Dans le numéro 43 d’Apostol, bulletin du District d’Asie, l’abbé Karl Stehlin [Photo ci-dessus lors d’une messe en Indonésie], Supérieur du District, révèle dans l’éditorial ce qu’il appelle « l’apostolat caché » [« Our unknown apostolate »]: le travail de nos missionnaires dans les pays éloignés où la persécution sévit encore.
Voici son récit :
« Je voudrais vous parler et vous demander des prières particulières pour notre apostolat dans les pays dont nous ne pouvons publiquement faire état. Dans l’immense Asie, il existe encore des pays où la religion chrétienne n’est pas la bienvenue (pour ne pas dire plus), et l’Asie s’étend de la péninsule arabique aux Philippines et au Japon. Je pense que cela vous intéresserait de découvrir une forme nouvelle, et jusque-là quasiment inconnue, de notre œuvre missionnaire. Comprenant que nous devons rester extrêmement discrets, à la fois pour notre apostolat et pour la sécurité des fidèles, vous nous pardonnerez de ne pas vous révéler les lieux et les noms.
Pour commencer, comment un peuple, dans un pays où il n’y a pas de tradition catholique ni même d’église catholique officiellement établie et reconnue, est arrivé à entendre parler de nous ? À de rares exceptions, la seule voie d’information est Internet. Un jeune étudiant en université découvre la beauté du chant grégorien ; voulant en savoir plus, il lance une recherche et clique sur le tout premier lien apparaissant à l’écran : c’était un site de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Grâce à ce contact, déjà, il y a plusieurs années, mon prédécesseur, le révérend père Daniel Couture, découvrit de façon inattendue tout un groupe intéressé par la foi traditionnelle.
En fait, chaque semaine nous recevons des demandes provenant de différents endroits : la plupart du temps il s’agit de personnes éduquées, à l’aise avec les technologies modernes et les possibilités qu’offre Internet. Sans cela, elles n’auraient pu s’affranchir de la censure officielle qui bloque tous les sites spécifiques religieux. Leurs questions sont variées mais leurs demandes couvrent l’ensemble du champ de l’apologétique : l’existence de Dieu, la religion vraie, la révélation divine, la personne et les miracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la doctrine catholique des sacrements, les différences entre les religions chrétiennes, l’enseignement moral de l’Église, etc.
Pour commencer, nous nous rendions dans ces endroits une fois tous les 3–4 mois, avec toujours le même programme à N. : rencontre le samedi à 9 heures d’un groupe de 10 à 20 personnes, jeunes pour la plupart. La réunion souvent finissait à minuit : 2 à 3 conférences sur un thème demandé, précédées de prières en commun, répétition de chants, confessions, entraînement des garçons au service de l’autel, sainte messe, questions et réponses. Le dernier point est le plus long et le plus passionnant : chacun peut poser des questions. Quelques-uns ont même celui qu’ils surnomment « l’homme-des- questions ». La plus longue séance dura environ 4 heures.
Je me souviens du premier exercice pratique de servants de messe pour deux jeunes garçons. Je dis alors aux autres fidèles qu’ils avaient une demi-heure de pause. À ma grande surprise, tous vinrent de la salle de conférence vers l’autel temporaire, avec les appareils photo de leurs téléphones mobiles, hommes et femmes. Chaque explication les passionnait : comment faire la génuflexion, comment tenir ses mains, déplacer le missel, servir l’eau et le vin, faire tinter la clochette, etc. Ce simple exemple montre le grand intérêt qu’ils portent à la sainte liturgie qu’ils désirent apprendre et connaître.
À chaque nouvelle visite, je me rends compte que chacun d’eux devient de plus en familier avec les textes et les cérémonies de la sainte messe. Ceci n’est possible que s’ils étudient et méditent la messe chez eux.
