Saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves

Les saints frères Cyrille (à droite avec le Palium) et Méthode (à gauche)

Apôtres des Slaves (827–869 et 820?-885).

Fête le 7 juillet.

Les saints Cyrille et Méthode, Grecs d’origine, Byzantins par leur patrie, Romains par leur mis­sion, apôtres des peuples de race slave, sont consi­dé­rés, à bon droit, comme les deux lumières de l’Orient, où ils ont por­té et répan­du la foi chré­tienne. C’est en vain qu’on a essayé de les repré­sen­ter comme des enne­mis du catholi­cisme, alors qu’au contraire les faits montrent en eux des fils sou­mis et res­pec­tueux de la Sainte Eglise, prêts à accou­rir à un appel du Souverain Pontife, atta­chés inébran­la­ble­ment au suc­ces­seur de Pierre.

Origine. – Jeunesse studieuse.

Au début du IXe siècle, vivait à Thessalonique, aujourd’hui Salonique, ville qui fut enri­chie par l’apôtre saint Paul des lumières de la foi, un haut fonc­tion­naire grec nom­mé Léon. Il eut deux fils, dont le pre­mier, né vers 820, reçut au bap­tême le nom de Méthode ; le second, qui vit le jour vers 827, reçut le nom de Constantin : c’est le futur saint Cyrille, qu’on appelle par­fois saint Cyrille de Thessalonique.

Dès leur jeu­nesse, ils par­lèrent la langue slave, ce qui a fait croire que leur mère était de cette natio­na­li­té ; les Slaves étaient d’ailleurs assez nom­breux dans la région de Thessalonique. Ils mon­trèrent, à Constantinople, où leur père les avait envoyés, une éru­di­tion remar­quable. Leurs pro­grès furent rapides. Constantin se dis­tin­guait par la péné­tra­tion de son esprit, sur­tout dans la pra­tique des arts mili­taires et de la jurisprudence.

Mais si la science des deux frères était éton­nante, leur ver­tu n’était pas moins admi­rable ; on les citait comme des modèles de sain­te­té et d’humilité, et leur pié­té et leur dou­ceur ravis­saient les cœurs de tous ceux qui les appro­chaient ; l’impératrice Théodora elle-​même les tenait en grande estime.

Moine et missionnaire. – Saint Clément.

Méthode fut pro­mu pré­fet de la pro­vince slave de l’empire byzan­tin. Il renon­ça au monde quelques années après et revê­tit les habits gros­siers de la pau­vre­té dans le monas­tère basi­lien de Polychrone, près de Constantinople. Or, tan­dis que son frère se pré­pa­rait à suivre la même voie, entre 857 et 860, le peuple des Khazares, qui habi­tait au-​delà de la Tauride ou Crimée, fit savoir à l’impératrice Théodora qu’il dési­rait embras­ser le chris­tia­nisme, et la pria de lui envoyer quelqu’un pour l’instruire. Jusqu’alors, sa reli­gion n’avait été qu’un mélange de judaïsme et de mahométisme.

Le jeune empe­reur Michel III, fils de Théodora, choi­sit Constantin pour cette mis­sion ; celui-​ci, qui avait reçu la prê­trise, était deve­nu biblio­thé­caire du patriarche, près de Sainte-​Sophie, puis pro­fes­seur de phi­lo­so­phie et avait enfin rem­pli des mis­sions diplo­ma­tiques. Il accep­ta la charge qui lui était confiée, et se diri­gea vers la contrée où il devait exer­cer son apos­to­lat emme­nant par­mi sa suite son frère Méthode qui lui-​même avait fait un stage dans un monas­tère du Mont Athos.

En pas­sant à Cherson – l’ancienne Chersonèse – où il séjour­na quelque temps pour étu­dier la langue des Khazares, Constantin retrou­va les reliques du Pape saint Clément, exi­lé et mar­ty­ri­sé en ce pays, sous l’empereur Trajan. Le corps fut décou­vert sous des ruines ; à ses côtés se trou­vait encore l’ancre qui avait ser­vi lorsque le mar­tyr avait été pré­ci­pi­té dans les îlots.

Saint Cyrille retrouve les reliques du Pape Clément

Mission de Constantin chez les Khazares.

