L’esprit chrétien dans le sport

« Pratiquez l’Évangile et pra­ti­quez les sports. Ne négli­gez ni votre âme ni votre corps ». 

Pie XI

L’Église a tou­jours eu son mot à dire sur l’ac­ti­vi­té spor­tive. Et c’est Pie XI, au sein d’une ency­clique, qui l’af­fir­me­ra haut et fort et de façon solen­nelle : « L’éducation phy­sique elle-​même, comme on l’ap­pelle, ne doit pas être consi­dé­rée comme étran­gère à son Magistère mater­nel (de l’Eglise), pré­ci­sé­ment parce qu’elle est un moyen qui peut ser­vir ou nuire à l’é­du­ca­tion chrétienne. »

Pour l’a­nec­dote, Pie XII rap­pel­le­ra que son pré­dé­ces­seur (Pie XI donc), quand il était prêtre était un « maître en alpi­nisme » et que cette acti­vi­té pré­pa­ra « le futur pape à déployer un cou­rage intré­pide dans l’ac­com­plis­se­ment des devoirs for­mi­dables qui l’attendaient ».

Nous pour­rions remon­ter jus­qu’à saint Paul lui-​même, qui déve­loppe dans sa pre­mière épître aux Corinthiens une ana­lo­gie entre le chré­tien et l’ath­lète (cou­reur et lut­teur essen­tiel­le­ment) ; son inten­tion n’é­tait pas de cri­ti­quer l’ath­lète mais déjà, d’at­tri­buer à l’ac­ti­vi­té spor­tive une valeur chré­tienne. Et si saint Paul écrit ailleurs que « l’exer­cice cor­po­rel est utile à peu de chose » (“peu de chose” et non pas “rien du tout” !), Pie XII rap­pelle que dans la parole de l’Apôtre des gen­tils : « Que vous man­giez, que vous buviez, que vous fas­siez tout autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu », le sport est inclus dans les mots « toute autre chose ».

Celui qui sera notre guide dans cette étude sera le Pape Pie XII. Comme en tant d’autres sujets (bioé­thique, mass-​média, …), il fait figure de réfé­rence incon­tour­nable pour avoir une approche catho­lique fiable et pour for­mer, sans risque d’er­reur, son esprit à la doc­trine de l’Eglise sur des pro­blèmes dits modernes.

C’est à la fin du XIXe siècle que le sport a pris une impor­tance consi­dé­rable dans toutes les couches de la socié­té moderne.

Notons que l’Eglise ne fut pas étran­gère à ce déve­lop­pe­ment du sport puisque nombre d’as­so­cia­tions spor­tives, de clubs spor­tifs sont nés des patro­nages catholiques.

Ensuite, après la deuxième Guerre mon­diale, l’ac­ti­vi­té spor­tive subit un essor autre­ment ver­ti­gi­neux. Ce « phé­no­mène typique de la socié­té actuelle » comme le dira Pie XII en 1955, les dévia­tions entre­vues quant à l’u­ti­li­sa­tion du sport engen­drèrent de façon tout à fait logique et néces­saire, les inter­ven­tions répé­tées de ce Pape (en par­ti­cu­lier dans les années 1951–1956). Grâce à elles, on peut déga­ger un corps de doc­trines catho­liques concer­nant l’u­ti­li­té, l’u­sage du sport et la notion chré­tienne du sport.

Le sport n’est pas une fin en soi

On peut trou­ver sous la plume de Pie XII, diverses expres­sions pour rendre compte de la nature du sport : il est une « école d’éner­gie et de maî­trise de soi », ain­si que « une occu­pa­tion de l’homme tout entier per­fec­tion­nant le corps comme ins­tru­ment de l’es­prit ». Enfin sous forme de ques­tion, il donne cette défi­ni­tion : « qu’est-​ce que le sport, sinon une des formes de l’é­du­ca­tion corporelle ? »

Le sport est donc bien d’a­bord un moyen ou plu­tôt un ensemble de moyens en vue de conduire le corps vers (e‑ducere) une cer­taine per­fec­tion, corps demeu­rant en lui-​même un ins­tru­ment de l’âme.