Le chant grégorien est une autre approche : on pourra objecter que cette façon de chanter est très différente de la leur, et complètement inconnue d’eux. Cependant, c’est en général dans ce domaine que j’entends des commentaires du genre « ambiance de paradis », « chant sacré », « une musique qui met en paix, rend libre, ouvre au monde surnaturel, etc. » De ce fait, depuis nos toutes premières visites pastorales, les prêtres ont régulièrement célébré une messe chantée avec encens et chant grégorien tout du long, de l’introït à l’ite missa est.
Autre phénomène intéressant : la confession. Dès le début, chacun a choisi de passer par l’interprète, et n’a pas eu de difficulté à confesser ses péchés et de faire une confession générale traduite par un camarade catholique. Lorsque le prêtre incite à utiliser la feuille de confession (sur laquelle est inscrite la liste des péchés dans la langue locale et en anglais), la plupart objectent : ils ont besoin d’expliquer au prêtre en quoi consiste leur problème.
Je terminerai pas quelques anecdotes : une de nos fidèles attendait son second enfant. Soudain survient une difficulté : la vie du bébé est en danger et, d’après le médecin, elle doit avorter. Avec son mari et ses parents, elle promet de réciter 1.000 chapelets pour un accouchement heureux et la santé de l’enfant. Malgré les prévisions du médecin, le bébé, né sans complication, est un garçon en parfaite santé que j’ai eu le privilège de baptiser.
Un jour, un étudiant de 22 ans que je voyais pour la première fois, me demanda s’il pouvait servir la messe. Je lui demandai s’il savait faire. Il répondit : »Ce n’est pas encore parfait, mais je ferai de mon mieux. » En fait, il n’avait jamais servi la messe traditionnelle auparavant, et avait assisté la première fois à la sainte messe un mois plus tôt (avec un autre prêtre de la FSSPX). J’agréai mais pensai en moimême : cela va être une drôle de messe ! Je n’en crus pas mes yeux : le jeune homme servit la messe avec une telle perfection qu’un séminariste aurait difficilement fait mieux. Il avait simplement filmé la messe puis appris comment la servir !
De toute évidence, une des façons les plus efficaces de propager et de conserver la vraie foi est la bonne littérature catholique qui est, de fait, non disponible. Du coup, ces fidèles sont toujours très appliqués à transcrire tout ce qu’ils reçoivent du prêtre : catéchisme, sermons et même exhortations spirituelles durant la confession.
Un important apostolat consiste à traduire dans leur langage la littérature principale catholique et traditionnelle, un immense effort pour ceux qui connaissent bien une langue étrangère – et il y en a peu : « C’est ma participation ! Je n’ai pas d’argent, mais chaque jour je passe une heure à traduire les textes que j’ai reçus pour permettre à mon peuple de mieux connaître la sainte tradition ! »
Prêcher ici les »exercices spirituels de saint Ignace » eut pour résultat un immense approfondissement de la foi et de la ferveur ; 4 des 11 participants envisagent une vocation.
Ce dernier fait est le plus remarquable : ils connaissent parfaitement les immenses difficultés et les dangers qu’il y a à suivre l’appel de Notre-Seigneur. Pourtant, aucun d’eux ne montra la moindre hésitation : si c’est la volonté de Dieu, la divine Providence « rendra même l’impossible, possible ».
Puis-je vous demander, chers Amis et Bienfaiteurs, de prier tout particulièrement pour l’accroissement de l’apostolat dans ce pays où, presque à chaque fois, invités à visiter de nouveaux endroits, partout nous trouvons des âmes réclamant le « pain de vérité » ? Et priez aussi pour qu’il y ait davantage d” »ouvriers dans la vigne de Notre-Seigneur ».
Enfin, veuillez penser à nous, vos missionnaires, oeuvrant dans des conditions difficiles et parfois dangereuses : ce n’est que grâce à votre générosité que nous pouvons visiter de tels endroits. Merci infiniment et soyez bénis. Abbé Karl Stehlin, Supérieur du District. »
Sources : Lettre n° 26 de « Missions » d’octobre 2017 /Apostol n° 43 du District d’Asie /La Porte Latine du 21 octobre 2017
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