Sainte Zita

Sainte Zita, vitrail de Félix Gaudin à l'église Saint-Honoré d'Eylau à Paris.

Vierge et ser­vante à Lucques (vers 1218–1272)

Fête le 27 avril.

L’Evangile ne prêche pas une éga­li­té chi­mé­rique. Sainte Zita n’était qu’une humble ser­vante et, cepen­dant, on retrouve dans sa vie les mêmes traits que dans celle de sa contempo­raine sainte Elisabeth, prin­cesse de Hongrie et duchesse de Thuringe. Dans le vieil ita­lien du XIIIème siècle, « Zita » signi­fie « vierge ». Nulle, plus que Zita, n’eut à souf­frir de ces pro­mis­cui­tés dou­teuses, qui de tout temps, hélas ! ont été le fléau des grandes mai­sons où le per­son­nel est nom­breux ; et nulle, à ce titre, ne mérite mieux qu’elle de ser­vir de modèle et de patronne à toutes les per­sonnes en ser­vice qui veulent se bien tenir et res­ter honnêtes.

Enfance de sainte Zita.

Zita vint au monde en 1211 ou 1218, dans une petite chau­mière située à Bozzanello, sur un des riants coteaux qui avoi­sinent Lucques. Du seuil de la mai­son, on aper­ce­vait la Brentina dont les eaux trans­parentes reflètent les cimes boi­sées du mont Catina, du Marendote et du Lapelia.

Que de fois le doux regard de la sainte enfant se sera arrê­té sur ce spec­tacle et aura lu les splen­deurs de Dieu dans le grand livre de la nature, le seul pro­ba­ble­ment qu’elle ait jamais connu. Car Zita, non plus que Jeanne d’Arc, ne sut jamais ni lire, ni écrire, et, sui­vant le mot d’un de nos vieux chro­ni­queurs, nul autre que Dieu et leur mère n’enseigna « leur créance » à ces saintes filles. Le père de Zita était connu sous le nom de Jean le Lombard ; sa mère s’appelait Bonissima : « la très bonne » ; les dimi­nu­tifs et super­la­tifs ita­liens dont sont faits les pré­noms fémi­nins, sont tou­jours chan­tants et char­mants. « Bonissima », était, en outre un nom d’une jus­tesse par­faite. Cette femme était très bonne, et aus­si très sainte. Un de ses frères, Gratien, vécut en ermite, sur le mont Lapelia, et sa mémoire est res­tée en véné­ra­tion dans la contrée. Sa fille aînée, Marguerite, mou­rut dans un monas­tère de l’Ordre de Cîteaux.

Bonissima for­ma de bonne heure le juge­ment et le cœur de sa fille. Le pre­mier mot qu’elle lui apprit fut le nom de Jésus, et le pre­mier exer­cice celui de joindre ses petites mains et de lever ses yeux bleus vers le ciel, en disant : « Notre Père qui êtes aux cieux, aimez bien votre enfant. »

Elle lui appre­nait aus­si à rap­por­ter ses actions et ses senti­ments à la volon­té de Dieu, ne crai­gnant pas de lui par­ler déjà de l’immortalité de l’âme et de la fra­gi­li­té de la vie.

Bonissima fai­sait mieux encore : elle don­nait l’exemple. Pauvre, elle ne refu­sait jamais l’aumône, au moins celle d’un ser­vice.. Sa jour­née était un exemple vivant d’une vie chré­tien­ne­ment remplie.

Zita l’aidait dans les soins du ménage, tra­vaillait aux champs et s’acquittait à mer­veille de tous ses devoirs.

Quand, par suite de sa viva­ci­té natu­relle ou de la légè­re­té de son âge, elle allait se livrer à quelque action répré­hen­sible, sa mère lui disait sim­ple­ment : « Ma fille, ce que tu fais déplaît à Dieu. » Et aus­si­tôt l’enfant y renonçait.

Sainte Zita quitte son village – Servante à Lucques.

Nous ne sau­rions pré­ci­ser quel âge avait Zita, quand un jour son père lui dit :

– Dieu le veut, ma chère enfant, il faut nous sépa­rer. Ta mère est infirme, nous avons besoin de ton tra­vail ; compte sur le secours de Dieu. Il sera ton protecteur.