Puisqu’il est un moyen, l’im­por­tant est de défi­nir la fin pour laquelle il a été conçu. Le sport, pour­quoi faire ? Eh bien, c’est Pie XII qui répond à cette ques­tion dans son allo­cu­tion au congrès scien­ti­fique du sport le 8 novembre 1952. Il y assigne quatre fins hié­rar­chi­sées les unes aux autres :

« Fin pro­chaine : édu­quer, déve­lop­per, for­ti­fier le corps,

Fin plus éloi­gnée : pré­pa­rer le corps pour l’u­sage qu’en a l’âme en vue de la vie inté­rieure et extérieure,

Fin encore plus pro­fonde : contri­buer à la per­fec­tion de la per­sonne : acquisition de ver­tus propres à chaque type de sport, har­mo­nie du corps et de l’âme,

Fin suprême : comme toute acti­vi­té humaine, rap­pro­cher l’homme de Dieu : en par­ti­cu­lier, « par l’exemple don­né, don­ner au sport moderne une forme plus en rap­port à la digni­té humaine et les pré­ceptes divins ».

Fin prochaine du sport : éduquer, développer, fortifier le corps

Quoi qu’on en dise la fin pro­chaine immé­diate du sport c’est le corps humain, mais comme le rap­pelle Pie XII, ce corps et ce sport ne doivent pas être une fin en soi.

Il ne s’a­git pas de tom­ber dans le maté­ria­lisme qui rend un culte ido­lâ­trique à tout ce qui est maté­riel ; mais d’a­près la concep­tion chré­tienne, « le Seigneur a fait du corps humain son chef d’œuvre dans l’ordre de la créa­tion visible ». Et le pro­grès de la vraie science bio­lo­gique rend compte à tout esprit, dans la mesure où un par­ti pris athée ne fausse pas son juge­ment, de l’har­mo­nie et de la beau­té que la nature a don­nées au corps humain.

D’être ain­si le chef d’œuvre de la créa­tion visible donne au corps humain une cer­taine digni­té, que nous mani­fes­tons dans les der­niers hom­mages ren­dus aux corps des défunts. Cependant, l’Eglise rap­pelle que ce corps maté­riel a été créé pour être l’ins­tru­ment de l’âme spi­ri­tuelle dans la nature humaine, et qu’ain­si, il est éle­vé à une digni­té plus grande (l’ins­tru­ment par le fait qu’il est mû par l’agent, est en quelque sorte éle­vé à la digni­té de l’agent). Et fina­le­ment, Dieu venant habi­ter dans l’âme des justes, saint Paul rap­pelle que le corps appar­tient à Dieu : « Ne savez-​vous pas que vos membres sont le temple de l’Esprit, qui est en vous, qui vous a été don­né par Dieu, et que vous ne vous appar­te­nez pas … ? Glorifiez et por­tez Dieu dans votre corps ».

Il nous faut donc res­pec­ter le corps selon ce prin­cipe émis par Pie XII, repre­nant toute la tra­di­tion chré­tienne : « soin du corps, accrois­se­ment de vigueur du corps, oui ; divi­ni­sa­tion du corps, non”.

Le sport par­ti­cipe à cet accrois­se­ment de vigueur du corps, à son déve­lop­pe­ment har­mo­nieux. Mais, une véri­té impor­tante, celle du péché ori­gi­nel, doit bien sûr être prise en consi­dé­ra­tion, de peur de tom­ber dans le piège de l’an­gé­lisme : le corps en effet, n’est plus, depuis le péché ori­gi­nel, subor­don­né à la rai­son. Et il faut en tenir compte dans l’u­sage du sport ou des sports, qui doivent alors assu­rer une fonc­tion d’é­du­ca­tion du corps : « De même qu’il y a une gym­nas­tique et un sport qui, par leur aus­té­ri­té, concourent à réfré­ner les ins­tincts, ain­si il existe d’autres formes de sport qui les réveillent, soit par la force vio­lente, soit par les séduc­tions de la sensualité”.

Fin plus éloignée : préparer le corps pour l’usage qu’en a l’âme

Éduquer le corps, per­mettre le déve­lop­pe­ment har­mo­nieux de ses éner­gies, telle est le but immé­diat du corps. Mais ce point de vue uni­que­ment méca­niste n’est pas suf­fi­sant pour rendre compte de façon satis­fai­sante de la fin de l’ac­ti­vi­té spor­tive. En effet « C’est l’es­prit qui vivi­fie, la chair ne sert de rien”. Aussi, à quoi servirait-​il de for­ti­fier le corps, de déve­lop­per ses éner­gies, son har­mo­nie, si cela n’é­tait pas au ser­vice de quelque chose de plus noble et de plus durable : de l’âme ? Le corps doit être au ser­vice de l’âme, il doit être son ins­tru­ment le plus docile pos­sible dans toutes ses acti­vi­tés et donc aus­si dans le sport. « Dans le sport […], l’élé­ment prin­ci­pal, domi­nant, est l’es­prit, l’âme ; non l’ins­tru­ment, le corps ». Pie XII donne alors trois exi­gences d’ordre reli­gieux et moral :

« que l’élé­ment fon­da­men­tal dans l’ap­pré­cia­tion d’un sport et de la qua­li­té d’un spor­tif repose sur cette hié­rar­chie des valeurs, de telle sorte que la plus grande louange n’aille pas à celui qui pos­sède les muscles les plus forts et les plus agiles, mais à celui qui fait preuve aus­si d’une capa­ci­té plus rapide de les sou­mettre à la maî­trise de l’esprit ».

