Évêque de Cracovie et martyr (1030–1079). Patron de la Pologne.
Fête le 7 mai.
Vie résumée par l’abbé Jaud
Saint Stanislas naquit de parents fort avancés en âge, mariés depuis trente ans et encore sans postérité. Dieu, qui avait des vues élevées sur cet enfant, lui inspira dès son bas âge de grandes vertus, surtout la charité pour les pauvres, et une mortification qui le portait à jeûner souvent et à coucher sur la terre nue, même par les plus grands froids.
Après de brillantes études, il n’aspirait qu’au cloître ; à la mort de ses parents, il vendit leurs vastes propriétés et en donna le prix aux pauvres. Stanislas dut se soumettre à son évêque, qui l’ordonna prêtre et le fit chanoine de Cracovie.
Il fallut avoir recours au Pape pour lui faire accepter le siège de Cracovie, devenu vacant. Ses vertus ne firent que grandir avec sa dignité et ses obligations ; il se revêtit d’un cilice, qu’il porta jusqu’à sa mort ; il se fit remettre une liste exacte de tous les pauvres de la ville et donna l’ordre à ses gens de ne jamais rien refuser à personne.
La plus belle partie de la vie de Stanislas est celle où il fut en butte à la persécution du roi de Pologne, Boleslas II. Ce prince menait une conduite publiquement scandaleuse. Seul l’évêque osa comparaître devant ce monstre d’iniquité, et d’une voix douce et ferme, condamner sa conduite et l’exhorter à la pénitence. Le roi, furieux, attendit l’heure de se venger.
Le pontife avait acheté pour son évêché, devant témoins, et il avait payé une terre dont le vendeur était mort peu après. Le roi, ayant appris qu’il n’y avait pas d’acte écrit et signé, gagna les témoins par promesses et par menaces, et accusa Stanislas d’avoir usurpé ce terrain. L’évêque lui dit : « Au bout de ces trois jours, je vous amènerai comme témoin le vendeur lui-même, bien qu’il soit mort depuis trois ans. »
Le jour venu, le saint se rendit au tombeau du défunt ; en présence d’un nombreux cortège, il fit ouvrir la tombe, où on ne trouva que des ossements. Stanislas, devant cette tombe ouverte, se met en prière, puis touche de la main le cadavre : « Pierre, dit-il, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, viens rendre témoignage à la vérité outragée. »
A ces mots, Pierre se lève, prend la main de l’évêque devant le peuple épouvanté, et l’accompagne au tribunal du roi. Le ressuscité convainc de calomnie le roi et les témoins, et de nouveau accompagne l’évêque jusqu’au tombeau, qu’on referme sur son corps, redevenu cadavre. Loin de se convertir, le roi impie jura la mort de Stanislas, et bientôt l’assassina lui-même pendant qu’il offrait le saint sacrifice.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
Vers la fin du xe siècle vivait à Szczepanow, non loin de Cracovie, en Pologne, une famille vertueuse et sainte. Wielislas et Bogna descendaient d’une race illustre. Ils possédaient un domaine assez vaste et de grandes richesses. Wielislas, guerrier courageux autant que fervent chrétien, s’était signalé dans plusieurs campagnes des Polonais contre les Russes. Toutefois, à la guerre contre les hommes il préférait la lutte contre le seul ennemi de l’humanité, qui est Satan, « car, disait-il avec raison, si cette lutte est plus longue, les palmes en sont aussi plus belles et plus durables ». En conséquence, de concert avec sa femme, il s’étudiait à mettre en pratique les conseils évangéliques. Les biens de la terre étaient pour les deux époux une monnaie avec laquelle ils achèteraient les trésors éternels du ciel ; les veuves, les pauvres, les orphelins trouvaient chez eux un refuge assuré.
Désireux de vivre de plus en plus éloignés du siècle, ils firent construire une église sur leur terre, afin d’assister plus commodément aux offices divins, en dehors desquels ils consacraient encore de longues heures à la prière et à l’oraison. Leur vie rude et solitaire les fit regarder comme des moines dans tout le pays. C’est pourquoi aux étrangers qui passaient près du château l’on disait : « Là vivent en solitaires le seigneur Wielislas et son épouse Bogna. »
Prières exaucées. – Energie du jeune Stanslas.
Cependant, Wielislas et Bogna avançaient en âge et n’avaient pas d’enfant. Depuis trente années déjà le ciel semblait sourd à leurs prières. Ils allaient donc être sans héritier ; mais Dieu daigna bénir cette union restée si longtemps stérile. Stanislas naquit le 26 juillet 1000. L’étonnement fut grand dans Szczepanow. « Un enfant à cet âge, disaient les Polonais du voisinage, rarement on voit chose pareille. » D’autres circonstances miraculeuses augmentaient l’étonnement général.