L’enfant obéit sans mur­mure. Ce sera d’ailleurs un des traits bien per­son­nels de son carac­tère de ne jamais bou­der à un ordre ni à une remon­trance même injuste, et Dieu sait à quelles mor­ti­fi­ca­tions d’amour-propre silen­cieux est expo­sée à toute minute une pauvre ser­vante, obli­gée, pour son pain, de dépendre à tout ins­tant, de caprices sou­vent contra­dic­toires, par­fois tyranniques.

Lucques était alors une ville forte, très com­mer­çante et capi­tale d’une petite répu­blique. L’existence de l’enfant, qui, jusqu’alors, n’avait connu que son vil­lage, allait être exté­rieu­re­ment bien changée.

Son maître, du nom de Pagano di Fatinelli, chez qui elle entra en 1231, était un riche com­mer­çant ; il tenait un rang éle­vé dans la répu­blique et avait de nom­breux domes­tiques ; les croix de Zita furent donc nom­breuses aussi.

Fatinelli était bon, mais vif et empor­té ; néan­moins, la patiente dou­ceur de la petite ser­vante ne se démen­tit jamais.

La volon­té de son père et de sa mère avait tou­jours été pour elle l’expression de la volon­té de Dieu. Elle obéit de même à son maître, ne mon­trant jamais la moindre humeur, la moindre hési­ta­tion, qu’elle fût seule ou sous la sur­veillance de quelqu’un. « La main au tra­vail, le cœur à Dieu », telle était sa devise.

Elle ser­vait ses maîtres, non par inté­rêt, mais par dévoue­ment ; aus­si lui abondonnaient-​ils, sans contrôle, l’administration des choses les plus impor­tantes. Pauvre elle-​même, elle aimait les pauvres avec une ten­dresse de mère. Elle gagnait peu, mais ses modestes gages et les humbles étrennes qu’elle rece­vait, tout était pour eux. Volon­tiers, elle accep­tait d’être mar­raine de leurs enfants ; et, pour modestes que fussent les res­pon­sa­bi­li­tés oné­reuses aux­quelles l’entraî­nait cette mater­ni­té spi­ri­tuelle, elle y fai­sait tou­jours hon­neur en se restrei­gnant sur sa nourriture.

La calomnie. – Sa sainteté manifestée par un miracle.

Les ser­vi­teurs de Fatinelli, peu conscien­cieux dans leur ser­vice, crai­gnirent d’être dénon­cés par Zita, et, ne pou­vant en faire leur com­plice, ils la calom­nièrent. Ses actions les plus louables furent déna­tu­rées, et Dieu per­mit que ses maîtres ajou­tassent foi au men­songe. L’amitié fit place aux soup­çons ; au lieu d’encouragements, on ne lui adres­sait que des reproches. Cette épreuve dura plu­sieurs années, pen­dant les­quelles Zita, loin de se plaindre, bénit Dieu de lui avoir confié une par­celle de sa croix.

Un jour, Zita des­cen­dait l’escalier, empor­tant du pain dans son tablier. C’étaient des restes dont sa maî­tresse lui avait per­mis de dis­po­ser et qu’elle vou­lait don­ner à de pauvres familles du voisi­nage. Fatinelli, l’ayant ren­con­trée, lui deman­da avec humeur où elle allait et ce qu’elle empor­tait encore de chez ses maîtres. Zita abais­sa son tablier et lui répon­dit en souriant :

– Ce sont des fleurs, mon bon maître, voyez plutôt.

Et, en effet, le tablier était rem­pli de roses blanches et rouges. Ce miracle des fleurs, Dieu se plaît encore à le refaire, dans des condi­tions presque iden­tiques, à la même époque, pour hono­rer la cha­ri­té d’Elisabeth de Hongrie, et, plus près de nous, pour hono­rer celle d’une petite pay­sanne, sainte Germaine Cousin, la ber­gère de Pibrac.

