Abbé de Zwifulda et martyr (vers 1100–1148). Pèlerin de la deuxième croisade, prisonnier puis martyr des musulmans.
Fête le 7 novembre.
Vers l’an 1124, se rencontraient à l’abbaye de Zwifulda, dans le Wurtemberg, unis par un même désir de servir Dieu dans l’état monastique, trois frères d’illustre naissance.
C’étaient les fils du baron de Stuzzlingen ou Steisslingen, Othon, Adalbert et Ernest. Ces deux derniers, quoique beaucoup plus jeunes que leur frère Othon, avaient déjà passé plusieurs années dans le monastère.
Adalbert et Ernest étaient plus que de simples écoliers. Leurs pieux parents les avaient placés là, dès l’âge le plus tendre, pour les soustraire aux influences du monde et leur procurer, auprès des religieux, le bienfait d’une solide instruction. On les avait revêtus d’une robe monastique, et ils vivaient, en quelque manière, de la vie des moines bénédictins, suivant, sous le nom d’Oblats, des règles adaptées à leur âge et à leur condition.
Quant à Othon, après avoir reçu dans des écoles spéciales une éducation conforme à son rang, il s’était enrôlé dans la milice qui faisait vœu de défendre le tombeau du Christ, et, à ce titre, il était allé deux fois en Palestine. Il en rapporta de précieuses reliques, présent du patriarche de Jérusalem, Warmond, et les donna à l’abbaye de Zwifulda : un morceau du vêtement de la Sainte Vierge, une parcelle de la vraie Croix, et quelques ossements des saints Apôtres.
Non content d’offrir cet insigne trésor au monastère bénédictin, Othon lui fit don, en outre, de plusieurs propriétés, notamment d’une chapelle dédiée à saint Pierre, située sur ses domaines, et enfin, il lui consacra sa personne et sa vie en demandant à être reçu comme religieux.
Saint Ernest abbé.
Ernest, qui avait reçu de la nature, au dire de son biographe, « une âme bonne et un esprit très docile », tira grand profit des leçons de ses maîtres. Ses études terminées, il embrassa la règle austère de saint Benoît. Après sa profession, il s’adonna spécialement à l’étude des Livres Saints, et bientôt il était passé maître dans leur explication. C’est ainsi qu’il s’acheminait vers le sacerdoce.
La prudence, la piété, la douceur, la science et toutes les vertus monastiques dont il donnait un parfait exemple lui concilièrent les suffrages et la confiance des religieux, et, en 1141, ils l’élurent, d’un commun accord, abbé du monastère.
Ernest se vit donc chargé, par le choix de ses frères, d’une communauté très nombreuse. Environ soixante-dix profès de chœur, un groupe beaucoup plus considérable encore de Frères convers, un monastère de femmes situé près de là, comptant soixante religieuses et également soumis à ses soins, portaient à près de deux cent soixante le nombre des âmes placées sous sa direction.
Ernest se montra à la hauteur de sa charge et sut faire régner, dans toute sa vigueur, la discipline monastique.
Il ne resta d’ailleurs que six ans à la tête de son abbaye, étant parti, en 1147, avec la seconde Croisade, dont il ne revint pas. Toutefois, son influence avait eu le temps de rayonner au loin, comme le prouvent certains faits signalés par les annales de Zwifulda.
Aussitôt élu, Ernest satisfit à la demande des religieux de Neresheim, une abbaye voisine, en choisissant, parmi ses subordonnés, un successeur à leur abbé défunt. D’excellentes relations unissaient d’ailleurs les deux monastères.
En 1144 mourut, pleine de mérites, Salomé, l’épouse de Boleslas, roi de Pologne, née princesse de Berg, et dont la famille semble avoir été alliée à celle de saint Ernest. C’était une bienfaitrice insigne de l’abbaye de Zwifulda. Othon, frère aîné d’Ernest, avait été une fois envoyé près d’elle, par ordre de ses supérieurs, pour l’intérêt du monastère, et elle lui avait remis une relique d’un prix inestimable, un doigt du protomartyr saint Etienne.
Ernest ne manqua pas au devoir de la reconnaissance. Il rappela les nombreux bienfaits de cette princesse et décida d’honorer sa mémoire et celle de son mari, au même titre que celle des fondateurs, et de lui accorder les mêmes prières.
