Fondateur de la Compagnie de Jésus (1495–1556).
Fête le 31 juillet.
Chaque fois que la chrétienté semble menacée, Dieu suscite une croisade, dont le chef apparaît tout de suite comme l’homme providentiel.
Au xie siècle, ce fut Pierre l’Ermite ; dans la première moitié du xvie, ce fut Ignace de Loyola. A cette époque, où la confusion était dans tous les esprits, où la foi catholique était menacée par des princes voleurs, des moines apostats, par un courant d’idées d’inspiration toute païenne, dit de la Renaissance, il fallait une croisade plus intellectuelle, unissant la politesse humaine aux vertus des apôtres, la science à la foi, qui fût toujours prête à justifier cette foi parmi les ignorants et les savants, les fidèles et les hérétiques, les pauvres et les riches. Ce rôle d’adaptation surnaturelle fut celui de la « Compagnie de Jésus » et de son fondateur, Ignace de Loyola.
Enfance et jeunesse de saint Ignace.
C’est au château de Loyola, dans la province de Guipuzcoa, en pays basque, tout voisin de la frontière française, qu’il naquit, en 1491, dans la nuit de Noël, ou plus vraisemblablement en 1495 Il reçut le baptême en l’église d’Azpeitia, sous le nom d’Ignace — en espagnol Inigo. Son père, Bertrand de Loyola, eut de son mariage avec dona Maria Saenz treize enfants ; Ignace fut le dernier des fils. Pour situer d’une façon plus concrète la vie d’Ignace, disons qu’il naquit sous le règne de Ferdinand le Catholique, et qu’il mourut deux ans avant l’empereur Charles-Quint. Arrivé à l’âge d’homme, et capitaine à la solde de Ferdinand, dont il avait été page, il nous apparaît comme « un de ces fils de famille, si nombreux à ces époques de turbulence », épris de la vie des cours et aussi des batailles, galants par faux point d’honneur et grands fanfarons de parade.
Certes, Ignace avait des principes de religion et d’honneur ; mais nous n’oserions affirmer qu’ils furent suffisants pour le garer de lamentables écarts. Les historiens, d’ailleurs, diffèrent d’opinion sur la jeunesse du héros ; il est certain qu’elle fut très mondaine. Voies mystérieuses de la Providence ! Ce fut peut-être en vue de son rôle à venir que Dieu permit ces faiblesses, et que le fondateur d’un Ordre dont le rôle serait de ranimer la confiance des pécheurs abattus eût connu lui-même certaines détresses morales.
Siège de Pampelune. — Conversion. — Départ pour Montserrat.
Or, voici qu’en l’an 1521, alors que, en qualité de commandant, il est chargé de défendre Pampelune contre les troupes de François Ier, roi de France, un boulet lui casse la jambe. Transporté presque mourant au château de Loyola, il subit une série d’opérations et d’affreuses tortures, qu’il endure sans un cri, afin de ne pas rester boiteux. De cette blessure, il lui resta toujours une légère claudication. Pour tromper l’ennui de sa lente convalescence, il se fit apporter des lectures et demanda l’Amadis des Gaules, sorte de roman d’aventures amoureuses et belliqueuses qui faisait les délices de François Ier. Pourquoi la Providence voulut-elle que le livre fût alors égaré et remplacé par un recueil de Vies des Saints et par la Vie du Christ, de Ludolphe le Chartreux ? Contraint par l’immobilité à la réflexion, il dut donc, bon gré, mal gré, s’intéresser à tant d’histoires de pauvreté volontaire, d’humilité et de faiblesse plus forte que la force, de désintéressement. Il lui fallut se familiariser avec l’idéale figure du Christ souffrant de nouveau sa Passion pour les crimes des pécheurs, et peu à peu il pénétra, presque à son insu, dans le monde surnaturel.
Il se disait en lui-même : « Quoi ! si je faisais ce qu’ont fait saint François ou saint Dominique ? » Mais les pensées mondaines revenaient toujours, mêlées aux pensées nouvelles de religion. Il se mit alors à observer comment les unes et les autres commençaient et finissaient. Il découvrit que les mauvaises pensées en s’évanouissant lui laissaient le cœur vide, tandis que les autres remplissaient son âme. Et ces observations ont été le point de départ de la fameuse théorie du « discernement des esprits », qui remplira plus tard les Exercices spirituels.