Mais les pauvres n’y per­dirent rien ; car, pour­sui­vant son che­min, Zita leur dis­tri­bua son aumône : les fleurs étaient rede­ve­nues des pains.

Si l’humble fille était illet­trée, elle com­pre­nait que l’éducation est un véri­table sacer­doce : quand sa tâche maté­rielle était accom­plie, elle s’occupait encore des jeunes enfants de ses maîtres, cher­chant sur­tout à leur ins­pi­rer trois amours et trois res­pects : celui de Dieu, celui des parents et celui de la vérité.

Dès long­temps, elle avait pro­mis de res­ter vierge. Mais douce et sou­mise quand il s’agissait de ses devoirs de ser­vante, elle savait tenir en res­pect, quand il le fal­lait, les entre­prises auda­cieuses de ceux qui oubliaient leurs dis­tances, et on la vit un jour déchi­rer de ses ongles le visage d’un homme trop peu réservé.

Cette ver­tu angé­lique de l’humble ser­vante, la patience inal­té­rable qu’elle mon­trait en son labeur, elle les pui­sait dans la prière, la fré­quen­ta­tion des sacre­ments, les orai­sons jacu­la­toires qui sor­taient à tout ins­tant de son cœur et de ses lèvres ; elle était assi­due à fré­quen­ter les églises dans la mesure où le lui per­met­taient ses occu­pa­tions. On montre encore un Crucifix devant lequel elle s’age­nouilla bien sou­vent et qui se trou­vait alors dans une cha­pelle près du cime­tière atte­nant à l’église Saint-Frédien.

Toutes les églises de Lucques l’ont vue pros­ter­née, per­due dans de suaves col­loques avec Notre-​Seigneur ; elle goû­tait aus­si de grandes joies à visi­ter les sanc­tuaires et les lieux de pèle­ri­nages qui avoi­si­naient la ville où elle était en service.

Apparition de la sainte Vierge et le Tiers Ordre franciscain.

Munie de la per­mis­sion de ses maîtres, Zita par­tit avec une de ses com­pagnes pour le pèle­ri­nage de Saint-​Pierre-​a-​Grando. Elles étaient à jeun, et la route était longue et dif­fi­cile. Le cou­rage aban­donna son amie ; Zita n’en conti­nua pas moins son chemin.

Arrivée à Saint-​Pierre, elle y com­mu­nia avec sa fer­veur accou­tumée. puis elle repar­tit, refu­sant les divers abris qui lui furent offerts pour la nuit. Cependant, épui­sée par le jeûne et la fatigue, elle sen­tit enfin ses forces défaillir, et, vers l’heure du chant du coq, disent les bio­graphes, elle s’assit au bord d’une fontaine.

Elle pui­sait de l’eau et la por­tait à ses lèvres, quand elle sen­tit une main se poser dou­ce­ment sur son épaule, et, en même temps, une voix har­mo­nieuse s’éleva :

– Voulez-​vous venir avec moi à Lucques ?

Loin d’être trou­blée, Zita se sen­tit divi­ne­ment for­ti­fiée. La faim, la soif, la las­si­tude, elle avait tout oublié, et elle se mit joyeu­se­ment en marche.

Il fal­lait tra­ver­ser un fort appe­lé Pontetollo ; les portes en étaient fer­mées : à l’approche des deux voya­geuses, elles s’ouvrirent d’elles-mêmes pour les lais­ser passer.

Zita, arri­vée devant la demeure de Fatinelli, ten­dit la main à sa com­pagne incon­nue et la pria de venir prendre un peu de repos, mais celle-​ci avait disparu.

Une cha­pelle s’élève main­te­nant auprès de la fon­taine où Marie imma­cu­lée dai­gna venir en aide à son humble servante.

On croit que vers cette époque Zita s’engagea dans le Tiers-​Ordre de Saint-​François. Du moins, elle cei­gnit ses reins de la corde qui en est l’un des insignes, et même elle la ser­ra si étroi­te­ment qu’après sa mort on la trou­va recou­verte par les chairs.

Une dame mys­té­rieuse guide sainte Zita et lui fait tra­ver­ser le fort de Pontetollo.

