Saint Luc, évangéliste

Saint Luc écrivant l'évangile, par le Maître de Jacques IV d'Ecosse

Evangéliste (1er siècle)

Fête le 18 octobre.

Comme pour la plu­part des pre­miers pro­pa­ga­teurs de la foi chré­tienne, nous ne pos­sé­dons que fort peu de détails sur la vie de saint Luc. Saint Jérôme la résume en quelques lignes.

Disciple de saint Paul, saint Luc fut le com­pa­gnon habi­tuel des péré­gri­na­tions du grand Apôtre. Né à Antioche, il y exer­çait la méde­cine et était en même temps très ver­sé dans la lit­té­ra­ture grecque Il nous a lais­sé une pré­cieuse his­toire de nos ori­gines chré­tiennes, plus com­plète sur un grand nombre de points que celle des autres évan­gé­listes, mieux ordon­née, et d’une lec­ture très agréable.

Voilà à quoi se réduisent les cer­ti­tudes his­to­riques sur la vie de saint Luc. Mais elles sont essen­tielles et placent le troi­sième évan­géliste par­mi ceux à qui l’histoire des pre­miers temps du christia­nisme doit le plus.

L’auteur sacré.

Deux livres du Nouveau Testament ont saint Luc pour auteur, le troi­sième Evangile et les Actes des Apôtres.

On pour­rait même consi­dé­rer ces deux livres comme un seul et même ouvrage, divi­sé en deux par­ties. Dans la pre­mière, saint Luc expose la vie de Jésus-​Christ jusqu’à son Ascension. Dans la seconde, il raconte l’histoire de l’Eglise nais­sante, et en par­ti­cu­lier l’apostolat de saint Paul jusqu’à sa pre­mière cap­ti­vi­té à Rome, cap­ti­vi­té qui dura deux années, de l’an 62 à l’an 64. Nous avons ain­si, grâce à saint Luc, une his­toire som­maire de nos ori­gines chré­tiennes pen­dant les deux tiers du pre­mier siècle.

Toute l’antiquité est d’accord sur ce point.

Le plus ancien écho nous en est trans­mis par le Canon de Mura­tori. On appelle Canon des Ecritures la liste authen­tique des livres ins­pi­rés, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament. Le Canon de Muratori, ain­si appe­lé du nom de son édi­teur qui le publia en 1740, est le cata­logue des Livres Saints qui fut dres­sé à Rome vers 180–200. Or, ce docu­ment de la fin du second siècle et qui consigne la tra­dition de l’Eglise Romaine, nous la montre d’accord en cela avec les plus anciens témoi­gnages de l’Occident et de l’Orient : saint Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, Origène.

Quant au livre des Actes, l’auteur s’annonce comme étant le même qui a com­po­sé le troi­sième Evangile ; il pré­sente ce tra­vail comme le com­plé­ment du pre­mier. L’un et l’autre sont dédiés à Théophile, per­son­nage incon­nu, mais qui ne paraît pas fic­tif, mal­gré l’opinion de plu­sieurs com­men­ta­teurs. C’était pro­ba­ble­ment, pense Fillion, un offi­cier de l’empire romain, en tout cas, quelque chré­tien de marque issu de la gen­ti­li­té, et qui reste pour nous un sym­bole, selon la pen­sée de saint Ambroise expli­quant le début de saint Luc : « Théo­phile, dit le grand arche­vêque de Milan, n’est-il pas celui qu’aime Dieu ? Si nous l’aimons, cet Evangile est nôtre. »

Première période de la vie de saint Luc. — Antioche.

Antioche, où Luc naquit, d’après l’historien Eusèbe (267–338), était la métro­pole de la Syrie et l’une des plus illustres cités de l’Orient.

Cette ville doit son nom à la pié­té filiale de Séleucus, le chef de la dynas­tie des Séleucides, qui vou­lut immor­ta­li­ser par là le nom de son père Antiochus.