L’intention de Constantin était de trans­por­ter les reliques de saint Clément à Rome. En atten­dant qu’il pût exé­cu­ter ce pro­jet, il les confia à l’évêque de Cherson, qui assis­tait à leur découverte.

Il alla d’abord rem­plir sa mis­sion chez les Khazares, qui consis­tait à res­ser­rer les liens avec Byzance ; il confon­dit les sec­ta­teurs de la reli­gion juive, ain­si que les musul­mans, et la nation devint chré­tienne. Il ins­trui­sit autant que cela lui fut pos­sible durant les quel­ques années qu’il res­ta dans le pays, et lorsqu’il fut rap­pe­lé à Constantinople, il lais­sait à ses néo­phytes des prêtres pieux et savants pour conti­nuer son œuvre.

Les deux frères en Moravie.

De retour à Constantinople, le zélé mis­sion­naire vécut reti­ré près de l’église des Saints-​Apôtres, tan­dis que Méthode deve­nait « higou­mène » du monas­tère de Polychrone.

Mais Dieu les appe­lait l’un et l’autre à de nou­velles mis­sions. Rastislav, roi des Moraves, ayant appris ce que Constantin avait fait chez les Khazares, envoya des ambas­sa­deurs à l’empereur Michel, ou plu­tôt à sa mère Théodora, disant que son peuple avait renon­cé à l’idolâtrie et vou­lait embras­ser la reli­gion chré­tienne : en consé­quence, il sup­pliait l’impératrice de lui envoyer des missionnaires.

Constantin et Méthode, dési­gnés, se mirent en route vers la Moravie en repas­sant par l’Athos. C’est alors que Constantin com­posa les carac­tères slaves gla­go­li­tiques. Les deux frères vinrent se fixer à Vélehrad où leur apos­to­lat sus­ci­ta des mer­veilles (863).

On a dit que la conver­sion de la Bulgarie était l’œuvre directe des deux mis­sion­naires, et que le cœur du roi Boris fut tou­ché par la vue d’une pein­ture du juge­ment der­nier dont Méthode avait orné un mur du palais. Les faits, ain­si pré­sen­tés, ne cor­res­pondent pas à la réa­li­té. L’artiste por­tait bien le nom de Méthode ; lui aus­si était un moine, mais non pas le frère de Constantin. Si les deux apôtres n’ont pas évan­gé­li­sé la Bulgarie par eux-​mêmes, du moins devaient- ils la conver­tir par leurs dis­ciples, ce qui leur donne droit à la recon­naissance de cette nation.

Voyage à Rome.

Cependant, les résul­tats du zèle des deux frères avaient com­blé de joie le cœur du Pape saint Nicolas Ier. La nou­velle de l’inven­tion des reliques de saint Clément aug­men­ta encore sa satis­fac­tion. Il vou­lut voir les mis­sion­naires et hâter la trans­la­tion des reliques de ce Pontife martyr.

Constantin et Méthode furent donc man­dés à Rome. A leur arri­vée dans la capi­tale du monde chré­tien, Nicolas Ier était mort, mais il avait un suc­ces­seur digne de lui dans la per­sonne d’Adrien II (867).

Celui-​ci vint au-​devant des mis­sion­naires, sui­vi de tout le cler­gé et du peuple de Rome. Il reçut de leurs mains les reliques de son saint pré­dé­ces­seur et les dépo­sa dans la basi­lique de Saint- Clément.

Au XIXe siècle, les fouilles pra­ti­quées dans les sub­struc­tions de l’église actuelle ont per­mis de retrou­ver la basi­lique pri­mi­tive, encore déco­rée des fresques exé­cu­tées en sou­ve­nir de cette trans­la­tion mémo­rable. L’une d’elles, et non la moins pré­cieuse, repro­duit les traits de Constantin et de Méthode. Les deux apôtres des Slaves sont repré­sentés en habits sacer­do­taux. Entre eux est pla­cé le Pape ; il porte le pal­lium sur la cha­suble ; ses mains sont éten­dues dans un geste pater­nel, comme s’il appe­lait à lui les mul­ti­tudes que ses envoyés conver­tis­saient à l’Evangile. Suivant l’expression d’un savant ita­lien, c’est le monu­ment le plus élo­quent de la dévo­tion des Romains pour les apôtres des Slaves, en même temps que de la subor­di­na­tion filiale de l’Eglise slave au Siège apostolique.

