toutes les circonstances connues ne signifie pas pour autant que tout ce qui recouvre le nom de matière suit le même processus dans toutes les circonstances possibles dans le temps et dans l’espace. Seule la métaphysique atteint une portée universelle et nous parle de tous les êtres existants, car elle a précisément pour objet l’« être en tant qu’être ».
La métaphysique, base solide de la science
35. C’est à partir de ce constat sur la portée relative de l’argumentation scientifique qu’il faut rechercher les bases solides de la connaissance humaine sans s’enfermer dans le scepticisme. Si la science ne nous apporte aucune certitude absolue et définitive, c’est qu’il faut la chercher ailleurs. Duhem l’avait bien compris et d’autres ont prolongé ses travaux, comme Emile Meyerson, un chimiste et philosophe des sciences trop oublié de nos jours, alors qu’il reçut en son temps les éloges d’Einstein [47] et ceux de Louis de Broglie (1892–1987) [48]. Charles de Koninck (1906- 1965) disait de Meyerson qu’il a donné « l’une des contributions les plus importantes, sinon la plus importante de la philosophie des sciences » [49]. « L’homme répète Meyerson, « fait de la métaphysique comme il respire ».
36. Meyerson rappelle encore la nécessité de la métaphysique ; « Quant à nous abstenir de toute métaphysique, c’est là une prétention tout à fait vaine. La métaphysique pénètre la science tout entière, pour la raison bien simple qu’elle est contenue dans son point de départ. Nous ne pouvons même pas la cantonner dans un domaine précis. […] Vivere est philosophari [50]. Il résulte de ce qui précède que nous n’apercevons pas, entre le sens commun et la science, la grande différence qu’on a voulu y voir parfois. » [51].
37. La métaphysique et la science théorique suivent deux chemins opposés. La science postule librement une théorie en partant de la pensée. Mais on ne peut pas partir de la pensée pour arriver à la réalité. Il y a là toute la difficulté congénitale à l’idéalisme cartésien ou kantien : celui-ci cherche à « plaquer » des idées préconçues sur la réalité. Un tel procédé présente certes une utilité pratique incontestable, mais il présente tout autant le danger de laisser prendre ses théories pour la réalité. La métaphysique part au contraire de l’expérience sensible pour arriver à la pensée par mode d’abstraction : Nihil est in intellectu quod non sit prius in sensu [52]. Elle passe ainsi du particulier à l’universel. En constatant la mort de quelques hommes, l’intelligence s’élève vers cette vérité universelle et certaine que « tout homme est mortel », sans même avoir besoin de le constater chez chacun des hommes et sans user de théorie ou d’instrument de mesure. Du constat de la causalité des êtres entre eux, on en tire le principe de causalité qui s’étend à tous les êtres. On ne postule pas le principe de causalité, on le découvre à partir de l’expérience. Ce principe n’est pas une théorie scientifique, c’est un principe métaphysique absolument certain [53]. La métaphysique n’est ici que le prolongement du bon sens, et c’est avec raison que Meyerson réhabilite ce dernier contre l’idéalisme qui le tourne en dérision. Sans cette base solide, il n’est plus de science possible.