La posi­tion de cette ville fameuse fit sa for­tune. Du fond du golfe d’Alexandrette, elle était en com­mu­ni­ca­tion, vers l’Ouest, par mer, avec le monde médi­ter­ra­néen vers l’Est, par des routes bien gar­dées, avec les régions de l’Euphrate, de la Perse et de l’Inde. Aujourd’hui encore, mal­gré sa déca­dence, elle reste la clé de l’Orient.

A l’époque qui nous occupe, elle était célèbre par la splen­deur de ses monu­ments, la richesse de son com­merce, les pro­grès de sa civi­lisation et aus­si, hélas ! par la dis­so­lu­tion de ses mœurs païennes. C’est là, cepen­dant, que le chris­tia­nisme devait mul­ti­plier ses con­quêtes, à tel point qu’elle devien­dra le pre­mier siège de la chaire de saint Pierre, et que les adeptes de la foi nou­velle y rece­vront pour la pre­mière fois le nom de chrétiens.

Superbement bâtie dans l’étroite val­lée où coule l’Oronte, entre le Taurus et le Liban, elle éta­lait dans un ravis­sant décor toutes les beau­tés de la nature et toutes les magni­fi­cences de l’art. Plusieurs empe­reurs romains y séjour­nèrent. Le légat impé­rial y rési­dait. Parmi le ramas­sis de toutes les races qui s’y don­naient rendez-​vous, les Juifs affluaient. Leur colo­nie, très nom­breuse et très pros­père, y jouis­sait de pré­cieuses fran­chises. Les dis­ciples du Christ y vinrent aus­si. On y voyait des chré­tiens de Chypre et de Cyrène. Nicolas, un des sept diacres de la pre­mière ins­ti­tu­tion, en était ori­gi­naire. Barnabé s’y ren­dit de Jérusalem, envoyé par les Douze, et y ame­na Saul, le futur apôtre Paul, qu’il alla cher­cher à Tarse. Bientôt Pierre y vien­dra pour pré­si­der à l’organisation de l’Eglise chré­tienne, y éta­bli­ra, avant de le trans­por­ter à Rome, le centre de la vie ecclé­sias­tique et le foyer prin­ci­pal de la reli­gion nouvelle.

On ne sait si Luc était Juif ou Gentil avant d’embrasser le chris­tia­nisme. A en juger d’après ses écrits, il semble plu­tôt Grec de race et d’é­du­ca­tion. Il connaît, cepen­dant, le judaïsme, ses rites et ses céré­mo­nies avec une telle pré­ci­sion, qu’on est ten­té de croire qu’il avait d’abord embras­sé le judaïsme et que, de pro­sé­lyte, comme on appe­lait les Gentils judaï­sants, il se fît chré­tien, sans avoir subi la céré­mo­nie de la cir­con­ci­sion. Un texte de saint Paul sup­pose, en effet, que Luc était né dans la gen­ti­li­té, car, dans son épître aux Colossiens, ce n’est qu’après avoir ter­mi­né l’é­nu­mé­ra­tion de ses dis­ciples cir­con­cis qu’il passe aux autres, par­mi les­quels il nomme Luc (Coloss., x, 11–14).

Dans ce même pas­sage, saint Paul donne à Luc le titre de méde­cin : Salutat vos Lucas medi­cus caris­si­mus. Certains commen­tateurs ont cru même décou­vrir, à la ter­mi­no­lo­gie de saint Luc, qu’il avait étu­dié Galien, oubliant, sans doute, que Galien avait vécu une cen­taine d’années après saint Luc. Quoi qu’il en soit de ses maîtres, il excel­lait dans cet art, au dire de saint Jérôme.

Mais ce qui est incon­tes­table c’est la culture éten­due et soi­gnée de cet évan­gé­liste. Il a de remar­quables qua­li­tés d’historien et son style atteste une excel­lente for­ma­tion lit­té­raire. On pense avec rai­son que non seule­ment il avait fré­quen­té les célèbres écoles d’Antioche, mais qu’il s’était per­fec­tion­né dans des voyages, selon la cou­tume du temps, en Grèce et en Egypte, qui étaient alors les pays les plus renom­més pour les sciences et les arts.

