De l’ordre des Frères Mineurs (1385–1456)
Fête le 28 mars
A la fin du XIVe siècle, l’Eglise traversait l’une des plus effroyables tempêtes qui l’assaillirent depuis son origine. Le schisme déchirait la chrétienté et offrait au monde consterné le lamentable spectacle d’un Pape et d’un antipape se disputant la tiare et se lançant l’anathème. L’hérésie envahissait l’Europe. En Angleterre, sous les coups de Wiclef, les dogmes, la morale, les institutions catholiques s’écroulaient ; en Allemagne, Jean Huss arborait à son tour l’étendard de la révolte et donnait le signal de l’anarchie religieuse et politique ; en France, ces doctrines de folle indépendance à l’égard du Saint-Siège, dont Philippe le Bel et ses légistes avaient semé le germe fatal, commençaient à se développer. Le sensualisme, le luxe et l’immoralité s’infiltraient de plus en plus dans les masses ; et tandis que rois et peuples s’énervaient dans la volupté ou s’épuisaient dans de stériles discordes, les Turcs, franchissant les frontières de l’Asie, marchaient à l’assaut de l’Occident. Nulle part n’apparaissait le salut ; le monde chrétien semblait pencher vers sa ruine, et la civilisation aurait disparu avec lui.
Mais Jésus-Christ, qui a promis d’être avec son Eglise jusqu’à la fin des siècles, ne l’abandonna pas. Il vint à son secours de plusieurs manières merveilleuses, mais surtout en suscitant des Saints admirables dont l’un des plus étonnants fut Jean de Capistran. Homme extraordinaire, enrichi de dons divers, semant les miracles sur ses pas, d’un zèle, d’une austérité, d’une vertu incomparables, il apparut dans le monde, comme un nouveau saint Paul.
Magistrat chrétien
Cependant, ses premières années ne laissèrent pas deviner l’apostolique mission que Dieu lui réservait. Jean était né à Capistrano, petite ville du royaume de Naples, le 24 juin 1385 ; il était fils d’un gentilhomme français, qui avait suivi en Italie le roi Louis d’Anjou, et avait épousé à Capistrano une personne également noble, et d’une rare piété. Il était jeune encore quand il perdit son père, mais sa vertueuse mère veilla sur son éducation.
Ses premières études, dans son pays natal, firent concevoir à ses maîtres de grandes espérances. Le jeune homme, envoyé ensuite à Pérouse, s’y livra pendant plus de dix ans à l’étude du droit civil et ecclésiastique. Les plus brillants succès signalèrent ses efforts ; il montra une telle capacité, un jugement si sûr, que ses condisciples le considéraient comme le prince des jurisconsultes, et ses maîtres eux-mêmes ne dédaignaient pas de recourir à ses lumières, dans les questions les plus épineuses. Enfin, il compta parmi ses admirateurs et ses amis Ladislas, roi de Naples, qui s’estima heureux de l’appeler aux plus hautes fonctions de la magistrature. Le brillant jurisconsulte avait à peine vingt-sept ans, lorsque le prince, confiant dans ses vertu et sa prudence, le nomma, vers 1412, gouverneur de Pérouse. Il s’agissait de pacifier la cité agitée par divers troubles. Jean se montra à la hauteur de cette mission difficile. Les pauvres eurent en lui un soutien, les gens de bien un protecteur, les hommes de désordre un juge sévère. Sous son autorité, la province entière recouvra la plus grande sécurité.
Le brigandage disparut, les crimes diminuèrent, les lois furent respectées. Rien ne pouvait le faire transiger avec l’injustice. Un jour, un puissant seigneur de la contrée lui promit une somme considérable, pour obtenir de lui une sentence de mort contre un de ses ennemis, et le menaça du poignard s’il ne cédait à sa demande. Jean, indigné des prétentions de cet homme, examina immédiatement l’affaire avec tout le soin possible, et, ayant reconnu l’innocence de l’accusé, il le renvoya libre, sans se soucier des menaces dont il pouvait lui-même devenir la victime.
En captivité
Tout souriait au jeune gouverneur ; il était universellement estimé des gens de bien ; des rêves d’ambition et de gloire remplissaient déjà son cœur ; un des plus riches seigneurs de Pérouse lui offrit sa fille unique en mariage ; et pourtant l’heure était venue où Dieu, par un de ces coups imprévus qui foudroient et changent les âmes, allait faire resplendir à ses yeux les austères beautés du renoncement au monde, du dénuement évangélique et de l’unique amour de Dieu.