Départ pour la Croisade.
En 1146, saint Bernard fut chargé par le Pape Eugène III de prêcher la seconde Croisade. Voici à quelle occasion.
A cette époque, l’existence du royaume chrétien de Terre Sainte se trouvait gravement menacée. Après la mort de Godefroy de Bouillon, de graves mésintelligences avaient éclaté entre les princes chrétiens ; les conquérants de la Palestine ne se souciaient plus guère de la délivrance du tombeau du Christ, qui avait inspiré le vaste mouvement des Croisades. Profitant de ces dissensions, les Turcs essayaient de réparer leurs défaites. Le sultan Noureddin, en 1145, s’était emparé de la ville d’Edesse, dont la chute fut suivie du massacre de trente mille chrétiens.
Pour tenir tête à cet ennemi redoutable, le royaume de Jérusalem avait pour roi un enfant de quatorze ans, Baudouin III. Aussi les chrétiens de Palestine appelait à leur secours ; leur voix ne pouvait demeurer sans écho.
Saint Bernard vint à Vézelay en 1146, avec la mission d’annoncer une seconde Croisade. L’éloquent abbé, en présence du roi de France Louis VII et d’une immense assemblée de seigneurs et de peuple, prêcha avec un enthousiasme qui entraîna l’auditoire. Louis VII prit la croix, ainsi que son épouse Eléonore. Leur exemple fut imité par plusieurs évêques et par les grands vassaux du royaume : le comte de Toulouse, Alphonse Jourdain ; le comte de Flandre, Thierry d’Alsace ; le comte de Champagne, Henri, fils de Thibaut ; le propre frère du roi, Robert de Dreux. Un grand nombre de chevaliers les imitèrent ainsi qu’une multitude de gens du peuple. Le roi fixa le départ à l’année suivante, 1147.
Pendant qu’on faisait, en France, les préparatifs de l’expédition, saint Bernard passa en Allemagne, prononça à la diète de Spire un discours qui mit fin aux discordes civiles et rangea sous l’étendard de la croix l’empereur Conrad III et les seigneurs réconciliés.
Les saintes ardeurs qui agitaient la chrétienté ne furent pas sans émouvoir l’abbé de Zwifulda. Il avait écrit un opuscule intitulé : Louange aux martyrs, comme pour s’entraîner à marcher sur leurs traces. Aussi lorsque le Pape Eugène III, qui désirait envoyer en Orient non seulement des soldats pour combattre, mais des missionnaires pour prêcher la vraie religion aux infidèles, manda à Ernest de se joindre à la croisade, en lui conférant le titre de docteur des Gentils, le saint abbé fut au comble de la joie. Croisé pacifique, il partit avec l’évêque Othon de Freisingen, frère de Conrad III, et se proposa d’évangéliser les Sarrazins de Palestine.
On s’explique assez aisément ces attentions particulières du Pape ; la renommée du moine Ernest était parvenue à la cour romaine par l’entremise du cardinal légat Théodwin, qui, venu peu auparavant à Zwifulda pour consacrer l’église des moniales, avait eu l’occasion de s’entretenir longuement avec le saint abbé et de connaître ainsi ses rêves d’apostolat.
Ernest résigna ses fonctions d’abbé, remit à Berthold la conduite du monastère, et partit, laissant pour dernier adieu à ses frères ces belles paroles : « Puissé-je trouver le martyre dans ce voyage ! Comment ? Cela m’importe peu, pourvu que je mérite de souffrir pour l’amour de Jésus ! »
Contretemps, déboires et défaites,
En cours de route, Ernest eut, comme les autres croisés, tout à souhait, les souffrances qu’il avait désirées.
On connaît le sort malheureux de cette expédition. Les deux armées se mirent en marche en 1147, par la route du Danube, celle de Conrad précédant celle de Louis VII. Elles traînaient à leur suite, pour comble de malheur, beaucoup de femmes qui avaient voulu suivre leurs maris, et une foule de pèlerins, « immense cohue impropre aux armes », dont le sort devait être aussi funeste que celui des compagnons de Gauthier-Sans-Avoir. De plus, la rivalité qui éclata souvent entre les deux nations désormais bien distinctes ne fut pas une des moindres causes de l’échec final. Enfin, l’hostilité des Grecs acheva de tout ruiner. Malgré les offres du roi Roger de Sicile, qui proposait aux croisés de s’embarquer dans les ports normands du sud de l’Italie, ceux-ci préférèrent traverser les Etats de l’empereur Manuel Comnène. L’astuce byzantine leur fît payer cher leur confiance.