Il a lais­sé aus­si la répu­ta­tion d’un peintre de mérite, et la tradi­tion rap­porte qu’il fît plu­sieurs por­traits de Notre-​Seigneur et sur­tout de la Sainte Vierge. On vénère en divers endroits, à Rome notam­ment, des Vierges dites de saint Luc, qui, vraies ou fausses, lui ont valu d’être choi­si comme le patron de la pein­ture chré­tienne et ont consti­tué le type byzan­tin de la Vierge, que les tableaux hié­ratiques de Marie repro­duisent encore de nos jours.

Saint Luc pei­gnant la pre­mière image de la Bienheureuse Vierge Marie

Saint Luc embrasse la religion chrétienne.

A quelle époque Dieu lui fît-​il cette grâce ? Ici encore les rensei­gnements cer­tains nous manquent.

Quelques-​uns placent sa conver­sion à l’époque où Paul et Barnabé illus­traient par leurs pré­di­ca­tions l’Eglise nais­sante d’Antioche.

Il est une autre opi­nion, sui­vant laquelle Luc aurait connu Jésus-​Christ lui-​même, vivant encore sur la terre. Nous ne nous y arrê­terons pas, tant elle est invrai­sem­blable. On n’y recourt d’ailleurs que pour expli­quer com­ment saint Luc avait pu être si bien infor­mé de la vie de Notre-​Seigneur. Précaution tout à fait inutile. Gomme si saint Luc n’avait pas pu se ren­sei­gner par ailleurs ! Et c’est si vrai qu’il déclare posi­ti­ve­ment l’avoir fait « en se livrant à une investi­gation minu­tieuse de toutes ces choses, en remon­tant jusqu’à leur ori­gine » (Luc., i, 3).

De toutes ces enquêtes faites auprès de témoins ocu­laires, il a pu com­po­ser un récit, sui­vi, exact, com­plet, sans avoir connu lui-​même per­son­nel­le­ment le Christ.

Il est pos­sible, cepen­dant, qu’il se soit trou­vé à Jérusalem, comme d’autres pro­sé­lytes, aux grandes solen­ni­tés de Pâques et de la Pente­côte, et qu’il ait ain­si pu assis­ter aux grands évé­ne­ments de la Passion et de la Résurrection du Sauveur, ain­si qu’à la des­cente du Saint-​Esprit sur les Apôtres. Mais on n’en sait rien. Il est plus sûr d’admettre que Luc se fit chré­tien à Antioche en enten­dant les pre­miers pré­di­ca­teurs de l’Evangile qui y vinrent de bonne heure.

En somme, nous ne connais­sons de la vie de l’évangéliste que ce que nous laisse entre­voir le livre des Actes.

Saint Luc, disciple et compagnon de saint Paul.

Après avoir embras­sé la foi chré­tienne, saint Luc s’attacha parti­culièrement à saint Paul ; les Actes des Apôtres nous four­nissent maintes preuves de ce fait.

Lors de la seconde grande expé­di­tion de saint Paul, vers l’an 51, Luc le rejoint à Troas et s’embarque avec lui pour pas­ser en Macédoine. Ils séjour­nèrent ensemble à Philippes, et saint Luc res­ta pro­ba­ble­ment en cette ville, lorsque l’Apôtre, en com­pa­gnie de Silas, gagna Thessalonique.

Six ans plus tard, vers l’an 57, lorsque Paul, ayant entre­pris sa troi­sième mis­sion, revint en Macédoine, il y retrou­va saint Luc. C’est de là qu’il écri­vit sa seconde lettre aux Corinthiens. Il la fit por­ter à ses des­ti­na­taires par Tite, auquel il adjoi­gnit « un autre frère deve­nu célèbre dans toutes les Eglises par l’Évangile, cujus laus est in Evangelio per omnes Ecclesias » (II Cor., viii, 18). Ces paroles sans être déci­sives, ont fait croire à beau­coup de com­men­ta­teurs, notam­ment à saint Jérôme, qu’il s’agissait de saint Luc.

Cette fois, à son retour en Asie, Paul, pre­nant la mer, emme­na Luc, et ils pas­sèrent ensemble à Troas. De là ils allèrent à Samos, puis à Milet, où saint Paul fit de tou­chants adieux aux fidèles de cette ville et à ceux d’Ephèse qu’il y avait mandés.

