« Nous le pousserons au schisme ! »

Anonyme, Portrait de Maximilien de Robespierre (1758-1794), homme politique. 1758. Huile sur toile. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.

Comme la Révolution, le post-​Concile redé­fi­nit le bon citoyen de l’Eglise.

Dans un témoi­gnage publié en 2009, peu avant sa mort, Mgr Jacques Masson [1] (1937–2010) rap­por­tait que son évêque, Mgr Jacques Ménager, furieux de sa col­la­bo­ra­tion à l’œuvre de Mgr Lefebvre, s’était écrié lors d’un entre­tien hou­leux avec lui en 1971 : « Mgr Lefebvre est un inté­griste, il a tout fait pour sabo­ter le Concile. Il dit qu’il est fidèle au pape, mais il déso­béit à Paul VI : il refuse de célé­brer la nou­velle messe. Eh bien ! On ver­ra jusqu’où ira sa fidé­li­té au pape : nous ferons inter­dire la messe de saint Pie V par le pape Paul VI : ou bien il obéi­ra au pape en disant la nou­velle messe, ou bien nous le pous­se­rons au schisme [2] ! »

Mgr Ménager fut évêque auxi­liaire de Versailles, évêque de Meaux, puis arche­vêque de Reims, pré­sident de la Commission fran­çaise « Justice et paix » (!) de l’épiscopat fran­çais à sa créa­tion en 1967.
L’anecdote a le mérite de mon­trer que, plus on prêche l’ouverture et le dia­logue, plus on ouvre les hostilités.

Elle illustre sur­tout la ten­dance du post-​Concile à redé­fi­nir le bon catho­lique comme celui qui est dans la ligne du pro­gres­sisme révo­lu­tion­naire, comme les théo­ri­ciens de la Révolution de 1789 redé­fi­nis­saient le citoyen[3]. Ainsi Mgr Daniel Pézeril, évêque auxi­liaire de Paris, avait trou­vé le moyen de dire en face au Professeur Jérôme Lejeune, venu deman­der un sou­tien des évêques à son com­bat contre l’avortement, qu’il était un « mau­vais chré­tien ». Au sujet de la messe tra­di­tion­nelle, le fameux pro­fes­seur Andrea Grillo s’est illus­tré récem­ment en affir­mant que « Ceux que vous appe­lez ‘tra­di­tio­na­listes fidèles à Rome’ sont en réa­li­té des per­sonnes qui, pour diverses rai­sons, sont en rup­ture avec Rome, et non dans une rela­tion de fidé­li­té [4]. » 

Cette exclu­sion du champ des citoyens offi­ciels de l’Eglise ne se pré­oc­cupe pas de la léga­li­té. On aura remar­qué la contra­dic­tion de Mgr Ménager qui accuse Mgr Lefebvre de « déso­béir à Paul VI » parce qu’il ne célèbre pas la nou­velle messe, avant de s’aviser qu’il fau­dra la faire inter­dire… ce qui sup­pose qu’elle est auto­ri­sée. Elle se pré­oc­cupe encore moins du but de l’Eglise, à savoir la foi qui sauve et qui s’exprime dans la pré­di­ca­tion de la doc­trine révé­lée et dans le culte litur­gique vrai et digne. Se pré­oc­cu­per des accu­sa­tions de schisme por­tées par les « patriotes » de la nou­velle messe serait don­ner trop de cré­dit au scan­dale pha­ri­saïque [5].

Notes de bas de page
  1. Mgr Jacques Masson (1937–2010) avait été le pre­mier direc­teur du Séminaire d’Ecône, avant de se déso­li­da­ri­ser de la Fraternité en 1974 en regret­tant un dur­cis­se­ment de ton à l’égard de Rome.[]
  2. Le témoi­gnage com­plet (14 par­ties) de Mgr Masson est encore dis­po­nible sur ce site. []
  3. Cf. par exemple Philippe Pichot-​Bravard, La Révolution fran­çaise, Via Romana, 2015.[]
  4. https://​blog​.mes​sain​la​ti​no​.it/​2​0​2​4​/​0​6​/​i​n​t​e​r​v​i​e​w​-​w​i​t​h​-​p​r​o​f​-​a​n​d​r​e​a​-​g​r​i​l​l​o​-​o​n​.​h​tml []
  5. IIa IIae q.43 a.7. []