38. C’est à partir de là que l’on peut bâtir une preuve sérieuse de l’existence de Dieu, arrivant jusqu’à la cause première. Le matérialiste aura beau repousser le problème par du « multivers », le philosophe réaliste – et le croyant catholique – ne lui répondra pas à coup de rasoir d’Occam pour rejeter les spéculations trop théoriques. Au contraire, il poussera plus avant le raisonnement en lui demandant la cause antérieure de ces choses et ce, jusqu’à la cause incausée et première. Il lui montrera qu’il n’a jamais fait que maquiller son ignorance par une explication qui n’est jamais ultime. En effet, Dieu ne saurait être le premier anneau d’une chaîne, homogène à tous les autres, car il n’est pas tel être particulier, mais l’Être. Dieu n’est pas un point d’origine dans le passé ; il est une raison suffisante dans le présent. « Nec Tu tempore tempora praecedis, alioquin non omnia tempora praecederes », dit saint Augustin [54]. La cause propre que réclament les phénomènes observés, parce qu’elle est précisément d’ordre métaphysique, étant la cause de l’être, est première dans l’être et non dans le temps, qui est la mesure du devenir. Pour dire les choses autrement, s’il n’existe pas une cause première ou un être incausé maintenant, il ne saurait en exister un dans l’instant précédent ni en aucun autre instant, passé ou futur. Il y a en effet une distinction fondamentale entre la série infinie des explications du changement au sein d’une série et l’explication fondamentale de l’existence de la série qui ne saurait remonter à l’infini [55]. Car nous ne cherchons pas un commencement dans le temps mais une origine dans l’être. « Si je pense en philosophe physicien », observe avec justesse le père Philippe de la Trinité, « au premier degré d’abstraction du savoir ontologique, visant le sensible comme être et non pas l’être en tant qu’être, je trouve toujours en tête d’une série un moins qui dans un autre ordre est un motum, et si je veux repartir dans cet autre ordre, je suis par définition ou dans une autre série essentielle, ou dans une série accidentelle. Le physicien, même philosophe, peut être voué comme tel à une recherche sans limite » [56]. Et le père Paissac : « Si Dieu est seulement un objet parmi tous les autres, ou le premier chaînon de la chaîne, si par exemple le teint d’un visage humain s’explique par la nature des cellules, qui s’explique par la constitution des chromosomes, qui s’explique par Dieu, Dieu n’est pas Dieu. […] De ce qu’il y a de la causalité dans le monde, il ne s’ensuit pas qu’il y ait une causalité du monde. Kant a raison si on cherche à établir une preuve exclusivement scientifique de l’existence de Dieu, c’est-à-dire si la cause représente le phénomène qui en produit un autre. […] On pourrait aller à l’infini dans l’ordre de l’explication scientifique, mais il faut sortir de cet ordre » [57].
39. Il résulte de tout ceci que la preuve de l’existence de Dieu fait appel simultanément à l’exigence critique de la science et à la perception simple propre au métaphysicien. Pour prouver Dieu, il faut bien sûr partir d’une réalité concrète, observable et observée ; mais la preuve ne peut s’en tenir là, car la science de la nature, laissée au seul premier degré d’abstraction, ne saurait jamais remonter qu’à l’existence d’une cause particulière, et non à celle de la cause première et universelle. Faute d’avoir bien saisi les deux aspects qu’intègre le moyen de preuve de l’existence de Dieu, et de les avoir distingués avec la netteté suffisante, l’on s’est mépris sur la véritable portée de la démonstration. La conclusion de la preuve s’est trouvée réduite à une affirmation univoque à un mode d’être parmi d’autres, dérivant d’un principe supputé « de causalité » tout abstrait, alors qu’elle est en réalité un jugement certain coordonnant deux affirmations, dont l’une se situe à un degré d’abstraction supérieur à l’autre. La conclusion de la preuve en a été réduite à sa modalité phénoménologique et coupée de son ancre métaphysique. Tel serait l’autre face du vice fondamental, affectant une argumentation scientifico-religieuse qui voudrait se baser sur le Big-Bang, ainsi que l’a souligné le père Guérard des Lauriers : « Puisqu’en effet le mobile ne peut pas être par soi, selon le mouvement, alors la pseudo preuve dont on vient de décrire la genèse aboutit tout directement, selon une pseudo logique révoltée contre une métaphysique qu’elle condamne et étrangère à la logique qu’elle ignore, à la conclusion : Dieu, c’est ce qui exclut le mouvement, c’est l’immobile. Et comme on n’est arrivé à cette notion d’immobilité que par négation, à partir du couple mû-moteur, il n’est pas possible de se dégager de ce couple. L’immobile est bien contraint d’être un moteur pour pouvoir n’être pas un mû. Et le Moteur Immobile aristotélicien se trouve, de la sorte, piteusement enfariné dans le Cosmos, tout comme l’Oméga teilhardien l’est dans l’Evolution » [58].