Les Allemands furent les premiers à éprouver la perfidie des Grecs. Ceux-ci, moins menacés par les Turcs qu’en 1095, se montrèrent encore plus hostiles à cette seconde Croisade qu’ils ne l’avaient été à la première.
Pour ajouter aux embarras de tout genre, les éléments déchaînés fondirent sur l’armée de Conrad et lui infligèrent une sorte de désastre.
Une nuit qu’elle campait dans la vallée de Chérobacques, entre deux paisibles fleuves aux bords riants, un affreux orage s’abattit sur elle et une pluie diluvienne changea soudain les deux fleuves en torrents, les fit déborder, inonda toute la vallée, arrachant les tentes, entraînant les animaux et les bagages. Beaucoup d’hommes et de chevaux périrent. Les autres se réfugièrent sur les collines voisines. C’était dans la nuit qui précède la Nativité de Marie, remarque le chroniqueur, témoin et victime de ce désastre. « Le matin venu, nous récitâmes à la messe le Gaudeamus au milieu d’une profonde tristesse, en versant des larmes et en poussant des gémissements. »
Les Grecs faisaient aux croisés toutes les avanies. Ils avaient des Latins une telle horreur qu’ils lavaient et purifiaient les autels où un prêtre latin avait dit la messe, comme si son contact les eût souillés.
Depuis les gens du peuple jusqu’à l’empereur Comnène, c’était à qui duperait le plus habilement ces étrangers. Souvent on mêlait de la chaux à la farine qu’on leur vendait ; on leur extorquait leur argent, on dévalisait les imprudents qui s’écartaient du gros de l’armée.
Mais le plus mauvais service que les Grecs leur rendirent, ce fut de leur donner des guides à travers l’Asie Mineure. Munis d’ordres perfides, ceux-ci, au lieu de les diriger vers les provinces méridionales mieux habitées et plus riches, les détournèrent de leur route, leur firent prendre à l’Est le chemin de la Cappadoce, pays désert et stérile, et quand ils les eurent engagés dans les gorges du Taurus, ils disparurent tous en une nuit, abandonnant leurs victimes à la merci des Turcs, non sans avoir pris soin d’informer à l’avance ces derniers de la bonne aubaine qu’ils leur ménageaient.
Dans ces conditions, l’armée de Conrad courait au-devant d’une défaite. La rencontre avec les Turcs eut lieu aux environs d’Iconium, et le choc fut si désastreux pour les croisés que, d’après certains chroniqueurs, un dixième seulement de leurs troupes put échapper au carnage. La retraite de Conrad, harcelée par la cavalerie des infidèles, devint une déroute. Sept mille hommes seulement échappèrent au désastre, et avec ces misérables débris, Conrad, découragé et couvert de blessures, vint rejoindre l’armée de Louis VII, qui arrivait à Nicée.
L’armée française recueillit les débris de l’armée germanique, et Louis VII résolut de suivre une route plus longue, mais moins périlleuse, celle de la côte, où l’approvisionnement serait plus aisé. En arrivant à Ephèse, Conrad, fatigué de ses blessures, s’embarqua pour se rendre par mer à Jérusalem. Louis VII poursuivit par la vallée du Méandre, puis, pour abréger l’itinéraire, décida de franchir la chaîne du Taurus pour descendre sur Adalia. Là, les soldats s’embarquèrent pour Antioche, laissant sur la rive une multitude de pèlerins qui, à cause de l’insuffisance des vaisseaux, devaient continuer à cheminer par terre. La plupart furent massacrés ou faits prisonniers par les Turcs.
D’Antioche les croisés se dirigèrent vers Jérusalem, où ils furent reçus comme des libérateurs. Louis VII et Conrad III unirent leurs troupes à celles de Baudouin et allèrent assiéger Damas. Leur entreprise échoua complètement. Dès lors chacun songea au retour. Louis VII, cependant, ne pouvait se décider à quitter la Palestine ; il ne voulait pas revenir, écrivait-il à Suger, régent du royaume, sans avoir fait quelque chose d’utile à la gloire de Dieu et à la cause de la France. Mais, sur les instances de Suger, il s’embarqua à Saint-Jean d’Acre (juillet 1149), et il arriva à Saint-Gilles avec deux ou trois cents chevaliers, triste reste d’une armée de cent mille hommes.
