Sainte Catherine de Sienne

Sainte Catherine de Sienne, vitrail de la cathédrale d'Uzès.

Vierge domi­ni­caine, grande figure mys­tique, qui exhor­ta le Pape à reve­nir à Rome (1347–1380).

Fête le 30 avril.

Catherine Benincasa naquit à Sienne, dans la Toscane, en 1347, 1er Jour de l’Annonciation, qui était aus­si le jour des Rameaux, d’une hon­nête et labo­rieuse famille d’artisans qui eut vingt-​cinq enfants. Son père, nom­mé Jacques, était teinturier.

Dieu lui réser­vait une voca­tion tout apos­to­lique ; et l’histoire de l’Eglise nous montre peu de femmes ayant exer­cé une influence aus­si consi­dé­rable sur les âmes pour les ame­ner à Dieu.

Une âme prédestinée.

Dès ses plus tendres années, elle don­na des marques d’une ardente pié­té, indices de la vie sur­pre­nante et vrai­ment mira­cu­leuse dont elle devait offrir plus tard le spec­tacle. A cinq ans, elle avait l’habi­tude de ne jamais mon­ter les esca­liers de la mai­son pater­nelle qu’à genoux, réci­tant l’Ave Maria à chaque degré.

Vers cette époque, elle eut une appa­ri­tion de Notre-​Seigneur, qui pro­dui­sit en elle une impres­sion si puis­sante et si salu­taire qu’elle sem­bla dès lors n’être plus une enfant. Ses ver­tus, ses manières, ses pen­sées étaient au-​dessus de son âge. Son exemple atti­ra vers elle plu­sieurs petites filles, qui, dési­reuses d’imiter sa manière de vivre, for­mèrent comme une petite com­mu­nau­té, dont Catherine était la tête ; une chambre écar­tée de la mai­son pater­nelle leur ser­vait d’oratoire et de lieu de péni­tences. La future Sainte inau­gu­rait ain­si sa car­rière d’apotre.

Notre-​Seigneur, en lui appa­rais­sant, l’avait ins­truite de la vie et des aus­té­ri­tés des Pères du désert. Un jour, s’étant munie d’un pain, elle réso­lut d’aller s’enfermer dans la soli­tude. Elle sort de la ville, ce qu’elle n’avait encore fait de sa vie, et voyant les habi­ta­tions de plus en plus rares, elle se crut dans le désert. Une grotte se présen­tant à elle, elle y entra avec une grande joie. Mais Notre-​Seigneur avait d’autres vues sur la pieuse enfant ; elle fut trans­por­tée dans les airs jusqu’à la porte de la ville, et ren­tra aus­si­tôt chez ses parents.

Son amour pour le divin Maître enflam­mait tous les jours son cœur ; il y détrui­sit le germe de l’amour du monde. Un jour, Cathe­rine, pous­sée par une grâce spé­ciale du Saint-​Esprit, se pros­ter­na dans sa chambre et priai la Sainte Vierge de lui don­ner Jésus-​Christ pour époux, lui pro­met­tant de n’en accep­ter jamais d’autre. Elle n’avait que sept ans : mais la suite de sa vie mon­tre­ra que le vœu qu’elle venait de faire était un acte émi­nem­ment sérieux.

Bientôt Catherine se sen­tit appe­lée d’une manière irré­sis­tible à la vie reli­gieuse ; elle véné­rait par­ti­cu­liè­re­ment les reli­gieux de l’Ordre de Saint-​Dominique, parce que Notre-​Seigneur avait allu­mé en elle un grand amour des âmes, et que saint Dominique lui parais­sait s’être spé­cia­le­ment dévoué au salut des âmes.

Lorsqu’elle eut atteint l’âge nubile, ses parents, igno­rant son secret, s’occupèrent de lui choi­sir une alliance conve­nable. Cepen­dant Lapa, sa mère, ne pou­vant réus­sir à lui faire prendre soin de sa parure, appe­la à son aide la sœur de Catherine, Bonaventura ; celle-​ci déci­da Catherine à orner son corps ; mais la jeune vierge n’avait d’autre pen­sée que celle de faire plai­sir à sa sœur, et elle ne com­mit en cela aucun excès. Toutefois, elle se repro­cha amè­re­ment toute sa vie cette vaine complaisance.