La mission que Dieu réservait au jeune Stanislas réclamait le mépris et le détachement absolu des choses de la terre. Il s’y prépara de bonne heure. Plaire à Dieu était l’unique préoccupation de cet enfant béni. Pour cela, il s’adonnait à la pratique de la charité, du jeûne et de la mortification. Il aimait à coucher sur la terre nue et à s’exposer aux plus grands froids. L’argent qu’il recevait de ses parents pour des plaisirs légitimes, il s’empressait de le distribuer aux pauvres. C’est ainsi que Dieu forme ceux qu’il prépare au combat.
Saint Stanislas prêtre et chanoine.
Quand Stanislas eut atteint l’âge nécessaire, ses parents lui firent étudier les belles-lettres et la philosophie. Pour le perfectionner en cette dernière étude, il fut envoyé à Gniezno où florissait alors l’école la plus illustre de la Pologne. De Gniezno, il vint probablement dans un monastère de Lorraine pour s’adonner à la théologie. Durant les sept années qu’il y passa, l’attrait de ses vertus lui concilia l’affection de tous ses condisciples. A son départ, l’école resta embaumée du souvenir qu’elles y avaient laissé.
Durant son séjour en Lorraine, Stanislas apprit à mépriser encore plus le siècle et ses vanités. Il dirigeait toutes ses pensées vers le cloître, où il pourrait servir Dieu, loin du bruit et du tumulte mondains. « Mais, dit saint François de Sales, Dieu hait la paix de ceux qu’il a faits pour la guerre. » Aussi attendait-il le moment fixé par sa grâce pour s’emparer de Stanislas. En effet, ce dernier, à son retour en Pologne, s’étant vu par la mort de ses parents maître d’une fortune considérable, vendit le tout, et en donna le prix aux pauvres. Dès lors, il espérait pouvoir réaliser au plus tôt ses pieux desseins, quand Lampert, évêque de Cracovie, l’appela, l’ordonna prêtre et le fit chanoine de sa cathédrale en 1062.
Il devient évêque de Cracovie.
Les habitants de Cracovie applaudirent à l’heureux choix que l’évêque avait fait, en donnant la prêtrise et un canonicat à Stanislas. Celui-ci tremblait à la vue du lourd fardeau qu’on imposait si tôt à ses faibles épaules. Aussi résolut-il de se détacher de tout ce qui pourrait l’empêcher de remplir dignement une charge aussi importante. Assidu au chœur et à l’oraison, il employait encore une grande partie de sa journée à l’étude de l’Ecriture, des Pères et de la théologie. Grâce à ce travail soutenu et à son intelligence peu ordinaire, il acquit en peu de temps une telle science, que de toutes parts on venait le consulter ou le prendre pour arbitre des différends.
Il se prêtait avec douceur aux exigences de tous, à ce point que plusieurs, émerveillés, sortaient de chez lui en disant : « Cet homme est admirable ; c’est un saint. » A la mort de Lampert qui arriva en 1072, il fut choisi par le clergé et le peuple réunis pour lui succéder. Celte fois, le pieux chanoine résista, et rien ne put le faire céder, si ce n’est l’ordre du Pape Alexandre II, que Stanislas reçut comme s’il fût émané du divin Maître lui-même.
Il se croyait si indigne de la nouvelle charge qui lui incombait, qu’il redoubla d’austérités et de vertus, afin d’obtenir d’en haut la force nécessaire ; il se revêtit d’un cilice qu’il ne quitta plus jusqu’à la mort. Son inépuisable charité apparut plus grande de jour en jour. Les pauvres étaient nombreux à Cracovie ; le saint évêque s’en fit donner une liste exacte, et ordonna aux gens de sa maison de ne rien refuser à personne. Au reste, lui-même présidait souvent à la distribution des aumônes, donnant avec le pain qui refait le corps celui qui refait l’âme. Il paraissait en ces circonstances si humble et si doux, que tous ces malheureux pleuraient de joie de rencontrer un tel père.
Comment il se venge des injures.