La question du rite slave. – Consécration épiscopale.

Constantin et Méthode furent les civi­li­sa­teurs des peuples slaves, non seule­ment en leur appor­tant la foi chré­tienne, mais en les dotant, comme nous l’avons vu, d’un alpha­bet, au moyen duquel ces peuples purent désor­mais écrire leur langue.

Pour lut­ter contre l’influence ger­ma­nique qui ris­quait de bles­ser le sen­ti­ment natio­nal sous le cou­vert de la reli­gion, les deux apôtres avaient cru devoir, non seule­ment tra­duire en sla­von les Livres Saints, mais encore employer cet idiome dans la célé­bra­tion du ser­vice divin. Cette inno­va­tion litur­gique, que seules des cir­cons­tances spé­ciales pou­vaient jus­ti­fier, devait d’abord être rati­fiée par l’autorité pon­ti­fi­cale. En effet, par la Bulle Gloria in excel­sis Deo, le Pape Adrien II auto­ri­sa solen­nel­le­ment la litur­gie slave. Les deux frères célé­brèrent en ce rite dans les grandes églises de Rome : Saint-​Pierre, Saint-​Paul, Saint-​André. Cependant le Souverain Pontife, sur des rap­ports trop inté­res­sés peut-​être, en arri­va à sus­pec­ter l’orthodoxie des deux nova­teurs. Il les inter­ro­gea, leur fit part des accu­sa­tions sus­ci­tées par leur atti­tude ; Constantin et Méthode s’expliquèrent avec clar­té et fran­chise, et prê­tèrent ser­ment de foi catholique.

Sacre épiscopal. – Le moine « Cyrille ». – Sa mort.

Adrien II fut com­plè­te­ment ras­su­ré et vou­lut recon­naître des mérites si écla­tants, et aus­si conso­li­der l’œuvre com­men­cée. Méthode fut d’abord ordon­né prêtre, ain­si que quelques-​uns de ses dis­ciples (février 868) ; le Pape lui confé­ra la consé­cra­tion épis­co­pale et le nom­ma arche­vêque de Pannonie ; cer­tains auteurs disent que Constantin reçut la même digni­té, mais n’en exer­ça pas les fonctions.

De toute manière, celui-​ci ne devait pas revoir les popu­la­tions qu’il avait évan­gé­li­sées. Bien qu’il n’eût encore que quarante-​deux ans, ses forces étaient épui­sées. Se sen­tant inca­pable de por­ter le far­deau épis­co­pal, Constantin deman­da au Pape et obtint la per­mis­sion de se reti­rer dans le monas­tère grec de Rome ; il fit sa pro­fes­sion reli­gieuse sous le nom de Cyrille, qu’il devait rendre si glo­rieux à tra­vers les siècles.

Quarante jours après être entré dans ce couvent, Cyrille mou­rut entre les bras de son frère, le 14 février 869, d’après la légende paléo-slave.

Toute la ville de Rome pleu­ra sa mort. Méthode deman­da au Pape la per­mis­sion d’emporter le corps de son frère à Constantinople : « Notre mère, dit-​il, nous a sup­pliés avec larmes de ne choi­sir d’autres sépul­tures qu’en notre pays. »

Le Souverain Pontife accé­da d’abord à ce désir, mais le peuple romain ayant fait de vives ins­tances pour que le corps ne lui fût pas enle­vé, Adrien II fit inhu­mer Cyrille, avec les hon­neurs réser­vés au Souverain Pontife et la par­ti­ci­pa­tion des prêtres des deux rites, latin et orien­tal, en la basi­lique de Saint-​Pierre, dans le tom­beau qu’il s’était fait pré­pa­rer pour lui-même.

Désolé de ne pou­voir empor­ter la dépouille mor­telle de son frère bien-​aimé, Méthode deman­da que du moins elle fût inhu­mée dans la basi­lique de Saint-​Clément, en sou­ve­nir de la gloire pro­cu­rée à ce Pontife par le saint mis­sion­naire. Le Pape ne fit aucune dif­fi­cul­té ; et le corps fut défi­ni­ti­ve­ment trans­por­té dans l’église Saint-​Clément, où il fut dépo­sé en un magni­fique tombeau.