Bonaventura mou­rut peu après, et Catherine, frap­pée de cet évé­nement qu’elle prit pour un aver­tis­se­ment du ciel, bri­sa d’une manière plus déci­sive avec le monde, cou­pa elle-​même sa belle che­ve­lure, et se pré­sen­ta en cet état à ses parents :

– Méchante fille ! s’écria sa mère ; mais tes che­veux repousseront.

Pour empê­cher Catherine de vaquer à ses exer­cices de pié­té accou­tumés, on la char­gea de faire tout le ser­vice de la mai­son. Mais le Saint-​Esprit avait appris à la sainte enfant à se faire une retraite dans son cœur. En ser­vant ses parents, il lui sem­blait ser­vir les membres de la Sainte Famille.

Cependant Jacques, son père, vit un jour, pen­dant qu’elle priait, une colombe d’une écla­tante blan­cheur se repo­ser sur sa tête. Vers le même temps, saint Dominique appa­rut à sa pieuse ser­vante, et lui pro­mit qu’un jour elle pren­drait l’habit des Sœurs de la Péni­tence, Tertiaires de son Ordre et connues sous le nom de Mantelées Dominicaines. Cette vision la rem­plit d’une sainte assu­rance. Elle se pré­sen­ta le jour même à ses parents et leur décla­ra le vœu qu’elle avait fait. Qu’on juge des san­glots de sa mère ! Mais Jacques Benincasa, se rap­pe­lant la blanche colombe, ordon­na qu’on lais­sât désor­mais sa fille suivre libre­ment la réso­lu­tion que Dieu lui avait inspirée.

Le père de sainte Catherine voit une colombe sur la tête de sa fille en prière.

Sainte Catherine reçoit l’habit des Dominicaines,

Catherine sou­pi­rait après l’accomplissement de la pro­messe que saint Dominique lui avait faite. Elle vou­lut du moins, en atten­dant, s’adonner dans sa mai­son à toutes les pra­tiques de la vie religieuse.

Les aus­té­ri­tés qu’elle s’imposa étaient déjà effrayantes ; elle ne fit que les aug­men­ter avec le temps.

Jusque-​là elle n’avait tou­ché que très rare­ment à la viande ; elle s’en inter­dit dès lors abso­lu­ment l’usage. Elle finit par ne prendre que du pain et des herbes crues. Un jour qu’elle était extrê­me­ment affai­blie, son confes­seur lui fit appor­ter un verre d’eau sucrée :

– Je vois bien que vous vou­lez éteindre le peu de vie qui me reste, dit-​elle après y avoir goû­té ; je suis tel­le­ment habi­tuée à prendre des choses sans saveur que tout ce qui est sucré me fait mal.

Elle se cei­gnit d’un cilice, qu’elle échan­gea plus tard contre une chaîne de fer qui péné­trait dans sa chair. Cette chaîne lui ser­vait aus­si à se fla­gel­ler trois fois par jour, avec rigueur et longuement.

Quelques planches for­maient son lit ; du reste, elle pas­sait en prière le temps des­ti­né au som­meil. Elle arri­va à se conten­ter d’une demi-​heure de repos tous les deux jours. Nulle vic­toire, de son propre aveu, ne lui avait tant coûté.

Lapa, effrayée de cette sin­gu­lière conduite de sa fille, essaya de l’arrêter. Elle la for­çait de repo­ser sur un lit ; Catherine glis­sait des planches sous les draps. Elle la condui­sait aux bains chauds ; Catherine se plon­geait dans l’eau bouillante. De guerre lasse, Lapa renon­ça à ses efforts. Catherine, étant tom­bée dan­ge­reu­se­ment malade, disait à sa mère qu’elle ne gué­ri­rait qu’à la condi­tion de se faire reli­gieuse. Et comme Lapa pré­fé­rait la voir reli­gieuse plu­tôt que morte, elle consen­tit à ailler deman­der pour sa fille l’admission au nombre des Soeurs de la Pénitence.