40. Bref, les explications scientifiques peuvent bien rendre compte des transformations de l’Univers, une fois admis que celui-ci existe, mais elles ne s’occupent pas de l’existence de l’Univers lui-même. L’origine du monde n’est pas une transformation du monde, qu’elle qu’en soit l’explication, même géniale, qu’en donne la science, fût-ce celle du Big-Bang. Confronté aux questionnements du philosophe, qui sont ceux de la saine raison, le pseudo scientifique ne pourra plus camoufler son ignorance et se réfugiera alors dans le mystère, évoquant les limites de la raison, lui qui se targue pourtant de sa science face aux mystères de la foi. Et c’est l’homme de foi qui devra lui rappeler que la connaissance humaine est plus grande que ce qu’il prétend, quand elle atteint l’être des choses.
Conclusion
41. On peut concéder que, par certains aspects, l’état actuel des sciences conforte mieux le catholique que jadis, et c’est heureux [59]. Mais faudrait-il que l’homme balançât son assentiment à l’existence de Dieu au rythme des interprétations scientifiques du temps ? Si tel était le cas, alors il serait tout aussi raisonnable d’admettre l’existence de Dieu aujourd’hui, que de la refuser hier, en plein scientisme. Mais on ne prouve pas l’Eternel par le temporaire. Le Père de Tonquédec [60] a fait justice du scrupule qui conduirait ici les philosophes à tout attendre des dernières découvertes mises au point par les modernes sciences : « Nous pensons donc que ceux-là se méprennent qui font de la philosophie naturelle la suivante fidèle, la pedissequa des sciences positives, lui assignant comme rôle de se tenir en contact intime avec elles, de s’efforcer à marcher du même pas qu’elles, pour tirer de leurs enseignements quelques corollaires plus généraux et toujours provisoires, dont ces sciences elles-mêmes se désintéressent. C’est là commettre l’erreur inverse de celle des Anciens qui maintenaient la science dans une subordination étroite à la philosophie et à ses principes » [61]. Et de citer les sages réflexions d’un homme de science contemporain : « L’effondrement en quelques décades des principes [scientifiques] les mieux établis et des conclusions les mieux étayées nous montre combien il faut être prudent en cherchant à appuyer des conclusions philosophiques générales sur le progrès des sciences, car c’est là bâtir sur un terrain toujours mouvant » [62].
42. Le scientisme athée sort de son domaine, en échafaudant des assertions métaphysiques sous couvert de science. Mais le scientisme théiste se nourrit lui aussi de la même confusion. Cette confusion manifeste décevra l’esprit exigeant, et le poussera vers l’agnosticisme. Ainsi se comprend la remarque de saint Thomas, lorsque celui-ci met en évidence le scandale de la raison droite, toujours déçue du christianisme à cause de ces chrétiens qui jouent inconsciemment aux apprentis sorciers de la science : « Ceux qui parlent ainsi y sont poussés par la faiblesse des arguments que certains ont utilisés pour établir l’existence de Dieu » [63].
43. Si le livre de Messieurs Bolloré et Bonnassies a tout de même une utilité, c’est en ce qu’il appelle son propre dépassement. Il suggère malgré lui de recourir à la métaphysique. Même s’il ne s’en douterait pas, le lecteur qui parviendrait à la conclusion que Dieu existe le ferait par ce chemin pérenne, car la métaphysique, dans ses principes les plus solides, n’est pas sujette à révision. En ce sens, l’existence de Dieu reste toujours aussi atteignable qu’en n’importe quel temps, soit au métaphysicien rigoureux, soit à celui qui sait simplement élever les yeux au ciel et s’émerveiller des beautés de l’Univers.