Mais réflexions et lectures ne suffisaient pas à le contenter. Il fallait, pour cette âme ardente, passer aux actes. Une de ses premières pensées fut de se faire Chartreux, mais après qu’il serait allé à Jérusalem. Il nourrissait donc le dessein de quitter sa famille pour commencer sa vie de pénitence. Il monta un jour à dos de mulet, après avoir parlé de visiter le duc de Nagera, vice-roi de Navarre, alors à Navarete ; en route, il s’arrêta au célèbre sanctuaire de Notre-Dame d’Aranzazu, puis, en quittant Navarete, il se rendit à Notre-Dame de Montserrat, près de Barcelone. En chemin, il formula le vœu de chasteté perpétuelle et commença de prendre la discipline tous les soirs, ce qu’il pratiqua toujours fidèlement.
Arrivé au pied de la montagne de Montserrat, il acheta, en vue de son pèlerinage aux Lieux Saints, un équipement complet de pèlerin, habit de grosse toile, ceinture et sandales de corde, bourdon et calebasse.
Il passa trois jours à Montserrat et les employa à lire à un religieux sa confession générale, après quoi il suspendit devant l’autel miraculeux de la Vierge son épée et son poignard, dont en route le bouillant chevalier avait failli percer un Maure, coupable d’avoir mal parlé de Notre-Dame.
A Manrèze. — Les « Exercices spirituels ».
Avant de s’embarquer, car la peste était à Barcelone, il se rendit à Manrèze, où se trouvait un hôpital pour les pèlerins. Il y soigna les malades, vivant d’aumônes, s’imposant les pénitences les plus rudes, recherchant de préférence la compagnie de ceux qui l’accablaient de sarcasmes, à cause de sa tenue volontairement négligée ; car il s’étudiait, après avoir été d’une tenue raffinée dans son élégance, à se vaincre sur ce point en se donnant un aspect malpropre. Il eut donc à subir les pires avanies. Mais il dut surtout passer par les tentations les plus douloureuses. Ses scrupules envahirent son imagination surmenée ; il eut même la hantise du suicide, qu’il repoussait avec horreur à la pensée d’offenser Dieu. De cette épreuve où il faillit sombrer, il garda toute sa vie le don particulier de rassurer les âmes scrupuleuses.
C’est alors qu’il eut ses célèbres visions, non pas extérieures et objectives, mais, dit son secrétaire, « il comprit merveilleusement un grand nombre de choses, touchant soit aux sciences naturelles, soit aux mystères de la foi, et reçut alors plus de lumières que dans toutes ses autres visions et toutes les autres études de son existence réunies ».
Quelque temps après, il eut des ravissements ou extases. L’un d’eux dura sept jours et on le crut mort. Quand il revint à lui, il poussa seulement ce cri : « Ah ! Jésus !» ; il ne voulut jamais révéler les grâces goûtées pendant ces jours inoubliables.
Cependant, le pèlerin de Montserrat, qui avait fait l’apprentissage de la sainteté par les voies douloureuses de l’épreuve intérieure, et aussi les imprudences d’une pénitence excessive, se tournait peu à peu vers la vie de l’âme, de la confiance et de l’amour. Il se dit alors qu’il pouvait bien faire profiter les autres de son expérience. Mais comment ? Sans être tout à fait ignorant, il n’était pas, certes, un intellectuel ; il ne négligea donc aucune occasion de s’instruire, apprenant la grammaire, s’exerçant à parler, recherchant le monde pour se faire un auditoire, éloquent lorsqu’il parlait d’abondance, assez gauche s’il préparait. On le regarda bientôt avec d’autres yeux et la curiosité sympathique remplaça les traitements indignes. Il s’en aperçut et, pour éviter ce nouveau piège, il chercha une retraite où il fût plus caché qu’à l’hôpital. Il la trouva au fond d’une vallée voisine, dans une grotte broussailleuse ; la Santa Cueva de santo Ignacio, ainsi qu’on l’appelle, toujours vénérée à Manrèze, fut le témoin d’austérités épiques qui minèrent sa constitution pourtant très forte. C’est de là qu’est sortie l’ébauche d’un des plus purs chefs- d’œuvre de l’ascétisme : les célèbres Exercices spirituels, qu’Ignace composa en s’inspirant, comme point de départ, d’un ouvrage du Bénédictin Cisneros, mais adapté à son caractère particulier.