Catherine avait donc obte­nu la réa­li­sa­tion de tout ce qu’elle pou­vait dési­rer. Quand elle eut revê­tu la sainte livrée du Seigneur, elle s’excitait à la fer­veur en disant :

– Souviens-​toi que cet habit noir et blanc te rap­pelle la néces­si­té de faire péni­tence et de demeu­rer pure.

Elle s’astreignit à obser­ver les trois vœux avec une ponc­tuelle exac­ti­tude, bien que les Soeurs de la Pénitence ne les pro­non­çassent pas. Pendant trois années, elle ne rom­pit le silence que pour prier et se confes­ser ; c’étaient là aus­si les seuls motifs pour les­quels elle quit­tait sa cellule.

Dans cette soli­tude com­plète et ce recueille­ment pro­fond qu’elle s’était ména­gés, elle méri­ta de jouir fré­quem­ment des appa­ri­tions et des entre­tiens de Notre-​Seigneur. Ces visions et ces communi­cations célestes se mul­ti­plièrent tel­le­ment que la plus active con­versation entre deux amis n’aurait pas suf­fi à éga­ler ce que se disaient Catherine et son divin Maître.

Tentations et épreuves.

Mais Dieu vou­lait affer­mir la ver­tu de sa ser­vante. Il per­mit au démon de revê­tir des formes sen­sibles pour la ten­ter. De hideux fan­tômes enva­hirent sa cel­lule, s’efforçant de souiller les yeux et les oreilles de la vierge. D’affreuses visions assié­geaient sans cesse son ima­gi­na­tion. Catherine se réfu­giait à l’église ou fai­sait cou­ler avec une chaîne de fer son sang en abondance.

Enfin, la tem­pête ces­sa ; la joie et la paix ren­trèrent dans son âme, et Jésus-​Christ appa­rut à sa ser­vante victorieuse :

– Ah ! Seigneur, lui dit-​elle, où étiez-​vous quand ma pen­sée était pour­sui­vie de ces ignobles images ?

– J’étais dans ton cœur, ma fille, répon­dit Jésus, et j’y étais ravi de la fidé­li­té que tu me gar­dais pen­dant ce dou­lou­reux combat.

Dans une autre vision plus magni­fique, le Roi du ciel, accom­pagné de la Sainte Vierge et de plu­sieurs Saints, mit au doigt de sa ser­vante un anneau céleste, gage d’une indes­truc­tible alliance. Cet anneau n’était visible que pour Catherine, qui ne pou­vait ces­ser de l’admirer.

Le malin esprit tour­na ses bat­te­ries d’un autre côté. Notre-​Seigneur avait ordon­né à son épouse de tra­vailler désor­mais au salut du pro­chain. Il en coû­ta beau­coup à cette amante de la soli­tude de reve­nir par­mi les hommes. Obligée de quit­ter Dieu pour Dieu, elle s’appliqua à deve­nir la ser­vante de ceux que son Sauveur aimait le plus par­ti­cu­liè­re­ment à appe­ler « ses membres » : les pauvres et les infirmes. Elle se dévouait de pré­fé­rence au soin des mala­dies qui repous­saient tout le monde, et déployait dans ces œuvres de cha­ri­té un zèle vrai­ment extraordinaire.

Plusieurs fois cepen­dant, elle fut bien loin d’être payée par la recon­nais­sance. Une vieille lépreuse aban­don­née, que Catherine s’était mise à ser­vir avec la plus exquise cha­ri­té, pous­sée par le démon, répan­dit sur le compte de sa bien­fai­trice d’affreuses calom­nies qui prirent cours par­mi le public. Mais une vision conver­tit bien­tôt la vieille, qui se rétrac­ta en exal­tant la sain­te­té de Catherine, et mou­rut peu après. Aussi humble dans la pros­pé­ri­té que patiente dans l’adversité, la pieuse Sœur remer­cia Notre-​Seigneur non de lui avoir fait jus­tice, mais d’avoir sau­vé une âme sur le point de mou­rir en état de péché.