C’était en 1416 Ladislas était mort, et Jean représentait à Pérouse la reine de Naples, Jeanne II, qui avait succédé à ce prince. La guerre éclata alors entre les Pérugins et les seigneurs de Rimini : ses concitoyens le députèrent pour rétablir la paix. Saisi par trahison, il fut enfermé dans une tour, les pieds chargés de fers énormes qui pesaient quarante-deux livres. On n’accordait au prisonnier, pour toute nourriture, qu’un peu de pain et d’eau. Dans une si grande infortune, Jean songeait au moyen d’échapper à la mort. S’étant aperçu que la hauteur de la tour n’était pas considérable, il déchire sa ceinture et un morceau de son vêtement en longues lanières, en fabrique une espèce de corde, qu’il fixe à la fenêtre, et essaye de descendre le long de la muraille, malgré ses chaînes qui gênent ses mouvements. Mais la corde improvisée se rompt bientôt, le fugitif tombe à terre et se casse le pied. Le bruit de sa chute, augmenté par le cliquetis de ses chaînes, attire l’attention des gardes ; ils accourent, s’emparent de lui, et le jettent brutalement dans un cachot souterrain. Il y était dans l’eau jusqu’aux genoux ; une chaîne passée autour de son cou le liait à la muraille et l’obligeait a se tenir toujours debout.
Vocation extraordinaire
Pendant cette dure captivité, il se prit à réfléchir profondément sur le néant des biens et des honneurs terrestres, sur la mort et sur l’éternité. Un jour qu’épuisé de fatigue, il s’était endormi, un bruit soudain vient le tirer de son sommeil. La prison s’illumine tout à coup d’une clarté céleste, et un Frère Mineur, qui portait les stigmates de Jésus-Christ, lui apparaît :
– Pourquoi ces hésitations et ces retards ? lui dit-il ; obéis aux ordres de Dieu et à la voix intérieure qu’il te fait entendre.
– Que demande donc de moi le Seigneur, répondit Jean, et que veut-il que je fasse ?
– Ne vois-tu pas, répondit le moine, qui n’était autre que saint François d’Assise, ne vois-tu pas l’habit que je porte ? Abandonne le monde pour te sanctifier désormais parmi les Frères Mineurs.
– Il est dur de vivre dans un cloître et d’abdiquer pour toujours sa liberté, répondit Jean avec un profond soupir… Cependant, reprit-il, puisque Dieu l’ordonne, j’obéirai.
A ces mots, la vision disparut, et le prisonnier, portant la main à sa tête, sentit que ses cheveux étaient coupés en forme de couronne, comme une tonsure de moine.
Devant ce miracle, certain de la volonté de Dieu, il ne songea plus qu’à embrasser promptement la vie religieuse.
Il se mit à négocier avec ses ennemis pour recouvrer sa liberté ; on la lui accorda au prix d’une énorme rançon. Jean accepta, rentra dans son palais, vendit ses biens, paya sa rançon, donna le reste aux pauvres, et, renonçant aux joies du mariage, aux honneurs, aux espérances du monde, il vint se présenter au couvent des Franciscains de la Stricte Observance, à Bergame, où il demanda humblement l’habit de Saint-François. Un ancien docteur en droit, devenu un austère et saint religieux, le bienheureux Marc de Bergame, était alors Gardien de ce couvent. Cette vocation subite et extraordinaire l’étonna, et il voulut la mettre à l’épreuve :
– Sachez, dit-il au nouveau postulant, que les couvents ne sont point le refuge des vagabonds et de quiconque est fatigué du siècle ; il nous faut des preuves de la sincérité de votre vocation. Je vous recevrai quand vous aurez dit solennellement adieu au monde et à toute vanité terrestre.
Jean déclara qu’il ne tenait plus à rien, qu’il était prêt à tous les sacrifices et à toutes les humiliations.
En effet, il revient à Pérouse, et au milieu de cette ville, témoin naguère de son pouvoir et de ses splendeurs, il se fait conduire à travers les rues, monté à rebours sur un âne et la tête coiffée d’une mitre de carton, sur laquelle sont écrits en gros caractères les principaux péchés de sa vie.
