« Le prêtre n’est pas pour lui… il est pour vous. » Cette phrase du Saint Curé d’Ars synthétise bien ce qu’était notre Cher Abbé Jamin : Un prêtre, loin des préoccupations mondaines, au service des fidèles, en particulier, jour et nuit des malades et des mourants.
Né le 31 janvier 1922 à la Bruffière, le jeune Yves entre au petit séminaire de Chavagnes en Paillers à l’âge de dix ans. Il y fait sa première communion en juin 1941. Après les misères de la seconde guerre Mondiale, il rentre en 1949 au grand séminaire de Luçon. Ses coreligionnaires disaient de lui « qu’il était un vrai petit saint… pieux, sobre et discret ».
Il sera ordonné prêtre, le mardi 28 juin 1955 par le grand évêque, Monseigneur Antoine-Marie Cazaux (évêque du diocèse de Luçon du 11 octobre 1941 au 4 juillet 1967), en la cathédrale de Luçon.
Monsieur l’Abbé Jamin célèbre sa première Messe Solennelle à Damvix, le premier juillet 1955 et le 8 juillet en sa commune de la Bruffière. Il est nommé professeur de mathématiques à l’Amiral du Vignaud aux Sables d’Olonne. Cette même année 1955 il subit une première épreuve : en septembre, il a un grave accident de moto à Doué la Fontaine, en revenant d’une visite à ses parents. Hospitalisé à Angers, il restera 3 mois dans le coma et subira une trépanation. Il lui faudra un an de convalescence.
Il est nommé vicaire à la Meilleraie. Il y restera du 31 mars 1956 à 1964. C’est à cette occasion qu’il rencontrera l’Abbé Albert qui jouera un rôle déterminant auprès de lui.
Après un court passage comme vicaire à l’Ile d’Yeu, il est nommé professeur à l’école Notre-Dame de Luçon. Il y restera moins d’un an. Sur la demande de l’Abbé Albert, en 1965, il vient l’aider à Fougeré. En février 1965 Monsieur l’Abbé Jamin entre en contact avec le Père André, pour prendre conseil au vu des premières évolutions conciliaires qui suscitent en lui plusieurs interrogations.
Après quelques années auprès des religieuses à Bourgenay, l’Abbé Yves Jamin est nommé curé titulaire de Saint-Hilaire-le- Vouhis le 12 juillet 1969. C’est là que la Providence va faire prendre à son existence un tournant décisif.
Ne supportant plus les recyclages et autres réunions de secteurs, il décide de continuer à célébrer la Messe de son ordination. Mais citons Jean Madiran qui a si bien résumé dans sa revue Itinéraires, les faits de Saint-Hilaire-le-Vouhis :
« L’Abbé Jamin a constaté que le clergé et l’évêque ne professaient plus la foi catholique. Il en a tiré les conséquences pratiques qui sont obligatoires et que les catholiques fidèles ont toujours tirées, tout au long de l’histoire de l’Eglise, d’une telle situation. Mais il les a tirées avec la plus grande modestie et la plus grande discrétion. Il n’a pas proclamé une rupture de communion (…) il n’a pas pris l’initiative d’un débat public (…) Il s’est écarté en silence… »
Modestie, silence, sont des mots qui définissent bien notre cher Abbé. Après d’injustes agressions et brimades, une longue et intense lutte épistolaire avec Mgr Paty, l’Abbé Jamin est finalement chassé de sa paroisse… à cause de sa fidélité à la Foi catholique telle que la messe tridentine l’exprime. Son évêque persécuteur lui conseillera d’aller célébrer « cette Messe » dans « les bois » ou dans « une grange ». Il lui obéira en s’installant dans une étable, à la Braconnerie, sur la commune de Saint Martin des Noyers.
Il quitte la Braconnerie en 1987, et s’installe provisoirement au château de L’Aunay, alors propriété de la Fraternité Saint Pie X.
Finalement en 1989, la Providence lui permet de s’installer aux Fournils. La chapelle Notre-Dame du Rosaire sera bénite solennellement par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier, supérieur du district de France, le 8 juillet 1990 en présence de nombreux fidèles. A cette occasion, il y annonce que la chapelle est élevée au rang de prieuré de la Fraternité Saint Pie X.