Lucques mis en interdit ; attitude de sainte Zita.

La répu­blique de Lucques ayant décla­ré la guerre au Saint-​Siège, en se livrant à des vio­lences contre les habi­tants de Lupia qui avaient embras­sé le par­ti du Pape, Grégoire IX (1227–1241) pro­non­ça contre elle une sen­tence inter­di­sant les céré­mo­nies publiques du culte.

Plus d’ornements sur les autels, plus de chants sacrés, plus de céré­mo­nies reli­gieuses ; les prêtres priaient en silence, la déso­la­tion régnait dans tous les cœurs. Qu’elle ne fut pas celle de Zita et com­bien ses prières mon­tèrent, ardentes, vers le ciel, pour obte­nir la conver­sion de la cité !

Elle ne recu­lait devant aucune fatigue pour aller cher­cher les secours reli­gieux dans les lieux où ne s’étendait pas l’interdit. Ni la ter­reur qu’inspiraient les hommes de guerre, ni l’âpreté des che­mins, rien n’arrêtait son zèle.

La mai­son de Fatinelli était sou­vent un théâtre de luttes el d’intrigues, mais l’humble et douce Zita n’était nul­le­ment trou­blée dans son recueillement.

Les Anges font l’ouvrage de sainte Zita.

Fidèle à ses devoirs d’état, elle pre­nait sur son som­meil le temps de ses prières. Une fois cepen­dant, absor­bée devant Dieu, elle oublia qu’elle devait ren­trer pour pétrir le pain. Quel ne fut pas son éton­nement de trou­ver à son retour la farine pétrie et prête à être mise au four ! Elle cou­rut remer­cier sa maî­tresse et les autres ser­vantes. Personne ne sut ce qu’elle vou­lait dire, et comme cette pâte répan­dait une déli­cieuse odeur de pain chaud, nul ne dou­ta que Dieu lui-​même, se plai­sant dans la com­pa­gnie de sa ser­vante, eût envoyé ses anges la rem­pla­cer dans les soins du ménage.

Récompense de l’amour pour les pauvres.

Zita, nous l’avons dit, aimait ten­dre­ment les pauvres. Elle se dépouillait de tout pour leur venir en aide, et, quand elle n’avait plus rien à leur don­ner, elle sol­li­ci­tait pour eux.

Pendant une famine, elle obtint de ses maîtres la per­mis­sion de pui­ser à leurs pro­vi­sions. Elle dis­tri­bua des aumône si abon­dantes que la mai­son de Fatinelli était deve­nue la pour­voyeuse de tout le pays. Cet homme avait mis en réserve, pour les mau­vais jours, une pro­vi­sion de fèves assez consi­dé­rable. Mais la com­pas­sion de Zita pour les pauvres dégé­né­ra vite en lar­gesses incon­si­dé­rées, et bien­tôt le fond des coffres de réserve appa­rut à nu. Il y avait là un cas de conscience assez épi­neux. Zita s’en émut. On lui avait per­mis d’être géné­reuse, mais non pas d’être pro­digue. N’avait-elle pas dila­pidé le bien d’autrui ?’ Elle en était là de ses réflexions, quand son maître vint lui deman­der la clé du coffre, décla­rant qu’il avait ven­du sa pro­vi­sion de fèves et se dis­po­sait à la livrer. Zita approche toute trem­blante, mais qu’elles ne sont pas sa recon­nais­sance et sa joie, en voyant les coffres plus pleins qu’ils ne l’avaient jamais été !

La veille de Noël, pen­dant un hiver très rigou­reux, la ser­vante de Fatinelli se dis­po­sait à se rendre à Matines, vêtue aus­si légère­ment qu’en été. Son maître lui dit :

– Comment cours-​tu à l’église par un temps si froid, épui­sée comme tu l’es, et pour t’asseoir sur un pavé de marbre ? Prends du moins cette pelisse chaude ; mais ne la laisse pas au dos d’un autre : tu t’attirerais de vio­lents reproches.

– Rassurez-​vous, mon maître, dit Zita.