« qu’en cas de conflit, on ne sacri­fie jamais le bien de l’âme au pro­fit et à l’a­van­tage du corps. En par­ti­cu­lier, Pie XII met­tait en relief que « le suc­cès n’était pas tou­jours une garan­tie de rec­ti­tude morale, et que l’ac­ti­vi­té spor­tive ne devait jamais être un obs­tacle à la véri­té, à la jus­tice, à l’é­qui­té et à la pudeur ».

« que le sport ne prenne pas une place dis­pro­por­tion­née dans l’en­semble des acti­vi­tés humaines. À un autre endroit, Pie XII rap­pelle en effet que » le sport ne devrait pas com­pro­mettre l’in­ti­mi­té entre époux, ni les saines joies de la vie de famille. […] Le même prin­cipe vaut, à plus forte rai­son et avec une encore plus grande impor­tance, lors­qu’il s’a­git des devoirs reli­gieux. Dans la jour­née du dimanche : à Dieu la pre­mière place ».

Bien com­prise, cette fin plus éloi­gnée du sport est une mise en pra­tique de la parole de l’Apôtre des gen­tils : « Je châ­tie mon corps et le réduis en ser­vi­tude ». Le sport, et encore plus toute la pré­pa­ra­tion à l’ac­ti­vi­té spor­tive, néces­site une dis­ci­pline sou­vent exi­geante voire dras­tique et dra­co­nienne. Le spor­tif se per­met sou­vent un effort conti­nu de tem­pé­rance et de péni­tence en vue d’un bien éphé­mère, de façon plus sévère que ne le ferait un catho­lique pour un bien immuable, le salut de son âme. Si ce dés­équi­libre existe trop sou­vent mal­heu­reu­se­ment, cela n’en­lève pas que le sport soit un anti­dote effi­cace contre la mol­lesse, en par­ti­cu­lier par l’ac­cou­tu­mance à la fatigue, par la résis­tance à la dou­leur qu’il réclame.

Mais dans cette fin du sport qui consiste à faire du corps un meilleur ins­tru­ment au ser­vice de l’âme, il s’a­git de ne pas omettre ce que Pie XII appelle son objet propre : le délas­se­ment en vue du devoir d’é­tat. « Si un exer­cice spor­tif réus­sit à vous être une récréa­tion, un sti­mu­lant pour rem­plir har­di­ment et avec ardeur vos devoirs d’é­tude ou de tra­vail, on peut dire qu’il se révèle dans sa vraie signi­fi­ca­tion et sa vraie valeur, qu’il réa­lise heu­reu­se­ment son objet propre ». De fait si nous nous remet­tons à la défi­ni­tion nomi­nale du mot sport, nous décou­vrons qu’il pro­vient du mot anglais de sport qui signi­fie « amu­se­ment », « délassement ».

Le sport, tout en res­tant un délas­se­ment ou plu­tôt parce qu’il est un délas­se­ment, per­met donc ain­si de fati­guer sai­ne­ment le corps, d’af­fi­ner les sens pour les rendre des ins­tru­ments plus effi­caces pour les facul­tés intel­lec­tuelles (puisque toute connais­sance nous vient des sens) ; la péné­tra­tion intel­lec­tuelle s’en trouve accrue.

Fin encore plus profonde : contribuer à la perfection de la personne

Si dans la pré­pa­ra­tion du corps pour l’âme, le sport a plu­tôt un rôle ascé­tique, Pie XII rap­pelle qu’il pos­sède une fin encore plus impor­tante : contri­buer à la per­fec­tion de toute la per­sonne humaine. Cela consiste à dire que le sport est une école de ver­tus, puisque l’homme accom­plit sa per­fec­tion par les ver­tus qui sont des habi­tudes de bien agir. « Le sport conve­na­ble­ment diri­gé, déve­loppe le carac­tère, rend l’homme cou­ra­geux, le fait géné­reux dans la défaite et aimable dans la victoire ».