Ainsi, cet homme, naguère estimé de tous pour sa science et sa prudence, devient la fable de la ville entière et l’objet de la risée publique ; les enfants le poursuivent lui jetant des pierres, et la populace l’accueille par des huées ; les plus sages s’attristent de voir que l’ancien gouverneur est devenu fou.
Après une pareille victoire sur son orgueil, Jean vient de nouveau se présenter au couvent de Bergame. Cette fois, le bienheureux Marc, prévoyant tout ce que la grâce de Dieu pourrait faire d’un caractère si bien trempé, l’admet avec joie au nombre des Frères et le revêt de l’habit religieux. C’était en 1416 le 4 octobre, en la fête du patriarche d’Assise ; Jean avait alors trente ans.
Son apprentissage de la vie religieuse
Marc lui donna pour maître des novices un simple Frère convers, Onuphre de Seggiano, homme sans littérature, mais d’une prudence et d’une vertu extraordinaires. Fr. Jean de Capistran se mit sous sa direction avec l’humilité et la simplicité d’un enfant, avec l’énergie et l’exactitude d’un vieux soldat. D’une obéissance à toute épreuve, il était aussi plein de dévouement pour ses Frères, assidu à la prière et à l’oraison. La méditation quotidienne de la Passion du Sauveur remplissait de force son âme, et il lui en fallait beaucoup pour supporter avec joie les épreuves journalières que lui imposait Fr. Onuphre : c’était toujours de nouvelles réprimandes et de nouvelles pénitences, tantôt de dîner à genoux, tantôt de recevoir la discipline, ou de jeûner au pain et à l’eau.
Jean conserva toute sa vie la plus vive affection et la plus profonde reconnaissance pour ce maître austère, qui l’avait fait marcher à si grands pas dans les voies de la perfection monastique. Il se plaisait à répéter :
– Je rends grâces au Seigneur de m’avoir donné un tel guide : s’il n’eût usé envers moi de pareilles rigueurs, jamais je n’aurais pu acquérir l’humilité et la patience.
Il infligeait à son corps des austérités inouïes et pratiquait des pénitences qui font frémir, et qu’on ne saurait supporter longtemps sans un secours spécial de Dieu.
Quand il s’agissait de vaincre les répugnances et les révoltes de la nature, il n’était pas de moyens et de tourments que n’inventât le pieux novice ; sa persévérance lui permit de conquérir un empire complet sur ses sens. On raconte qu’un jour, il vint à passer près du lieu où l’on exécutait les scélérats. Un cadavre était suspendu à une potence. En apercevant ce corps qui déjà tombait en pourriture, en sentant l’odeur infecte qui s’en exhalait, le voyageur, dans un premier mouvement, hâta le pas et se couvrit le visage ; mais il eut honte de sa faiblesse, et se rappelant les exemples de saint François qui embrassait les lépreux, il voulut remporter sur lui une éclatante victoire. Il s’approche de la potence, saisit une échelle qui y était appuyée, monte jusqu’au cadavre, le baise et le tient longtemps serré entre ses bras. Alors Dieu lui témoigne combien il est content de son courage en changeant soudain l’odeur insupportable du cadavre en un parfum délicieux.
Jean ne se démentit jamais de l’obéissance et de l’humilité de son noviciat, qu’il termina par la profession, le 5 octobre 1417. Plus tard, alors qu’il est devenu nonce du Pape et vénéré de toute l’Europe comme un Saint, on le verra encore rechercher dans son couvent les plus humbles offices, balayer les cellules et laver la vaisselle.
Par son habitude du recueillement et de la méditation, il arriva à une telle union avec Dieu et à une telle facilité de contemplation, que, par la suite, ni les sollicitudes de l’apostolat, ni les fatigues des voyages, ni le tracas des affaires, ni le tumulte des foules, ne l’empêchaient de vaquer à ses prières avec la plus fidèle attention et la plus vive dévotion. Pour lui, la nature entière devint comme un voile transparent derrière lequel se cachait le Seigneur, un instrument aux merveilleux accords dont toutes les notes exaltaient les perfections de l’essence divine, un radieux tableau où le Très-Haut avait semé quelques reflets de sa puissance, de sa sagesse, de sa bonté.
Apostolat merveilleux
Appliqué à l’étude de la théologie, il fut l’élève de saint Bernardin de Sienne et le condisciple de saint Jacques de la Marche, l’un et l’autre Frères Mineurs comme lui ; ses progrès dans cette science furent admirables, autant par les illuminations intérieures que par les efforts de son application. Ordonné diacre vers l’an 1420 et ensuite élevé au sacerdoce, il commença sa carrière de missionnaire sous la direction de son maître vénéré saint Bernardin de Sienne.