Abbé Frédéric Weil
Source : Le Courrier de Rome n° 650
- Paru chez Guy Trédaniel, 2021.[↩]
- Louis Jugnet, Problèmes et grands courants de la philosophie, Toulouse, Les Cahiers de l’Ordre Français, 1974, p. 23–24.[↩]
- Article du 3 janvier 2022 : « Le livre “Dieu, la science, les preuves” dessert la science et la foi »[↩]
- Article du 10 janvier 2022 : “Dieu, la science, les preuves” : « Le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un grand horloger ».[↩]
- Article du 8 octobre 2021 : « Ne confondons pas la science et la foi ».[↩]
- Cf. Sg, XIII, 1–5 et Rm, I, 20.[↩]
- Concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius du 24 avril 1870.[↩]
- Cf. saint Pie X, encyclique Pascendi, 8 septembre 1907.[↩]
- Voir les articles de la Revue thomiste cités au long du présent article.[↩]
- l fait partie de la « Fraternité Sacerdotale des amis de Jésus » fondée par le cardinal Mercier. Il y prononce les trois vœux et fait une heure d’action de grâce après chaque messe. Il n’est pas jésuite, contrairement à ce qu’avance DSP.[↩]
- Cf. Fernand Van Steenberghen, Dieu caché, 1964. Le titre de l’ouvrage est tiré d’un verset d’Isaïe. Ce verset était cher au chanoine Lemaître.[↩]
- Voir plus bas, aux numéros 24–28, le chapitre sur les théories scientifiques[↩]
- Cité par Dominique Lambert, Un atome d’univers : la vie et l’œuvre de Georges Lemaître, Éditions Racines, 1999, p. 163. Dominique Lambert, né en 1960, est un philosophe des sciences belge. Il enseigne à l’Université de Namur.[↩]
- Pie XII, « Discours à l’Académie des sciences le 22 novembre 1951 » dans l’Osservatore Romano du 23 novembre 1951, p. 1–2. Traduction française dans Documentation catholique du 16 décembre 1951, col. 1537–1550. Ce discours est plus connu sous l’intitulé « Discours Un’Ora ».[↩]
- Pie XII, ibidem, col. 1548.[↩]
- Paul Clavier, « Georges Lemaître et la neutralité du Big Bang » dans De l’action à l’acte. Mélanges de philosophie offerts à Michel Bastit, sous la direction de Guilhem Golfin, Presses Universitaires de l’IPC, 2020, p. 315. Paul Clavier, né en 1963, enseigne l’histoire et l’analyse des systèmes philosophiques au Département de Philosophie de l’Université de Lorraine à Nancy, après avoir enseigné à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, à l’Université de Sciences-Po de Paris ainsi qu’à l’Université de Paris Sciences et Lettres. Comme l’indique la fiche qui lui est consacrée dans l’Encyclopédie Wikipédia,« Paul Clavier issu d’une formation académique classique (lycée Louis-Le-Grand, Normale Sup), auteur de nombreux articles et ouvrages, […] déplore la confusion récurrente entre Big-Bang et création. Comme Étienne Klein, il entend séparer la question physique d’où vient l’univers ? de la question métaphysique d’où vient qu’il y a un univers ? Ce dont témoignent de nombreuses interventions sur France Culture, ou sa communication devant l’Académie des Sciences Morales et politiques du 28 septembre 2015, son intervention du 24 février 2017 à l’Institut Astrophysique de Paris, sa grande conférence des Archives Poincaré du 26 septembre 2018, sa conférence devant l’Académie des Sciences de Russie de Moscou : Cosmological atheism : arguing from a boundless universe ? du 16 mai 2019, ou encore la conférence de Séoul en septembre 2019 : Metaphysical origin vs physical beginning : the timeless view of creation ».[↩]