Elle avait une sin­gu­lière dévo­tion pour le sacre­ment de l’Eucha­ristie. Les effets qu’elle en res­sen­tait rejaillis­saient jusque dans son corps, à tel point qu’elle en arri­va à ne pou­voir sup­por­ter d’autre nour­ri­ture. Quelques per­sonnes, mues par la malice, ne virent dans ce jeûne pro­lon­gé et même abso­lu qu’une illu­sion du démon ; elles enga­gèrent le confes­seur de la Sainte à lui ordon­ner de prendre de la nour­ri­ture. Catherine, tou­jours obéis­sante, se sou­mit ; mais bien qu’elle se bor­nât à sucer quelques herbes crues, elle était néan­moins obli­gée de reje­ter incon­ti­nent, et au milieu de très vives dou­leurs, le peu qu’elle avait pris. Aussi, en allant à table, avait-​elle accou­tu­mé de dire :

– Allons faire bonne jus­tice de cette misé­rable pécheresse !

Sa san­té s’altéra à tel point que son confes­seur dut reti­rer son ordre, recon­nais­sant que la jeune vierge était vrai­ment diri­gée et ins­pi­rée par Dieu.

Le diable, tant de fois vain­cu, eut recours à d’autres expé­dients, tour­men­tant le corps débile de la ser­vante de Dieu par de cruelles mala­dies et d’atroces dou­leurs, incroyables sauf pour ceux qui en furent témoins. Elle n’avait que la peau et les os ; et l’on pou­vait comp­ter sur sa chair meur­trie les raies mar­quées et les lam­beaux empor­tés par les coups de fouet que le diable lui don­nait. Quelque­fois, il la jetait dans le feu avec une vio­lence telle que sa tête aurait dû en être fra­cas­sée ; mais elle, se rele­vant, disait avec un sourire :

– Ne crai­gnez rien, c’est la mau­vaise bête !

Sa fer­veur aug­men­tait avec ses peines ; et, pui­sant de nou­velles forces dans sa fai­blesse, elle n’en conti­nuait pas moins ses prières et ses tra­vaux habi­tuels, au grand éton­ne­ment de son entourage.

Catherine, nous l’avons dit, s’appliquait à ser­vir son Sauveur dans le pro­chain ; plu­sieurs fois, elle eut l’honneur de le ser­vir en réa­li­té, dégui­sé sous l’apparence d’un men­diant. Jacques avait don­né à sa fille la libre dis­po­si­tion de tous les objets qui se trou­vaient dans la mai­son pater­nelle, pour faire ses aumônes. Catherine en usa lar­ge­ment. Un ton­neau de bon vin, auquel elle pui­sait pour don­ner aux pauvres, et auquel la famille pui­sait éga­le­ment, four­nit si long­temps son pré­cieux liquide qu’il sem­blait ne devoir jamais s’épuiser. Une fois, n’ayant sur elle qu’une croix d’argent, elle la don­na sans hési­ter à un néces­si­teux qui lui ten­dait la main : la nuit sui­vante, son Epoux céleste lui mon­tra cette croix enchâs­sée au milieu de pierres pré­cieuses et lui recom­man­da de bien la remar­quer pour le jour du jugement.

Elle se dévouait avec non moins de géné­ro­si­té au soin des malades. Là encore, elle rem­por­ta sur elle-​même des vic­toires écla­tantes. Elle bai­sait avec fer­veur des plaies hor­ribles à voir et recher­chait la mor­ti­fi­ca­tion de sup­por­ter, ou mieux de savou­rer l’odeur infecte qui s’en exha­lait. Enfin, elle domp­ta les révoltes de la nature, par un acte dont le récit fait fré­mir. Se sen­tant un jour plus de répu­gnance qu’à l’ordinaire, elle recueillit dans un vase l’eau qui venait de ser­vir à laver un ulcère :

– Vive Dieu ! s’écria-t-elle, tu vas boire ce qui te fait tant d’horreur.

Après cette glo­rieuse vic­toire, Jésus-​Christ appa­rut à son épouse, et pour la récom­pen­ser lui fit boire une liqueur toute spi­ri­tuelle qui cou­lait de son côté bles­sé, liqueur qui rani­ma les forces même cor­po­relles de Catherine.

Son amour pour Notre-​Seigneur dans l’Eucharistie.

Comment expri­mer les ardeurs dont elle brû­lait pour le Saint-​Sacrement de l’autel ? Le corps de notre divin Maître était, nous l’avons vu, sa seule nour­ri­ture ; quand elle s’en trou­vait pri­vée, elle tom­bait dans une fai­blesse et dans un abat­te­ment extrêmes.