Malgré tant de bonté, Stanislas fut plus d’une fois en butte aux pires injures, mais sa vertu était au-dessus de toute épreuve. Un seigneur l’invita un jour à venir consacrer une église dans sa propriété. L’évêque y consent avec joie. Au jour fixé il se rend, accompagné de ses clercs, à la maison du seigneur. Il arrive à la porte du castel. Or, on ne sait pour quel motif, à sa vue, le seigneur s’emporte avec une incroyable insolence et en arrive à le chasser en l’accablant d’invectives. Quelques-uns même de ses serviteurs se lancent sur les personnes escortant le pontife, et les accablent de coups. Stanislas n’opposa pas la moindre résistance et se retira avec sa suite dans un pré voisin. Pour toute vengeance il fait à Dieu cette prière : « Seigneur, on m’empêche de bénir le lieu que j’étais appelé à vous consacrer ; donnez à celui où je me trouve votre sainte bénédiction. » Il passe la nuit en proie aux douleurs de la faim et du froid dans ce pré qui fut appelé dans la suite le « pré béni », nom qu’il conserve encore aujourd’hui.
A quelques jours de là, le seigneur, confus de sa conduite, vint demander pardon à l’évêque ; il lui promit de réparer sa faute, en menant désormais une vie plus chrétienne, et, comme gage de sa sincérité, il fît présent du pré à l’Eglise de Cracovie.
Saint Stanislas devant l’impie Boleslas.
La Pologne était alors gouvernée par Boleslas II, dit le Hardi, devenu roi en 1077. Ce prince, qui s’était montré valeureux dans la guerre contre les Russes, et plein de libéralité envers ses sujets, ternit la gloire ainsi acquise par des actions honteuses et iniques tout ensemble. Les scandales de sa vie, d’abord secrets, éclatèrent bientôt au grand jour, et l’indignation de ses sujets fut à son comble.
Nul cependant n’osait lui faire de reproches. Seul, Stanislas, s’armant du courage que donnent la prière et la grâce divine, osa comparaître devant le monarque coupable et, sous un langage dicté par la charité et la fermeté apostoliques, il blâma ses désordres et l’exhorta à faire pénitence. Le tyran entra dans une grande fureur contre l’homme de Dieu. Entre autres injures, il lui dit :
– Ai-je à recevoir des conseils d’un homme vil comme vous, qui êtes indigne de l’épiscopat et mériteriez d’être jeté en pâture aux pourceaux ?
– Prince, répondit l’homme de Dieu avec une fierté noble et calmé, je sais le respect que je dois à votre autorité, et, sur ce point, je ne pense pas avoir failli à mon devoir. Mais je n’oublie pas davantage que la dignité apostolique dont je suis revêtu est de beaucoup supérieure à celle des rois. Car il est d’institution divine que les rois et les autres princes doivent se soumettre à la juridiction spirituelle de l’évêque, alors même qu’il serait issu de race moins noble que la leur. Si donc vous avez souci du salut de votre âme, vous devez écouter les conseils que je vous donne. C’est le seul moyen de vivre en paix avec Dieu et de régner avec gloire sur vos sujets.
Ces paroles, loin d’amener le roi à résipiscence, ne firent que l’endurcir et l’enflammer contre celui qui se présentait comme le médecin le plus dévoué de son âme et son véritable ami.
Vengeance de Boleslas.
Stanislas avait acheté à un certain Pierre la terre de Piotrawin qu’il avait adjointe à son Eglise. Le prix convenu avait été entièrement payé. Néanmoins, soit négligence, soit excès de confiance, il n’avait pas exigé la signature du vendeur, l’affaire ayant été conclue devant plusieurs témoins. Boleslas appela ces derniers et s’efforça par ses menaces et ses caresses de les amener à ses vues, à quoi il réussit parfaitement. Pierre était mort depuis quelques années déjà. D’après les instructions du roi, ses neveux déclarèrent que ladite terre de Piotrawin avait été usurpée par l’évêché.
A cette nouvelle l’évêque se fit fort de les confondre tous par l’aveu même des témoins ; mais, hélas 1 ces derniers parlant contre leur conscience, il vit, malgré ses efforts, sa cause perdue sans retour. Il ne put supporter une telle injustice. Saisi donc d’une sainte indignation, il demanda trois jours de délai.
– Cet espace de temps écoulé, je vous amènerai, comme témoin de la vérité, Pierre lui-même, quoiqu’il soit dans la terre depuis trois ans.
Un éclat de rire accueillit ses paroles. L’impie Boleslas se hâta d’accorder le délai sollicité, assuré qu’il était d’y trouver une nouvelle occasion d’humilier le serviteur de Dieu.
Le témoignage d’un ressuscité.
Le prélat se retira avec quelques clercs et laïques fervents dans l’église bâtie à Piotrawin. Il imposa aux siens un jeûne rigoureux. Il se prosterna ensuite au pied de l’autel, où il ne cessa de demander avec larmes que le Seigneur lui envoyât son aide.