Saint Ernest est fait prisonnier.
Quant à Ernest, toujours en la compagnie de l’évêque Othon de Freisingen, frère de l’empereur, il avait eu sa part des tribulations et des souffrances des croisés. Mais il n’eut pas la consolation d’arriver jusqu’à Jérusalem.
Une partie de l’armée allemande, faisant bande à part, avait voulu prendre les devants, sous la conduite d’Othon, dans la direction de Jérusalem. Ernest suivit son évêque.
Mal leur advint de s’éloigner ainsi des autres croisés. Un dimanche qu’ils reposaient tranquillement, après plusieurs journées de marche, en un site très agréable, sur les bords de la mer, leur camp fut tout à coup cerné par des bandes innombrables de musulmans, que le roi des Perses, Ambronius, avait mis sur pied pour combattre les chrétiens. Ces barbares, commandés par un émir d’Ambronius, se jettent sur les chrétiens, massacrent sans pitié tous ceux qui veulent résister, arrêtent et font prisonniers les fuyards, et c’est à grand’peine qu’Othon de Freisingen, avec quelques compagnons seulement, parvient à se sauver sur une embarcation.
Ernest ne périt pas dans ce carnage, mais blessé, il fut parmi les captifs dont le nombre s’élevait à huit mille. Beaucoup d’entre eux furent égorgés sur place ou ne tardèrent pas à succomber aux mauvais traitements.
Les Orientaux avaient la coutume de faire un choix parmi les prisonniers. Les plus distingués d’entre eux, les plus beaux, les plus forts étaient mis à part pour être offerts au roi dont les émirs étaient les tributaires.
Voilà comment Ernest, que son caractère de prêtre et sa distinction naturelle désignaient à l’attention de l’émir, fut dirigé sans retard sur La Mecque, où était alors le roi des Perses Ambronius, venu là par dévotion envers Mahomet, ou plus probablement par peur des croisés, bien convaincu qu’ils n’iraient jamais le chercher si loin.
Les compagnons d’Ernest – ils étaient quatre cents – franchirent à petites journées les espaces immenses qui les séparaient de la métropole mahométane de l’Arabie. Comme des brebis destinées à la boucherie, on les présenta à Ambronius.
– Ne craignez pas, leur dit d’abord celui-ci d’un ton de bienveillance. Je ne vous veux aucun mal, et si vous consentez à embrasser la religion de Mahomet, vous serez délivrés de vos liens et je vous procurerai des dignités et des richesses.
Martyre de saint Ernest.
Ernest crut de son devoir de prémunir contre ces fallacieuses avances ses compagnons d’armes, et de les engager à subir le martyre plutôt que de renier leur foi, fût-ce même par un semblant d’adhésion aux propositions du roi. Ce courage et cette audace excitèrent la fureur des musulmans.
Le saint abbé, livré à des satellites inhumains, passa par tous les supplices que leur cruauté pouvait inventer. On croit qu’il fut ainsi tourmenté plusieurs jours, sinon plusieurs semaines. Ce qui est hors de doute, c’est le raffinement des tortures employées.
En dernier lieu, ces barbares lui arrachèrent la peau du sommet de la tête, et, après l’avoir ainsi scalpé au moyen d’affreuses incisions, ils lui ouvrirent le ventre. Ensuite, comme il respirait encore, ils fixèrent à un pieu planté en terre l’extrémité de ses entrailles pendantes et le forcèrent à tourner autour du pal jusqu’à ce qu’il tombât inanimé.
Telle fut, d’après le récit d’un témoin fidèle, le prêtre Marsilius, la glorieuse fin de saint Ernest, digne, ajoute un auteur, de recevoir la triple auréole de vierge, de docteur et de martyr. Huit autres prisonniers versèrent leur sang le même jour et pour la même cause, animés par les exhortations et les exemples du saint abbé.
Marsilius, qui nous a transmis le récit de ces atrocités, était un prêtre arménien catholique très fermement attaché à la foi romaine. Pour trente pièces d’or, il racheta en même temps le corps de saint Ernest, et onze prisonniers vivants qu’avait épargnés la fureur des Turcs.