Saint Méthode archevêque de Moravie.

Louis II le Germanique, empe­reur d’Est-Franconie, exer­çait la suze­rai­ne­té sur la Pannonie et la Moravie. Il n’avait pas vu sans ombrage gran­dir la puis­sance de Rastislav. Sviatopluk, neveu de Rastislav, prince de Nitra, qui gou­ver­nait les pro­vinces orien­tales, c’est-à-dire la Slovaquie, réso­lut de détrô­ner son oncle et de régner à sa place. Comme Louis le Germanique avait enva­hi la Moravie, il fit alliance avec lui, s’empara de Rastislav (870) et le livra aux Allemands. Il se retour­na ensuite contre Louis le Germanique et le for­ça à recon­naître son indé­pen­dance. « Son ambi­tion était vaste, écrit Ernest Denis, et ses vues loin­taines : par son mariage avec la fille du prince de Bohême, il rat­ta­cha à sa poli­tique les tri­bus de l’Elbe supé­rieur, et il éten­dit son auto­ri­té sur les Serbes de Lusace, la Silésie, la Galicie occi­den­tale et une grande par­tie des terres danu­biennes. » Il était de l’intérêt de Sviatopluk de favo­ri­ser le rite slave et de pro­té­ger l’action de Méthode, arche­vêque de Moravie, et de ses deux suf­fra­gants, dont l’un sié­geait à Nitra. Pourquoi ne le fit-​il pas ? L’histoire reste muette là-​dessus. Le fait est qu’il favo­ri­sa les évêques, alle­mands qui défen­daient leur influence dans ces régions, comme l’empereur avait essayé de sau­ve­gar­der la sienne. Sviatopluk le Slave devint un ins­tru­ment de la lati­ni­sa­tion. Inspiré par l’évêque Viching, il intro­dui­sit la litur­gie latine. Ces luttes entre évêques alle­mands et évêques byzan­tins para­ly­sèrent en par­tie l’apostolat de Méthode.

De nouveau à Rome.

Cependant, de nou­velles dif­fi­cul­tés sur­girent encore à Rome où les mêmes intrigues que pré­cé­dem­ment recom­men­çaient à se nouer. Le Pape Jean VIII, en 873, crut devoir inter­dire à Méthode de célé­brer la messe, sauf en latin ou en grec. Cette défense fut réité­rée en 879, en même temps que Je mis­sion­naire rece­vait l’ordre de se rendre à Rome. Il obéit et com­pa­rut devant le Souverain Pontife en 880. Cette fois encore, ses expli­ca­tions furent si convain­cantes que le Pape auto­ri­sa, et cette fois en termes nets et for­mels, l’emploi de la langue slave non seule­ment pour la pré­di­ca­tion, mais encore pour toute la liturgie.

Voici ses propres paroles :

Nous ordon­nons que l’on célèbre en langue sla­vonne les louanges et les œuvres du Christ, Notre-​Seigneur. Car la Sainte Ecriture ne nous enseigne pas à louer le Seigneur seule­ment dans une langue mais dans toutes, quand elle dit : « Toutes les nations, louez le Seigneur ; célébrez-​le, tous les peuples ! » Il n’est donc contraire ni à la saine foi, ni à la doc­trine, de célé­brer la messe dans la langue sla­vonne. Celui qui a fait les trois langues prin­ci­pales, l’hébreu, le grec et le latin, a créé aus­si toutes les autres pour sa louange et pour sa gloire…

Nous ordon­nons, cepen­dant que dans toutes les églises on lise d’abord l’Evangile en latin pour le plus grand hon­neur, et qu’ensuite on le lise en sla­von pour le peuple qui n’entendrait pas les paroles latines.

L’on conçoit que l’Eglise catho­lique per­mette très dif­fi­ci­le­ment de sem­blables inno­va­tions dans la litur­gie sacrée, mais elle les approuve et les confirme quand l’usage les a consa­crées, et que la néces­si­té s’en fait sen­tir, par exemple pour évi­ter que des popu­la­tions insuffi­samment ins­truites ne se laissent entraî­ner vers le schisme par de mau­vais ber­gers fai­sant appel à une extrême sus­cep­ti­bi­li­té nationale.