Pendant trente-six ans, il évangélisa l’Europe centrale ; les fruits de son apostolat furent prodigieux et incalculables.
A son arrivée dans une province – dit son disciple Nicolas de Fara, – les bourgades et les cités s’ébranlaient et accouraient en foule pour l’entendre. Les villes l’appelaient soit par des lettres pressantes, soit par des députations, soit en recourant à l’intervention du Souverain Pontife par l’intermédiaire de personnages puissants. Il annonçait à tous le royaume de Dieu, non avec des paroles dictées par l’humaine sagesse, mais par la vertu de l’Esprit-Saint, et le Seigneur confirmait sa mission par des prodiges. La renommée de sa sainteté l’avait rendu célèbre auprès de tous les peuples d’Italie ; les habitants d’Aquila, de Sienne, d’Arezzo, de Florence, de Venise, de Padoue, de Trévise, de Vicence, de Vérone, de Mantoue, de Milan, le vénéraient et le chérissaient au delà de tout ce qu’on peut imaginer. Les peuples de ces villes et ceux de la Sicile étaient si désireux de le voir et de l’entendre, que ceux qui accouraient à ses prédications remplissaient les places publiques et souvent une plaine très étendue. On compta à ses sermons jusqu’à vingt mille auditeurs, quelquefois quarante mille ; en certaines circonstances, on en vit plus de cent mille.
Tous l’écoutaient comme un ange venu du ciel ; et on comprend l’enthousiasme de la multitude, quand on songe aux nombreux miracles qu’il accomplissait chaque jour.
A son arrivée à Brescia, trois cents gentilshommes des meilleures familles vinrent au-devant de lui à cheval. Toute la ville les suivait à pied. Fr. Jean prêcha dans la plaine, du haut d’une estrade gardée par des cavaliers aux éperons d’or. A la suite de son sermon, il donna l’habit franciscain à cinquante soldats qu’il avait convertis.
A l’exemple de son maître saint Bernardin, il avait un culte spécial pour le saint Nom de Jésus. Il faisait porter devant lui une bannière sur laquelle était écrit ce nom victorieux, dont il ne cessait de prêcher les gloires.
Digne du fils du patriarche d’Assise, Jean de Capistran, comme plusieurs de ses frères en religion, travailla avec zèle à la réforme et à l’extension de l’Ordre de Saint-François. Un grand nombre de couvents s’étaient relâchés de l’austérité primitive, en particulier dans la pratique de la pauvreté commune. Avec l’appui du Pape Martin V. il réussit momentanément, en 1430, à ramener l’Ordre tout entier à l’unité de l’observance ; mais devant l’expérience des faits, il dut solliciter lui-même du Pape Eugène IV la permission de laisser les Conventuels suivre leurs règlements mitigés et d’organiser un gouvernement distinct pour les religieux de la Stricte Observance. Il protégea sainte Colette, réformatrice des Clarisses et étendit son zèle à la propagation du Tiers-Ordre franciscain. Une des joies de sa vie fut, en 1450, la canonisation de saint Bernardin, à laquelle il avait efficacement travaillé.
Nommé aux premières charges de son Ordre, il visita les couvents de France, d’Angleterre, d’Espagne et ceux de Terre Sainte. En Palestine, il s’occupa avec zèle de la conversion des Arméniens et revint avec leurs députés au Concile de Florence.
En 1451 le Pape Nicolas V, inquiet des progrès de l’hérésie, envoie l’infatigable missionnaire en Allemagne. Jean de Capistran s’empresse d’obéir. Pendant cinq ans il évangélise la Carinthie, la Styrie, l’Autriche, la Bohême, la Moravie, la Silésie, la Bavière, la Saxe, la Thuringe, la Franconie et la Pologne. L’enthousiasme qui lui amenait précédemment les peuples d’Italie soulève également les peuples du Nord ; des milliers d’auditeurs se pressent pour l’entendre. Il ramène à Dieu une immense multitude de pécheurs, de schismatiques, d’hérétiques : Hussites, Taborites ou Patarins ; dans les villes, il fait amonceler sur les places publiques les parures immodestes, les tableaux déshonnêtes, les cartes à jouer et tout un attirail de vanité et y fait mettre le feu ; c’est l’incendie du château du diable. A sa voix, cent vingt étudiants de l’Université de Leipzig embrassent la vie religieuse ; il réunit deux cents novices au couvent de Vienne, cent trente dans celui de Cracovie, et ainsi dans les autres villes.