- Ce point n’est pas suffisamment mis en lumière dans l’article de Dominique Lambert, « Monseigneur Georges Lemaître et le débat entre la cosmologie et la foi » (suite et fin) dans la Revue théologique de Louvain, 28e année (1997), fasc. 2, p. 227–243. A la faveur de ce manque de clarté, le propos de l’auteur pourrait laisser entendre que Pie XII souscrivait aux vues de Whittaker, et que cela aurait mécontenté Lemaître. En réalité, les « puissants contre-feux » dont parle Paul Clavier suffisent à dissiper toute ambiguïté dans le contexte même du Discours et à restituer sa véritable portée à la pensée du pape.[↩]
- Somme Théologique, Prima pars, q. 2, a. 3.[↩]
- On remarquera que cette partie de l’argumentation est métaphysique, et non scientifique.[↩]
- Cf. Abbé Grégoire Célier, Saint Thomas d’Aquin et la possibilité d’un monde créé sans commencement, Via Romana, 2020.[↩]
- Somme contre les gentils, l. 1, ch. 13.[↩]
- Un système est dit « clos » quand il n’échange pas d’énergie avec un autre système.[↩]
- René Hedde, op, Les deux principes de la thermodynamique, Revue thomiste, janvier-février 1905 et mars-avril 1905.[↩]
- DSP, p. 43.[↩]
- Ia pars, q. 46. a. 1, ad 2.[↩]
- L’âme, la connaissance que l’âme a d’elle-même et l’amour qu’elle a pour elle-même et pour sa propre connaissance ; et ces trois choses sont égales entre elles et de la même essence. Cf. De Trinitate, l. 9. Toutefois, saint Augustin n’en fait pas une preuve de la Trinité.[↩]
- Celle-ci est exposée dans le chapitre 2 du livre, pages 33–44.[↩]
- DSP, p. 36.[↩]
- « Crois afin de comprendre ». Sermon 43, 7, 9.[↩]
- Cf. Concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius du 24 avril 1870[↩]
- Cité par Simplicius (VIe siècle). Cf. Pierre Duhem, Sôzein ta phaïnomena, 1908[↩]
- Il s’agit du docteur Edmond-Modeste Lescarbault (1814–1894) qui reçut la légion d’honneur pour sa « découverte »[↩]
- Le mouvement des étoiles à la périphérie des galaxies.[↩]
- Notamment chez Willard Van Orman Quine (1908–2000), épistémologue célèbre aux États-Unis.[↩]
- Une « hypo-thèse » est « moins qu’une affirmation » selon l’étymologie grecque. C’est la même étymologie que le mot « supposition » du latin sub ponere.[↩]
- En annexe de Dieu, son existence et sa nature, Beauchesne, 1914, p. 777. Les passages en italique sont soulignés par nos soins.[↩]
- La Science et l’Hypothèse, p. 112 à 119[↩]
- Comme par exemple Emile Meyerson (1859–1933), Identité et Réalité, 1908.[↩]
- Réginald Garrigou-Lagrange, op, Dieu, son existence et sa nature, Beauchesne, 1914, p. 244.[↩]
- Ceux qui connaissent Karl Popper (1902–1994) et son critère de falsifiabilité seront tentés de penser le contraire : la réfutation d’une théorie serait définitive. En réalité, même Popper n’admet pas de portée définitive à son critère : « on a cru que je soutenais un critère […] fondé sur une doctrine de la falsifiabilité “complète” ou “définitive” » (La logique de la découverte scientifique, p. 47).[↩]
- Bernard Lacome, op, « Théories physiques, à propos d’une discussion entre savants » dans la Revue thomiste, 1893, sixième numéro. Le Père Lacome prit la défense de Pierre Duhem contre la critique de l’ingénieur français Eugène Vicaire (1839–1901). Cf. l’article de Jean-François Stoffel, « Pierre Duhem avait-il quelque théologien derrière lui… » dans la revue Recherches philosophiques (2008), p. 94–95.[↩]