Du reste, le Saint-​Siège se fit un devoir de pro­té­ger la langue sla­vonne dans les églises qui en usaient légi­ti­me­ment pour le ser­vice divin ; les Papes exi­gèrent seule­ment que la tra­duc­tion fût exacte, afin d’éviter toute erreur d’interprétation, et que le sla­von ancien, langue morte, y fût seul employé, le sens des mots se modi­fiant par­fois pro­fon­dé­ment à l’usage dans les langues vivantes.

Au XXe siècle, le pri­vi­lège de l’emploi du sla­von dans la litur­gie romaine – c’est le rite gla­go­li­thique – existe encore en plu­sieurs dio­cèses des bords de la mer Adriatique. Ce pri­vi­lège a été confir­mé par plu­sieurs Papes, notam­ment Innocent IV en 1248, Urbain VIII en 1631, Benoît XIV en 1754, Léon XIII en 1898, Pie X en 1906. Cette faveur semble en voie de s’étendre en Yougoslavie.

Dernières conquêtes de saint Méthode.

Continuateur zélé de l’œuvre com­men­cée par saint Cyrille, Méthode semble avoir été appe­lé par Dieu à évan­gé­li­ser, soit par lui- même, soit par ses dis­ciples et conti­nua­teurs, toute la par­tie de l’Europe orien­tale qui n’avait point embras­sé la vraie foi. En Bohême, la conver­sion et le bap­tême du prince Borzivoy et de sa femme Ludmille, entraî­nèrent la conver­sion en masse, selon des mœurs que nous ne sau­rions approu­ver, de toute la nation.

Le saint apôtre eut à lut­ter contre les efforts ami­caux et pres­sants de Photius, patriarche de Constantinople, qui trou­blait alors la paix de l’Eglise et qui pou­vait espé­rer l’entraîner dans le schisme. Ces ten­ta­tives demeu­rèrent sans résul­tat, car ce qui avait pu mettre l’ar­chevêque de Pannonie en conflit appa­rent avec le Saint-​Siège n’était qu’une ques­tion dis­ci­pli­naire, celle de la liber­té d’un rite autre que le rite latin, et non pas une ques­tion dog­ma­tique, ni la dis­cus­sion de la pri­mau­té du Souverain Pontife : jamais la science ni l’orthodoxie de Méthode ne purent être surprises.

Mort de saint Méthode. – Le culte des deux frères.

L’heure du repos était venue : cet apôtre ardent, qui avait été si uni à son frère durant sa vie, allait bien­tôt le rejoindre pour l’éternelle récompense.

Sentant sa fin appro­cher, il dési­gna un de ses prêtres, nom­mé Gorazde, pour lui suc­cé­der dans la charge de l’épiscopat ; puis, ayant don­né à son cler­gé et à son peuple des ins­truc­tions suprêmes, il s’endormit dans le Seigneur, le mardi-​Saint 6 avril 885.

Son corps fut rap­por­té à Rome et ense­ve­li avec la pompe des litur­gies romaine, grecque et slave, dans la basi­lique de Saint-​Clément, à côté de celui de saint Cyrille son frère. De nom­breux miracles attes­tèrent la sain­te­té des deux missionnaires.

Leur nom se trouve à une époque immé­mo­riale dans la litur­gie slave ; au XIIIe siècle, dans la litur­gie gréco-​byzantine ; la Pologne, dans son office de rite latin, les invo­quait dès le milieu du XIVe siècle comme des apôtres et patrons du royaume.

Et cepen­dant, dans la suite des âges, le sou­ve­nir des deux Saints et de leurs mérites alla en s’effaçant. C’est ain­si que dès le XIIIe siècle et jusqu’au XVIIIe pré­va­lut l’opinion que saint Jérôme, Esclavon de Naissance, était l’auteur de l’alphabet gla­go­li­tique, si jus­te­ment appe­lé « cyril­lien », et de la litur­gie slave ; chez les Russes ortho­doxes l’office propre des deux frères fut sup­pri­mé en 1682, et au XVIIIe siècle leur com­mé­mo­rai­son n’existait plus dans les calen­driers ; elle ne fut réta­blie qu’en l’année jubi­laire 1863.