Quand elle s’approchait de la sainte Table, son visage s’empour­prait, et son cœur bat­tait si fort qu’on en per­ce­vait dis­tinc­te­ment le bruit. Ces bat­te­ments avaient aus­si quelque chose d’extraordinaire. Notre-​Seigneur lui avait un jour ouvert la poi­trine et arra­ché le cœur pour mettre son divin Cœur à la place. Aussi ne disait-​elle pas : « Mon Seigneur, je vous recom­mande mon cœur », mais « votre cœur ».

L’hostie s’échappait sou­vent des mains du prêtre pour voler vers elle. Quand elle s’était nour­rie de son Dieu, elle tom­bait dans des extases qui duraient habi­tuel­le­ment deux ou trois heures. Dans une de ces extases, Notre-​Seigneur lui impri­mai ses sacrés stig­mates ; elle en res­sen­tait conti­nuel­le­ment de vives dou­leurs, quoique, sur la demande expresse de Catherine, ces empreintes fussent invi­sibles aux yeux des hommes.

Prérogatives dont elle fut douée.

Elle reçut encore du ciel plu­sieurs pré­ro­ga­tives, par­mi les­quelles il faut pla­cer en pre­mière ligne le don d’intuition des cœurs ; elle lisait plus clai­re­ment dans les âmes de ceux qui l’approchaient qu’elle ne voyait leurs corps.

Elle fut favo­ri­sée du don de pro­phé­tie. Les miracles et les gué­ri­sons cor­po­relles et sur­tout spi­ri­tuelles qu’elle opé­ra sont innom­brables. Les démons, sur son ordre, sor­taient des corps des pos­sé­dés. Elle mul­ti­plia quelques pains de façon à ras­sa­sier toute une commu­nauté ; fit du pain excellent avec de la farine gâtée ; tira en abon­dance du très bon vin d’un ton­neau vide, et comme ce miracle lui valait une trop grande répu­ta­tion, elle chan­gea ce vin en une lie épaisse.

Dieu don­na à cette fille du peuple, qui n’avait pas étu­dié, une science infuse, supé­rieure à celle des plus habiles théo­lo­giens, et il lui apprit mira­cu­leu­se­ment à lire et à écrire ; elle gui­da dans les voies de la per­fec­tion un grand nombre d’âmes et fut le chef d’une école mys­tique flo­ris­sante, qu’illuminaient ses paroles et ses écrits.

Son remar­quable ouvrage inti­tu­lé Dialogues et ses admi­rables et nom­breuses lettres montrent com­bien elle était rem­plie de l’Esprit de Dieu. Sa doc­trine se rame­nait toute à ces deux grands points : Aimer Dieu et souf­frir pour lui.

Elle recom­man­dait aus­si à ses dis­ciples d’avoir une grande confor­mité à la volon­té de Dieu, une confiance pleine d’abandon à sa divine Providence, de s’oublier eux-​mêmes pour ne cher­cher que la gloire de Dieu. Jésus-​Christ avait dit un jour à sa servante :

– Ma fille, pense à moi et je pen­se­rai à toi.

Le couvent des Augustins d’Iliceto, près de Sienne, sou­vent visi­té par elle, fut le théâtre fré­quent de ses ins­truc­tions. Elle arra­cha aux séduc­tions du monde beau­coup d’âmes de toutes les classes de la socié­té, et fon­da plu­sieurs cou­vents du Tiers-​Ordre régu­lier de Saint-Dominique.

Retour de la Papauté à Rome.