Faibles réso­lu­tions du cœur d’une Sainte ! Sur les marches de l’église, il y a un misé­reux qui gre­lotte et claque des dents.

– De quoi vous plaignez-​vous, mon frère ?

Mais lui se contente de la regar­der, étend la main, touche la four­rure. Il n’a rien dit, mais il en a dit assez. Zita aus­si­tôt donne le man­teau, ou plu­tôt elle le prête, car il est bien enten­du qu’à la fin de l’office on le lui res­ti­tue­ra. La fin de l’office arri­va, en effet, mais de men­diant, point de traces, pas plus que de man­teau. Elle revint donc au logis rési­gnée à rece­voir un accueil d’une sévé­ri­té bien jus­ti­fiée. Elle racon­ta com­ment les choses s’étaient pas­sées ; le maître s’en dou­tait bien un peu, et il dut mur­mu­rer, pour la forme tout au moins. Et voi­ci qu’à la troi­sième heure, appa­raît tout à coup sur l’escalier de la mai­son un pauvre, d’une dis­tinc­tion et même d’une élé­gance peu com­mune. Dans ses bras, il porte un man­teau, le rend à Zita, avec un divin sou­rire. Et comme Zita, au milieu de toute la mai­son assem­blée, le remer­ciait, il dis­pa­rut comme un éclair, lais­sant dans tous les cœurs une joie incon­nue qui les ravit long­temps d’admiration.

Un autre jour, Zita était occu­pée à son tra­vail, quand un pèle­rin l’aborda. Il était épui­sé de las­si­tude et implo­rait d’elle la cha­ri­té d’un peu de vin. Zita n’en avait pas ; mais, rem­plie de foi, elle tira de l’eau du puits, la bénit et l’offrit au pèle­rin qui assu­ra n’avoir jamais bu d’un vin aus­si excellent.

Mort de sainte Zita. – Miracles qui la suivirent.

Après un demi-​siècle d’une vie si bien rem­plie, Zita n’était plus consi­dé­rée par ses maîtres comme une ser­vante, mais uni­que­ment comme la ser­vante de Dieu. Il la lais­sèrent libre de faire ce qu’elle vou­drait, lui four­nis­sant libé­ra­le­ment, comme à une de leurs filles, tout ce qu’elle vou­lait. Mais, pauvre d’origine et pauvre d’argent, elle vou­lut res­ter pauvre volon­taire. Libre de ses mou­ve­ments, elle n’en ser­vit pas moins hum­ble­ment et affec­tueu­se­ment ses maîtres ; ni les infir­mi­tés ni l’âge ne purent dimi­nuer la fer­veur de sa soumission.

Ce fut le 27 avril 1272, un mer­cre­di, jour consa­cré depuis à saint Joseph, le grand ser­vi­teur de Dieu, qu’elle s’éteignit, sans ago­nie, entou­rée d’humbles femmes qui priaient, sim­ple­ment, comme elle avait vécu. Seulement, dit-​on, une étoile brilla au-​dessus de la ville de Lucques, à cette heure même, et d’une clar­té que n’arrivait pas à éclip­ser la lumière du soleil, tan­dis que cha­cun allait, répé­tant : Zita, la Sainte, est morte.

Quelques jours après les funé­railles, une liqueur sem­blable à du baume s’échappa du tom­beau. On la recueillit et on l’appliqua sur des infirmes qui furent gué­ris. Un mort même fut ressuscité.

Parmi les favo­ri­sés de la ser­vante de Dieu, on cite Pierre Fatinelli ; il appar­te­nait à la famille chez laquelle la Sainte avait ser­vi et on croit même qu’il avait été éle­vé par elle. Cet homme voya­geait en Provence, lorsqu’il tom­ba malade ; condam­né par tous les méde­cins, il invo­qua sainte Zita, et la nuit sui­vante, une douce lumière s’étant répan­due dans la chambre, il vit venir à lui une femme admi­ra­ble­ment vêtue :

– Zita, pour­quoi m’avez-vous aban­don­né ? lui dit-​il. Je vais mou­rir loin des miens ; hâtez-​vous de me secourir.