Vint le troisième jour. Après avoir célébré le saint Sacrifice, l’évêque se revêt de ses ornements pontificaux, et, suivi par son cortège, s’avance processionnellement vers le tombeau de Pierre. Arrivé là, il ordonne d’enlever la terre qui recouvre la tombe. Le cadavre était presque entièrement réduit en poussière. Stanislas se met à genoux et renouvelle ses instances auprès de Dieu dans une prière prolongée. Cette prière terminée, il touche de la main le cadavre.
– Pierre, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je t’ordonne de quitter la tombe pour venir rendre témoignage à la vérité trahie par les enfants des hommes.
Aussitôt, ô prodige ! Pierre se lève vivant. L’évêque le prend par la main ; un frisson d’effroi agite les assistants. Des émissaires courent annoncer le miracle à Boleslas en plein tribunal. Il ne veut pas y croire. Vient enfin Stanislas, accompagné du ressuscité qu’il tient toujours par la main. Il se présente au roi :
– Prince, lui dit-il, voici le témoin le plus irrécusable de la vérité violée par vous et vos complices.
Le tyran se tut épouvanté. Pierre alors, élevant la voix, s’écrie :
– Voici que Dieu, touché des prières de son serviteur Stanislas, m’envoie sur la terre pour rendre témoignage à la vérité devant ce tribunal. En présence de tous, je déclare que j’ai vendu ma terre à l’évêque et à son Eglise, et que j’en ai reçu le prix convenu. Quand à mes neveux, ils n’ont aucun droit sur elle : la calomnie seule a pu les conduire à la revendiquer.
A ces mots, il se tourne vers eux et leur dit :
– Quelle folie a pu vous porter à commettre un tel crime, les uns par malice, les autres par timidité ? Si vous ne faites pas pénitence aussitôt, Dieu fera peser sur vous son bras vengeur en cette vie et en l’autre.
Forcé par cet argument non moins incontestable qu’étrange, le despote libertin déclare le droit du côté du saint prélat. Mais sa fureur, loin de tomber, n’en fut au contraire que fortifiée et enflammée davantage.
Pensée d’un ressuscité sur la vie présente.
En sortant du tribunal, la foule se pressait autour du ressuscité pour lui adresser diverses questions. Il y répondit le moins possible :
– Car, disait-il, je ne dois le faire que par ordre de Stanislas.
Celui-ci le reconduisit à son sépulcre, et là, en présence du peuple et des clercs, il lui fît cette demande :
– Pierre, veux-tu que, pour rendre grâce au Seigneur du bienfait qu’il vient de nous accorder, je lui demande de te laisser encore avec nous quelques années ?
– Père saint, répondit-il, que ferais-je dans cette vie misérable de la terre, qui doit plutôt être appelée mort que vie ? Je vous en supplie, ne m’empêchez pas d’aspirer à cette vie vraiment bienheureuse, où l’on voit Dieu face à face. Jusqu’ici j’étais dans les flammes du purgatoire, j’espère en sortir bientôt. Daignez donc prier pour moi le Seigneur afin que mon espoir se réalise au plus vite ; ou, si la justice s’y oppose, que mes peines soient du moins en grande partie diminuées.
Le prélat n’insista pas. Il promit de prier beaucoup pour Pierre ; celui-ci descendit dans sa tombe, et son âme s’échappant de son corps rentra dans l’éternité. Le clergé et le peuple récitèrent les prières habituelles pour les morts. La fosse fut comblée, et tous se retirèrent émerveillés et résolus en même temps de profiter du temps qui leur restait pour mener une vie plus édifiante, pour mériter la vie heureuse dont le ressuscité venait de parler.
L’autel ensanglanté.
Boleslas reçut encore du pontife plusieurs avertissements au sujet de ses crimes :
– C’en est assez, dit-il enfin, il faut faire disparaître cet importun.
La mort de l’évêque fut méditée et arrêtée en Conseil secret. Cette décision, malgré les précautions prises pour la tenir cachée, fut connue du peuple. Stanislas en conçut une grande joie. Depuis longtemps, en effet, il désirait la palme du martyre.
Toutefois, le 11 avril 1079, jour où le crime devait être commis, le pontife, voulant célébrer la messe en lieu sûr, se retira dans un sanctuaire vénéré des Polonais et appelé l’église Saint-Michel.