Il reste à consi­dé­rer un côté très remar­quable de la vie de Cathe­rine. Cette faible femme fut l’intermédiaire dont Dieu usa pour diri­ger le Pape dans les graves cir­cons­tances que l’Eglise tra­ver­sait alors. Une ligue s’était for­mée en Italie contre le Saint-​Siège ; les Florentins étaient à la tête. Catherine, char­gée par eux de négo­cier la paix, vint trou­ver à Avignon le Pape Grégoire XI, et après s’être acquit­tée de sa mis­sion le pres­sa vive­ment de rame­ner à Rome la Papauté qui en était absente depuis soixante-​dix ans (1305). Gré­goire XI avait fait secrè­te­ment le vœu de retour­ner au Siège de saint Pierre, mais il n’avait pas encore osé l’accomplir, dans la crainte de déplaire à sa cour. Catherine, éclai­rée par une révé­la­tion, le déci­da à rem­plir sa pro­messe : le 13 sep­tembre 1376, le Pape quit­ta Avignon pour entrer à Rome le 17 jan­vier de l’année suivante.

Sainte Catherine à Avignon auprès du Pape Grégoire XI, l’ex­horte à retour­ner à Rome, siège de la papauté.

Après la mort de Grégoire XI (1378), on élut pour Pape l’arche­vêque de Bari (Urbain VI) ; mais, quelques semaines après, les car­dinaux fran­çais, mécon­tents de leur séjour for­cé à Rome et de la rudesse du nou­veau Pontife, décla­rèrent nulle son élec­tion et élurent un anti­pape, Clément VII, qui se fixa à Avignon. Alors com­men­ça le « Grand-​Schisme d’Occident », que Catherine ava­tit pré­dit. Urbain VI appe­la celle-​ci à ses côtés, et Dieu, par son entre­mise, lui don­na des conseils émi­nem­ment utiles dans ces graves cir­cons­tances. Catherine ne se conten­ta pas de pleu­rer ce schisme désas­treux, elle priait, se mor­ti­fiait, et écri­vait même des lettres très convain­cantes aux car­dinaux et aux rois pour leur recom­man­der le Pape légitime.

Sa mort.

Enfin, après avoir vécu trente-​trois ans, elle tom­ba malade à Rome. Elle reçut les der­niers sacre­ments avec une sin­gu­lière dévo­tion. Satan lui livra un der­nier assaut ; il lui repro­cha d’avoir eu de la vaine gloire :

– De la vaine gloire, s’écria-t-elle, jamais ! J’ai tou­jours pro­cu­ré la vraie gloire et la louange du Dieu tout-puissant..

Puis, appe­lant ses com­pagnes, elle leur don­na ses der­nières recom­mandations et se fît appli­quer l’indulgence plé­nière que les Papes Grégoire XI et Urbain VI lui avaient accor­dée pour cette der­nière heure. Enfin, ayant pro­non­cé ces paroles : « Seigneur, je remets mon esprit entre vos mains », son âme s’envola jouir du Dieu très bon, vers qui elle avait diri­gé tous ses sou­pirs. C’était le 29 avril 1380.

Elle appa­rut, à l’heure même, au bien­heu­reux Raymond de Capoue, son père spi­ri­tuel, qui nous a lais­sé un récit très fidèle et très édi­fiant de sa vie.

Son corps fut expo­sé, pen­dant trois jours, dans l’église de la Minerve, où le peuple romain vint, en foule, le véné­rer ; près de lui se pro­dui­sirent de nom­breux miracles et il fut ensuite dépo­sé dans le cime­tière des religieux.

Le 23 avril 1384, sa tête fut trans­por­tée triom­pha­le­ment à Sienne et dépo­sée à l’église Saint-​Dominique, où elle est conservée.

Celle qu’on devait appe­ler « la Jeanne d’Arc de la Papauté » fut pla­cée sur les autels par Pie II, le 29 juin 1461. Urbain VIII trans­fé­ra sa fête au 30 avril, Clément X l’éleva au rite double, Benoît XIII auto­ri­sa une fête en l’honneur de ses Stigmates et Pie IX, le 17 avril 1866, la décla­ra Patronne secon­daire de Rome.

Le corps presque entier de sainte Catherine repose sous le maître-​autel de Sainte-​Marie de la Minerve, et l’un de ses bras, dont la main laisse aper­ce­voir la trace du stig­mate, est conser­vé au monas­tère des Dominicaines de Rome.

A. E.

Sources consul­tées. – Bienheureux Raymond de Capoue, Vie de sainte Catherine de Sienne (Paris, 1877). – Pierre Gauthiez, Sainte Catherine de Sienne (1347–1380) (Paris, 1916). – (V. S. B. P., n’65.)