« D’une façon posi­tive, l’é­du­ca­tion spor­tive vise­ra à déve­lop­per les facul­tés de l’in­tel­li­gence et de la volon­té, spé­cia­le­ment dans les com­pé­ti­tions : la pre­mière en for­mant les jeunes à la réflexion, au rai­son­ne­ment, à l’é­co­no­mie pré­voyante des forces, à l’in­tui­tion du com­por­te­ment tac­tique des adver­saires pour savoir sai­sir le moment pré­cis de l’en­ga­ge­ment de ses propres réserves d’éner­gie et d’a­dresse. Plus dif­fi­cile est l’é­du­ca­tion de la volon­té, dont la force (comme ver­tu – ndlr), dans le sport de com­pé­ti­tion, est, peut-​on dire, l’élé­ment déter­mi­nant du suc­cès, en même temps qu’elle consti­tue pour le jeune le gain le plus notable pour sa vie d’homme et de chrétien ».

« L’éducation spor­tive veut, en outre for­mer les jeunes aux ver­tus propres à cette acti­vi­té. Celles-​ci sont, entre autres,
La loyau­té qui défend de recou­rir aux sub­ter­fuges
La doci­li­té et l’o­béis­sance aux sages pres­crip­tions de celui qui dirige un exer­cice d’é­quipe
L’esprit de renon­ce­ment quand il s’a­git de res­ter dans l’ombre pour l’a­van­tage de ses propres cou­leurs
La fidé­li­té aux enga­ge­ments
La modes­tie dans les triomphes
La géné­ro­si­té pour les vain­cus
La séré­ni­té dans la mau­vaise for­tune
La patience vis-​à-​vis d’un public pas tou­jours modé­ré
La jus­tice quand le sport de com­pé­ti­tion est lié à des accords finan­ciers libre­ment sous­crits et en géné­ral la chas­te­té et la tempérance. »

Tout cela contri­bue à la per­fec­tion de toute la per­sonne humaine. Mais si nous nous arrê­tions à ce niveau, nous res­te­rions encore au plan natu­rel ; le sport, indi­rec­te­ment certes, mais non moins réel­le­ment, est ordon­né à la fin suprême de l’homme : l’u­nion à Dieu.

Fin suprême : comme toute activité humaine, rapprocher l’homme de Dieu

Comment le sport peut-​il rap­pro­cher l’homme de Dieu ?

Tout d’a­bord, en for­mant les jeunes à des ver­tus natu­relles qui lui sont propres, le sport faci­lite l’acte des ver­tus sur­na­tu­relles, en enle­vant des obs­tacles à la mise en action de ces ver­tus sur­na­tu­relles. « Le sport, lors­qu’il est envi­sa­gé chré­tien­ne­ment, est en lui-​même une école effi­cace pour cette grande épreuve qu’est la vie ter­restre, dont les buts sont la per­fec­tion de l’âme, la récom­pense de la béa­ti­tude, la gloire incor­rup­tible des saints ».

« L’homme de fer ». Le cham­pion cycliste ita­lien Gino Bartali fai­sait par­tie d’un réseau de résis­tance de la région de Pise (Toscane, centre) qui a sau­vé plus de 800 juifs de la dépor­ta­tion en 1943 et 1944, selon les recherches d’his­to­riens publiées par le Corriere délia Sera. A l’é­poque, Bartali était déjà un cham­pion très connu puis­qu’il avait rem­por­té le Tour de France en 1938. Il sillon­nait les routes de Toscane pour s’en­traî­ner et était l’un des fac­teurs de ce réseau, mon­té par un comp­table juif de Pise, Giorgio Nissim, auquel appar­te­naient de nom­breux prêtres et des reli­gieuses… Lors de ses entraî­ne­ments, Bartali trans­por­tait, en les dis­si­mu­lant dans son vélo, des pho­tos et des docu­ments qui ser­vaient à fabri­quer de faux papiers d’i­den­ti­té. Il les dépo­sait dans des cou­vents de la région de Lucques, Pise et Florence, dis­po­sant d’une typo­gra­phie clan­des­tine, et qui cachaient éga­le­ment des juifs en dan­ger, en par­ti­cu­lier des enfants. « Mon père était un catho­lique enga­gé. Il ne nous a pra­ti­que­ment jamais par­lé de ce qu’il avait fait pen­dant la guerre. Il disait sim­ple­ment : « ces choses-​là dans la vie, on les fait et c’est tout » » a décla­ré Andrea Bartali au Corriere. (Dep. AFP)