Dans l’intervalle, les études slaves inau­gu­rées par Joseph Dobrovski (mort en 1829) mirent en pleine lumière les noms des deux apôtres, et sur­tout les cen­te­naires célé­brés en 1863, 1869 et 1885. Le « British Museum » de Londres a conser­vé des copies, faites au XIIe siècle, de 55 lettres du Pape Jean VIII, dont beau­coup ont trait à la mis­sion de l’archevêque de Pannonie ; ces docu­ments pré­cieux furent étu­diés par des savants de diverses nations.

En 1858, Pie IX accor­da aux Bohèmes, aux Moraves et aux Croates de race slave, qui avaient cou­tume de célé­brer chaque année, le 9 mars, la fête des saints Cyrille et Méthode, de le faire désor­mais le 5 juillet. Lors du Concile du Vatican, de nom­breux évêques solli­citèrent l’extension de cette fête à l’Eglise uni­ver­selle ; une déci­sion fut prise dans ce sens par Léon XIII, en ver­tu d’une ency­clique du 30 sep­tembre 1880. Elle figure actuel­le­ment au Calendrier de l’Eglise à la date du 7 juillet, en ver­tu d’un décret des Rites, du 11 décembre 1897, qui modi­fia le Bréviaire et le missel.

Sous le vocable des deux Saints se sont fon­dées plu­sieurs associa­tions. La pre­mière fut ins­ti­tuée en 1850, à Brno, en Moravie ; une autre vit le jour en 1851 et pros­pé­ra sous les aus­pices du ser­vi­teur de Dieu Antoine-​Martin Slomseck, évêque de Maribor. Cette nou­velle confré­rie fut approu­vée à Rome le 12 mai 1852 ; elle se déve­lop­pa non seule­ment par­mi les Slovènes, mais encore en Moravie, en Hongrie, en Galicie. En Moravie notam­ment elle a été rem­pla­cée par l’« Apostolat des Saints-​Cyrille et Méthode », ligue fon­dée en 1892 par Mgr Stojan, et qui tra­vaille à pro­pa­ger les sen­ti­ments reli­gieux et natio­naux et à réa­li­ser l’Union des Eglises par­mi les Slaves.

La Grande Guerre de 1914–1918, qui a démem­bré l’empire austro- hon­grois et modi­fié pro­fon­dé­ment la carte de l’Europe orien­tale, n’a fait que favo­ri­ser le culte ren­du aux saints Cyrille et Méthode. Les Tchécoslovaques, en par­ti­cu­lier, consi­dèrent le Pape Jean VIII comme leur libé­ra­teur, car, disent-​ils, en confé­rant les droits archiépisco­paux à saint Méthode, ce Pontife a libé­ré de la domi­na­tion alle­mande les Slaves christianisés.

En 1927, à l’occasion du onzième cen­te­naire de la nais­sance de saint Cyrille, des fêtes impor­tantes eurent lieu à Prague en l’honneur des deux apôtres slaves. La même année, avec l’approbation et sous le contrôle du Pape Pie XI qui en avait approu­vé le pro­gramme, se tint, à Velehrad, un Congrès inter­na­tio­nal d’études pour l’Union des Eglises.

A. D.

Sources consul­tées. – Léon XIII, Encyclique « Grande Munus ». – L’Union des Eglises, 1927. – Acta. V. Conventus veleh­ra­den­sis, anno MCMXXVII (Olomouc, 1927). – F. Romanet du Caillaud, Essai sur l’Eglise russe catho­lique et ses Saints (Paris, 1896). – Vacant-​Mangenot, Dictionnaire de la foi catho­lique, au mot « Bulgarie ». – R. P. Martinov, Saint Méthode, apôtre des Slaves (Revue des Questions histo­riques, 1880). – Dr Fr. Grivec, Stovansti Apostolé Sv. Cyril a Metodéj (Olo­mouc, 1927). – (V. S. B. P., n° 230.)

Source de l’ar­ticle : Un Saint pour chaque jour du mois, Juillet, La Bonne Presse