Allemands de nation, les onze témoins revinrent en leur pays, virent Berthold, abbé de Zwifulda, lui retracèrent les détails du martyre de son vénérable prédécesseur, et lui remirent la lettre du prêtre Marsilius qui racontait plus brièvement cette passion.
C’est à ces deux sources principales qu’ont puisé les sept ou huit historiens religieux de Zwifulda, qui, dans la suite, à des dates diverses, entreprirent de célébrer dans leurs annales les louanges de saint Ernest.
Reliques et culte.
Le martyre de saint Ernest eut lieu, au témoignage des nécrologes et des martyrologes conservés à l’abbaye de Zwifulda, le 7 novembre 1148. « Peu de temps après avoir été confié à la terre, son saint corps, ajoute Marsilius, a été transporté par les chrétiens à Antioche ; il y est enseveli maintenant dans un sanctuaire voisin de l’église des saints apôtres Simon et Jude, et son tombeau s’illustre par des miracles. »
Les saintes reliques n’en étaient pas à leur dernière translation. Aujourd’hui, en effet, l’on vénère à Salzbourg, à l’autel de la Sainte Vierge, dans l’église de la Trinité, qui est l’église du Séminaire ecclésiastique, un précieux reliquaire portant l’inscription : Ossements de saint Ernest, martyr.
On sait, d’autre part, que ces vénérables restes furent donnés, le 23 septembre 1694, à l’archevêque de Salzbourg par Antoine Florianus, prince de Liechtenstein, et qu’ils furent reçus dans cette cité au milieu de grandes démonstrations de joie, au chant du Te Deum et au bruit du canon, le 6 juin 1700.
L’acte de donation, rédigé en bonne et due forme (6 juin 1694), à Rome, sous la garantie et le sceau du cardinal vicaire, témoigne que le saint corps a été exhumé, par autorisation du Souverain Pontife, « du cimetière de Sainte-Hélène ».
Ici, à regret, nous avouons ne pas savoir comment les reliques de saint Ernest passèrent d’Antioche au cimetière de Sainte-Hélène. On peut cependant conjecturer avec grande vraisemblance que les reliques honorées à Salzbourg sont bien celles de l’abbé de Zwifulda. Un culte public leur a toujours été rendu, saint Ernest de temps immémorial, est nommé dans les martyrologes locaux et invoqué aux litanies des saints. Ses images et ses statues étaient couronnées de l’auréole, et son nom était toujours porté par quelque moine de son abbaye dans le but d’honorer sa mémoire.
Qui ne sait aussi combien est répandu, non seulement en Allemagne, mais encore en France et dans presque toute la chrétienté, le nom du saint martyr ?
A l’intention de ces nombreux clients de saint Ernest, disons en terminant cette notice que de persévérants efforts ont été tentés, surtout entre l’année 1620 et 1650, pour obtenir sa canonisation selon les formes prescrites au xviie siècle par le Pape Urbain VIII.
Le manque de ressources, les guerres, les périls quotidiens auxquels furent à cette époque exposés les moines de Zwifulda, les contraignirent à suspendre leurs démarches, et la cause fut par là même entravée.
Dieu veuille qu’elle soit un jour reprise et que saint Ernest obtienne en cour de Rome la canonisation solennelle qui consacrera à jamais le culte dont il a toujours joui.
Malheureusement, les moines de Zwifulda ne sont plus là pour lui offrir ce témoignage de filiale vénération. Leur abbaye, supprimée en 1803, fut convertie en hospice pour les aliénés. La bibliothèque du couvent a été transportée à Stuttgart.
E. Lacoste.
Sources consultées. – Arsène Sulger, Annales Zwiefuldenses, 1698 (Biblioth. Nationale, M. 544). – Norbert Receler, abbé du monastère en 1763, Vita Sancti Ernesti, quinti abbatis Zwifuldae in Suevia, manuscrit envoyé par l’auteur aux Grands Bollandistes, à Anvers. – Vacandard, Vie de saint Bernard, t. II (récit de la deuxième Croisade). – Les premières Croisades et le Royaume latin de Jérusalem (Paris, 1879). – (V. S. B. P., n° 1236.)
Source de l’article : Un saint pour chaque jour du mois, La Bonne Presse, 1re série