La victoire de Belgrade
Fr. Jean entre ensuite en Hongrie et les populations s’ébranlèrent à sa parole. Il était temps, car une formidable armée de Turcs, soutenue sur le Danube par une flotte puissante, marchait contre Belgrade, menaçant tout l’Occident de la servitude musulmane. Jean de Capistran prêche la Croisade. Les guerriers chrétiens accourent sous les drapeaux du valeureux Jean Huniade, vrai croisé, digne de Godefroy de Bouillon et de saint Louis. Cependant, le sultan Mahomet II investit Belgrade le 4 juillet 1456 et en pousse le siège avec activité. Le saint moine, malgré ses soixante-dix ans, encourage les assiégés ; quittant la ville au milieu de périls, il vole chercher du secours. Bientôt, il revient avec Huniade, à la tête d’une flottille de barques rapides et légères ; la flotte musulmane est vaincue et les guerriers de la croix entrent dans Belgrade. Mahomet II, furieux, fait donner l’assaut à la place par toutes ses troupes ; il est repoussé avec perte. Mais chaque jour, les Turcs reviennent à la charge, avec un acharnement incroyable, et bombardent continuellement la ville. Jean de Capistran, assisté de quelques-uns de ses religieux, est sans cesse au milieu des croisés, multipliant les secours religieux et soutenant le courage de tous. Mais après onze jours de combat, les remparts menaçaient ruine, et la grande tour, fendue en deux, chancelait. Le vaillant Huniade fut lui-même désespéré :
– Mon père, dit-il à Capistran, nous sommes vaincus ; j’ai fait ce que j’ai pu, mais la résistance n’est plus possible, les seigneurs de Hongrie ne viennent pas, et demain notre armée de paysans ne pourra soutenir le choc.
– Ne craignez pas, dit le moine, nous défendons la cause de Dieu, il sera avec nous !
Capistran choisit quatre mille des plus braves, les exhorte au courage jusqu’à la mort, et leur fait promettre de marcher avec lui en invoquant le nom de Jésus. Le lendemain, au plus fort de la mêlée, Fr. Jean, tenant à la main son étendard, sur lequel brille le nom de Jésus, s’élance à la tête de ses braves eu criant :
– Victoire ! Jésus ! Victoire !
Les infidèles sont repoussés, leurs cadavres jonchent les fossés. Capistran les poursuit jusque dans leur camp. En vain, Mahomet II les reforme en bataille ; ses hordes enfoncées lâchent pied de toutes parts, insensibles aux promesses et aux menaces. Le sultan lui-même, dangereusement blessé, et sur le point d’être fait prisonnier, est emporté par ses soldats. La déroute est complète.
Cette victoire remplit d’allégresse le cœur du Pape Calixte III et eut une répercussion profonde chez tous les chrétiens d’Occident.
Sa mort
L’héroïque Frère Mineur, épuisé par tant de fatigues, mourut trois mois après, le 23 octobre 1456, au couvent d’Ilok en Hongrie, aujourd’hui en Yougoslavie, et alla jouir de son triomphe dans l’éternité bienheureuse. Son corps, inhumé à Ilok, disparut en 1526 lorsque les Turcs se furent emparés de cette ville ; il se trouve aujourd’hui dans un monastère des Basiliens schismatiques, à Bistrica, en Roumanie ; le voyageur n’est pas peu étonné d’y voir des chrétiens dissidents vénérer les restes d’un fils si dévoué de Rome et du Pape.
Dès l’année 1515 Léon X autorisa la ville de Capistrano à rendre un culte public à Jean, qui, béatifié en 1694, fut canonisé par Alexandre VIII le 16 octobre 1690 en même temps que quatre autres Saints dont saint Pascal Baylon, également Frère Mineur. Sa fête, fixée d’abord au 23 octobre, est célébrée le 28 mars, en vertu d’un décret de Léon XIII du 19 août 1890.
Maxime Viallet.
Sources consultées. – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes (Paris). – L’Aurore séraphique. – (V. S. B. P., n° 568.)
Source de l’article : Un saint pour chaque jour du mois, 1re série, mars, Maison de la Bonne Presse