Et puis, il ne faut pas oublier non plus l’exemple fort à pro­pos que peut don­ner le spor­tif catho­lique : le sport prend de plus en plus de place dans la socié­té moderne, de façon désor­don­née certes, mais c’est un fait incon­tour­nable : le spor­tif, régu­liè­re­ment sous les feux de la rampe, devient de plus en plus le nou­veau héros, la « star » à laquelle la jeu­nesse veut res­sem­bler. Son influence peut être alors consi­dé­rable. Pie XII le rap­pe­lait à l’é­poque où le milieu spor­tif était plus sain : « l’exemple de vos cham­pions dans l’exer­cice du sport est déjà par soi-​même, selon l’i­dée catho­lique éclai­rante et sal­va­trice, un fruc­tueux apos­to­lat ». Le Pape, par ces paroles, devait sans doute pen­ser au vain­queur du tour de France de cette année-​là, Gino Bartali. « Il était ido­lâ­tré, dira l’un de ses com­pa­gnons, véné­ré comme jamais qui que ce soit n’a pu l’être, en Italie. Celui qui n’a jamais vu les gens se jeter sur la route pour l’embrasser, là où Gino Bartali pas­sait en vélo, ne peut com­prendre. Les Italiens qui sont exces­sifs et pos­ses­sifs en avaient fait leur porte-​drapeau natio­nal. Il était l’a­mi per­son­nel du pape Pie XII. Ce n’est pas pour rien qu’il fut sur­nom­mé « Gino le pieux », dans une Italie catho­lique à l’é­poque. Même les hommes poli­tiques fai­saient appel à lui pour résoudre des crises d’é­tat, c’est dire. Ceci dit Gino Bartali en rem­por­tant deux tours de France à dix ans d’in­ter­valle, de 1938 à 1948, était deve­nu légen­daire dans l’o­pi­nion publique. »

S’adressant aux spor­tifs catho­liques, Pie XII les exhor­te­ra à être le « levain du chris­tia­nisme, dans les stades, sur les routes, à la mon­tagne, à la mer, par­tout où se dresse avec hon­neur votre étendard” .

Conclusion : la notion catholique du sport, c’est la culture physique ordonnée

Pie XII, rap­pe­lant la hié­rar­chie qui doit exis­ter dans les objec­tifs assi­gnés au sport, posait les jalons pour une acti­vi­té spor­tive plei­ne­ment catho­lique. Celle-​ci doit demeu­rer à la fois moyen de délas­se­ment et ins­tru­ment fort utile pour dis­ci­pli­ner le corps et le rendre plus à même de secon­der l’ac­ti­vi­té de l’âme au lieu de lui être un obstacle.

Mais nous consta­tons que, comme pour beau­coup d’autres acti­vi­tés per­ver­ties par un esprit maté­ria­liste, orgueilleux, oublieux de son Créateur et de l’ordre qu’il a ins­ti­tué dans sa créa­tion, le sport est très sou­vent et pour de nom­breux adeptes, un dan­ger trop effi­cace à la vie sur­na­tu­relle comme il est aus­si un obs­tacle aux seuls biens naturels.

Nombreux sont ceux en effet qui en font pra­ti­que­ment le but de leur vie ou bien qui l’u­ti­lisent pour des fins mora­le­ment dévoyées : orgueil dis­cer­nable dans un sou­ci exces­sif de rem­por­ter des palmes éphé­mères ou culte du corps tota­le­ment dénaturé.

« Du pain et des jeux » criaient les citoyens de la Rome déca­dente, dit-​on : l’homme moderne, qu’il soit acteur (spor­tif) ou spec­ta­teur, n’ex­prime rien de bien dif­fé­rent, en dépen­sant son temps, son argent, ses forces pour des choses deve­nues futiles et dan­ge­reuses pour l’âme, car en dehors de l’ordre.

La conclu­sion ? C’est encore Pie XII qui nous la four­nit : « L’Église assu­ré­ment approuve la culture phy­sique quand elle est ordon­née, et elle sera ordon­née si elle ne vise pas au culte du corps, quand elle sert à le for­ti­fier et non à gas­piller ses éner­gies ; quand elle est un délas­se­ment spi­ri­tuel et non une cause d’af­fai­blis­se­ment et de vul­ga­ri­té pour l’es­prit, quand elle est un nou­veau sti­mu­lant pour l’é­tude et le tra­vail pro­fes­sion­nel, enfin quand elle ne mène pas à l’a­ban­don ni à la négli­gence de cette tâche, non plus qu’à la per­tur­ba­tion de la paix qui doit régner dans le sanc­tuaire du foyer. »

Source : Cahiers Saint Raphaël n°72 de sep­tembre 2003.

Cahiers Saint Raphaël

Association catholique des infirmières, médecins et professionnels de santé