A vrai dire, il n’en jeta à Manrèze, durant les dix mois qu’il y resta, que les grandes lignes. Mais l’ébauche ne devait pas être moins pleine d’idées que l’œuvre définitive, qu’il retoucha ensuite durant vingt-cinq ans. Bien peu de personnes chrétiennes ignorent ce beau livre. Le titre en est tout militaire, et dans la pensée de l’ancien défenseur de Pampelune, c’est bien en effet une manière de plan de campagne à l’usage de l’homme qui, pour se vaincre et sortir de son péché, se fait la guerre, et avec la grâce de Dieu s’achemine de victoire en victoire, jusqu’à la perfection, « sous l’étendard du Christ ». Tout est réglé avec un soin savant dans ce plan de réforme intérieure.
Le point de départ est la distinction des deux esprits dont il a été question et qu’Ignace avait entrevue sur son lit de souffrances ; c’est la comparaison entre les deux états de consolation et de désolation qu’on peut ressentir successivement en soi-même. Personne n’est le maître de dominer le second de ces esprits ; mais chacun est libre de choisir le moment qui dans ces états lui paraît le mieux convenir à prendre une décision définitive, en vue « d’un choix de vie » ; et s’il est déjà engagé dans une vocation, il doit encore élire le mode d’usage le plus pur qu’il doit en faire. Après les principes, Ignace demande que l’on s’exerce par des moyens pratiques à les faire pénétrer dans sa vie : prière, examens, confessions, communions, méditation approfondie de la vie de Notre-Seigneur. On sait le parti qu’il conseille de tirer des secours de l’imagination visuelle et auditive, qui reconstitue mentalement dans les Préludes le lieu de la scène sacrée dont on médite le mystère.
A qui étaient destinés les Exercices ? A l’auteur d’abord, puis à ceux que, dans sa pensée, il voulait voir devenir ses compagnons d’apostolat, aux personnes du monde enfin, d’un milieu social éclairé, « au bon chrétien moyen », comme on dirait aujourd’hui, qui veut devenir plus pieux. Là est l’originalité et la force de ce livre loué par Paul III le 24 juin 1543. Depuis longtemps il a fait ses preuves ; il continue et il ne cessera pas de faciliter, et dans tous les milieux, par les retraites fermées, l’ascension des âmes vers Dieu.
Pèlerinage à Jérusalem. — Retour en Espagne. — A Paris.
Estimant que sa santé le lui permettait désormais, Ignace quitta Manrèze pour prendre le chemin de Jérusalem, et s’embarquant à Barcelone, il aborda à Gaëte. De là, en mendiant, il continua son chemin vers Rome, où il arriva le dimanche des Rameaux 1523. Quinze jours après, il partit pour Venise ; là, recommandé par un riche compatriote, il obtint du doge une place à bord d’un bateau qui devait le conduire à Chypre. Bien que très malade il s’embarqua et partit le 14 juillet. Comme il voulait réprimer le libertinage des matelots, peu s’en fallut que ces endurcis ne l’abandonnassent sur une île déserte. Mais Dieu veillait. Parvenu à Chypre, Ignace y prit le vaisseau ordinaire des pèlerins et arriva après quarante-huit jours de navigation à Jaffa, d’où il se rendit en cinq jours à Jérusalem : il y entra le 4 septembre.
Il pleura de joie à la vue des Lieux Saints et en visita toutes les stations plusieurs fois. Il eût voulu se fixer en Orient pour y travailler à la conversion des infidèles ; mais le Provincial des Frères Mineurs, qui avait pouvoir apostolique pour renvoyer les pèlerins en Europe sous peine d’excommunication, lui ordonna au nom de l’obéissance de s’en retourner.
« Le pèlerin », comme il s’appelle lui-même dans des souvenirs recueillis par son secrétaire, rentra à Barcelone d’où il était parti, en repassant par Chypre, Venise où il arriva au milieu de janvier 1524, et Gênes, où il reprit la mer.
Grâce à la générosité d’une bienfaitrice, Isabelle Roser, qui devait encore favoriser plus tard son œuvre religieuse, il étudia deux ans les humanités, sous la direction d’un saint maître, Jérôme Ardebalo, tout en continuant ses austérités et travaillant au salut des âmes. Il partit de là pour l’Université d’Alcala, où il retrouva trois compagnons auxquels se joignit un jeune Français.