La Sainte le ras­su­ra et dis­pa­rut le lais­sant abso­lu­ment guéri.

Les miracles opé­rés auprès du saint tom­beau devinrent si nom­breux que la cou­tume s’établit, à chaque nou­veau pro­dige, de son­ner la cloche de l’église de Saint-Frédien.

Quelques libres pen­seurs de l’époque se moquèrent de celle qu’ils appe­laient « la fai­seuse de miracles ». L’un d’eux, le bate­lier Mandriano Torsello, voyant un jour un infirme qu’on por­tait auprès du tom­beau de Zita, plai­san­ta en ces termes :

– Mettez-​moi cet homme en terre ; il sera plus vite guéri.

Ces paroles étaient à peine pro­non­cées que Torsello devint subi­tement muet ; on le vit entrer le len­de­main matin à Saint-​Frédien, et, à genoux devant le tom­beau de la Sainte, répandre d’abondantes larmes de repen­tir ; puis, les pieds nus, la corde au cou, visi­ter suc­ces­si­ve­ment les prin­ci­pales églises de la ville. Revenu à Saint-​Frédien, il obtint que la parole lui fût rendue.

Le corps momi­fié de Sainte Zita expo­sé dans son reli­quaire, basi­lique San Frediano, Lucques, Toscane, Italie. Photo : Myrabella /​Wikimedia Commons /​CC BY-​SA 3.0

Zita honorée comme Sainte. – Canonisation. – Son culte.

Les restes de Zita furent « levés de terre », ce qui était la forme de la cano­ni­sa­tion de cette époque, par les soins de l’évêque de Lucques, Paganello, le 26 mai 1278 ; la fête de la Sainte, dont le corps avait été pla­cé sur un autel, en la basi­lique de Saint-​Frédien, fut fixée au 27 avril, et décla­rée fête natio­nale par la répu­blique de Lucques, en 1308.

La répu­blique de Gênes ren­dit aus­si des hom­mages spé­ciaux à l’humble ser­vante ; une église fut éle­vée en son hon­neur, et une confré­rie de Sainte-​Zita sub­sis­ta jusqu’à la Révolution. Le nom de la Sainte se répan­dit rapi­de­ment en Europe, et sous la forme de « Sythe » nous le voyons figu­rer dans le Bréviaire d’Aberdeen, en 1510. Son culte a été recon­nu sous Innocent XII, le 9 sep­tembre 1696, par une « cano­ni­sa­tion équi­pol­lente » ; un office et une messe propres en son hon­neur ont été concé­dés en 1777.

A Lucques même, une Congrégation de reli­gieuses porte le nom de cette vierge qui, sans connaître les joies et les immo­la­tions du cloître, par­vint, dans son modeste état de vie, à une haute perfection.

Les reliques de la Sainte, d’abord dépo­sées en la basi­lique de Saint-​Frédien, furent pla­cées, vers 1321, dans une cha­pelle conti­guë à la même basi­lique. Elles ont été « recon­nues » en 1446, 1581, 1662, 1821, 1841, et l’on a pu consta­ter qu’elles étaient dans un état de conser­va­tion parfaite.

Sainte Zita est repré­sen­tée por­tant une cruche, pour rap­pe­ler le miracle par lequel elle chan­gea de l’eau en vin.

Les ser­vantes et les femmes de charge l’invoquent comme leur modèle et leur pro­tec­trice spé­ciale. Elle leur a lais­sé plu­sieurs maximes dont celle-​ci : « Une ser­vante pares­seuse ne doit pas être appe­lée pieuse ; une per­sonne de notre condi­tion qui affecte d’être pieuse sans être essen­tiel­le­ment labo­rieuse, n’a qu’une fausse piété. »

A. Poirson. Sources consul­tées. – Mgr André Saint-​Clair, Vie de sainte Zita, patronne et modèle des per­sonnes de ser­vice (Paris, 1919). – Germain des Bruyères, Petite vie de sainte Zita, vierge de Lucques au XIIIe siècle…, d’après l’o­pus­cule du baron de Montreuil (Châtillon-​près-​Paris, 1927). – (V. S. B. P., n° 115.)