Ensuite ils navi­guèrent droit sur Cos ; le len­de­main ils étaient à Rhodes, et le jour sui­vant à Patare. Là ils trou­vèrent un vais­seau en par­tance pour la Phénicie ; ils y mon­tèrent et abor­dèrent à Tyr où ils res­tèrent sept jours.

Le navire les dépo­sa enfin à Ptolémaïs (Saint-​Jean d’Acre), d’où ils gagnèrent à pied la ville de Césarée. Ils y séjour­nèrent quelque temps puis ils mon­tèrent à Jérusalem, terme de leur voyage.

A Jérusalem, de grandes tri­bu­la­tions atten­daient saint Paul. Les Juifs se sai­sirent de lui, le tra­dui­sirent devant le Sanhédrin et lui inten­tèrent un pro­cès devant le gou­ver­neur romain Félix, qui rési­dait alors à Césarée et à qui on l’envoya char­gé de chaînes.

Saint Luc l’y sui­vit. Deux années s’écoulèrent pour saint Paul dans les pri­sons de Césarée. Pendant ce temps, le gou­ver­neur Félix fut rem­pla­cé par Festus.

Pour échap­per aux com­plots que les Juifs tra­maient contre lui, Paul en appe­la à César.

— Vous en avez appe­lé à César, vous irez devant César, lui dit Festus.

On l’embarqua pour Rome sous bonne escorte. Luc fut encore de ce voyage, qu’il raconte avec ses détails très vivants et très pitto­resques. Il assis­ta à la tem­pête et au nau­frage de Malte. Ce fut une navi­ga­tion fort mou­ve­men­tée dont le récit est extrê­me­ment inté­ressant. (Actes, xxvii, xxviii.)

Les nau­fra­gés res­tèrent trois mois à Malte. Puis, repre­nant la mer, ils relâ­chèrent trois jours à Syracuse, un jour à Reggio, et enfin débar­quèrent à Pouzzoles.

De là ils se ren­dirent à Rome par la voie Appienne. Aux Trois-​Tavernes, ils ren­con­trèrent un groupe de « Frères » qui étaient venus de Rome au devant d’eux.

En atten­dant de com­pa­raître devant César, il fut per­mis à saint Paul de demeu­rer où il vou­drait, sous la garde d’un sol­dat qui répon­dait de lui. Cette attente dura deux ans ; mais ce ne furent pas deux années per­dues pour l’évangélisation. Saint Paul « prê­chait le royaume de Dieu et ensei­gnait ce qui regarde le Seigneur Jésus-​Christ avec toute liber­té, et sans que per­sonne l’en empêchât. »

C’est sur ces paroles que se ter­mine le livre des Actes. On en con­clut que saint Luc le com­po­sa à Rome même pen­dant la pre­mière cap­ti­vi­té de l’Apôtre.

Aux pre­mières pages de son livre, il parle assez lon­gue­ment des pré­di­ca­tions de saint Pierre, de l’établissement de l’Eglise, d’abord à Jérusalem, puis en Palestine, puis dans le monde romain. Mais ensuite il s’attache presque exclu­si­ve­ment au récit des mis­sions de saint Paul, dont il était deve­nu le com­pa­gnon assidu.

Ayant pour­sui­vi cette his­toire jusqu’à la cap­ti­vi­té de l’Apôtre à Rome, il s’arrête brus­que­ment, ce qui donne à sup­po­ser qu’il reçut de saint Paul quelque mis­sion par­ti­cu­lière qui l’éloigna de Rome. Ces cir­cons­tances ne per­mirent pas à saint Luc de ter­mi­ner, comme sans doute il se le pro­po­sait, le récit des tra­vaux de saint Pierre et de saint Paul.