Comme partout, il y vécut d’aumônes. Son zèle à travailler à la conversion des pécheurs et à répandre la pratique des Exercices spirituels lui attira des ennemis, et par leurs machinations il se vit en prison et accusé d’hérésie. Renvoyé absous au bout de quarante-deux jours, il se transporta à Salamanque pour y continuer ses études avec l’appui matériel de l’archevêque de Tolède.
Ignace et ses trois compagnons n’y furent pas plus heureux, puisque de nouveau ils connurent la prison ; l’insuffisance de liberté pour travailler au salut des âmes donna au chef du groupe l’inspiration de venir à Paris, où étudiaient un grand nombre d’étrangers. Il y arriva seul, le 2 février 1528, et suivit les cours du collège de Montaigu, puis les leçons de philosophie au collège de Sainte-Barbe et devint maître ès arts le 14 mars 1535.
Cependant, le temps approchait où Dieu allait donner à l’Eglise, par son entremise, la Compagnie de Jésus. Il inspira donc premièrement à six excellents jeunes hommes de se joindre à Ignace pour travailler sans relâche au salut du prochain. C’étaient Pierre Le Fèvre ou Favre, prêtre, originaire de la Savoie ; François Xavier, qu’il avait conquis par son indulgente bonté ; Jacques Laynez, Alphonse Salmeron, Nicolas Simon, dit Bobadilla, et Simon Rodriguez, qui tous sont devenus éclatants par leur doctrine et leur sainteté. Pourtant, ni eux ni Ignace n’eurent avant l’année 1538 l’idée de fonder la Société religieuse aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Le jour de l’Assomption de l’année 1534, ils firent vœu, de concert, en la chapelle du martyr saint Denis, au monastère des Bénédictines de Montmartre, de se rendre à Jérusalem, de se consacrer à la conversion des infidèles du Levant, et si le voyage leur était impossible, d’aller se jeter aux pieds du Pape, afin que celui-ci disposât entièrement d’eux pour les œuvres de l’Eglise. Ce vœu fut renouvelé au même lieu et à la même date en 1535 et 1536.
Saint Ignace en Italie. — Fondation de la Compagnie de Jésus.
Auparavant Ignace dut se rendre en Espagne pour y régler les affaires d’intérêt de ses disciples. Puis il leur donna rendez-vous à Venise, où il les attendit pendant plusieurs mois.
Entre temps, trois nouveaux adeptes s’étaient joints aux anciens : Jean Codure, d’Embrun ; Paschase Broët, d’Amiens, prêtre, et Claude Le Jay, savoyard. Tous arrivèrent à Venise le 6 janvier 1537.
C’est là que ceux qui n’étaient pas encore ordonnés reçurent la prêtrise, le jour de la Saint-Jean de la même année, des mains du nonce, Mgr Varallo, plus tard cardinal. Ignace avait mis un an à s’y préparer et il avait passé quarante jours dans une vieille masure, ouverte à tous les vents, jeûnant et priant sans cesse. Encore n’osa-t-il dire sa messe tout de suite, et il avait décidé d’attendre une année entière : finalement, il abrégea ce délai et choisit la fête de Noël.
Cependant la guerre qui survint entre les Vénitiens et les Turcs avait rendu impossible le pèlerinage à Jérusalem. Ignace demeura encore un an à Venise, envoya plusieurs de ses compagnons dans les Universités d’Italie pour y inspirer la piété aux étudiants, en désigna d’autres pour l’accompagner à Rome, où il voulait se rendre afin d’y pressentir le Souverain Pontife et de lui exposer les intentions de la Société naissante.
Le Pape Paul III lui fit un excellent accueil. Il était à juste titre préoccupé de la réforme des mœurs ecclésiastiques et religieuses, qui devait faire l’objet principal des travaux du Concile de Trente. Il témoigna une grande bienveillance à ce groupe de prêtres zélés, vertueux, réalisant pour leur part l’idéal que se proposaient déjà les Théatins, approuvés en 1524, et les Somasques établis en 1528. Ce que se proposaient alors Ignace et ses compagnons, c’était l’apostolat sous toutes ses formes, l’enseignement, les missions du dedans et du dehors. En 1539, d’un commun accord, le groupe décida de former un Institut nouveau, et ce projet fut approuvé verbalement par le Pape le 23 septembre 1539. Le 27 septembre 1540, par la Constitution Regimini militantis Ecclesiae, Paul III autorisa Ignace et ses compagnons à former une Société, dite « Compagnie de Jésus », et à y admettre quiconque serait disposé à faire le vœu de chasteté perpétuelle et à travailler à l’avancement des âmes dans la vie chrétienne par la prédication, les exercices spirituels, l’audition des confessions et les œuvres de charité. Cette nouvelle institution luttera efficacement contre le protestantisme en même temps qu’elle sera une aide précieuse pour mettre à effet les décisions du Concile de Trente, auquel deux de ses membres participeront en qualité de théologiens du Souverain Pontife.