- « Il vaut mieux prendre des principes moins nombreux et de nombre limité, comme fait Empédocle » Physique, Livre I, 4, 188a17[↩]
- « Quod potest compleri per pauciora principia, non fit per plura » Somme Théologique, Prima pars, q. 2, a. 3.[↩]
- Voir plus haut, au n° 30.[↩]
- Article non publié, destiné à l’encyclopédie catholique japonaise, cité par Dominique Lambert, Un atome d’univers, p. 278.[↩]
- Voir l’article du Père Sertillanges, op « La preuve de l’existence de Dieu et l’éternité du monde » dans la Revue thomiste, sixième numéro de janvier 1897.[↩]
- Cf. Albert Einstein « À propos de la déduction relativiste » dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger, juin 1928[↩]
- Louis de Broglie est l’un des fondateurs de la physique quantique. Sous sa direction, Meyerson a publié Réel et déterminisme dans la physique quantique (1933).[↩]
- Voir l’étude thomiste de Marcel Drouin, « Causalité et Identité chez Meyerson », dans Laval théologique et philosophique, 1964, disponible sur internet. Le Père Gillet, op a lui aussi écrit sur Meyerson[↩]
- « Vivre, c’est philosopher »[↩]
- Emile Meyerson, Identité et réalité, Felix Alcan, 1908, p. 349.[↩]
- « Rien n’est dans l’intelligence qui ne soit d’abord passé par les sens. » Saint Thomas d’Aquin, quæstiones disputatae De veritate, Q. 2, a. 3, arg. 19[↩]
- Sur les erreurs qui se sont opposé à cette certitude métaphysique (dont Hume et Kant), voir l’excellent ouvrage de Roger Verneaux, Epistémologie générale, Beauchesne, 1959 et surtout celui d’Emile Simard, La Nature et la portée de la méthode scientifique, Presses de l’Université de Laval, 1956.[↩]
- Saint Augustin, Confessions, livre XI, chapitre 13, n° 16. « Et vous, ô Dieu, vous ne précédez pas tous les temps dans un autre temps, car sinon vous ne précèderiez pas tous les temps ».[↩]
- Cf. sur ce point les remarques d’Etienne Gilson, « Trois leçons sur le problème de l’existence de Dieu » dans Divinitas, t. V, 1961, p. 68 et sv.[↩]
- Philippe de La Trinité, ocd, « Les cinq voies de saint Thomas d’Aquin. Réflexions méthodologiques » dans Divinitas, t. II, 1958, p. 305.[↩]
- H. Paissac, op, « Preuves de Dieu » dans Lumière et vie, n° 14 (1954), p. 90–94[↩]
- Michel Guérard des Lauriers, op, La Preuve de Dieu et les cinq voies, Roma, 1966, Libreria Editrice della Pontificia Universita Lateranense, p. 53. Le Père Guérard montre ensuite, à titre d’exemple, qu’il en irait semblablement dans la 4e voie, comme dans toutes les autres : « On aboutirait à un maximum Ens qui n’est pas plus glorieux que le Moteur immobile. Celui-ci n’esquive d’être un mû qu’en étant un moteur ; celui-là n’évite l’humiliation d’avoir un degré au-dessus de lui qu’en étant un maximum. Mais ce ne sont là que des subterfuges dialectiques et métaphysique de contrebande ».[↩]
- C’est probablement ce que Pie XII a voulu souligner, et qui explique son ton enthousiaste, dans le Discours déjà cité du 22 novembre 1951[↩]
- Joseph de Tonquédec, sj, Les Principes de la philosophie thomiste, II. La philosophie de la nature. Première partie : La nature en général, prolégomènes (1er fascicule), section IV, P. Lethielleux, 1956, p. 66–85[↩]
- Tonquédec, ibidem, p. 82–83.[↩]
- Louis de Broglie, « Avant-Propos » dans Matière et lumière, p. VIII, cité par Tonquédec, ibidem, p. 83[↩]
- Contra Gentes, l. 1, c. 12.[↩]