C’est, sans doute, pen­dant l’absence de Luc que saint Paul com­pa­rut devant l’empereur, ou du moins, devant le pré­fet du pré­toire qui était alors Burrhus. Celui-​ci, favo­ra­ble­ment dis­po­sé par le rap­port du pro­cu­ra­teur de Judée, et influen­cé vrai­sem­bla­ble­ment par les vues bien­veillantes de son ami et ancien col­lègue Sénèque, acquit­ta l’Apôtre. D’ailleurs, il ne s’agissait que de que­relles reli­gieuses entre Juifs, aux­quelles l’autorité romaine se mon­trait par­faitement indif­fé­rente. Aussi l’acquittement fut-​il pro­non­cé sans difficulté.

Que saint Luc fût à Rome pen­dant la pre­mière cap­ti­vi­té de saint Paul, il n’est pas per­mis d’en dou­ter. Nous voyons, en effet, l’Apôtre nom­mer Luc dans l’Epître aux Colossiens (iv, 14) et dans celle qu’il adresse à Philémon (24) par­mi ceux qui col­la­bo­raient avec lui à la pro­pa­ga­tion de la foi chrétienne.

Mais après la déli­vrance de Paul, Luc revint-​il à Rome ? L’accom­pagna-t-il encore dans ses péré­gri­na­tions ? Alla-​t-​il avec lui jusqu’en Espagne ? Tout cela est pos­sible, mais aucun docu­ment n’y fait allusion.

On sait seule­ment qu’il était de nou­veau à Rome avec saint Paul, lors de sa seconde cap­ti­vi­té, en 67, sous Néron : Lucas est mecum solus (II Tim., iv, 11). Tous avaient aban­don­né le grand Apôtre, sauf ce fidèle com­pa­gnon des bons et des mau­vais jours.

L’Evangile selon saint Luc.

Mais déjà saint Luc avait écrit son Evangile, dont les Actes des Apôtres ne sont que la continuation.

A qu’elle époque ? On l’ignore. Probablement pen­dant les loi­sirs que lui avait lais­sés la longue cap­ti­vi­té de saint Paul à Jérusalem et à Césarée.

Luc avait alors la pos­si­bi­li­té de par­faire sa docu­men­ta­tion auprès des témoins ocu­laires, tels que saint Jacques, pre­mier évêque de Jérusalem, dit le « frère du Seigneur » ; les saintes femmes et les dis­ciples de la pre­mière heure ; la Très Sainte Vierge elle-​même, dont les confi­dences expli­que­raient la fraî­cheur des récits de l’enfance de Jésus, que nul autre que saint Luc ne donne avec tant de soin.

Indépendamment de ce qu’il nous apprend sur l’apparition de l’ange à Zacharie et sur la nais­sance de Jean-​Baptiste, il nous a trans­mis des par­ti­cu­la­ri­tés sur la nais­sance et les pre­mières années de l’Enfant Jésus, que nous ne trou­vons pas ailleurs. Il est le seul qui ait recueilli la scène de l’Annonciation, le can­tique de Marie lors de sa visite à sa cou­sine Elisabeth, les détails de la nais­sance de Jésus à Bethléem, de la visite des ber­gers à la crèche, le seul qui nous parle de la Circoncision ; le seul qui nous raconte la purifi­cation de Marie et la pré­sen­ta­tion de Jésus au Temple, la perte de Jésus à l’âge de douze ans et son recou­vre­ment au milieu des doc­teurs. Aussi croit-​on qu’il tenait ces pré­cieux sou­ve­nirs de la bouche de la Mère de Dieu, qui fidè­le­ment et amou­reu­se­ment les avait con­servés dans son cœur. C’est pour­quoi plu­sieurs ont sur­nom­mé saint Luc l’évangéliste de la Sainte Vierge.

Le troi­sième Evangile s’ouvre par un pro­logue qui expose le des sein de l’auteur. Dessein très simple. Comme les pre­miers chré­tiens s’entretenaient per­pé­tuel­le­ment des actions et des paroles du Sauveur, on avait com­po­sé, en dehors des Evangiles de saint Matthieu et de saint Marc, une foule de récits plus ou moins exacts qui pou­vaient avec le temps alté­rer la véri­té des faits fon­da­men­taux de notre foi. Pour faire dis­pa­raître ces his­toires sans auto­ri­té, saint Luc réso­lut de com­po­ser un livre qui ne ren­fer­mât, sur un sujet si grave, que des faits cer­tains et authentiques.