Extension de la Compagnie. — Mort de saint Ignace.
Déjà les fils de la Compagnie de Jésus se répandent dans le monde ; avant même la publication de la bulle, saint François Xavier a couru évangéliser les Indes ; deux Jésuites et un novice pénètrent en Irlande au péril de leur vie. Quant à Ignace, il se donnait à de nouveaux travaux. Il accomplissait la réconciliation des grands ennemis politiques, il fondait des maisons de refuge pour les juifs et les pécheresses converties ; il établissait des maisons d’éducation.
Le 22 avril 1541, à Saint-Paul-hors-les-murs, Ignace, élu supérieur du nouvel Institut, recevait les vœux de ses premiers disciples et y joignait les siens au moment de la Communion. Les faveurs pontificales ne devaient pas faire défaut sous le pontificat de Paul III ; qu’on en juge : en 1543, Ignace obtient une Bulle supprimant la limitation du nombre des profès ; en 1545 une autre Bulle permet à la Compagnie de prêcher et d’administrer les sacrements ; en 1546 vient le droit d’avoir des coadjuteurs temporels et spirituels ; en 1548, à la demande du duc de Gandie, le futur P. François de Borgia, les Exercices sont examinés et approuvés.
Le Pape Jules III confirma en 1550 les décisions de son prédécesseur ; par contre, Paul IV, moins favorablement disposé, songea à modifier la règle sur deux points importants : la nomination d’un Supérieur général à temps et non à vie, et l’obligation de l’office au chœur. Finalement, il déclara s’en remettre à la Société elle-même.
Cependant, par suite de la fatigue ou par humilité, Ignace, en 1547, voulut abdiquer le généralat et se faire remplacer par le P. Laynez ; de nouveau, en 1550, après la Bulle de Jules III, il écrivit une lettre dans laquelle il déclarait déposer le généralat. Cette demande fut repoussée. Le fondateur employa les dernières années de sa vie à travailler aux Constitutions de l’Ordre, rédaction définitive, commentaire, application. Au début de l’été de 1556, étant tombé gravement malade, il dut laisser le gouvernement à trois Pères. Enfin, le 31 juillet, après avoir demandé la bénédiction du Pape, il expira doucement.
Il avait alors soixante et un ans ; il en avait passé trente dans le monde, dix-neuf dans ses pèlerinages et seize depuis qu’avaient été jetés les fondements de la Société.
Son Ordre avait à ce moment douze provinces et au moins cent collèges, et par lui les glorieuses conquêtes de la foi se poursuivaient dans le monde entier.
Le corps d’Ignace fut d’abord enterré dans l’église de la maison professe de Rome en 1587, puis transféré dans l’église du Gesù. Il faudrait des volumes pour raconter les miracles obtenus par l’intercession du Serviteur de Dieu. Le 12 mai 1622, il fut canonisé par Grégoire XV. Sa fête, du rite semi-double, sous Innocent X, fut élevée au rite double par Clément IX, le 11 octobre 1667.
L’histoire de la Compagnie de Jésus est désormais inséparable de l’histoire de l’Eglise. Supprimés par le Pape Clément XIV sous la pression des cours européennes le 21 juillet 1773, les Jésuites furent rétablis par Pie VII le 7 mars 1801, en Russie, où ils étaient restés unis, puis le 30 juillet 1804 dans le royaume de Naples, et enfin le 7 août 1814 dans le monde entier. En 1928, l’Ordre comptait plus de 20 000 religieux, dont environ 2 400 dans les missions.
A. Poirson.
Sources consultées. — Henri Joly, Saint Ignace de Loyola (Collection Les Saints, Paris, 1905). — Mourret, Histoire générale de l’Eglise : tome V, « La Renaissance et la Réforme ». — Eugène Thibaut, S. J., Le récit du pèlerin (Louvain, 1922). — (V. S. B. P., n° 179.)