Monsieur l’abbé Jamin exerce son ministère généreusement durant seize années. Mais à la suite de quelques ennuis de santé, il se désengage peu à peu du ministère et fait don de la propriété à la Fraternité Saint-Pie X.
Durant cinq années, la chapelle sera desservie par le prieuré Saint-Louis de Nantes. Sa santé déclinant, l’Abbé Jamin rejoint les petites Soeurs du Rafflay à Château-Thébaud en 2005. C’est là, entouré du dévouement des soeurs, qu’il s’éteint le 17 janvier 2012.
Couronnement de sa fidélité, le 31 octobre 2010, en la fête du Christ-Roi, l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France, installe officiellement Monsieur L’Abbé Ramé,prieur et son collaborateur, Monsieur l’Abbé de Maillard.
C’est à cette occasion que M l’abbé de Cacqueray rendit déjà ce bel hommage à Monsieur l’abbé Jamin, malheureusement absent :
« Je ne voudrais pas refaire ici toute l’histoire de ce combat qui a été mené au cours de cette crise de l’Eglise. Cela serait trop long, trop vaste, mais même si je ne refais pas toute cette histoire, je voudrais nommer Mgr Lefebvre et avec lui, nommer la personnalité de Monsieur l’Abbé Jamin qui n’est pas comme vous le savez bien, présent dans cette chapelle aujourd’hui. Il se trouve non loin d’ici et mystérieusement le Bon Dieu fait qu’il ne peut pas avoir connaissance sur cette terre de toute la joie que lui aurait causée cet événement.
Et en même temps, cher Monsieur l’Abbé Jamin, vous ne le saurez probablement qu’au ciel dans l’Eternité, mais aujourd’hui tous les cœurs prieront bien pour vous et penseront bien à vous, parce qu’ils savent tout le travail que vous avez fait jusqu’ici, pour cet aboutissement de l’installation de la Fraternité en ces murs.
Merci Monsieur l’Abbé, et nous voyons à cette occasion qu’effectivement autre est celui qui sème, autre celui qui moissonne. Le Bon Dieu peut permettre cela, peut vouloir cela pour que nous n’ayons pas d’orgueil, ou pas trop d’orgueil en tout cas et puis que nous pensions également à la continuité des choses qui se font à travers les générations. Les hommes passent, Jésus-Christ demeure. »
Enfin, en son homélie Funèbre de la Messe d’enterrement de Monsieur l’Abbé Jamin le samedi 21 janvier 2012, Monsieur l’Abbé de Cacqueray insista sur le fait que « la mort d’un prêtre n’est jamais semblable à la mort des autres hommes (…) profondément différent de par sa vie, ses activités (…) et de par le caractère de son ordination ». Le prêtre « marque la vie de ses fidèles : il les accompagne durant leur vie surnaturelle (…) Il est un intermédiaire. Le prêtre est un passeur et un pasteur d’âmes ». Monsieur l’Abbé de Cacqueray, se référant au sixième centenaire de la naissance de Jeanne d’Arc qui a été réhabilitée en 1456 et canonisée le 16 mai 1920, émit un vœu : la réhabilitation de ces prêtres, en particulier de ce prêtre, condamné pour « crime » d’attachement à la Sainte Messe, alors que jamais elle n’avait été abrogée (dixit Benoit XVI dans son Motu Proprio Summorum Pontificum de 2007). « Réhabilitation pour l’honneur de Dieu, de l’Eglise et du sacerdoce (…) car ces prêtres furent des bons et fidèles serviteurs de l’Eglise ». Monsieur l’Abbé de Cacqueray conclut en appelant de ses vœux de nombreuses et fécondes vocations.
Monsieur l’Abbé de Maillard avant l’inhumation, au cimetière de la Bruffière, nous rappela son testament spirituel. Puissions-nous garder en nos cœurs l’image de ce prêtre généreux, qui accompagna notre vie surnaturelle.
« Maintenant Seigneur vous pouvez laisser votre serviteur s’en aller en paix, selon votre parole » (Saint Luc 2)
Abbé Laurent Ramé
Extrait de Spes Unica n° 5 de février-mars 2012