Son Evangile était prin­ci­pa­le­ment des­ti­né aux Eglises fon­dées par son maître saint Paul et dési­reuses de pos­sé­der sous une forme authen­tique et durable l’Evangile oral qu’on leur avait prêché.

Ces Eglises se com­po­saient d’une mino­ri­té de Juifs conver­tis et d’une majo­ri­té, chaque jour crois­sante, de chré­tiens venus du paga­nisme. Aux uns et aux autres, l’Evangéliste s’applique à mon­trer en Jésus le Fils de Dieu, mais sur­tout le Sauveur du monde, le Dieu de misé­ri­corde, qui exerce envers tous son inépui­sable bon­té. Il intro­dui­sit dans son récit une foule de traits, d’épisodes, de para­boles, lais­sés de côté par saint Matthieu et saint Marc. Mais ce qu’il raconte sur­tout avec détails, comme nous l’avons dit, ce sont les mys­tères de la nais­sance et de l’enfance du Sauveur.

De plus, il veut prou­ver, à l’aide de ces faits, la véri­té d’une doc­trine. Il le dit à son des­ti­na­taire : « Il m’a paru bon, à moi aus­si, après une exacte recherche, de vous écrire la série des évé­ne­ments, afin que vous puis­siez connaître la véri­té des ensei­gne­ments que vous avez reçus de vive voix. » Les faits deviennent ain­si des argu­ments, et c’est légi­time. La foi ne repose-​t-​elle pas sur la véri­té des faits évangéliques ?

Dernières années de saint Luc.

On ne sait que très impar­fai­te­ment ce que devint Luc, à par­tir de l’an 67, après le mar­tyre de saint Paul à Rome. Mais il conti­nua cer­tai­ne­ment à semer dans le monde la parole divine.

Saint Epiphane dit qu’il prê­cha en Italie, en Gaule, en Dalmatie, en Macédoine.

Métaphraste pré­tend qu’il évan­gé­li­sa l’Egypte et la Thébaïde.

Quelques-​uns lui font cou­ron­ner sa vie par le mar­tyre ; d’autres affirment qu’il mou­rut très âgé en Bithynie.

Il semble, au demeu­rant, que les pays de langue grecque ont été le prin­ci­pal théâtre de son ministère.

Ses restes, qui se trou­vaient au ive siècle à Thèbes, en Béotie, furent trans­por­tés à Constantinople, en l’an 357, par les soins de l’empereur Constance, et dépo­sés, avec les reliques de saint André et de saint Timothée, dans l’église des Saints-​Apôtres. Lorsque l’em­pereur Justinien fit répa­rer cette église, les ouvriers décou­vrirent trois coffres de bois où étaient gra­vés res­pec­ti­ve­ment les noms de saint Luc, de saint André et de saint Timothée. Baronius raconte que le chef de saint Luc fut por­té à Rome par saint Grégoire et dépo­sé dans l’église du monas­tère de Saint-​André, sur le Cælius.

Saint Luc est le patron des peintres et des enlu­mi­neurs, des libraires et des relieurs, et aus­si des médecins.

Son emblème est le bœuf, parce qu’il com­mence son Evangile sur le récit du sacri­fice de Zacharie. Les prêtres de l’ancienne loi immo­laient en effet des ani­maux, figures de l’Agneau divin, Jésus-​Christ, la vic­time de la loi nouvelle.

La fête de saint Luc se célèbre le 18 octobre. Dans l’oraison de sa fête l’Eglise le loue d’avoir por­té toute sa vie dans son corps la mor­tification de la croix pour l’honneur de Jésus-Christ.

E. Lacoste. Sources consul­tées. — Evangile selon saint Luc.— Actes des Apôtres. — Lagrange, Introduction à l’Evangile de saint Luc. — Vacant et Mangenot, Dictionnaire de Théologie, à l’article « saint Luc ». — Godescard, Vie de saint Luc. — Valensin et Huby, Evangile selon saint Luc, Introduction. — (V. S. B. P., n° 192.)