Le roi l’y suivit de près avec des soldats. Quand ils arrivèrent, l’évêque avait commencé le saint Sacrifice. Le tyran attendit à la porte avec l’espoir d’en voir bientôt la fin. Mais Stanislas célébrait plus lentement que de coutume. Les meurtriers s’impatientaient. Boleslas envoya des soldats pour le tuer à l’autel. Ces derniers entrent résolus, mais à peine sont-ils au pied de l’autel qu’une force divine les renverse. Il leur est impossible de faire un pas en avant et ils ne parviennent à sortir de l’église qu’en se traînant péniblement par terre. Le roi ne veut pas croire ce qui leur est arrivé. Deux fois encore les meurtriers tentent d’accomplir le crime, deux fois encore ils sont renversés.
Enfin, Boleslas se résout à agir lui-même. Il marche donc vers l’autel. Rien ne l’arrête. D’un coup d’épée il tue sa victime, puis s’armant d’un couteau, il saisit par la tête le corps qui palpite, et pour le rendre le plus difforme possible, lui coupe les oreilles, le nez et les joues ; après quoi il le livre à la brutalité des soldats. Ceux-ci le découpent en morceaux qui sont dispersés dans la campagne par ordre du monstre couronné.
Sépulture miraculeuse.
Quatre jours après, le roi et ses conseillers vinrent visiter le lieu où avaient été jetés les membres de l’évêque martyr. Ils les croyaient dévorés par les chiens ou les oiseaux de proie. A leur stupéfaction, quatre beaux aigles voltigeaient autour de ces reliques, prêts à les défendre contre quiconque se serait approché pour les ravir.
La nuit suivante, plusieurs chrétiens vertueux virent au-dessus de chaque lambeau du corps une lumière radieuse et très vive que l’on pouvait apercevoir de loin. Animés par ces prodiges et indignés de la lâcheté des parents du Saint, qui n’osaient enfreindre la défense de Boleslas, les chanoines de Cracovie, accompagnés de quelques laïques, allèrent durant la nuit recueillir les reliques vénérées. Par un nouveau miracle attestant une fois de plus la sainteté de l’évêque, ces restes précieux étaient à peine réunis, que le corps reprenait sa forme ordinaire, sans qu’il restât la moindre cicatrice, comme si le prélat fût mort de la mort la plus douce.
On l’enterra dans l’église Saint-Michel. Le prince n’osa pas troubler les funérailles par quelque crime nouveau. D’ailleurs, l’heure de la vengeance divine avait sonné. En 1081, tandis que la mémoire de saint Stanislas était bénie par tous les Polonais, Boleslas, excommunié et déclaré déchu du trône par saint Grégoire VII, était obligé de fuir en Hongrie sous la réprobation unanime de ses sujets. Il y mourut au monastère d’Ossiac, en 1083, après une pénitence sévère que termina une mort heureuse, obtenue, dit-on, par l’intercession de sa victime.
Stanislas fut canonisé par Innocent IV, le 17 septembre 1253, et en 1595, sous Clément VIII, sa fête fut inscrite au martyrologe romain, le 7 mai.
La dévotion à saint Stanislas.
Les reliques du saint évêque furent transférées de Skalkat (en français : la Rochelle, nom de la petite colline couronnée par l’église Saint-Michel, près de laquelle Stanislas fut massacré) à la cathédrale de Cracovie, où elles sont conservées dans une magnifique châsse d’argent déposée sur l’autel au milieu du transept. Quant au chef du Saint, il est renfermé dans un précieux reliquaire d’or.
Chaque année, le dimanche après la fête de saint Stanislas, qui est célébrée le 8 mai en Pologne, le Chapitre de la cathédrale, ayant à sa tête le prince-archevêque, se rend en procession à l’église de Skalkat, qui a été reconstruite au xviiie siècle et appartient depuis 1172 aux moines Paulins. Les anciens rois de Pologne, depuis Ladislas le Bref (Lokietek) (1306–1333), avaient coutume de se rendre en pèlerinage de pénitence à ce sanctuaire, à la veille de leur couronnement.
Le culte de saint Stanislas est très répandu en Pologne, où la plupart des diocèses l’ont pris pour patron. La basilique cathédrale de Wilna a été érigée sous son patronage et celui de saint Ladislas, roi. Sur l’ensemble du territoire polonais, on compte près de 3oo églises en l’honneur du Saint. C’est aussi sous son vocable qu’est placé, à Rome, le sanctuaire national des Polonais ; il est enfin spécialement honoré à Nancy, depuis le séjour en Lorraine du roi Stanislas de Pologne, au xviiie siècle.
A.-B. Catoire.
Sources consultées. – Bollandistes. – Vincent, O. P., Vita S. Stanislai (1260). – (V. S. B. P., n° 323.)